Jacques LONGER1752 - 1831

[247] Jacques-Benjamin Longer naît au Havre (Seine-Maritime) le 31 mai 1752. Il n'a que sept ans lorsque, les Anglais étant venus assiéger la ville, ses parents l'envoient à Rouen. Il y commence ses études qu'il continue à Paris au collège des Grassins ; il étudie la philosophie et la théologie au séminaire de la Sainte-Famille ou des Trente-trois. Après avoir passé son examen de bachelier en théologie, il entre le 30 septembre 1774 au Séminaire des MEP, est ordonné prêtre le 23 septembre 1775, part de Paris le 4 décembre suivant avec le P.Gabriel-Taurin Dufresse, le futur évêque martyr, déclaré Bienheureux en 1900 et canonisé en 2000. Il est destiné au Tonkin occidental, mais le procureur des MEP à Macao juge que la Cochinchine a un plus grand besoin de missionnaires et l'y envoie.

En arrivant sur les côtes de ce pays en 1777, la barque sur laquelle il était est attaquée par des pirates ; le missionnaire reçoit une blessure au genou, et il aurait été massacré sans l'habileté du catéchiste qui l'accompagnait. Il demeure pendant 14 ans dans la Haute-Cochinchine, particulièrement dans la province du Quang-tri. La révolte des Tay-son et les troubles politiques qui s'ensuivent le forcent plusieurs fois à prendre la fuite. Il fonde, vers 1783, le séminaire de Phuong-ruou, devenu le séminaire d'An-ninh (An-ninh, An-do, Di-loan se touchent ; Phuong-ruou est à An-do).
Choisi pour coadjuteur par Mgr Davoust, vicaire apostolique du Tonkin occidental, qui le demande à la Propagande et sollicite un ordre exprès pour le forcer d'accepter, il est nommé évêque de Gortyne par une bulle du 3 avril 1787 ; cette pièce ne lui parvient que le 10 décembre 1790, plus d'une année après la mort de Mgr Davoust. Il n'y avait dans toute l'Indo-Chine qu'un seul évêque, Mgr Pigneau de Béhaine, que le P.Longer ne pouvait aller trouver à cause de la guerre civile. Il se rend à Macao en traversant une partie du Tonkin et du Kouang-tong ; il y est sacré le 30 septembre 1792 par l'évêque Mgr Marc da Silva.
Il revient par mer, débarque au Tonkin oriental, et y sacre, le 10 mars 1793, le dominicain espagnol le P. F. Alonzo, nommé évêque de Fesseiten et vicaire apostolique de cette mission. Après avoir passé quelques semaines dans son vicariat et ordonné plusieurs prêtres, il se rend au Bo-chinh, où, le 21 septembre de la même année, il sacre évêque de Véren, le P. Labartette, le coadjuteur de Mgr Pigneau de Béhaine.
De la fin de l'année 1793 au milieu de l'année 1795, il visite les chrétiens du Ha-tinh et du Nghe-an, puis va dans le Thanh-hoa où il faillit être arrêté. Au mois d'octobre 1795, il tient un synode dans lequel sont rédigées des règles sur l'administration des sacrements, sur la discipline à observer par les missionnaires, par les prêtres indigènes, les catéchistes et les jeunes gens de la maison de Dieu. Huit missionnaires y assistent. Cette œuvre constitue tantôt la codification, tantôt la rectification des traditions et des usages de la mission du Tonkin occidental. Le P.Sérard, facilement porté à la critique, jugeait peu pratiques plusieurs articles de ce règlement, qui était cependant fort important et a été observé pendant près d'un siècle presque sans changement.
Le 10 avril 1796, il sacre son coadjuteur le P. La Mothe ; puis il visite la province de Son-tay, et part en 1797 pour le Lac-tho. La persécution de 1798 le force à errer dans les montagnes et les forêts où il est arrêté, mais peu après délivré par les chrétiens. En 1802, lors de la victoire définitive de Gia-long sur les Tay-son, Mgr Longer, accompagné d'un de ses missionnaires, va saluer le roi à Hanoï, et demander la publication d'un édit en faveur de la liberté du catholicisme. Cette demande n'ayant été qu'imparfaitement accordée, il la renouvele en 1804 sans plus de succès.
Retourné à Ke-vinh (Vinh-tri), sa résidence ordinaire, il y fonde un petit hôpital en 1805. Il compose plusieurs ouvrages de doctrine, qu'il fait revoir par les prêtres annamites ou par les catéchistes les plus lettrés. Le premier de ces ouvrages, le catéchisme, parut en 1802, est tiré à 1 300 exemplaires ; la 2e édition, en 1804, est tirée à 1 566 exemplaires, et la 3e, en 1823, à 3 100.
« Après le catéchisme », écrit Langlois, « il compose un excellent ouvrage qui renferme un cours d'instruction, que tous les aspirants aux fonctions de catéchistes sont tenus d'apprendre par cœur et de réciter en public, avant d'être admis à les exercer. »
Jusqu'alors, tous les livres de religion composés au Tonkin en langue annamite étaient manuscrits ; l'évêque fait imprimer les siens, et remplace les planches en usage parmi les imprimeurs tonkinois, par des caractères isolés et mobiles, qu'il fait tailler et graver par ses catéchistes.
Il perd, en 1816, son premier coadjuteur, le P.Ch. La Mothe ; en 1823, son second,le P. Guérard ; en 1827, son troisième,le P. Ollivier, qui est remplacé en 1829 par le P.Havard. Ces quatre coadjuteurs portèrent le titre d'évêque de Castorie.
L'hostilité que, presque au début de son règne, Minh-mang manifeste contre les missionnaires et contre les chrétiens l'oblige à quitter plusieurs fois Ke-vinh. Ses dernières années sont attristées par de continuelles infirmités. Il ne peut plus remplir de fonction épiscopale, et ne célébre que rarement la sainte messe. Le dernier compte-rendu qu'il adresse à la Propagande est daté du 16 avril 1830 ; il indique les chiffres suivants : 2 évêques, 6 missionnaires, 87 prêtres indigènes, 174 000 chrétiens répartis en 50 paroisses, 1 grand séminaire renfermant 20 théologiens et 60 latinistes, 2 petits séminaires avec une centaine d'élèves. En 1829, on compte : 595 baptêmes d'adultes, 1886 baptêmes d'enfants de païens, 2 758 baptêmes d'enfants de chrétiens, 192 093 confessions, 87 266 communions, 1 390 viatiques, 2 574 extrême-onctions, 1 065 bénédictions de mariage, et 916 confirmations.

Après un apostolat de 55 à 56 ans dont plus de 40 comme évêque, Mgr Longer meurt le 8 février 1831, à Ke-vinh, à l'âge de 79 ans ; il a eu la plus longue carrière apostolique et épiscopale qu'enregistrent les annales des MEP en Indo-Chine.

Il se faisait remarquer par beaucoup de calme, de patience, d'humilité. Vers la fin de sa vie, il signait souvent ses lettres : " le vieux pécheur Longer ".