Jacques BRISACIER (de)1642 - 1736

[0050] Jacques-Charles de BRISACIER est le prêtre qui exerça le plus longtemps les fonctions de directeur et de supérieur du Séminaire des Missions Étrangères. Fils du trésorier de la généralité du Berry et de Marie Le Lorrain, il naît le 18 octobre 1642, dans la paroisse Saint-Sauveur, à Blois (Loir-et-Cher). Il paraît avoir fait une partie de ses études à Blois.

Prieur de Saint-Blaise, de Moreuil, abbé commendataire de Saint-Pierre de Neuvilliers, il détient très tôt le titre d’aumônier et de prédicateur de la reine Marie-Thérèse. En 1690, par héritage de son oncle Laurent de Brisacier, il possède l’abbaye de Sainte-Marie de Flabemont en Bessigny, paroisse Saint-Julien, qui, à cette époque appartient au diocèse de Toul.

Il vient habiter au Séminaire des MEP vers 1670, ou peu de temps après.

On ignore la date de sa réception comme directeur du Séminaire, mais il en exerce les fonctions en 1675, quand il prononce dans la chapelle l’éloge d’une des premières bienfaitrices de la maison, la duchesse d’Aiguillon.

Il est nommé second assistant du supérieur en 1677. Elu supérieur le 26 avril 1681, réélu le 8 janvier 1683, le 8 janvier 1686, le 10 janvier 1689, le 16 janvier 1694, il remplit cette charge jusqu’au 7 janvier 1697. A cette date, il devient assistant du supérieur, le père L. Tiberge, puis de nouveau, il est élu supérieur le 11 janvier 1700, le 13 janvier 1703, le 13 mars 1706, le 12 janvier 1709, et ainsi tous les trois ans jusqu’en 1720. Il est réélu de nouveau en 1724 jusqu’au 7 février 1736. Ses différents supériorats présentent donc un ensemble de plus de 50 ans, ce qui totalise par conséquent 17 élections ou réélections.

Les débuts de son administration sont marqués par la construction de l’église des MEP, dont la première pierre est solennellement posée le 24 avril 1683 ; il fait également construire le Séminaire tel qu’il resta jusqu’en 1869, sauf les modifications intérieures aménagées vers 1745. (Séminaire M.-E., grav., A. M.-E., 1898, p. 50).

Il accepte, si même il ne la rédige pas en partie, la convention du 13 mars 1689, passée entre le Séminaire des MEP et les Jésuites, et qui est refusée par les vicaires apostoliques et par les missionnaires.

Lui et les directeurs du Séminaire reçoivent du Souverain Pontife Innocent XII le bref Labor et dolor, du 29 juin 1700, qui les loue de leurs travaux pour les missions.

Sous son administration, est composé au Séminaire, par des directeurs et des missionnaires, le premier Règlement général des MEP, dont l’étude avait été commencée pendant le supériorat du P. Tiberge, et qui porte le nom de Règlement de 1700. Ce Règlement était bon, sans être complet. Il ne semble pas que le P.J.-C. de Brisacier y ait été suffisamment attaché, car c’est lui qui fait approuver par l’archevêque de Paris, Mgr de Noailles, le Règlement de 1716. Or, ce second Règlement, dans lequel le Séminaire est complètement séparé des Missions, a été la cause de nombreuses difficultés intérieures chez le MEP.

Il est aussi, avec le P.Tiberge, l’auteur d’un projet qui consiste à transférer aux Lazaristes le Séminaire des MEP ; ce projet n’a pas de suite.

Le P.J.-C. de Brisacier a été mieux inspiré lorsqu’il fait, en 1725, expulser du Séminaire trois directeurs : les PP.de La Chassaigne, Jobard et Pocquet qui étaient jansénistes.

Pendant ses différents supériorats, 49 missionnaires seulement partent pour l’Extrême-Orient, ce qui ne donne pas une moyenne d'un par an. Il convient d’ajouter qu’il fait donation au Séminaire d’une rente annuelle de 170 livres.

À cette époque, le Séminaire des MEP prend une part notable aux discussions sur les Rites chinois¬ ; il publie, sous le nom « du supérieur et des directeurs du Séminaire », des lettres qui ont eu du retentissement. Ces lettres ne sont pas l’œuvre personnelle du P. J.-C. de Brisacier, mais l’œuvre collective de plusieurs directeurs que des missionnaires ont parfois aidés ; on pense qu’il faut en attribuer la part principale au P. Tiberge. Elles sont ici évoquées avec quelques détails, parce qu’elles sont publiées sous l’administration du P. Brisacier, et qu’elles engagent tout le Séminaire dont il était le chef.

Ayant déjà participé à la controverse dès le supériorat du P. Tiberge (16 janvier 1694, 11 janvier 1700), le Séminaire continue par une Lettre du 20 avril 1700. Cette lettre dénonce six propositions extraites des Mémoires du P. Le Comte, et condamnées par la Sorbonne ; elle y ajoute 40 propositions prises dans de récentes publications d’autres Jésuites. Quelque temps après, les directeurs font réimprimer cette Lettre avec une Addition renfermant un examen détaillé du décret d’Alexandre VII en date du 23 mars 1656, et suivie du mandement de Mgr Maigrot. Ils y ajoutent la Révocation de l’Approbation donnée par le P.de Brisacier, le 13 novembre 1687, à la Défense des nouveaux chrétiens. Le tout, publié en latin et en français, est imprimé de nombreuses fois.

Les Jésuites font une Réponse à la Lettre, à l’Addition, ainsi qu’à la Révocation de l’Approbation. Quelque temps après, les directeurs du Séminaire proposent au Général de la Compagnie de Jésus de présenter collectivement une supplique au Souverain Pontife pour le prier de terminer la question. Ils essuient un refus, qui ne les empêche pas d’envoyer leur supplique.

La faculté de Théologie de Paris se croit obligée, en 1700, d’étudier les questions posées par la commission romaine en 1699 ; tout en déclarant que le jugement définitif appartient au Saint-Siège, elle donne des notes sévères à 29 propositions contenant les opinions d’un certain nombre de Jésuites sur les cérémonies chinoises.

Le 18 octobre , elle censure des propositions extraites de plusieurs documents : Nouveaux Mémoires sur l’état présent de la Chine ; Histoire de l’Edit de l’Empereur de Chine ; Lettre des cérémonies de la Chine. Vers la fin de l’année 1700, le P. de Fontaney publie un écrit attaquant Mgr de Lionne ; la contre-partie parait le 10 février 1701, rédigée par les directeurs du Séminaire et par le P. Charmot, sous la forme d’une Lettre à Mme de Lionne ; elle amène une réplique immédiate. La mort d’Innocent XII, la nomination de Mgr de Tournon, en qualité de légat, et son départ pour les Indes et la Chine, semblent arrêter pendant quelque temps la publication de nouveaux libelles, traités, lettres, etc.

Le décret rendu par le Saint-Office, et approuvé par le Pape Clément XI le 20 novembre 1704, donne pleinement raison aux MEP, aux Dominicains et aux Franciscains.

En 1709, toujours sous le supériorat du P. J.-C. de Brisacier, le Séminaire fait imprimer une Protestation contre trois nouveaux libelles anonymes ; cette pièce est datée du 15 octobre. Le 10 février 1710, il adresse au Pape une Lettre accusant les Jésuites de ne pas se soumettre au décret de 1704, que Mgr de Tournon a publié en Chine. Les Jésuites répondent par une Protestation, qui amène une Réponse. Cette Réponse contient, daté du 1er mars 1710, un Supplément à la Révocation, déjà faite par le P.de Brisacier, de son Approbation à la Défense des nouveaux chrétiens. Cette même année 1710, le 25 septembre, le Pape impose le silence sur cette affaire. (Voir CHARMOT, MAIGROT Ch.).

Le P. de Brisacier a eu de nombreuses relations avec plusieurs personnages célèbres du XVIIe siècle : Bossuet, Fénelon, Mme de Maintenon¬ ; celle-ci lui a demandé son opinion sur les idées de Mme Guyon, que le supérieur du Séminaire, quoique ami de Fénelon, blâme.

Comme le P. Tiberge et l’évêque de Chartres, Mgr Godet des Marais, il prend une large part à la composition du Règlement de la maison de Saint-Cyr où il se rend assez souvent. C’est de lui et du P. Tiberge qu’est écrit, dans les Mémoires sur Mme de Maintenon : « À peine prenaient-ils un peu de sommeil (pendant leur séjour à Saint-Cyr), ayant à écrire pour leurs affaires bien avant dans la nuit ; et la tourière nous a dit que lorsqu’elle allait faire leur chambre, elle trouvait leur lit sans aucune apparence qu’on y eût couché, ou du moins qu’un peu dessus. »

Mgr des Marais, le confesseur ordinaire de Mme de Maintenon, étant tombé malade, celle-ci prend pour directeur le P. de Brisacier. En cette qualité, il lui écrit une série de lettres dont, paraît-il, on garde copie.

Il s’occupe de la direction de plusieurs couvents, entre autres de la Visitation et de l’Institut du Saint-Enfant Jésus (Dames de Saint-Maur). Pendant quinze ans, il partage le supériorat de cette dernière Congrégation avec le P. Tiberge. A la mort de celui-ci, il en devient, quoique âgé de 88 ans, le seul supérieur. En 1732, il adresse à l’archevêque de Paris, Mgr de Vintimille, une supplique, le priant d’aider l’Institut à obtenir du roi des Lettres patentes.

Il prêche des missions à Paris et dans quelques villes de France, principalement à Chartres, à Blois, à Châlons. Il refuse plusieurs évêchés, ce qui lui attire l’estime particulière de Louis XIV.

Deux mois avant sa mort, il prie qu’on le décharge du supériorat du Séminaire. Sa demande est accueillie ; il est remplacé par le P. de Combes, élu le 7 février 1736. Il meut au Séminaire des MEP le 23 mars de cette même année, après avoir été directeur pendant plus de 60 ans. Il ne laisse, comme il l’avait désiré, « ni biens ni dettes ». Ses funérailles sont présidées par l’archevêque de Sens, Mgr Languet de Gergy, et son corps est déposé dans la crypte de l’église du Séminaire, près de celui de Mgr de Lionne.

La Gallia Christiana fait de lui cet éloge : « Ingenii maturitas, sermonis facundia tam in concionando quam in familiari colloquio, peritia quoque animas regendi et pietas singularis illi Regis, aulicorum, ac totius Galliæ benevolentiam et existimationem conciliarunt. »