Pierre PÉCHEUR1852 - 1893
- Statut : Prêtre
- Identifiant : 1329
Identité
Naissance
Décès
Missions
- Pays :
- Inde
- Région missionnaire :
- 1877 - 1893 (Pondichéry)
Biographie
[1329]. PÉCHEUR, Pierre-Marie-Anatole, né le 11 septembre 1852 à Baudrecourt (Meurthe). Il étudia au séminaire de Pont-à-Mousson, et il était sous-diacre, lorsqu'il entra au Séminaire des M.-E. le 21 septembre 1875. Ordonné prêtre le 24 février 1877, il partit le 19 avril suivant pour Pondichéry. Après avoir été professeur quelque temps au collège colonial, il fut, la même année, envoyé à Vadouguerpatti ; puis il alla, en 1878, administrer le district de Paleam. Pendant deux ans, il s'y dépensa ; entre autres travaux, il réussit à réunir les chrétiens de la caste des vannars, et à relever l'église de Perambelour.
Il dirigea ensuite successivement les postes de Couroumbagaram, 1880-1885, et de Mayavaram, 1885-1886. Il y faisait le bien lorsqu'on l'appela, en 1886, à Pondichéry, pour lui confier la procure ; dans cette charge, il rendit de nombreux services par son activité et sa charité. Il s'occupa en même temps de l'hospice Desbassyns de Richemont, et y entoura les vieillards d'une grande sollicitude. Il mourut à Pondichéry le 10 janvier 1893.
Nécrologie
M. PÊCHEUR
MISSIONNAIRE APOSTOLIQUE DE PONDICHÉRY
Né le 11 septembre 1852.
Parti le 19 avril 1877.
Mort le 10 janvier 1893.
Pierre-Marie-Anatole Pêcheur naquit à Baudrecourt, canton de Delme (Metz), le 11 septembre 1852. On a peu de détails sur ses pre¬mières années. D’une intelligence remarquable, il fit de brillantes études au séminaire de Pont-à-Mousson, où il entra au mois d’oc¬tobre 1865. « Toujours à la tête de sa classe, écrit un de ses compatriotes, il ne descendit « jamais plus bas que le second rang. Voulant se donner à Dieu d’une manière complète et « absolue, il eut d’abord l’idée d’entrer dans un ordre religieux. Pendant qu’il hésitait sur le « choix à faire, Dieu lui envoya une épreuve terrible. Sa vue se trouva tout à coup gravement « compromise et il dut se soumettre à un repos absolu. Au lieu de se plaindre, il regarda la « souffrance comme un simple exercice de piété. Ce fut ainsi qu’il prit toutes les peines de sa « vie : « Dieu le veut, donc c’est bon, donc vive la joie ! » Après sa guérison, il continua ses « études, puis il entra au grand séminaire.
« Quand l’heure de se consacrer définitivement à Dieu est venue pour lui, il hésite un « instant. Appelé au sous-diaconat pour la Passion, il demande à n’avancer qu’à la fin de « l’année scolaire. Pourquoi ? parce que (je tiens ce détail de lui-même) il ne voulait pas « devenir sous -diacre avant d’être autorisé à entrer au Séminaire des Missions-Étrangères. Il « n’obtint jamais cette autorisation de sa famille, mais elle lui fut accordée par ses supérieurs « ecclésiastiques : il reçut même à cette occasion une lettre très flatteuse de Mgr Du¬pont des « Loges, évêque de Metz.
« Le P. Pêcheur a toujours été un camarade charmant, un condisciple aimable, un confrère « estimé de tous et dont on recherchait l’amitié. Depuis son départ pour les Missions, nous « étions entrés en grande relation ; je conserve comme un précieux trésor les nombreuses « lettres qu’il m’a écrites. Par elles, on peut voir combien il était humble et modeste, ne « parlant jamais de lui-même. Malgré mes instances réitérées, il a constamment refusé de me « raconter ce qu’il faisait en mission. »
Le P. Pêcheur entra au Séminaire des Missions-Étrangères au commencement de 1875. Son caractère se dessina aussitôt, car toujours il se montra tel qu’il était ; d’une franchise absolue, il disait ronde¬ment ce qu’il pensait. Le trait caractéristique de sa piété était l’exactitude ; l’étude, la prière, les récréations le trouvaient semblable à lui-même. Sa foi inébranlable donnait à son amour des âmes cette vigueur qui fait l’apôtre ; beaucoup de chrétiens aiment Dieu parce qu’il est grand, il rêvait de le faire aimer parce qu’il est bon. Aussi, comme il comptait les jours qui le séparaient de l’apostolat ! Prêcher, parler de Dieu, du Ciel, faire aimer la bonne Mère, se donner, souffrir, mourir pour les âmes, il n’avait pas d’autre pensée, son cœur était déjà là-bas, parmi les païens, dans ces pays où le mission¬naire peut espérer de donner son sang.
Sa destination fut plus humble qu’il ne l’aurait désiré ; au lieu de mourir, il devait vivre. Mais, vivre sur la croix, c’est encore mourir, c’est mourir plus longtemps. En 1877, le P. Pêcheur arriva à Pondi¬chéry. La grande famine avait pris tous les confrères, il fallait quelqu’un au collège, on y mit le nouveau venu. Il essaya de cette vie calme. En entendant parler de baptêmes, de néophytes, de catéchu¬mènes, il disait à son cœur « Tais-toi ! » Et son cœur pleurait en silence... Que faire d’un professeur qui gémit ? Mgr Laouënan se laissa toucher ; le P. Faure était seul à Vadougarpatty ; on lui donna un aide, et le P. Pêcheur fut enfin missionnaire. Mais le P. Faure, toujours prêt à aider les autres, n’entend pas qu’on l’aide lui-même. Le P. Pêcheur apprit le tamoul ; quand il le sut, il se dit : j’ai perdu mon temps ! Nuit et jour il « guignait » la besogne, et sans cesse il manquait son coup : le P. Fauve avait fait le travail.
Au bout de quelques mois, Monseigneur écrivit au P. Pêcheur : « Allez à Paléam. » C’est un district fort grand, où le Père fut reçu en grande pompe, avec pétards, trompettes et tambours. Arrivé à l’église, il voulut parler aux chrétiens, il monta à l’autel et pleura…, tout le monde comprit le sermon et en fut vivement touché. Aussitôt il se mit à l’œuvre . Allant de village en village, il instruisait les chré¬tiens, réparait les églises, administrait les sacrements. Son grand cheval « Reichshoffen «, ne manquait guère d’exercice, car le Père voulait être partout et la distance ne l’effrayait point. En route, il chantait l’Ave maris stella ou le chant du départ des Missionnaires. Il aimait surtout ses Vannars, dispersés sur tous les points de son district ; il parvint à les réunir et sa plus grande joie était de les voir arriver le dimanche pour entendre la messe ; plusieurs venaient de fort loin. Le Père se chargeait de les nourrir, ce jour-là ; ces pauvres gens étaient ravis, et, rentrés dans leurs villages, ils racontaient aux paresseux les merveilles de Paléam.
La belle maison de Pérambelour, bâtie par le P. Boré pour ser¬vir d’église, était dans un état pitoyable. Les murs extérieurs n’ayant pas été crépis, les poutres étaient pourries et le bâtiment menaçait de s’écrouler. Plusieurs fois, le Père écrivit à l’évêque. La réponse était toujours la même : « Attendez. » Mais les murs ne voulaient plus attendre. Un jour, devant le P. Mardiné, le P. Pêcheur se mit à sangloter en regardant les crevasses de sa chapelle. Puis il songea à saint Joseph, patron de Paléam, et, le jour même, il commença un triduum. Comme Monseigneur, saint Joseph conseilla la patience. Celle du Père était à bout. Dès le lendemain arrivait cependant une grande lettre épiscopale, accordant les fonds nécessaires. Le cœur du Père éclata en actions de grâces et jamais il n’oublia ce trait de pro¬tection surnaturelle. Il passa trois ans dans le district de Paléam ; puis il fut envoyé à Couroumbagaram, où il ne resta que quelques mois.
Son dernier poste dans les terres fut le grand district de Mayava¬ram. Son zèle s’y déploya tout entier : il avait près de cinq mille chrétiens à sa charge, disséminés dans un grand nombre de villages ; jamais il ne se plaignait de l’excès de travail. Au chef-lieu, en route, dans les plus misérables hameaux, partout et toujours, il était gai et prêt à tout. Ses vœux étaient accomplis, son idéal réalisé, il se disait : « Décidément, je suis apôtre. » Une lettre arriva. Elle disait : « Soyez caissier. » Il était nommé procureur ! Je crois bien qu’il dut pleurer, mais il partit aussitôt : tant que l’on marche, le bon Dieu pardonne les pleurs. Il s’installa à la procure, ouvrit bravement le grand-livre, se plongea dans le « doit et avoir » et commença ce lourd ministère qui consiste à servir tout le monde : Servus servorum Dei. Le com¬mis fait des écritures, le caissier cloue, le messager fait des commis¬sions ; le procureur est commis, caissier, messager et bien autre chose ; tout le monde compte sur lui, et s’il a le devoir de tout faire, les autres ont le droit de tout dire. Le procureur étant l’homme de tous, est par le fait l’homme de chacun ; cela signifie que chacun veut être servi de suite au risque de faire attendre les autres. S’il se fâche, on le trouve dur. Le bon P. Pêcheur avait un caractère ardent que ces mille tracas devaient irriter, mais le désir de rendre service aux autres lui faisait oublier le besoin de se mettre en colère : c’eût été du temps perdu. Il eut toujours un faible pour les missionnaires de l’intérieur ; quand ceux de Pondichéry se plaignaient, il leur disait : « Allez à Paléam, à Tindivanam, à Chetput, vous serez servis tout de suite. » A peine son courrier dépouillé, il répondait aux lettres reçues ; s’il y avait des commandes, il s’en occupait sur-le-champ.
Outre son travail de procureur, le Père était aussi chargé du grand hospice Desbassayns. C’est au milieu de ces pauvres vieillards qu’il allait rafraîchir son cœur suffoqué par l’odeur du grand-¬livre. L’ordre le plus parfait régnait dans la maison. Il fit creuser un beau puits artésien et l’administration, touchée de son zèle et de sa générosité, décida de fournir chaque année le riz nécessaire à ses pauvres. Chaque jour, il allait visiter ses bons vieillards. Si l’on se plaignait, il disait : « Les pauvres avant tout ! »
Depuis assez longtemps, le Père éprouvait des douleurs sourdes dans les reins ; il croyait avoir été mordu par un serpent ou par un insecte venimeux. Ces douleurs n’étaient pas continues, mais inter¬mittentes ; elles ne l’empêchaient nullement d’ailleurs de remplir les devoirs de sa charge. Dans les premiers jours de janvier 1893, le Père parut souffrir plus que de coutume ; le 7, il fut obligé de garder la chambre et le médecin en chef fut appelé ; il pensa qu’il ne s’agissait que d’une fièvre légère dont la quinine aurait raison. Cependant, comme toute sécrétion rénale était suspendue, il eut recours le len¬demain à l’opération.du cathétérisme, qui n’eut aucun résultat. Le 9, le cher malade se trouvant toujours dans le même état, les deux médecins se décidèrent à procéder à l’opération de la cystotomie. Le Père fut endormi par le chloroforme, mais l’anesthésie n’ayant pas été complète, il raconta ensuite tout ce que l’on avait fait et dit autour de lui. Cette opération douloureuse fut également sans résultat, et en sortant de chez le malade, le docteur déclara à Monseigneur que tout espoir était perdu, et que la mort était inévitable ; il s’agissait d’après lui d’un cancer interne, contre lequel la médecine était impuissante. De son côté, le Père disait aux confrères qui l’entouraient : « Allons, c’est fini ; que la sainte volonté du bon Dieu soit faite. » Monseigneur décida que les derniers sacrements seraient administrés à quatre heures et demie, et tous les confrères furent invités à assister à la cérémonie. Le Père fut averti et se prépara avec un calme admi¬rable à recevoir l’extrême-onction et le saint viatique. A l’heure fixée, nous nous rendîmes à l’église, où Sa Grandeur prit le Très Saint-Sacrement; puis, nous allâmes en procession à la chambre du malade. Le Père était agenouillé sur son prie-Dieu, tranquille et recueilli, sans que rien dans ses traits indiquât qu’il allait si tôt quitter la terre. Le spectacle était sublime. Tous les yeux étaient remplis de larmes, les poitrines étaient gonflées par l’émotion ; la main de Monseigneur tremblait comme sa voix ; le Père seul était calme et répondait aux prières liturgiques avec une simplicité pleine d’une inexprimable gran¬deur. Monseigneur adressa ensuite au malade quelques paroles tou¬chantes. Le Père répondit en demandant pardon à ceux qu’il aurait pu offenser dans l’exercice de ses fonctions. Au dehors, les chrétiens sanglotaient et quand la procession se reforma pour reporter à l’église le Très Saint-Sacrement, une foule nombreuse, bouleversée par l’émotion, suivit le clergé en priant pour le bon Père, si doux, si généreux, si tendre pour les petits et les pauvres.
Le 10 au matin, il put encore répondre à plusieurs questions con¬cernant les affaires de la procure ; sa mémoire était parfaite et il pa¬raissait heureux de pouvoir régler toutes choses avant de partir. Ne pouvant se coucher, il se tenait assis sur le bord de son lit, regar¬dant sa croix de missionnaire placée devant lui. Dans un moment d’oppression terrible, il se leva et dit en levant les yeux au ciel : « Mon Dieu, dix jours encore de souffrance, si vous le voulez ! » Vers dix heures, Monseigneur fit réciter les prières des agonisants. Assis sur un fauteuil, le malade suivait les prières lues parle P. Mar¬diné. De temps en temps, Mgr Gandy lui suggérait des pensées pieuses. Le malade conservait son calme, pas une plainte, pas un regret de mourir à la fleur de l’âge, on lui avait dit : Il faut partir et il partait. Nous nous disions : « Quel martyr cet homme aurait fait ! » — Et cependant les heures s’écoulaient sans que l’intelligence du Père s’obscurcît. Vers trois heures après-midi, il dit au P. Mardiné : « Voyez donc où sont mes jambes, je ne les sens plus. » La mort montait doucement, le pouls était à peine sensible, le Père suffoqué et haletant regardait tour à tour son crucifix et le ciel qui allait s’ouvrir. Autour de lui les confrères priaient. Tous s’attendaient à un choc final... Le malade paraissant plus calme, on s’approcha. Son âme était auprès de Dieu ; le prêtre venait de monter à l’autel de Celui qui avait réjoui sa jeunesse. Le Tabernacle s’était ouvert pour lui et l’Hostie, qu’il avait si souvent donnée aux hommes, était devenue son ineffable récompense, merces magna nimis. Sa figure n’était point changée et longtemps encore les membres conservèrent leur flexibi¬lité. L’effet de cette mort fut pour tous une douce édification ; la faction finie, le soldat venait de s’endormir dans le sein de Dieu : In pace, in idipsum dormiam et requiescam. Nous disions : puissions-nous mourir ainsi !
Dès que le corps de notre confrère eut été revêtu des ornements sacerdotaux, il fut, selon l’usage de la mission, exposé dans la grande salle de l’infirmerie. Une foule immense accourut pour voir une der¬nière fois les traits du prêtre bien-aimé. Le lendemain, 11 janvier, eurent lieu les obsèques solennelles. La messe fut chantée par le P. Giraud, vicaire général, puis le corps du bon P. Pêcheur fut porté à sa dernière demeure au milieu d’une foule recueillie et émue. Et nous qui avions connu ce prêtre fervent, qui avions aimé ce confrère charitable, nous qui venions de voir mourir ce missionnaire coura¬geux et dévoué, nous disions: Omnibus ergo perlectis et scrutatis, sit hœc conclusio finalis : quoniam per multas tribulationes oportet nos intrare in regnum Dei (Imit.).
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Références
[1329] PÉCHEUR Pierre (1852-1893)
Notes bio-bibliographiques. - C.-R., 1889, pp. 303, 350 ; 1892, p. 367. - Le Lorrain, 1893, Notice, n° du 8 fév.
Hist. miss. Inde, Tab. alph.
Notice nécrologique. - C.-R., 1893, p. 308.