Victor HOUERY1833 - 1897
- Statut : Prêtre
- Identifiant : 0822
Identité
Naissance
Décès
Autres informations
Missions
- Pays :
- Chine
- Région missionnaire :
- 1863 - 1897
Biographie
[822]. HOUERY, Victor-Jean, né le 5 décembre 1833 dans la paroisse Saint-Clément, à Nantes (Loire-Inférieure), fit ses études classiques à la Psalette, demeura deux ans au grand séminaire de son diocèse, et entra tonsuré au Séminaire des M.-E. le 15 septembre 1860. Ordonné prêtre le 20 décembre 1862, il partit le 16 mars 1863 pour la mission du Kouang-tong et Kouang-si. Il débuta dans le district de Nam-hiong, passa en 1867 à Lok-tchong, eut ensuite la direction des chrétiens de Canton et de la procure de la mission.
En 1878, il fut envoyé à l’île de Wai-tchao, dans le golfe du Tonkin¬ ; il y créa, en partie à ses frais, un village catholique où il resta quinze ans.
M. Roque, riche Français établi au Tonkin, lui ayant sur ces entrefaites offert de donner à ses chrétiens de vastes terrains à défricher, il accepta. Malheureusement, aux chrétiens de l’île, qui ne lui suffisaient pas, Roque crut devoir adjoindre des païens. Parmi ces derniers, les pirates qui infestaient la région comptaient de nombreux amis. Ils conçurent le dessein de s’emparer du commerçant et de son frère pour en obtenir une forte rançon. Au jour dit, ils entraînèrent les deux victimes à travers les montagnes jusqu’à leurs repaires. La famille cherchant un intermédiaire pour traiter avec les pirates, Houery accepta, et après bien des difficultés réussit dans sa périlleuse mission.
Il administra ensuite, pendant trois ans, le poste de Pak-hoï. À bout de forces, il se retira au sanatorium de Béthanie à Hong-kong. Il y mourut le 23 avril 1897.
Nécrologie
[0822] HOUERY Victor (1833-1897)
Notice nécrologique
Au mois de juin 1896, à l’heure où le vénéré M. Chagot s’éteignait doucement à Béthanie, un autre missionnaire de Canton, longtemps son voisin, M. Houery, se préparait à y entrer pour subir une opération devenue nécessaire, et d’ailleurs sans gravité. Il pensait y demeurer au plus quelques semaines. Mais Dieu en avait disposé autrement. Au lendemain de la fête de l’Assomption, alors qu’il était tout à la joie d’être délivré de son mal, M. Houery fut atteint presque subitement d’une pleurésie. Pendant plus d’un mois, il ne s’écoula pas un seul jour qu’on ne crût devoir être son dernier. Puis contre toute attente, quoiqu’il ne restât presque aucun espoir de le sauver, il se fit dans son état une amélioration sensible, qui lui permit de se soutenir jusqu’en avril 1897.
Durant les huit mois qu’il passa sur son lit, ce vénéré confrère fut véritablement admirable. La seule chose dont on l’ait entendu se plaindre, a été de ne pouvoir aisément se recueillir et prier. On ne devinait les douleurs qu’il ressentait au moindre mouvement, qu’aux contractions involontaires de son visage.
En dépit de la souffrance, il fit toujours aux confrères qui allaient lui faire visite, le plus aimable accueil. A certains jours même, quand le mal lui laissait un peu de répit, il retrouvait sa gaieté naturelle, cette conversation semée d’anecdotes et de traits piquants que se rappellent tous ceux qui l’ont intimement connu.
Sa mort, cette mort qu’il savait inévitable et prochaine, qu’il avait pleinement acceptée et à laquelle il a pu se préparer, a été certainement une mort précieuse devant Dieu. Son compatriote, et pendant plusieurs années son confrère à Wai-chau, M. Mérel, a envoyé au Petit Messager Nantais une notice nécrologique que nous reproduirons ici à peu près en entier.
La mission de Canton, y est-il dit, vient de perdre un excellent missionnaire, M. Victor Houery. Il meurt après une carrière apostolique de 33 ans, durant laquelle il a travaillé constamment à la gloire de Dieu et au salut des âmes. M. Houery était né à Nantes même, d’une famille très chrétienne qui a donné à l’église un prêtre et une religieuse. Il fit ses premières études à l’école des Frères. C’est là sans doute que Dieu lui fit entendre son premier appel. De l’école des Frères il entra à l’institution dite la « Psalette ».
Ses études théologiques terminées, il fut admis au Séminaire des Missions-Étrangères, et de là envoyé à Canton, où il arriva dans le cours de l’année 1864.
Mgr Guillemin, alors Préfet apostolique, eut bientôt remarqué la douceur, la piété et les qualités sérieuses du jeune missionnaire. Aussi, après l’avoir envoyé se former au ministère évangélique dans un des districts du nord, le rappela-t-il bientôt au chef-lieu de la province pour lui confier, avec la charge des chrétiens de la ville, la direction de la procure.
Comme procureur, M. Houery prit alors une part active à la direction des travaux de la cathédrale, le plus beau monument de la ville de Canton, et peut-être de tout l’Extrême-Orient. Cette cathédrale à trois nefs est du style ogival le plus pur. Les murs sont de granit, ainsi que les colonnes. La grande nef et les deux magnifiques flèches dressent leur masse imposante au-dessus des maisons, des pagodes et des hôtels administratifs de cette ville immense ; elles dominent la cité de toute leur hauteur et sont comme le témoignage incontesté de la supériorité de notre sainte religion sur le vieux monde païen.
En 1878, M. Houery qui ne redoutait pas la fatigue et les incessantes préoccupations du ministère en district, quitta le poste tranquille de Canton, pour se rendre dans la partie occidentale de la Mission à Wai-chau, petite île située dans le golfe du Tonkin, à 12 lieues sud de Pak-hoi. Les chrétiens, auprès desquels il était envoyé, faisaient partie d’une colonie de Chinois Hak-ka, chassés de leur pays par une race ennemie, celle des Chinois Pun-ti, et auxquels le gouvernement avait récemment permis de se réfugier dans cette île jusque-là déserte.
Ce qui frappa M. Houery en y abordant, ce fut la détresse de ces pauvres gens presque sans ressources, et la plupart, réduits pour vivre, à cultiver quelques terrains stériles et jusqu’alors abandonnés, ou encore à se mettre plus ou moins sous la dépendance de païens en prenant leurs champs à loyer. Aussi entra-t-il dans les vues de son voisin, M. Delevay, qui avait acheté déjà, pour les donner à fermage aux chrétiens, bon nombre de rizières. M. Houery employa tout son avoir à créer parallèlement au grand village où habitait son confrère, un second village avec résidence, au milieu des terrains dont il avait fait l’acquisition. C’est dans ce village bâti par ses soins et plus ou moins à ses frais, qu’il demeura quinze ans.
Durant ces quinze années, il ne cessa d’être pour tous un ami, un père. Presque chaque jour il parcourait les rues du village, s’informant des besoins de chacun. A ceux qui cultivaient des rizières et n’avaient pas assez de ressources pour acheter un bœuf, il avançait quelque argent. Aux plus pauvres, il fournissait le moyen d’acheter un porc, pensionnaire obligé de toute maison chinoise.
A l’exception de deux ou trois familles plus aisées, il n’en est pas une qu’il n’ait plus d’une fois assistée. Son dévouement, d’ailleurs, ne se bornait pas au village dont il avait l’administration. Plusieurs fois, spécialement quand on dut consolider la chapelle du grand village qui menaçait ruine, il mit à la disposition de son confrère et voisin des sommes dont le total s’élève à un chiffre assurément considérable.
Cependant, la population ne cessant d’augmenter, il lui devenait de plus en plus difficile de soulager efficacement tant de misères. Il en avait le cœur brisé. « Croiriez-vous, disait-il un jour à M. Mérel, que la plupart de mes chrétiens ne mangent pas plus de trois bols de riz par semaine ? »
Cette détresse et la crainte de ne pouvoir plus se procurer le strict nécessaire avaient fait naître chez plusieurs la pensée d’abandonner Wai-chau. Mais l’éloignement, le séjour au milieu de populations exclusivement païennes, c’était à courte échéance pour ses chers chrétiens l’oubli de Dieu, et le salut irrévocablement compromis. Aussi, M. Houery mettait-il tout en œuvre pour les retenir. Après la guerre franco-chinoise, quand le Tonkin, avec ses immenses régions abandonnées, apparut à ces pauvres gens comme une autre terre promise, il comprit qu’il lui serait désormais impossible d’arrêter le mouvement. Il voulut alors le diriger, grouper les émigrants et former ainsi une chrétienté qu’il surveillerait à distance et irait administrer, s’il le fallait.
M. Roque, riche Français établi en Annam, lui ayant, sur ces entrefaites, offert de donner à ses chrétiens d’immenses terrains à défricher, il s’empressa d’accepter.
Malheureusement, aux chrétiens de l’île, qui ne lui suffisaient pas, M. Roque crut devoir adjoindre des païens indigènes. Ce fut là, de sa part, un tort irréparable. Parmi ces païens, les pirates qui infestaient la région, comptaient de nombreux amis. Aussi conçurent-ils bientôt le dessein, grâce à la complicité de ceux-ci, de s’emparer de M. Roque pour en obtenir une forte rançon. On connaît la catastrophe : M. Roque, son frère et un secrétaire étant allés visiter la colonie naissante, les pirates avertis cernèrent, le soir même, la maison où ils s’étaient établis pour passer la nuit, tuèrent le secrétaire et s’emparèrent des deux MM. Roque, qu’ils entraînèrent à travers les montagnes, jusqu’à leurs repaires.
A la première nouvelle du désastre, M. Houery n’hésita pas. En dépit du danger auquel il s’expose d’être enlevé lui-même, il se rend sans plus attendre au milieu de ses chrétiens. Bien plus, la famille Roque cherchant un intermédiaire pour traiter avec les pirates, il accepte cette mission périlleuse entre toutes. Conduit par un émissaire, après plusieurs jours de marche extrêmement pénible au milieu de montagnes presque inaccessibles, il arrive enfin à l’endroit où MM. Roque sont retenus prisonniers. Quand il eut discuté avec les pirates le chiffre de la rançon et leur eut livré jusqu’à la dernière seapèque, ceux-ci refusèrent à le mettre en liberté et le conservèrent comme otage, sous la garde de quelques-uns des leurs, pendant plusieurs jours encore, jusqu’à ce qu’ils fussent eux-mêmes à l’abri de toute attaque de la part des troupes françaises.
De retour à Wai-chau avec ses chrétiens, pour la plupart désenchantés, M. Houery continua de se faire tout à tous, afin de les gagner tous à Notre-Seigneur. A mesure qu’il avançait en âge, il s’attachait davantage à cette chrétienté, dont il avait, pour ainsi dire, fait l’œuvre de sa vie, et pensait bien ne la quitter jamais.
Il ne devait pourtant pas avoir cette consolation. A cause de la présence du consul de France, Pak-hoi avait pris depuis la guerre du Tonkin une assez grande importance ; Mgr Chausse pensa que M. Houery était tout désigné pour occuper ce poste, et le lui proposa. Quoiqu’il lui fût pénible de quitter Wai-chau, notre vénéré confrère n’hésita pas, et sut faire à Dieu et à son évêque le sacrifice de ses préférences et de ses secrets désirs. Son séjour à Pak-hoi ne lui fut pas favorable. Durant les trois années qu’il y demeura, ses forces diminuèrent sensiblement. Aussi, à cause de son état de santé et comme s’il avait eu le pressentiment de sa fin prochaine, M. Houery conçut-il la pensée de se retirer, au moins pendant un an à la maison de retraite de Nazareth, à Hong-kong. Après avoir travaillé si longtemps à la sanctification et au salut des autres, il voulait, disait-il, consacrer au moins quelques mois à sa propre sanctification et à la grande affaire de son salut. Dieu exauça ses désirs. Il eut tout le temps de se préparer à la mort, mais ce ne fut pas à Nazareth, ce fut au sanatorium, durant les longs mois qu’il passa cloué sur un lit de douleur. Pour lui, d’ailleurs, la préparation à la mort ne pouvait être chose difficile, car il était de ceux dont la vie est une perpétuelle préparation à ce dernier et redoutable passage. M. Houery fut, en effet, prêtre dans toute l’acception du mot, pieux, mortifié, zélé et charitable.
On a vu à quel point il était dévoué à ses chrétiens de Wai-chau, auxquels il a donné tout ce qu’il possédait, et s’est donné si complètement lui-même. Tel il fut à Wai-chau, tel il avait été dans les autres districts qui lui furent confiés, un dépit des difficultés, des déceptions et des épreuves, dont il eut toujours sa large part.
Quant à sa piété, tous ceux qui l’ont vu de près, peuvent en rendre témoignage. Dans l’île, dit encore M. Mérel, où les occupations du ministère ne manquaient pas, il vivait comme un fervent séminariste. J’étais moi-même très édifié en le voyant attacher la plus grande importance et mettre une véritable ponctualité à remplir ses exercices de piété et faire, durant les mois de Marie et de saint Joseph, la lecture particulière à ces temps. Ses devoirs envers Dieu et le soin des âmes qui lui étaient confiées, occupaient continuellement sa pensée. A l’exemple il joignait, pour inspirer à ses chrétiens un grand amour de Dieu et une religion. solide, les exhortations et les conseils ; à ceux qui demeuraient près de la chapelle et pouvaient assister régulièrement à la messe du matin et à la prière du soir, il faisait donner chaque jour une petite instruction par un catéchiste. Lui-même prêchait assez fréquemment, et le faisait avec beaucoup de piété et d’aisance. Il se préoccupait surtout de préparer ses chrétiens à la réception des sacrements de Pénitence et d’Eucharistie. C’étaient là deux sujets sur lesquels il revenait de préférence et ne tarissait jamais.
Après une vie si bien remplie, une préparation à la mort si sérieuse et si longue, il y a lieu de penser que, lorsque ce vénéré confrère a été placé, par la mort, en face de Dieu, il s’est entendu dire, comme l’administrateur intègre et zélé dont il est parlé dans l’évangile : Venez, bon et fidèle serviteur, entrez dans la joie de votre Seigneur.
D.FLEUREAU,
Miss. apost. du Kouang-tong.
Références
[0822] HOUERY Victor (1833-1897)
Notes bio-bibliographiques
— C.-R., 1883, p. 34¬ ; 1887, p. 120¬ ; 1890, p. 94¬ ; 1892, p. 144¬ ; 1894, p. 164¬ ; 1895, p. 174.
— P. M. M., 1881, p. 135¬ ; 1882, p. 265¬ ; 1897-98, p. 88.