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Quatre siècles de politique éditoriale : une histoire de la « Revue MEP »

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La revue Missions Étrangères de Paris n’a pris sa forme actuelle, maquette mise à part, qu’en 1961. Cependant, dès ses premières années, la Société avait éprouvé la nécessité de communiquer autour des actions menées en missions, que ce soit pour entretenir le lien entre les confrères dispersés en Asie et leurs familles et bienfaiteurs, ou, auprès du plus grand nombre, pour faire rentrer vocations et ressources matérielles. Ces deux publics, internes et externes, aujourd’hui réunis au sein du lectorat de la revue MEP, ont par le passé été la cible de publications différenciées, dont nous essayons ici de retracer l’historique.

A. Faire connaitre les missions d’Asie aux catholiques français
B. Relier entre eux les membres de la Société
C. Après-guerre, l’essor d’un unique magazine mensuel

 

A. Faire connaitre les missions d’Asie aux catholiques français

1. Sous l’Ancien Régime, reprise du modèle jésuite des Lettres édifiantes et curieuses

Dès le XVIIe siècle (1666, 1668, 1674 et 1680), Vincent de Meur, premier supérieur du Séminaire des MEP, publie des lettres reçues des missions en un volume intitulé État sommaire des missions de la Chine et l’envoi de trois Évêques dans les nouvelles Églises de cet Empire. Au XVIIIe siècle, le Séminaire continue à publier des Nouvelles des Missions orientales, reprenant l’idée des Lettres édifiantes et curieuses des missionnaires de la compagnie de Jésus, publiées par les Jésuites français de 1702 à 1776. Que ce soit aux MEP où à la Compagnie de Jésus, il ne s’agit pas d’une revue à proprement parler, plutôt de compendiums d’écrits missionnaires, mais la volonté de faire connaître les missions pour susciter donateurs et vocations est déjà clairement affichée dans cette opération de communication.

Même durant la Révolution française, en 1794, à une période où les missionnaires MEP ne sont plus qu’une poignée en Asie, un volume de ces Lettres édifiantes est publié à Liège pour faire connaître la mission du Sichuan et demander des offrandes servant à payer le voyage de nouveaux prêtres vers l’Asie, voyage qui était pris en charge jusqu’à la chute de la monarchie, par les compagnies royales de navigation.

2. Les Annales de la Société des Missions étrangères, ancêtre direct de la Revue MEP

La dernière parution d’un recueil de Lettres édifiantes date de 1824, avec la publication d’un Précis des nouvelles des missions orientales reçues à Paris au commencement de l’année 1824. Entre cette fin du règne de Louis XVIII et 1885, en pleine Troisième République, les MEP ne publierons plus à leur compte de récits de missionnaires et n’aurons pas de revue à proprement parler.

Cette période correspond en effet aux heures de gloires de deux gros organes de presse nationaux servant de vitrine aux MEP pour sensibiliser un large public aux missions d’Asie : il s’agit des Annales de la Propagation de la Foi, à partir de 1822, et, surtout, des Missions catholiques, à partir de 1868. Ces deux titres sont publiés par l’Œuvre de la Propagation de la Foi, née à Lyon sous l’impulsion de Pauline Jaricot et dédiée au financement des missions. Les MEP, en tant que bénéficiaires des fonds de l’Œuvre, participent activement à leurs publications. Chaque vicaire apostolique est prié d’envoyer les récits édifiants et ethnographiques des prêtres de sa mission pour qu’ils soient publiés, après une relecture parfois intrusive du comité éditorial, soit dans le bi-mensuel que sont les Annales de la Propagation de la Foi, soit, à partir de 1868, dans le bulletin hebdomadaire richement illustré des Missions catholiques.

Dans les années 1880-1890, l’expansion coloniale française jointe à l’essor des missions catholiques élargit encore le public touché par ces périodiques missionnaires. Dans ce contexte, les MEP mettent sur pied un organe de presse qui leur soit propre. Créée en 1885, la première revue MEP est destinée à un public bien particulier, comme l’indique son titre de Bulletin de l’Œuvre des Partants. Deux ans auparavant, la vicomtesse de Saint-Jean, bienfaitrice des MEP, avait en effet fondé cette « Œuvre des Partants » pour fournir le trousseau des jeunes missionnaires partant pour l’Asie, qu’il s’agisse de leur linge, d’objets pour le culte ou de leurs frais de voyage. De 1885 à 1898, le P. Alexis Péan, directeur, rédige une à quatre fois par an ce petit bulletin de liaison destiné aux bienfaitrices de l’Œuvre.

En 1898, il est décidé d’étoffer ce simple bulletin par des pages supplémentaires, réunies sous le titre d’Annales de la Société des Missions étrangères. Cette fois, la parole est donnée aux missionnaires de terrain qui envoient leurs récits. Le premier numéro des Annales, illustré de gravures, laisse par exemple une large place à une description faite par Mgr Félix Biet des usages funéraires tibétains. Les Annales paraitront jusqu’en 1940, de plus en plus illustrées, de gravures puis de photographies, sur un rythme passant de 4 à 6 numéros par an. En 1940, le coût annuel de l’abonnement s’élève à 10 francs. En 1941, la nouvelle législation éditoriale française engendre la suspension de la publication des Annales, remplacées provisoirement par de courtes brochures périodiques portant le nom d’Échos missionnaires, publiées jusqu’en 1947.

 

B. Relier entre eux les membres de la Société

1. Les Compte-rendu des travaux, support de communication interne

Chaque année à partir de 1871, les Directeurs du Séminaire de Paris, organe collégial dirigeant la Société à cette époque, font paraître une brochure intitulée « Société des Missions Étrangères : compte-rendu des travaux de l’année ». Formée de quelques pages au début, puis de plusieurs centaines dans les années 1920, cette brochure est imprimée à Paris, chez Téqui. Ce compte-rendu global synthétise les évènements rapportés par les différentes missions, tenues chacune à un compte-rendu annuel. S’y trouvent également les notices nécrologiques des confrères décédés durant l’année. Ces compte-rendu sont publiés sans exception chaque année, sauf entre 1940 et 1945, quand la guerre rend impossibles l’envoi d’informations de l’Asie jusqu’à Paris.

Ils sont destinés et envoyés à un public certes interne, mais tout de même relativement large : il s’agit bien sûr des membres de la Société, mais aussi de leurs supérieurs hiérarchiques à Rome et en mission, ainsi qu’aux prélats et personnes publiques touchées de près ou de loin par les activités des MEP, en particulier les membres du conseil central de l’Œuvre de la Propagation de la Foi, à Lyon, qui, en tant que financeurs des missions d’Asie, doivent être tenus au courant de l’usage fait des fonds qu’ils distribuent.

2. Les Bulletins des Missions étrangères, une gazette mensuelle diffusée depuis Hongkong

L’année 1922 fait suite à la réorganisation administrative des MEP, avec l’élection de Mgr de Guébriant comme premier supérieur général. C’est l’occasion de mettre en œuvre un désir exprimé depuis longtemps par les missionnaires, celui d’une publication mensuelle destinée à les former et à les informer sur des sujets religieux d’actualité, mais également « pour relater les choses utiles et intéressantes ayant trait à la Société, dans le but d’aider à l’union entre tous ses membres ». Le courrier des lecteurs du premier numéro relate par exemple les attentes des missionnaires de Chine : « Donnez-nous non pas un périodique passe- partout, mais une revue pour des prêtres, des missionnaires, tous personnages cultivés ; donc du substantiel d’abord, des études documentées, longuement mûries, solidement étoffées ». Contrairement aux Annales imprimées et diffusées en France, c’est à Hongkong, au sein même de l’imprimerie MEP de Nazareth, que les Bulletins sont composés, mis en page et imprimés, après réception des nouvelles envoyées par les correspondants de chaque mission.

3. Une éphémère Épiphanie

A partir de 1951, c’est le P. François Dufay, expulsé de Chine, qui est directeur de publication du Bulletin. Le P. André Marillier, qui le remplace à ce poste en 1962, réorganise les choses depuis Paris, où il dirige le nouveau « Centre de documentation pastorale ». Il donne alors une nouvelle présentation au bulletin qui prend le nom de Épiphanie. Toujours destinée aux confrères, cette revue Épiphanie veut leur fournir, en s’appuyant sur le Centre de documentation pastorale, « toute information utile pour le ministère proprement pastoral (catéchèse, liturgie, action catholique etc.) » et « une documentation à jour sur les données qui commandent l’action missionnaire (Bible, dogme, morale, spiritualité…) ou qui la conditionnent (ethnologie, linguistique…) ». Épiphanie, peu lue, s’arrêtera en 1971, au moment du Synode de la Société tenu à Hongkong, qui décide de l’arrêt de cette publication strictement MEP pour se joindre au mouvement de réflexion missionnaire fondé par différentes sociétés et congrégations missionnaires autour de la revue Spiritus. Spiritus sera d’ailleurs dirigé à partir de 1974 par un MEP, le P. Joseph Pierron, ancien directeur d’Épiphanie.

 

C. Après-guerre, l’essor d’un unique magazine mensuel

La seconde Guerre mondiale, avait, comme nous l’avons vu, marqué un coup d’arrêt aux Annales de la Société, la censure filtrant toute nouvelle internationale venant ou partant de France. Ce contexte avait engendré la parution de brochures intitulées Échos missionnaires, entre 1941 et 1947. En 1948, un nouvel élan veut être donné à la publicité autour des missions d’Asie. C’est la fondation de la revue Missionnaires d’Asie, par laquelle, comme l’écrit Mgr Lemaire dans le premier numéro daté de janvier 1948, « nos confrères d’Asie veulent vous parler eux-mêmes de leur patrie d’adoption, et, en faisant de vous les confidents de leurs peines et de leurs joies, vous inviter à coopérer au progrès de l’Évangile sur le front oriental de l’Église ». Dirigée par le P. Joseph Cuénot, cette revue est particulièrement soignée d’un point de vue graphique.

A partir de 1961, la revue demeure toujours aussi bien illustrée, mais change de nom et devient la revue Missions Étrangères de Paris, portant comme sous-titre « organe de la société des Missions étrangères de Paris et de l’Œuvre des Partants ». Le P. Léon Trivière la dirigera jusqu’en 1983 et y partagera sa grande érudition (il est membre de l’Académie des Sciences d’Outre-Mer) ainsi que son expérience de journaliste, datant de sa première collaboration au Bulletin dans les années 1950. La revue est grandement enrichie des magnifiques reportages photographiques et écrits du P. Christian Simonnet.

Signalons, avant de terminer, une anecdote amusante, qui montre l’attachement du lectorat à sa chère revue des MEP. En 1967, il est décidé que la revue Missions Étrangères de Paris cèderait la place à Peuple du Monde, nouveau magazine né « de la fusion d’une douzaine de revues missionnaires », pour répondre au vœu conciliaire d’une meilleure collaboration entre les sociétés missionnaires. La fin de la revue Missions Étrangères de Paris est annoncée en grande pompe au printemps 1967… mais, à la suite de multiples réclamations des lecteurs, les MEP se doteront à nouveau d’une revue propre dès 1968, nommée Échos de la Rue du Bac ! Peuple du Monde ne disparait pas pour autant puisque le magazine paraitra jusqu’en 2016, doté d’un encart consacré aux MEP. Ces Échos de la rue du Bac nés en 1968 sont le prédécesseur immédiat de notre Revue MEP. Le titre Échos existait depuis 1921 pour désigner une simple feuille d’information, dactylographiée, envoyée plusieurs fois par mois aux membres des MEP résidant en France. Mais, en 1968, les Échos sont étoffés, passent à 36, puis à 48 pages, et se diffusent largement (2500 abonnés hors confrères MEP en 1971). Le dernier changement significatif intervient en 1993, avec un nouveau baptême : voici à nouveau la revue Missions Étrangères de Paris ! Le P. Jean-Marie Bosc, ancien collaborateur de Peuples du Monde, y poursuit son travail de journaliste jusqu’en 2008. Après 1971, date du dernier numéro d’Épiphanie, cette revue devient à proprement parler le seul organe de presse des MEP.

Longue vie à la Revue MEP !

 

Marie-Alpais Dumoulin

Revue MEP n°600, février 2024

 


Les Compte-rendu, Bulletins et Annales de la Société sont consultables sur internet :
– En partie sur Gallica : https://gallica.bnf.fr/edit/und/missions-etrangeres-de-paris
– Et, pour les années 1840 à 1961, sur le site : https://irfa.paris/ancienne_publication/?_recherche_mot_cle=

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