Étienne DESSALLES1848 - 1915
- Statut : Prêtre
- Identifiant : 1195
Identité
Naissance
Décès
Missions
- Pays :
- Thaïlande
- Région missionnaire :
- 1874 - 1910
Biographie
[1195] DESSALLES Etienne, Barthélémy, est né le 4 avril 1848 à Amplepuis (Rhône), au diocèse de Lyon. Il fait ses études au Petit Séminaire de Saint Jodard, puis au Grand Séminaire de l'Argentière. Il entre laïc au Séminaire des Missions Etrangères le 12 septembre 1871 et est ordonné prêtre le 30 mai 1874. Il part le 1er juillet 1874 pour le Siam.
Il arrive à Bangkok le 8 août suivant et se met à l'étude du siamois à la Procure de la mission. Vers la fin de 1875, il est envoyé à Chanthaburi comme auxiliaire du Père Quentric pour s'occuper des Chinois établis dans les chrétientés annamites : il y restera trois ans. En 1878, il est appelé à Bangkok où il exerce quelque temps la charge de procureur. Il est ensuite nommé curé du poste chinois du Calvaire et c'est là que pendant plus de trente ans il peut déployer toutes les ressources de son intelligence et de son coeur. Sa grande expérience faisait rechercher ses conseils pour bon nombre d'Européens, résidents ou de passage. Sa santé et les intérêts de sa mission le ramènent en France. Il se fixe à Amplepuis où il meurt le 23 juin 1915 muni des derniers sacrements dans sa 68ème année, la 42ème de son sacerdoce.
Nécrologie
M. DESSALLES
MISSIONNAIRE APOSTOLIQUE DU SIAM
Né le 8 avril 1848
Parti le 1er juillet 1874
Mort le 23 juin 1915
« M. Dessalles naquit à Amplepuis (Lyon, Rhône), le 8 avril 1848, d’une famille « profondément chrétienne, que Dieu se plût à bénir en y faisant germer plusieurs vocations « saintes. De bonne heure il montra qu’il serait un caractère et un homme de foi ; aussi ne fut-« on pas étonné dans la paroisse, quand on apprit qu’il commençait ses études pour être « prêtre, sous la direction d’un vicaire, M. l’abbé Faubert.
« Il affermit sa vocation au petit séminaire de Saint-Jodard, puis au séminaire de « l’Argentière, et il s’apprêtait même à partir aux missions quand la guerre éclata. Tout de « suite, le jeune séminariste, dont les anciens me rappellent l’entrain et l’ardeur enthousiaste, « songea à voler au secours de sa patrie menacée, et il fut assez heureux pour s’engager dans « le corps d’élite des francs-tireurs de Cathelineau, qui faisait partie de l’armée de la Loire. » « (Echo d’Amplepuis, août 1915.)
Ceux qui ont connu M. Dessalles en mission, se souviennent de ses récits intimes de guerre, et ont gardé l’impression que le fourrier Desssalles devait être légendaire dans tout le régiment. Les fonctions de fourrier convenaient admirablement à ses aptitudes.
Durant le rude hiver qui marqua la campagne de 1870, M. Dessalles, encore jeune, s’était fait à toutes les endurances ; il était prêt pour les renoncements et les fatigues des missions lointaines.
A la cessation des hostilités, il entra au Séminaire des Missions-¬Etrangères, précédé de ce court témoignage, donné par M. Girin, supé¬rieur du séminaire de 1’Argentière : « Pieux, dévoué, plein d’énergie. » Ses anciens confrères de la rue du Bac confirment ce bon témoignage de piété solide, et y ajoutent le souvenir d’une gaieté franche, exubérante et quelque peu... « gasconne », qui contrastait agréablement avec un grand amour de la discipline et du devoir. Quant à son dévouement et à son énergie, c’est en mission qu’ils devaient donner leur plein essor.
Le 5 juillet 1874, il s’embarquait à Marseille pour la mission du Siam, et arrivait à Bangkok le 8 août de la même année. A la procure de la mission, l’étude de la langue siamoise ne fut pas pour lui sans diffi¬cultés. Son oreille, peu musicale, devait écouter de longues théories sur les tons variés de la langue, et sa voix, un peu rebelle pour ne pas dire beaucoup, s’efforçait, hélas ! sans succès, de les mettre en pratique, au désespoir de son professeur, le bon vieux M. Marin, qui finissait par douter des aptitudes de son élève. Mais quand le jeune missionnaire fut laissé à lui-même et put converser avec les chrétiens, il arriva à parler le siamois comme sa langue maternelle, avec une variété d’expressions, sinon très académiques, du moins très originales, qui donnaient beau¬coup de charme à sa conversation.
Entre temps, il mettait à contribution son grand sens pratique, qui fut une de ses qualités dominantes. « J’ai commencé à apercevoir les mœurs et les usages des peuples orientaux, « écrit-il à un de ses anciens directeurs. Je ne fais cependant que regarder sans m’occuper de « tirer des conclusions. On m’a dit qu’il fallait bien voir et voir vingt fois avant de rien « pouvoir juger, et je mets en pratique cette maxime. »
Il allait bientôt exercer, dans un champ plus approprié à ses apti¬tudes et à ses secrets désirs, ce goût de l’observation, premier élément d’une expérience sûre.
Vers la fin de 1875, il fut envoyé à Chanthabun comme auxiliaire de M. Quentric, pour s’occuper des Chinois établis dans les chrétientés annamites. C’est là qu’il faut marquer le début de sa vie active de mis¬sionnaire ; c’est là qu’il conçut et mit en pratique ce qui fut comme le programme de toute sa vie. Ce programme, on le trouve bien défini dans l’éloge que lui décernait, trente ans plus tard, son évêque, Mgr Vey :
« Avoir dans un poste des chrétiens intelligents et laborieux qui arrivent à une honnête « aisance ; leur inculquer une foi ardente, et, par eux, par leur influence sociale et leur bon « exemple, attirer à la reli¬gion catholique les âmes encore païennes et y affermir celles dont la « foi est encore faible, fut toujours pour M. Dessalles son plan d’action, le but de sa vie de « missionnaire. Il y réussit pleinement. »
En 1875, l’influence des missionnaires à Siam subissait encore le contre-coup des événements de 1870. Les chrétientés demeuraient sta¬tionnaires ; les chrétiens, pauvres, timides, étaient atteintes de cette apa¬thie générale des populations environnantes, auxquelles les relations d’ou¬tre-mer n’avaient pas encore apporté, avec un peu de bien-être, le besoin d’un travail sain et rémunérateur.
A Chanthabun, l’activité ardente de M. Dessalles et son talent de per¬suasion étaient bien faits pour réveiller les fidèles de leur torpeur. Il leur prêche la sainteté du travail, aide de ses conseils agriculteurs, com¬merçants, forgerons et orfèvres ; il fait venir de sa maison paternelle d’Amplepuis deux métiers à tisser, procure à tous des outils perfection¬nés, leur indique les débouchés à rechercher pour leurs produits.. Quant aux oisifs endurcis, il les conduit à l’assaut des haies de bambous qui entourent l’église, leur faisant tracer un chemin par-ci, construire un pont par-là. Entre temps, il étudie la langue chinoise, et aide M. Quentric dans la fondation de la chrétienté de Van-Jao, située à une trentaine de kilomètres à l’est de Chanthabun. Le vieux fourrier de 1870 devient un cavalier, sinon brillant du moins toujours intrépide.
M. Dessalles ne demeura à Chanthabun que trois ans à peine. En 1878, il fut appelé à Bangkok où il exerça, pendant quelques mois, les fonc¬tions de procureur à la satisfaction de tous et fut nommé titulaire du poste chinois du Calvaire.
C’est là que, durant plus de trente ans, il déploya toutes les ressour¬ces de son intelligence et de son cœur. L’expérience, accrue chaque jour par une connaissance plus parfaite des hommes et des choses, ne fit que confirmer le programme qu’il avait conçu dès le début ; elle excita son zèle et augmenta ses succès. La fondation d’une chrétienté n’est vraiment solide et son avenir n’est assuré, que lorsque les membres qui la composent, bien affermis dans la loi, y fondent des familles sérieuse¬ment chrétiennes, bien unies entre elles, attachées au missionnaire et à leur église et se prêtant un mutuel appui. De cette union de tous les cœurs et avec l’appui, non pas des aumônes du dehors mais des res¬sources mêmes de la paroisse, naissent les œuvres qui en marquent la prospérité.
Quand M. Dessalles s’installa au Calvaire, l’état du poste était bien modeste. Aujourd’hui, avec ses œuvres d’assistance, ses écoles, son orphelinat, son hôpital, ses moyens de propagande, ses catéchistes, ses bap¬tiseuses d’enfants moribonds ; avec ses succursales, de fondation récente, avec sa nouvelle église gothique, qui sans contredit est le plus beau monument de Bangkok, le poste du Calvaire ne le cède en rien aux plus belles et aux plus ferventes paroisses de France.
Cette notice, nécessairement abrégée, serait incomplète si elle ne donnait l’aspect surnaturel de la physionomie de M. Dessalles. L’amour des âmes fut le ressort spirituel de toute sa vie. Il n’était certes pas exempt de ces défauts communs à l’humaine nature et dont parle le poète : Homo sum et nihil humani a me alienum puto. Mais ces lacunes, que l’on pourrait découvrir dans une vie si mouvementée, disparaissent sous le relief de ce qui fut l’unique désir de son cœur d’apôtre : le bien des âmes. Pour elles, il donnait et se donnait. D’une économie très stricte dans ses dépenses personnelles, il ne comptai plus quand il s’agissait d’être utile à ses confrères ou aux chrétiens. Son presbytère était comme un bureau de bienfaisance, où ne faisaient que passer ses propres res¬sources, les offrandes de ses chrétiens, celles même des païens à l’âme naturellement bonne qui avaient des relations avec lui. A ceux qui s’étonnaient de tant de largesses, il en indiquait la source, par ces mots pittoresques : « Aimer plus à donner qu’à recevoir, c’est le meilleur moyen de faire venir « l’eau au moulin. »
Mais si son cœur était inlassablement bon, il savait montrer, à l’occa¬sion, que son esprit ne voulait pas être dupe. Il n’y réussit pas toujours, car il ne fut jamais de l’école qui supprime l’aumône par crainte des abus ; et, dans le doute, sa conclusion pratique était encore ici celle de saint Liguori : la miséricorde.
Il serait cependant exagéré de dire que tout en lui respirait la bonté. Il n’avait pas la physionomie d’un Vincent de Paul ; et, s’il en avait parfois le sourire, celui-ci passait souvent inaperçu sous les reflets de sa barbe devenue légendaire au Siam. On l’appelait, et lui-même aimait à s’appeler : le Père « Barberouge ». Les échos de sa voix, rude et cui¬vrée, résonnèrent partout dans la mission, et la tradition en conservera longtemps le souvenir.
C’est surtout dans l’action directe de son ministère auprès des âmes égarées, que se manifestait le contraste d’une sévérité apparente avec la bonté et l’indulgence dont son cœur débordait. Son imperturbable fran¬chise commençait par mettre les plaies à nu. Sans ménagement, avec les épithètes que saint Paul appliquait aux Crétois, il décrivait au malade les causes et les conséquences de son état . Sa voix. devenait alors sévère, incisive comme un coup de bistouri. Puis, soudain, elle s’efforçait de s’adoucir, devenait insinuante, paternelle, voire même enjouée, et fai¬sait naître dans les cœurs les résolutions opportunes.
Sa grande expérience des choses du Siam faisait rechercher ses con¬seils par bon nombre d’Européens de passage ou en résidence à Bangkok : il en profitait pour atteindre leur âme. Encore tout bouleversé par une de ces consultations morales et... inattendues, l’un d’eux disait un jour à un missionnaire : « M. Dessalles nous dit des choses qu’on ne supporterait pas de la « part d’un autre. Mais c’est si vrai, ce qu’il dit ; et puis, il finit par rallumer dans l’âme cette « foi que l’on croyait à jamais éteinte. »
Aux fruits on reconnaissait l’arbre, et il est aisé de juger de l’esprit de foi qui devait animer notre confrère. L’homme de Dieu se manifes¬tait par ses œuvres, mais on le reconnaissait surtout dans sa piété, qui avait conservé la ferveur et la simplicité du jeune âge ; dans ses assiduités au pied du tabernacle, dans son grand amour pour tout ce qui touche au service divin, dans la propreté minutieuse et la bonne tenue de son église.
Sa piété et son esprit surnaturel se manifestèrent en particulier à Amplepuis, durant les dernières années de sa vie, « lorsque l’épreuve vint si cruellement l’atteindre au plus intime de « l’âme et du corps. Dieu seul sait ce qu’il endura, quand il fut obligé de revenir en France « pour le raffermissement de sa santé et pour les intérêts de sa mission. Et depuis, et jusqu’à la « fin, quand il se vit contraint par la maladie de renoncer à revoir son cher Siam et ses « chrétiens qu’il aimait tant et dont il parlait sans cesse, quelle torture poignante fut la sienne « et comme il avait besoin du secours d’En-Haut pour porter sa croix ! Aussi, avec quelle « ardeur il se tournait du côté du ciel, avec quelle simplicité tou¬chante il égrenait son rosaire « tout le long du jour, avec quelle sérénité il entrevoyait son entrée prochaine dans « l’éternité ! » (Echo d’Amplepuis, août 1915.)
Le mardi 22 juin, notre confrère avait pris ses repas comme d’habi¬tude et, avant de se coucher, avait préparé, comme chaque soir, son petit autel pour célébrer la sainte messe le lendemain. Vers 9 heures, étant couché, il se plaignit de fortes lourdeurs d’estomac et demanda immé¬diatement le prêtre. Son entourage ne le croyait pas en danger, mais, sur ses instances, M. le curé d’Amplepuis fut appelé en même temps que le docteur. M. Dessalles se confessa et, encore sur ses instances réitérées, reçut l’extrême-onction et l’indulgence plénière. Le docteur lui-¬même ne voyait pas le danger, il croyait plutôt à un embarras gastri-que passager. Mais à 11 heures, apparurent les premiers symptômes de la congestion cérébrale. Notre confrère, perdit bientôt connaissance, entra dans une longue agonie et, à 4 heures moins un quart du matin, rendit doucement le dernier soupir.
Il semble que Dieu soit venu au-devant de son serviteur en lui don¬nant l’intuition de l’approche de la mort, qu’il ne redoutait plus, qu’il désirait même pour posséder enfin cette Vérité tant recherchée et tant aimée, et dont il jouit telle qu’elle est, absolue et non plus : in specie et quasi per speculum in œnigmate.
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Références
[1195] DESSALLES Etienne (1848-1915)
Références biographiques
AME 1913 p. 92. 95. 97. 194. 198. CR 1874 p. 39. 1884 p. 118. 1892 p. 200. 1896 p. 256. 1900 p. 177. 1901 p. 189. 1904 p. 210. 1912 p. 232. 1915 p. 119. 260. BME 1922 p. 640. 1954 p. 1127. 1955 p. 59. 1957 p. 1093. 1958 p. 263.