Antoine PALLIER1924 - 1988
- Statut : Prêtre
- Identifiant : 3840
Identité
Naissance
Décès
Autres informations
Missions
- Pays :
- Chine
- Région missionnaire :
- 1949 - 1952 (Guangzhou [Canton])
- Pays :
- Malaisie - Singapour
- Région missionnaire :
- 1952 - 1988 (Malacca)
Biographie
[3840] Antoine, Marie PALLIER a été missionnaire en R.P. de Chine, et a occupé divers postes en Malaisie. La maladie l’oblige à se retirer en France et s’éteindre à en 1988.
Il naît le 3 janvier 1924 à Tréglonou, au diocèse de Quimper (Finistère). Il fait ses études primaires au village, ses études secondaires d'abord à Hourtin (Gironde) où son père était officier marinier, puis à Lesneven. Il suit une année de philosophie au grand séminaire de Quimper et entre au Séminaire des Missions Étrangères le 17 novembre1944. Ordonné prêtre le 29 juin 1948, tout comme son ami Jean Kermarrec, il est, avec lui, destiné à la mission de Canton mais tous deux sont d'abord envoyés au Petit Séminaire de Ménil-Flin (1948-1949).
R.P. de Chine (1949-1942)
Ils partent le 2 septembre pour Beihai (Pakhoi), point de chute pour l'étude de la langue avant de rejoindre Canton. Mais ce sera bien vite le régime des arrêts à la cathédrale avec le P. Cotto. Ils en auront pour trois ans. Ils sortent de Chine le 21 décembre 1952.
Malaisie (1952-1988)
Antoine Pallier est nommé à Malacca. Après un stage d'anglais à Butterworth, il commence son ministère à Seremban de fin 1953 à la mi-1956. D'août 1956 à mars 1958, il est à Kuala Trengganu. Il se met pour huit mois à l'étude du Hokkien à l'école des langues de Kuala Lumpur.
Mais c'est à Seremban qu'il est nommé curé. Il y reste de novembre 1958 à février 1966, avec un congé en France courant 1959. Il s'intéresse beaucoup aux jeunes et se trouve aumônier diocésain de la JEC tout en essayant de promouvoir les enseignements de Vatican II est présent dans la pastorale quotidienne. Et puis c’est la JOC, dont il devient l'aumônier national. En congé de novembre 1967 à août 1968, il reste ensuite pour quelque temps à la cathédrale.
En février 1969, il est nommé au grand séminaire de Penang. Il y reste jusqu'à son congé de 1974. Il est alors nommé à Holy Redeemer, près de Klang (avril 1975). En janvier 1977, il devient aumônier de Boy's Town à Batu Tiga. Mais déjà la maladie le guette, et pourtant, de vice-régional qu'il est déjà, il est aussi élu le 2 mai 1978 supérieur régional. Il est élu président de la Conférence des Supérieurs religieux de Malaisie-Singapour.
Mais la maladie va interrompre tout cela. Rentré en Malaisie après un long congé passé à Lauris, en octobre 1985, il devra, quelques mois plus tard (février 1986) être hospitalisé. Grâce à une amélioration sensible, on décide de son retour définitif en France, à Lauris, où il va mourir d'un accident vasculaire, le 4 janvier 1988. Ses funérailles sont présidées le 7 janvier par le P. Raymond Rossignol, vicaire général de la Société.
Nécrologie
Le Père Antoine PALLIER
Missionnaire à PAKHOI et en MALAISIE
1924 - 1988
PALLIER Antoine
Né le 3 janvier 1924, à Tréglonou, diocèse de Quimper, Finistère
Entré aux Missions Étrangères le 17 novembre 1944
Prêtre le 29 juin 1948 — Destination pour Pakhoi (Chine)
Expulsé de Chine en 1952 — Réaffecté à Malacca
Décédé à Lauris le 4 janvier 1988
« Il faisait bien partout »
Ainsi l’ont décrit ses confrères de Kuala Lumpur quand je leur demandai quel était le trait le plus remarquable chez Antoine.
« Je le revois avec ses épaules tombantes, la voix plus grave qu’on ne l’attendait, une belle crinière grise qui avait tourné au blanc sur la fin, l’air un peu distrait, une belle intelligence dont il savait se servir. »
Curé de paroisse multiraciale, fondateur de poste (Kuala Trengganu), aumônier de jeunes travailleurs, d’étudiants, professeur de grand séminaire, supérieur régional, aumônier d’école industrielle ou de colonie de lépreux, il fut partout l’homme qu’il fallait, il entrait dans les familles et devenait leur ami. Faisant confiance aux gens, il les guidait à former des communautés, avec persévérance et délicatesse. Pour lui, les personnes comptaient plus que les organisations. Dans toute la vérité du terme : un pasteur.
Bretagne
Antoine Pallier naquit le 3 janvier 1924 à Tréglonou, Finistère, sur les bords de l’Aber Benoît, de parents profondément chrétiens qui le firent baptiser le lendemain de sa naissance. Études à l’école communale du village, qu’il termine à 11 ans, « brillamment reçu au certificat d’études ». Son père, sous-officier de marine, sera muté en Gironde à Hourtin, en 1933. Là Antoine, enfant de chœur, est profondément marqué par le prêtre de la paroisse, avec qui il fait de longues promenades dans les Landes. Rentré en Bretagne au bout de deux ans, il passe en secondaire au collège de Lesneven, jusqu’au baccalauréat. Les vacances le ramènent à Tréglonou ; il canote sur l’Aber, pêche poissons et coquillages : toute sa vie il aimera la mer.
Un an de philosophie au séminaire de Quimper et, en octobre 1944, il écrit à la rue du Bac : « Après avoir longuement réfléchi et consulté à plusieurs reprises mon directeur spirituel, je crois reconnaître que le Bon Dieu m’appelle aux missions. Grâce à des amis que j’ai déjà chez vous j’ai pu étudier quelque peu votre Société et c’est à elle que j’ai donné la préférence ». Le supérieur du grand séminaire fournit sur lui d’excellents renseignements, le disant « pieux, régulier et laborieux » — à noter qu’il a un « bien » pour son étude du breton. Il entre en première année de théologie à Paris, le 17 novembre 1944.
Paris, le séminaire
À l’époque, la rue du Bac abritait un nombre record d’aspirants. C’était le temps des cochambristes, en attendant la réouverture de Bièvres. Et les Bretons étaient nombreux dans la communauté ! Deux semblaient inséparables. Après plus de quarante ans un confrère disait récemment : « Pour moi, Antoine Pallier et Jean Kermarrec ça ne fait qu’un ». Et depuis la Nouvelle-Calédonie, aujourd’hui le second se souvient : « Le P. Dedeban imprégnait le séminaire de la doctrine dynamique de la Pentecôte, avec un autre thème qui lui est aussi très cher : le retour du Seigneur. C’est ce point de vue-là qui saisit Antoine tout entier et qui le ramènera toujours à l’essentiel. À son tour, lui aussi pourrait faire toute une théologie sur le seul thème de Maranatha. En attaquant l’étude du chinois, il me dit un jour : « il faut lire la Bible comme les Chinois : en commençant par la fin. C’est la fin qui éclaire tout et dirige tout. Le dernier cri de l’Apocalypse : “ Viens, Seigneur Jésus” illumine les premières phrases de la Genèse “Au commencement Dieu créa le ciel et la terre” » .
Le 29 juin 1948, Antoine est ordonné prêtre à la rue du Bac par Mgr Lemaire, avec Jean Kermarrec. Le soir tous les deux reçoivent la même destination, Canton, avec toutefois un bémol : ils devront enseigner pendant un an au petit séminaire de Ménil-Flin.
« Nous devons partir ensemble en Chine. Mais déjà, là-bas, ça ne va pas, dans le Nord. Pourtant, ce n’est pas le communisme qui nous retarde : les choses ne vont pas très bien dans l’Église de Canton, il vaut mieux attendre un an pour y voir clair : donc, direction Ménil-Flin. Avec le bon P. Louison c’est du gâteau. Et Antoine aime enseigner. Le dimanche il prend son vélo, se met à la disposition des curés des environs. La Meurthe-et-Moselle est un beau pays, mais ce sont les gens qui intéressent surtout Antoine. Il n’oublie jamais son cap : Canton. Il a déjà des livres chinois et il améliore son anglais. Il prend de l’avance. Il sait où il va. »
Chine, Pakhoi
« Avec le P. Jégo comme guide expérimenté, sûr et joyeux, nous partons. Octobre 1949, nous sommes en mer. À Haiphong, une jonque chinoise nous emmène vers Pakhoi, point de chute pour l’étude de la langue avant de rejoindre Canton. Les hommes du bord ont prévu des vivres pour 24 heures ; c’est largement suffisant. Normalement la baie d’Along est féerique ; ce jour-là, grande tempête. La jonque s’abrite derrière un îlot sauvage. Trois fois elle essaie de reprendre la haute mer, trois fois elle est refoulée, un peu plus craquante, un peu plus disloquée. Nous restons trois jours là, sur place. À bord, plus rien à manger, plus rien à boire. Alors un matelot chinois prend pitié de nous, fouille partout, arrive joyeux sur Antoine et lui offre une boîte de sardines : « Sardines de Bretagne, Concarneau ». Son pays le poursuit ! »
A Pakhoi, le P. Cotto dirige le diocèse, en l’absence de Mgr Deswazière, l’évêque, nommé administrateur de Canton et y résidant. Les deux jeunes logent à la procure avec le P. Thouvenin. Le P. Tun, un ancien de Penang, qui parle le français de Chapuzot, devient leur professeur de langue.
« Pendant un mois, nous jouissons de la liberté. Ensemble, en vélo, nous faisons notre première découverte de la grande et vieille Chine : les rizières, les buffles, le marché, les mendiants, les masseurs aveugles, les pirates, les temples, les arracheurs de dents, les abatteurs de chiens. » Egalement pour la première fois Antoine rencontre des lépreux. Il en est profondément marqué et passera plusieurs années en Malaisie à leur service.
Mais, continue l’ami de toujours, « le 3 décembre 1949 nous sommes sous l’ombre du géant Mao Tse Tong ». C’est alors le régime des arrêts à la cathédrale en compagnie du P. Cotto. Cela durera plus de trois ans. Beaucoup de temps pour étudier la langue ; Antoine l’utilise à plein. Il parlera bien cantonnais plus tard, prêchera dans cette langue avec aisance. Mais le régime de détention lui devient vite pesant : toujours les mêmes dans un espace restreint, sans liberté, sans aucun contact avec l’extérieur, cela use les nerfs. D’autant qu’il faut passer par des moments très pénibles.
« On nous accuse d’avoir tué 20.000 enfants depuis que la mission existe ! En fait ce sont des bébés abandonnés, manquant des soins élémentaires depuis la naissance ; ils ne sont pas viables : 4 % me dit le docteur, échappent à la mort. Les religieuses les recueillent à l’hôpital : crèche, orphelinat, intégration à la vie. On enterre ceux qui meurent dans un terrain vague qui sert de cimetière. On accuse maintenant les Sœurs de fabriquer des remèdes, de pratiquer la magie avec les yeux et le sang de ces cadavres.
Diables d’étrangers, sorcières de Sœurs ! Combien de soldats auraient fait ces enfants, combien d’ouvriers ? Vous êtes vraiment d’abominables criminels, vous méritez mille fois la mort !
Il faut au peuple une preuve palpable de nos forfaits : déterrer les os de ces petits et les exposer à la police. Alors le peuple verra et jugera. Pères et religieuses déterrent donc les enfants. Douze jours de travail et la récolte est jugée suffisante comme preuve.
Un soir, tout en maniant la pelle et la pioche, sous le regard des sentinelles, Antoine me souffle : « Je me sens fatigué, je ne dors plus, je ne mange plus. Jusqu’à quand tiendrons-nous ? — Jusqu’à ce qu’il vienne. — Oui, viens Seigneur Jésus, viens vite ! »
C’est physiquement épuisé, décalcifié et amaigri qu’Antoine arrive à Hongkong. Après quelques mois de repos, il est affecté à la Malaisie, tandis que « l’inséparable » Jean Kermarrec est envoyé au Sud-Vietnam.
Malaisie, les débuts
Connaissant bien le cantonnais, Antoine communique facilement avec la portion chinoise de ce pays multiracial qu’est la Malaisie. Mais parler anglais est essentiel. Mgr Olçomendy envoie le nouvel arrivant à Butterworth, paroisse indienne avec un curé eurasien. Là, en quelques mois, Antoine (qui est certainement doué pour les langues) en apprend assez pour pouvoir commencer le ministère à Seremban, à 50 km au sud de Kuala-Lumpur.
De fin 1953 à mi 1956 il y travaille auprès du P. Dubois, curé sage, expérimenté et plein d’humour, qui observe avec intérêt et encourage l’ardeur apostolique du jeune vicaire, tout en se posant des questions. Car Antoine suit des lignes un peu nouvelles : formation des laïcs, Légion de Marie, etc.
D’août 1956 à mars 1958, nous le trouvons à Kuala Trengganu, premier prêtre-résident de cette petite communauté chrétienne en milieu essentiellement malais. Son plus proche voisin, le P. Guittat, vit à Kuantan distant de 250 km. Or en ce temps-là, sur les nombreuses rivières de la côte est, les ponts n’existent pas, les estuaires ne se traversent qu’en ferry, à marée haute seulement ; de plus, en novembre-décembre, les inondations coupent souvent les routes pendant une à deux semaines. Aller à Kuala-Lumpur, siège du nouveau diocèse érigé en 1955, exige deux jours. Mais Antoine. est heureux, car il est vraiment « aux non-chrétiens ». Des amis de Seremban l’aident à aménager et décorer sa petite chapelle. À NoëI, il invite des Chinois non-chrétiens à une célébration faite spéciale¬ment pour eux.
Dans cette communauté chinoise de Trengganu, il découvre qu’il faudrait parler hokkien plutôt que cantonnais. Il n’hésite pas et demande à étudier ce dialecte en école de langue à Kuala-Lumpur. Au bout de huit mois, riche d’un nouvel outil pour mieux répondre aux besoins de ses gens, il s’apprête à repartir. Il ne reviendra jamais à Trengganu.
Seremban
Car, au cours du même conseil épiscoPal, il est d’abord confirmé dans son poste à Trengganu, puis nommé curé de Seremban, dans l’État de Negri Sembilan ! Un coup de téléphone, annonçant que le titulaire devait rentrer en France, avait fait changer tous les plans.
Seremban, Antoine connaît. Paroisse multiraciale d’environ 3000 fidèles : deux autres prêtres, un Chinois de Chine continentale et un Eurasien chargé de la communauté indienne dispersée dans les plantations de caoutchouc ; trois écoles catholiques, divers mouvements dont la Légion de Marie. À Seremban, de novembre 1958 à février 1966 (en 1959, congé en France) Antoine s’épanouira, aidé un temps par les PP. Moreau et Blais.
C’est l’époque où Pierre Decroocq lance la JOC, à Kuala-Lumpur, où Léon Diffon, à Klang, Invente avec les Sœurs de Saint-Maur un mouvement de l’enfance spécialement adapté à l’approche des écoliers non-chrétiens. Tout en adoptant ces deux mouvements, Antoine, lui, se trouve davantage porté vers les étudiants. À l’école normale des Dames de Saint-Maur, une jeune fille de Seremban vient de fonder un groupe de JEC. C’est la ligne dont a besoin le nouveau curé. Elle lui permet de donner vision et cohésion aux divers groupes qui émergent un peu partout en Malaisie. Sessions de formation, camps de vacances. Bientôt, il se retrouve aumônier diocésain. Il communique son enthousiasme à d’autres prêtres, à des religieux et religieuses, qui ajoutent cette dimension à l’apostolat par l’école.
Ces années-là, c’est aussi Vatican II. Il en étudie les documents, mais encore plus en assimile l’esprit. Lui qui n’est pas un orateur, donne de nombreuses causeries, claires et riches à la fois, sur les lignes de force du concile, en particulier sur l’Église dans le monde et le rôle des laïcs dans une Église qui est communion et coresponsabilité. Il sait et veut travailler en équipe. Il fait confiance et il partage. Avec P. Decroocq, E. Limat, G. Griffon et quelques autres il instille Vatican II dans la pastorale de tous les jours. Ce n’est ni facile ni toujours compris.
Bref, un temps où Antoine donne vraiment sa mesure : Seremban vit et donne vie à d’autres communautés.
Aumônier national jociste
Son travail en paroisse l’avait préparé à cette tâche. « En 1966, ayant succédé à Pierre Decroocq, Antoine se consacre à la formation de vrais responsables. Il court le pays du nord au sud, va même en Malaisie de l’Est, accompagné des permanents ou des membres de l’équipe nationale, pour affermir et guider les groupes qui avaient surgi dans beaucoup de paroisses. C’est la grande époque de la JOC en Malaisie, avec son intense programme de formation humaine et chrétienne. Beaucoup de ses anciens membres restent aujourd’hui engagés dans la vie de leur paroisse, certains y assument d’importantes responsabilités, preuve de la qualité de la formation qu’Antoine leur avait donnée. Toutefois il veut rester à fond « missionnaire », même comme aumônier. Depuis le début, la JOC en Malaisie avait attiré de nombreux non-chrétiens. Il amorce donc une réflexion sur leur présence dans les groupes, publie des plaquettes sur le sujet. Cette orientation du mouvement s’accentuera d’ailleurs au fil des années et aboutira à une situation quelque peu embarrassante, avec des non-baptisés majoritaires à la JOC. Quoi qu’il en soit des discussions théoriques, le mouvement, avec sa méthode qui part de la vie concrète des jeunes, avait fourni à Antoine l’outil privilégié de passage aux non-chrétiens. »
Au grand séminaire de Penang
Son deuxième congé ramène Antoine en France pour un an. Naturellement il observe, écoute, participe à la formation permanente. Mais le P. Griffon lui a succédé à la JOC. C’est pourquoi, à son retour, Antoine réside quelques mois à la cathédrale, lui, aussi bien que son évêque, ne sachant pas encore dans quelle direction il va aller. Il est disponible.
Coup de téléphone à 6 h du matin : la conférence épiscopale lui demande d’assurer la formation première des grands séminaristes, l’année d’initiation. Ses ministères précédents, sa connaissance toujours renouvelée de la Bible et des documents de l’Église l’ont préparé, bien qu’il n’ait jamais envisagé semblable tâche. Sans histoires, il dit oui.
Le voilà entré, en février 1969, dans une remarquable équipe de formateurs de prêtres, la dernière équipe MEP dans l’histoire du Collège, une équipe qui essaie de suivre les lignes de force du concile. Cela ne va pas tout seul, d’autant qu’on prépare alors le délicat transfert du séminaire au clergé local. Toute naissance se fait dans la douleur. Antoine retrouve là le recteur, J.-M. Bosc, qu’il avait connu à Kuala-Lumpur, les PP. Moreau et Blais, avec lui jadis à Seremban, le P. Courtot, économe vigilant et professeur de morale, dont la première mission avait été la Birmanie, les PP. J. L’Hour, spécialiste d’Écriture Sainte, et Félix-Faure, professeur de dogme, tous deux parlant fort bien malais, enfin J. Dantonel, philosophe et liturgiste. Avec, d’année en année, un nombre croissant de prêtres locaux, tant de Thaïlande que de Malaisie-Singapour. Le nombre d’élèves gravite autour de cent.
Notre confrère se fait apprécier pour son enseignement, son expérience pastorale, la manière dont il écoute et fait confiance, la formation qu’il donne, sa sûreté de jugement. « Jetant un coup d’œil à ses cahiers, ainsi écrit le P. Voile, je relis ses commentaires sur les séminaristes envoyés en stage pastoral. Une page pour chacun, les mots qui reviennent le plus souvent sont, par exemple “a bien su voir la situation autour de lui..., a des idées claires sur ce que doit être son ministère de prêtre...” — c’était un compliment — ou bien au contraire : “ne sait pas regarder,... ne montre pas d’intérêt pour ce qui se passe dans la paroisse, ni pour les gens..., n’a que des idées vagues sur le ministère.” »
Penang, cela aura été pour Antoine des années heureuses, d’amitié et de joie.
Batu Tiga
Son congé en France coïncide avec la prise en charge du Collège par un corps professoral composé entièrement de prêtres locaux, tandis que la Thaïlande ouvre son séminaire national. Le nombre des séminaristes diminue sensiblement.
Retour en janvier 1975 ; en avril Antoine succède au P. Giraud à Holy Redeemer, près de Klang. Cette paroisse, à sa taille, lui plaît, mais une bizarre irritation de la gorge le fait monter se reposer à Tanah Rata. Etait-ce le premier signe de la maladie qui allait peu à peu l’abattre ? Quoi qu’il en soit, bonne occasion de creuser le chinois mandarin, avec lequel il s’était déjà familiarisé, et à côté du P. Moreau, curé de la communauté indienne, de travailler un peu parmi les Chinois du lieu.
Sa voix se rétablit. En janvier 1977, il devient aumônier de « Boys’ Town », à Batu Tiga, école industrielle dirigée par les Frères de Saint-Gabriel. Tout de suite accepté par les 200 à 250 adolescents, tous pensionnaires, qui se sentent écoutés et compris, il prouve à nouveau ses dons d’éducateur. Il sait présenter le Christ à leur niveau d’apprentis plus à l’aise avec leurs mains qu’avec les abstractions. Par ailleurs, il partage la vie des quatre Frères de la communauté et leur est très reconnaissant pour le soin dont ils l’entourent, surtout quand la santé ne va guère ou qu’il se sent déprimé. Car c’est à « Boys’ Town » que la maladie apparaîtra vraiment, se développera avec lenteur pour enfin s’établir définitivement. Mais Antoine sera toujours chez lui à Batu Tiga, l’amitié des Frères l’aura beaucoup aidé, et souvent il se reprochera de ne pouvoir faire plus pour eux. La vie plus au calme de « Boy’s Town » lui était bonne. Mais les épreuves de santé commencent à nous révéler un Antoine que nous connaissions moins : il parle plus spontanément de sa vie de prière, de sa difficulté à assumer son handicap, de l’aide que lui apporte le renouveau charismatique.
Or il ne dételle pas. Non seulement il va devenir Supérieur régional, mais, pour le moment, il collabore activement avec les prêtres du district, en plus de son aumônerie, et, apostolat de prédilection, s’occupe d’une petite colonie de lépreux voisine. Il aura pour ces pauvres un amour prioritaire, jusqu’à la fin. C’est à eux que, par testament, il laissera son calice personnel. Il lui en coûtera beaucoup de ne plus pouvoir les visiter quand la maladie l’immobilisera.
Supérieur régional
Le 2 mai 1978, Antoine Pallier prend sa fonction — ou beaucoup mieux son service — de Supérieur régional, succédant au P. Gauthier. Dans un bungalow construit pour lui sur la propriété de l’école, il aime recevoir les confrères qu’il va volontiers accueillir à l’aéroport tout proche. Sa porte est toujours ouverte et il donne à chacun tout le temps nécessaire. Il écoute, et s’il lui arrive d’interrompre, c’est pour demander une précision, donner un encouragement ou souligner une nouvelle piste.
Il reprend la route, comme du temps de la JOC, mais cette fois c’est pour les confrères. Toutes les quatre à six semaine, il fait 800 km pour simplement passer du temps auprès de son vieil ami, le P. Jégo, — celui avec qui il était parti vers la Chine — car « le Père », comme ce dernier s’appelait lui-même, appréciait beaucoup les visites. Il donne aussi du temps aux confrères de Singapour qu’il connaissait moins, ayant toujours vécu en Malaisie, il reste avec eux et apprend d’eux ce qu’est leur pays et leur Église.
« Il trouve parfois que les confrères l’oublient, note quelqu’un, lorsque tout va bien, mais réclament son action immédiate quand les rouages grippent. Cependant, il prend les gens comme ils sont et on avait plaisir à le recevoir. Il évalue avec sûreté les situations, les décisions à prendre. Il ne se vante pas, mais a conscience qu’il y voit au moins aussi clair qu’un autre et dit sans peur ce qu’il a à dire. Dans son rôle de supérieur, il est avant tout un ami attentif. »
Sa participation aux Conseils pléniers annuels apporte toujours du positif : il a réfléchi, dialogué et préparé d’avance les questions à l’ordre du jour. Son respect des autres rend le travail avec lui plaisant. On reconnaît aussi ses qualités hors du cercle des confrères MEP : bientôt il est élu président de la conférence des supérieurs religieux de Malaisie-Singapour. Dans cette fonction, il aidera l’Église locale à mieux situer le problème des réfugiés vietnamiens, qui affluent par milliers, et fera de même au niveau de l’Église universelle.
« En 1981, Antoine Pallier est magnifiquement équipé pour rendre de grands services à ses confrères, à l’Église locale, à la Mission. Il possède une bonne expérience de ministères très divers, comme supérieur il réussit. À 57 ans, il fait preuve d’une grande efficacité. C’est alors que la maladie l’atteint. » Sournoisement d’abord, puis de plein fouet.
Années de souffrance
Peu enclin d’ordinaire à se tâter, depuis quelques temps il se disait en baisse de forme, fatigué sans raison apparente, les jambes lourdes, il avait l’impression qu’à certains moments « le courant ne passait plus ». Puis cela allait mieux. Mais il s’inquiétait. Pourtant les médecins ne diagnostiquaient rien de précis, ce qui n’allégeait guère son anxiété. Y avait-il aussi un début de dépression, bien qu’Antoine n’en donnât aucun signe identifiable ? Alors quoi ? Certains jours vraiment il se traîne.
Congé en avril 1981. Sa famille et les supérieurs de Paris le trouvent réellement mal en point. Les docteurs ne trouvent toujours rien ; pourtant il décline, physiquement c’est clair, mais aussi peut-être au mental : il se répète, quelquefois n’arrive plus à fixer son attention, éprouve le besoin de se sentir entouré, de parler, sans grande cohérence.
Il prolonge son séjour en France, donne sa démission de Supérieur régional, mais veut rentrer en Malaisie où il reprend, début 1982, son ministère à l’école des Frères et à la léproserie. Mais il n’est plus le même ; il a besoin de soins, et surtout de personnes autour de lui.
Deux ans et demi, il lutte et tient malgré la santé qui se détériore. Les trous de mémoire s’étendent ; il lui arrive de mélanger anglais, français et chinois. Il ne peut plus conduire ; on devra le mener chaque dimanche à la léproserie, il le veut tout spécialement. Les docteurs ne cernent toujours pas son mal : maladie de Parkinson, dégénérescence cérébrale, dépression mentale. Les trois ensemble, peut-être ? On le bourre de médicaments qu’il oublie de prendre, ou qu’il prend en trop grande quantité. Il devient mécaniquement loquace.
En juillet 1984 il rentre en France, seul, à la grande inquiétude de ses confrères qui n’ont pu lui faire accepter un accompagnateur. Après un bref séjour en famille, pour le mariage d’un neveu, il rejoint Lauris. Il y est très entouré par les confrères de la maison, notamment G. Moreau. Grâce à une surveillance médicale attentive on réussit à doser au plus juste ses remèdes et à en éviter les effets secondaires. Trop de médicaments en avaient fait un semi-drogué !
Il va mieux, mais reste très fragile et très dépendant de son traitement. Pourtant un aller-retour éclair sans accroc, pour renouveler son permis de séjour en Malaise, lui redonne confiance, et l’amitié des confrères, qui désirent le voir revenir en mission, le réconforte.
Une fois de plus, en octobre 1985, il est de retour. Dans ses limites, il sert les paroissiens de Kepong, sans curé depuis le décès de Pierre Decroocq. Il suit la ligne de celui-ci : beaucoup d’initiative aux laïcs. Heureusement ! car, en février 1986, il faut l’hospitaliser. Accalmie au début, puis aggravation : la mémoire s’effondre, les mouvements se bloquent ; bientôt il ne peut plus marcher, toutes les fonctions musculaires, y compris celles qui commandent la parole, se désorganisent. Il lui faut maintenant quelqu’un à demeure ; on le transfère chez les Petites Sœurs des Pauvres, à Cheras dans la banlieue de Kuala-Lumpur. Il y reste très entouré par les anciens de la JOC, les paroissiens de Kepong, les lépreux. « Antoine, dit un témoin, se rend parfaitement compte de la gravité de sa maladie, mais il a la délicatesse de n’en pas parler. Si quelqu’un le visite, c’est lui qui engage — du moins quand il le peut — la conversation, toujours sur la vie de l’Église, le rôle des laïcs, les problèmes du pays. L’Église de Malaisie, il l’aime profondément, et par ses prêtres comme par ses laïcs, elle lui a maintes fois témoigné sa reconnaissance. »
Tout d’un coup une amélioration prend tout le monde par surprise. Il se meut à nouveau correctement, peut marcher sans aide. On décide le retour définitif en France, qu’Antoine accepte : les médecins d’Aix-en-Provence, qui l’avaient remis sur pied un moment, pourraient peut-être améliorer à nouveau son état ?
Deux confrères se rendant à l’Assemblée générale l’accompagnent donc à Paris. Il est temps ! Car, dès l’arrivée, il se déconnecte à nouveau ; l’immobilité le gagne, les membres ont des mouvements désordonnés, on dirait un pantin disloqué ; une ambulance l’emmène à Lauris.
Maranatha
« Le Seigneur l’avait préparé à son ministère en lui donnant trois années de captivité sous les communistes à Pakhoi. Pour le préparer au Paradis, il lui donne à la fin de sa vie trois années d’une autre sorte de captivité, celle de son corps devenu toujours plus pathétiquement encombrant. »
À Lauris, d’abord nette amélioration, mais combien de cachets doit-il avaler tous les jours ! Puis les séjours en clinique se multiplient, les moments de contrôle de ses mouvements diminuent, en durée comme en fréquence. Quand il le peut, cependant, il se promène, va acheter le journal... qu’il oublie de lire. Mais il assume sa maladie avec courage, il écrit : « Le plus difficile à porter, c’est la réalisation qu’on est sur une voie de garage ». D’autre part, « on l’entend chanter dans les couloirs de la maison, ou écouter des cassettes de musique bretonne, de vieilles chansons françaises. Il passe chaque jour de longs moments à la chapelle, et aide des confrères à prier ».
Sa famille, à laquelle il reste très attaché, vient le visiter. Sa vieille maman, qui a allégrement passé ses quatre-vingt-dix ans, attribue la maladie de son fils à la faiblesse, car, enfant, Antoine était « parfois maladif ». Il apprécie les visites de confrères et avec eux revient toujours à son sujet préféré : la Malaisie.
« Le 3 janvier, jour de ses 64 ans, il peut encore concélébrer la messe et descendre au repas. Le 4, il reçoit la communion, mais vient au réfectoire en fauteuil roulant. On doit le faire manger, car il ne commande plus le mouvement de ses bras. On l’aide ensuite à se mettre au lit et, à 14 h 30, on lui fait prendre sa dose habituelle de médicaments. Il est tout à fait lucide. Quelques instants après un cousin, médecin de la marine en retraite, vient avec son épouse lui rendre visite. Nous montons dans sa chambre et le trouvons étendu immobile, les yeux à demi fermés. Il est 14 h 50. Son cousin médecin ne peut que constater le décès. Antoine serait mort, non de la maladie de Parkinson, mais d’un accident vasculaire. »
Le P. Rossignol préside les funérailles, le jeudi 7 janvier. Ses sœurs et des membres de la famille y participent, tandis qu’en Malaisie et à Singapour, des messes sont célébrées pour lui et les siens.
« Antoine était un chic confrère, dira le P. Rossignol dans son homélie. Il était attentif aux besoins des autres. Il était compréhensif. Il respectait profondément chacun, comme seuls savent le faire ceux qui sont vraiment humbles.
Dieu seul peut évaluer les services qu’il a rendus à la Mission et à chacun de nous pendant sa longue maladie. Plusieurs de ses confidences nous ont laissé entrevoir le souci qu’il avait de faire œuvre missionnaire en dépit de ses handicaps.
Pour ta générosité au service de la Mission, pour ton humilité et ta charité au service des confrères, pour ta foi et ta sérénité dans l’épreuve, merci, Antoine ! À Dieu ! »
Michel ARRO
et les amis d’Antoine PALLIER
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Références
[3840] PALLIER Antoine (1924-1988)
Références biographiques
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