Christian LEONI1928 - 2003
- Statut : Prêtre
- Identifiant : 4058
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Identité
Naissance
Décès
Missions
- Pays :
- Vietnam
- Région missionnaire :
- 1958 - 1973 (Kontum)
- 1973 - 1976 (Ban Mê Thuôt)
Biographie
[4058] LEONI Christian est né le 12 janvier 1928 à Paris.
Ordonné prêtre le 2 février 1958, il part le 7 octobre suivant pour la mission de Kontum (Vietnam).
Il étudie le vietnamien à Banam (Cambodge) et à Dalat, puis le bahnar à Kontum. Il est ensuite nommé vicaire à Kon Kola, puis à Kon Horing (1961), et curé de Kon Kola (1962).
Blessé au bras droit lors de l'attaque des Viet-cong à Kon Horing, le 23 février 1969, il doit être hospitalisé à Pleiku et renvoyé en France pour y être soigné.
De retour au Vietnam en 1972, il est chargé des réfugiés au camp de Marylou. Il est ensuite nommé curé du camp de réfugiés de Bun Hang Hai, près de Ban Me Thuot (1973-1976).
Expulsé du Vietnam le 23 juillet 1976, il revient en France et s’occupe des réfugiés du Sud-Est asiatique. Puis il devient aumônier du Centre Hospitalier de Falaise en 1983. Victime d’un accident de voiture en 1984, il doit subir une longue rééducation à Granville. Il réside ensuite à Pont-L'Évêque.
Il meurt le 22 février 2003 à Lisieux.
Nécrologie
[ 4058 ] LEONI Christian, Albert, Bernard
Missionnaire
Kontum
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Christian, Albert, Bernard LEONI, fils de Barthélemy et de Bernadette, Marie-Madeleine FRESON, son épouse, naquit à Paris, 89 rue d'Assas, le 12 janvier 1928, et fut baptisé le 5 février 1928, en l'église paroissiale du Sacré-Cœur d'Eaubonne, (95600) ; à cette époque, cette paroisse dépendait du diocèse de Versailles, et dans le département de Seine-et-Oise ; présentement elle fait partie du diocèse de Pontoise, et c'est une commune du département du Val d'Oise.. Ses parents travaillaient tous les deux, dans les services de la Poste, son père comme directeur départemental , et sa mère comme Receveuse Trois enfants, deux garçons et une fille, virent le jour au sein de cette excellente famille chrétienne, soucieuse de donner à leurs enfants une solide éducation humaine et spirituelle, complétée par toutes ces valeurs dont le mouvement scout était porteur. Au sein de cette famille unie, Christian tenait le rang de cadet.
Il semble que la famille s'installa assez rapidement dans le Calvados, car Christian parcourut le cycle de ses études primaires, à Lisieux, à l'Institution Frémont, où il fit sa Communion Solennelle, le 8 juin 1939 ; il reçut le sacrement de confirmation, à Lisieux 13 juin 1939. En 1943, il rentra à l'École Nationale d'horlogerie de Cluses (Haute Savoie) où il resta trois ans. En octobre 1946. il se dirigea alors vers deux établissements "Collèges Petits Séminaires"préparant des jeunes gens dits "Vocations tardives", à leur entrée dans un grand séminaire. Christian passa l'année scolaire 1946-47, à Montmagny (95360). Il quitta alors cette maison pour continuer ses études au "Séminaire N.D. de Lourdes et Ste Thérèse de l'Enfant –Jésus" à Saint Jean, par Changis-sur-Marne (77660).
Dans sa lettre du 14 juin 1950, écrite au terme de sa dernière année scolaire au Séminaire N.D. de Lourdes, et adressée à Mgr. Lemaire,Supérieur Général des Missions Étrangères, en vue de son admission au séminaire de Bièvres, M. Christian Léoni nous donne un rapide aperçu de son "curriculum vitae". .."Il y a trois ans, au mois de Juillet, j'avais demandé au R.P. Prouvost de me faire entrer au Séminaire des Vocations Tardives en vue d'entrer par la suite dans la Société des Missions Étrangères. Bien des évènements se sont passés en ces trois ans : un an à Montmagny, mon départ de cette maison,et après un an, avec votre permission, mon entrée à St. Jean où je termine ma philosophie universitaire. Et puisque le R.P. Prouvost m'autorise à faire cette demande, je sollicite de votre bienveillance, Excellence, mon admission au grand séminaire de Bièvres pour septembre prochain.
Depuis longtemps déjà, j'ai songé au sacerdoce et aux missions. C'est en 1946, que j'ai rencontré le R.P. Sylvestre, actuellement à Swatow, qui m'a dirigé vers la rue du Bac et le R.P. Destombes. Bien que mes parents ne soient précisément contents de me voir me destiner aux missions, je crois bien cependant répondre à l'appel de Notre Seigneur. Mes deux directeurs spirituels, tant à Montmagny qu'à St Jean, n'ont toujours fait que m'encourager en cette voie. Par ailleurs, le R.P. Prouvost est bien au courant de tout ce qui s'est passé depuis ces trois ans…."
Renseignements ayant été pris auprès de son Supérieur de Séminaire à St.Jean, ce dernier écrivait, à la date du 16 juin 1950, la lettre suivante au Supérieur Général des Missions Etrangères. …"Nous n'avons aucune objection à formuler contre l'admission de Christian Léoni dans votre Séminaire. Sa conduite au cours de cette année a toujours été satisfaisante. Il a fait preuve d'une piété de bon aloi, d'un jugement droit et équilibré,d'un bon esprit, et il parait bien attaché à sa vocation missionnaire. Ses études ont été elles aussi satisfaisantes comme en témoignent les bulletins trimestriels que je vous ai adressés et comme me le confirme le jugement porté par ses professeurs de latin,de français et de philosophie. C'est un élève qui se situe dans la moyenne de la classe et qui parait capable de faire de bonnes études de Grand Séminaire…"
Avec un cœur plein de bonheur, M.Christian Léoni reçut la réponse positive de Mgr. Lemaire à la demande d'admission au Séminaire de Bièvres qu'il avait présentée. Depuis le Séminaire St. Jean, il le dit à Monseigneur, dans sa réponse du 21 Juin 1950…."Il m'est impossible d'attendre plus longtemps pour vous dire combien ma joie a été grande à la réception de votre lettre. Quel merci profond et heureux j'ai pu dire au Divin Maître et à sa Mère. Voici un nouveau pas de fait….et je puis dire avec vous : "Vive la joie toujours."! …. Et il signe Christian Léoni, aspirant missionnaire.
C'est ainsi, le 18 septembre de l'Année Sainte 1950, M. Christian Léoni arrivait, laïc,à Bièvres au séminaire de Bel-Air ; il venait y commencer sa première formation missionnaire. Sa première année de philosophie à Bièvres fut sans doute un peu difficile au plan des études. Ses capacités intellectuelles étaient réelles, mais il était à la recherche d'une méthode de travail, dans un milieu nouveau pour lui. Mais, il y avait le temps des grandes vacances. Il répondit à la proposition qu'on lui fit de devenir "moniteur" pour encadrer les jeunes. Avec grand dévouement, il se mit leur service et réussit fort bien auprès d'eux, grâce à son savoir-faire dans la vie pratique et à son contact très agréable ; Il fut très bien noté par ses supérieurs organisateurs et directeurs de colonie.
En octobre 1952, ce fut l'appel sous les drapeaux ; c'est en Allemagne qu'il fit son service militaire jusqu'en avril 1954. Son aumônier militaire de la garnison de Landau le présente comme "garçon solide, intelligent, qui a été marqué par son scoutisme…Il y a chez lui beaucoup de générosité, le désir de se donner et de rendre service.." Il sera rappelé plus tard et servira en Algérie, dans la région d'Oran, de juillet 1956 à octobre 1956.
De retour au séminaire, en avril 1954, mûri par son temps de caserne, il reprit avec régularité ses études ecclésiastiques, et se prépara aux prochaines ordinations. Le 10 avril 1955, il était agrégé temporairement à la Société ; le 17 avril 1955, il recevait la première tonsure ; le 29 mai 1955, dimanche de la Pentecôte, il était fait Portier et Lecteur ; le 25 septembre 1955, il devenait Exorciste et Acolyte. Le 28 juin 1956, avec cinq de ses confrères, il était agrégé définitivement à la Société des Missions Étrangères tout en restant incardiné au diocèse de Bayeux ; sous-diacre, le 29 juin 1956 , diacre, le 9 décembre 1957, il fut ordonné prêtre le 2 février 1958, en la chapelle des Missions Étrangères, en même temps que M. J.B. Etcharren. Cette ordination ne comptait que deux nouveaux prêtres.
Le 15 décembre 1957, en application d'une nouvelle décision au sujet des destinations, M.Christian Léoni reçut son affectation au service du diocèse de Kontum. En effet, dans sa lettre L. 793/57 du 15 décembre 1957, adressée aux Supérieurs Régionaux et ecclésiastiques membres de la Société, le Supérieur Général écrivait : …"Le 12 novembre dernier, après avoir obtenu le consentement du Conseil Central, j'ai décidé que, désormais, les destinations seront données dès l'appel au diaconat du groupe des futurs partants. Ces dernière années elles étaient données après l'appel au sacerdoce, quinze jours avant l'ordination. La raison principale de cette décision a été la volonté de faciliter une meilleure préparation des futurs missionnaires à l'apostolat en Asie. Le désir de diminuer les inconvénients dans l'octroi des visas n'y a pas été étranger…"
Retenu en France durant quelques mois, pour raison de santé, M. Christian Léoni s'embarqua à Marseille, avec sept autres "partants", le 7 octobre 1958, à bord du paquebot "Cambodge". Débarqué à Saigon le 3 novembre 1958, il passa quelques jours dans la capitale du Sud Viêtnam, après quoi il gagna Kontum, le 8 novembre 1958. Pendant quelques courtes semaines, il visita les divers postes et districts de sa mission. Après avoir fait un petit tour de reconnaissance des lieux, de contact avec les confrères, et d'information, il prit le chemin de l'école de langues installée à Banam en territoire cambodgien, mais tout proche de la frontière avec le Viêtnam. Il y arriva le 25 novembre 1958, et commença aussitôt l'étude de la langue vietnamienne, sous la direction des Frères de la Sainte Famille qui avaient là leur maison mère. La communauté était composée essentiellement de frères vietnamiens, destinés à diriger des écoles dans les villages et à assurer la charge de catéchistes. Il y avait là des hommes de savoir et de riche expérience pour la formation linguistique des jeunes missionnaires.
Ce temps d'étude était entrecoupé en fin de semaine, ou pendant les petites vacances, de visites de découverte du pays kmer, de leurs habitants et des chrétientés vietnamiennes de la région. Puis, après plusieurs mois d'exercice, familiarisé avec les.tons, M.Christian Léoni rentra au Viêtnam mettre en pratique l'enseignement reçu de ses maîtres vietnamiens. Le 18 juillet 1959, il était de retour à Saigon ; le 24 juillet 1959, il retrouvait Kontum, chef-lieu de cette province des Hauts Plateaux, centre de la mission, et ses confrères. Son Évêque, Mgr. Seitz, l'envoya à Dak-Psi (Diên-Binh en viêtnamien), un village situé à 36 kms au nord de la ville de Kontum. Là, il perfectionna ses connaissances de la langue et du monde vietnamien.
Ce premier stage de courte durée à Diên-Binh prit fin le 20 novembre 1960 ; il fut complété par une formation pastorale, à Saigon d'abord. Mais, ce séjour en cette ville s'annonçait plein d'émotions. Les 11 et 12 novembre 1960, la capitale du Sud Viêtnam venait de vivre un "coup d'état" contre le Président de la République, M. Ngô-dinh-Diêm . Pour rétablir une situation critique, celui-ci parvint à faire passer sur les ondes, un message appelant à la rescousse les forces armées de la province pour le délivrer des officiers de paras qui avaient investi le palais présidentiel à Saigon. Ce fut un coup d'état manqué, mais qui fit des victimes, car les combats furent violents. Mais le Président Ngô-dinh-Diêm restait en place encore pour un certain temps.
Trois jeunes missionnaires sortant de l'école de langue de Banam étaient concernés par ce stage de formation pastorale. L'un d'eux, M. Pierre Poncet jeune missionnaire de Hué, écrivait depuis Saigon à sa famille en France, à la date du 5 novembre 1960. Il relate : .."Nous n'avons pas encore commencé les cours. Nous ne serons que trois élèves : deux de Hué et un de Kontum, qui n'est pas encore arrivé. Nous l'attendons pour commencer. " Puis, dans un courrier du 28 novembre 1960, adressé aux siens, ce même missionnaire écrit : :.. "Le Père Léoni de Kontum, a fini par arriver, mardi dernier et nous sommes au complet pour nos cours…" ; puis, réagissant contre un article paru dans un journal en France, au sujet des évènements se déroulant au Sud Viêtnam, il continue pour rassurer sa famille :…". la situation n'est tout de même pas aussi grave : il y a des attaques viêt-minh sur les chantiers de construction de route ; il y a eu un Père vietnamien assassiné ; mais personne n'a été arrêté. La mission de Kontum n'est tout de même pas à feu et à sang ; bien loin de là. A Saigon même, nous sommes parfaitement tranquilles…"
Nos trois stagiaires passèrent à Saigon la fin de l'année 1960. Ils prirent part aux cérémonies et aux fêtes données, en cette ville, à l'occasion d'évènements mémorables : établissement de la hiérarchie dans l'église du Viêtnam, nomination de quatre nouveaux évêques vietnamiens, joyeuses nouvelles annoncées le 8 décembre 1960, puis jubilé sacerdotal de Mgr. Simon Hoà Hiên, originaire de la mission de Hué, et vicaire apostolique de Saigon, nommé évêque fondateur du nouveau diocèse de Dalat., détaché de celui de Saigon. Il convient aussi de ne pas oublier la présence et la visite du Supérieur Général de la Société dans la région Sud Indochine.
M. Christian Léoni profita de son séjour à Saigon, pour se faire soigner les dents ; dans les premiers jours du mois de mars 1961, il rejoignit ses deux confrères stagiaires déjà arrivés à Dalat depuis quelques semaines. M .Pierre Poncet raconte à sa famille son premier séjour à Dalat : .."…Dalat est vraiment un endroit idéal : tout d'abord la ville est située à 1600 mètres d'altitude , donc il y fait très frais…De plus, nous avons chacun une petite chambre bien agréable, et j'espère que nous pourrons y faire du bon travail dans la tranquillité et le silence…Il faut aussi que je vous parle des habitants de la maison : tout d'abord cette maison est une maison de repos pour tous les Pères de la Société qui travaillent au Viêtnam. Il y a un vieux Père de 79 ans qui garde la maison : il est bien vieux, mais il a un caractère très jeune et je crois que nous nous entendrons assez bien avec lui. Ensuite, il y a un cuisinier-chauffeur-père de famille…."
Durant le premier mois, les stagiaires travaillèrent seuls. Ils eurent ainsi le loisir de visiter les nombreuses communautés religieuses installées dans la ville, les chrétientés vietnamiennes et les alentours. Mais leur stage consista principalement à prendre en charge pour un temps, et ponctuellement quelques petites paroisses vietnamiennes installées dans les environs de la ville. Les fêtes de Pâques étant proches, on ne les laissa pas inactifs ; leurs services furent appréciés. Ils se rendirent aussi auprès des communautés montagnardes de la région de Dalat, de Mlon, de Djiring, à la léproserie où vivait, dans une retraite paisible mais fort active, Mgr. Jean Cassaigne, dernier vicaire apostolique français de Saigon.. Des cours de pastorale leur étaient assurés par "le P. Gagnon Gérard, un rédemptoriste canadien qui a une très grosse influence au Viêtnam.." Une session de catéchétique termina le stage : .."Nous avons eu des conférences formidables..".
Nos stagiaires rencontrèrent aussi, sur le terrain, et dans leur milieu de vie, des Planteurs de thé et de café :…"Nous devons aussi aller passer quelques jours du côté de Djiring, à 70 kms d'ici, chez un planteur, qui nous fera quelques cours d'agriculture ; nous devrons aussi aller visiter une ferme d'élevage. Vous voyez que notre cours de pastorale comporte pas mal de choses…" " Pendant deux jours, j'ai entendu parler de bonnes terres rouges, qui, si on les arrose, produisent tant qu'on veut "…Le dernier mois de stage semble avoir été particulièrement chargé. Et quelqu'un fit même une proposition un peu tardive à ajouter au programme : la cuisine. Mr. Pierre Poncet raconte : .." Hier j'ai rencontré un Français qui est restaurateur ici, à Dalat et en plaisantant, je lui ai proposé de nous donner des cours de cuisine ; il a pris cela au sérieux et il veut nous embaucher une demi-heure par jour comme gâte-sauce…"
Enfin, début mai 1961, après ce séjour à Dalat, chacun fit ses paquets et valises en vue de regagner sa mission. Le 25 mai 1961, M. Christian Léoni avait rejoint Kontum. Son Évêque, Mgr. Paul Seitz, envoya son jeune missionnaire dans la chrétienté de Kontum-Kopong pour y étudier la langue bahnar.
L'année 1960 fut un temps de dure épreuve pour la mission de Kontum. Le 28 septembre 1960, dans le district voisin de Kondu, un prêtre vietnamien, le P. Minh était assassiné par des guérilleros Viêtcong. M. Théophile Bonnet prit alors en charge ce district ainsi que le secteur de Kon Kola, au nord de la ville de Kontum ; le 6 décembre 1961, M. Christian Léoni devint son vicaire. Le voilà chez les Sedangs. Quelques jours plus tard, le 13 décembre 1961, à son tour, M. Théophile Bonnet tombait sous les balles de miliciens communistes, alors qu'il rentrait à pied et en soutane de célébrer la messe au petit village de Ngo-Ro-Nge. La région n'était pas sûre, et la succession dans ce district pas facile.
Voilà pourquoi, le 18 décembre 1961, Mgr. Seitz déplaça M.Christian Léoni, à Kon Horing, un secteur moins exposé. Tout en lui laissant la charge pastorale du district de Kon Kola, qui comptait 1105 chrétiens et quelques 500 catéchumènes, son évêque lui demanda de s'installer à Kon Horing, un centre chrétien important relativement proche de Kon Kola . Il le nomma vicaire de M.Gabriel Brice, curé de Kon Horing. L'année suivante, le 2 juin, M.Christian Léoni reçevait le titre de curé du district de Kon Kola.
Tout en gardant sa résidence à Kon-Horing, le jeune curé éloigné de Kon Kola, son centre, se préoccupait de l'avenir des jeunes, les encourageant fortement à fréquenter régulièrement l'importante école paroissiale de Kon Horing, dirigée par les Frères des Ecoles Chrétiennes. Il faisait des visites pastorales dans son district, autant que les circonstances le lui permettaient. Mais, dans son ensemble, la communauté chrétienne restait fervente, malgré les incursions viêtcongs créant l'insécurité, et pendant quelques mois de l'année, une certaine sous alimentation. "Faire les champs" était difficile, au temps de la moisson, cela pouvait devenir dangereux. Courageux, ses chrétiens n'hésitaient pas à faire une journée de marche à pied pour rencontrer le Père et recevoir les sacrements.
Malgré tout, la pression viêtcong sur les villages montagnards et viêtnamiens implantés loin des centres importants, restait forte, parfois violente. De ce fait, beaucoup de villages chrétiens ou non étaient mis dans l'obligation d'abandonner leurs emplacements traditionnels pour se regrouper dans des zones plus sûres, le plus souvent le long des axes routiers. Ils devenaient ainsi des "personnes déplacées" et leurs villages se transformaient en villages dits "stratégiques ou fortifiés".
En avril 1962, un court temps d'accalmie permit à M. Christian Léoni, d'aller en visite dans la haute vallée du Psi, dans le district de Dak-Potrang, fondé quelques années auparavant, par M. Marcel Lantrade. Sans prêtre résident, ce district comptait 7 villages avec 464 baptisés et 577 catéchumènes. Malgré tout, lors de son court séjour parmi eux, le Père eût la joie de constater que ces nouveaux chrétiens restaient courageux et fidèles à la prière, bien que parfois tentés de revenir à leurs rites et croyances anciennes. Dans la mesure du possible, de temps à autre, ils se rendaient à Kon Horing pour recevoir les sacrements. Mais l'insécurité ambiante, avait obligé plusieurs villages de ce district éloigné à se déplacer ; leurs catéchistes avaient suivis leurs ouailles.
La fin de l'année 1963 se termina par de nombreux bouleversements poltiques. Le 1er novembre 1963, nouveau coup d'état à Saïgon suivi de la mort brutale du Président de la République, M.Ngô-Dinh-Diêm. Le pouvoir fragile passait alors entre les mains d'une junte militaire, secouée par les nombreuses rivalités des responsables politiques ambitieux. Cela se traduisit par le désordre, par une succession de coups d'état plus ou moins importants, fomentés par des factions rivales. En outre, les américains, tant au plan politique que militaire, se trouvaient de plus en plus engagés dans cette guerre qui n'en finissait pas. De plus, leurs chefs étaient persuadés que tout Français au Viêtnam, missionnaires y compris, était un agent de la politique neutraliste prônée, à cette époque, par leur pays d'origine ; il fallait donc les surveiller, parfois les éloigner de ce pays d'adoption où ils vivaient depuis de longues années, par l'expulsion ou un refus d'extension de visa. Mais toutes ces mesures n'empêchaient pas la guerre de subversion menée par les éléments communistes de se développer. Sur les Hauts Plateaux, particulièrement une telle situation ne facilitait pas le séjour, la présence et l'action pastorale de nos confrères, chez les "montagnards", minorités ethniques auprès desquelles ils jouissaient d'une grande considération. Malgré cela, pendant cette année 1963, M. Christian Léoni, dans son district, enregistrait 52 baptêmes ; le nombre de ses catéchumènes s'élevait à 911.
D'une manière générale, dans le pays, le climat d'insécurité s'aggrava en 1964, et en particulier dans la mission de Kontum. Un de nos confrères échappa à l'explosion de deux mines, cinq autres reçurent des rafales de mitraillettes dans leurs voitures. Tous s'en sortirent indemnes, mais trois d'entre eux eurent des passagers tués dans leur véhicule. Il faut croire que selon le mot de Péguy : "Il y a un ange gardien très malin et très rusé." En raison d'une telle situation, les supérieurs renouvelèrent à M. Christian Léoni leur interdiction d'établir une résidence fixe dans son district de Kon Kola marqué par l'assassinat de ses deux prédécesseurs. Décision sage, car en mars 1965, M. Léon Dujon, responsable du district de Dak Kola, était enlevé par les viêtcongs, qui le retinrent en captivité jusqu'au 2 septembre 1965. Quant à M. Christian Léoni, il partit en congé en France où il arriva le 6 août 1965. Le 12 avril 1966, il regagnait sa mission de Kontum.
De retour à Kon Horing, il eût à faire face aux nombreux problèmes matériels, moraux et spirituels posés par la création, l'organisation interne, la vie au quotidien des centres de réimplantation des réfugiés, et les déplacements ordonnés par les autorités civiles de villages sedang. En effet, dans le nord de la mission, en raison de la pression et des attaques viêtcong, l'exode des populations montagnardes avait été massif. Le 26 juin 1965, le poste militaire de Toumorong était pris par les viêtcong, le 6 juillet suivant, celui de Dak-To tombait à son tour ; fin août 1965, le poste de Dak-Sut était entre leurs mains. Janvier 1966, ordre était donné à tous ces réfugiés montagnards de s'installer à Dak-To, poste réoccupé par les troupes nationalistes, situé à 50 kms au nord de Kontum.
Sans doute, la grosse partie des habitants du district de Kon Kola s'était déjà repliée, pour une meilleure sécurité, sur la paroisse de Kon Horing ; toutefois, les chrétiens n'en étaient pas moins éparpillés un peu partout, dans le diocèse : les uns à Kontum, plusieurs familles à Pleiku, à la recherche de moyens d'existence, et tous ceux qui étaient mobilisés, pour un temps indéfini, dispersés dans divers postes militaires, souvent sans secours spirituels. Dans les camps de réfugiés, dans les agglomérations proches des bases militaires alliées, les habitudes traditionnelles de travail, de vie familiale et chrétienne se trouvaient quelque peu bouleversées surtout chez les jeunes attirés par l'argent facile. Avec courage, avec foi, face à ces nombreux problèmes, M. Christian Léoni prit donc en charge, outre son propre district, celui de Kon Horing, son confrère,M. Gabriel Brice, partant en congé.
Le 8 juillet 1967, était érigé le nouveau diocèse de Banméthuôt, confié à Mgr. Pierre Nguyên-Huy-Mai. Cette nouvelle circonscription ecclésiastique, prise sur le Sud de la mission de Kontum et une partie du diocèse de Dalat, couvrait les provinces du Darlac ,de Quang-Duc et de Phuoc-Long. De ce fait, le diocèse de Kontum n'englobait plus que trois provinces : celles de Phu-Bôn, Pleiku et Kontum. M. Christian Léoni restait attaché au service du diocèse de Kontum.
En 1967, la situation générale dans le diocèse de Kontum semblait s'être légèrement améliorée; les regroupements de villages de "personnes déplacées" étaient stabilisés ; cependant, l'insécurité persistait tout en prenant un visge nouveau, sous la forme d'infiltrations de commissaires politiques communistes, de leur endoctrinement souvent pendant la nuit, des populations déplacées, d'embuscades sur les routes, de mines, parfois d'attaques de villages. Ainsi, fin mai, les guérilleros viêtcongs assaillirent un regroupement de villages dont M. Christian Léoni avait la charge. Il y eût 27 tués, et pour la quatrième fois, les habitants furent contraints à quitter les lieux pour s'installer plus loin ailleurs n'emportant que peu de choses avec eux !.
En 1969, et dans l'espace de quatre mois, les guérilleros viêtcong attaquèrent à sept reprises, l'important centre de Kon Horing où, depuis plusieurs années, se trouvait regroupée la population de plusieurs villages sedang. Le 23 février 1969, c'est au cours de l'un de ces accrochages violents entre éléments vietcong et troupes nationalistes, à Kon Horing, que M. M.Christian Léoni fut sérieusement blessé au bras droit. Évacué à l'hôpital américain de Pleiku, il continua ses soins à Kontum , à hôpital Ninh-Quy, créé par la mission catholique. Le 28 juillet 1970, il rentra en France pour y être opéré de sa blessure, et prendre un peu de repos. En 1969, il avait rédigé et publié un petit catéchisme à l'usage des Xedang de Kon-Kola.
Le 5 octobre 1972, M. Christian Léoni remis, arrivait à Saïgon où il passa quelques semaines avant de regagner Kontum, le 28 novembre 1972. L'année 1972 avait été marquée par une attaque généralisée des forces nord-viêtnamiennes et du Front de Libération Nationale à la hauteur du 17ème parallèle. La ville impériale de Hué avait été menacée d'encerclement. Dans la première quinzaine d'avril 1972, ces mêmes forces attaquèrent la province de Kontum. Cette ville fut investie par les guerilleros, mais résista, repoussant pour un temps l'envahisseur. Il s'en suivit un exode massif des populations sur Pleiku. Quant à la population au nord de Kontum, elle se trouva prise dans cet encerclement des forces viêtcong. Quatre confrères furent faits prisonniers, emmenés en forêt où ils passèrent quatre mois de captivité.
Telle était la situation de la province lors du retour de M. Christian Léoni dans sa mission. Envoyé par son évêque dans un premier temps, chez les réfugiés du camp de Marylou, il fut nommé, en juillet 1973, curé du camp de réfugiés de Bun-hang-Hai, à cinquante kms au sud-est de Banméthuôt, où il montra son génie d'organisateur. Descendu à Saïgon, le 18 février 1975, il s'y trouva bloqué à cause du déclanchement de l'attaque surprise de la ville de Banméthuôt par les troupes du nord Viêtnam, le 9 mars 1975.
Dans la capitale du Sud Viêtnam, mis dans l'impossibilité de pouvoir remonter sur les Hauts-Plateaux, il s'efforçait de se rendre utile dans les limites imposées par le nouveau régime politique qui se mettait en place. Il s'occupait de l'expédition vers la France, des bagages des confrères qui partaient ou de ceux qui étaient déjà partis. C'était un travail difficile, étant donné la rareté des bateaux en escale au port de Saigon, sans parler des règlements tatillons et des contrôles nombreux du nouveau pouvoir. Il apportait son aide aux réfugiés viêtnamiens expulsés du Cambodge dont la situation matérielle et morale était difficile. Il rendait service à M.Villacroux, aumônier de la communauté française à Saïgon.
Le 15 août 1975, avec M.Jean Vuillemin, il était présent à l'aéroport de Tân-son-Nhut à la périphérie de Saïgon, où, à bord d'une Caravelle d'Air-Lao, il assista à l'embarquement de son Evêque et de ses confrères de Kontum, expulsés et conduits en convoi, sous bonne garde, accompagnés de nombreux photographes, jusqu'àu pied de l'échelle qui menait à la porte de l'avion. Direction Bangkok, et ensuite Paris. Il ne leur avait pas été permis de saluer, et d'échanger quelques mots avec ces passagers "indésirables protégés" et tenus à l'écart.
Enfin, un jour de juillet 1976, M.Christian Léoni, reçut de l'immigration une convocation au sujet de "sa résidence et sa sortie du pays". Il lui fut sans doute recommandé, comme cela avait été fait le 3 juillet 1976, à 25 missionnaires étrangers de différents Instituts Missionnaires présents à Saïgon, "de demander son visa de sortie du pays, afin d'éviter au Gouvernement d'avoir à l'expulser". Comme tous ses confrères, il fut "éloigné" du Viêtnam qu'il quitta le 23 juillet 1976.
Après avoir visité la Thaïlande et le Japon, il rentra en France où il arriva le 15 septembre 1976, apportant des nouvelles sur les évènements et la situation des missions au Viêtnam.. En 1977, installé à Ouistreham (14), il se mit alors spontanément à la disposition des réfugiés asiatiques. En effet, ils étaient fort nombreux, chrétiens ou non, ceux qui arrivaient d'Indochine (Cambodge,Laos,Viêtnam) démunis de tout, ayant fui leur pays en raison des évènements dramatiques qui s'y déroulaient. En lien avec le Centre Migrants-Asie, il les aidait dans les démarches administratives pour régulariser leur situation et trouver un travail ou un logement ; mais sa priorité était de soulager leurs souffrances morales crées par le déracinement, la solitude, et l'inquiétude sur le sort de leurs familles restés au pays.
En1983, à sa demande pour se rapprocher de ses parents âgés retirés à Ouistreham, et sur les conseils de ses supérieurs, M. Christian Léoni, se mit au service du diocèse de Bayeux-Lisieux. Il y fut accueilli fraternellement. Son évêque le nomma aumônier du Centre Hospitalier de Falaise (14). Un an après, le 3 février 1984, il fut gravement blessé dans un accident de la route. Il fallut le dégager de sa voiture au chalumeau. Il était atteint de plusieurs fractures au bras droit, -celui qui avait déjà été blessé au Viêtnam - et de contusions à la tête. Conscient, mais souffrant beaucoup, il fut conduit à l'hôpital de Falaise où il reçut le sacrement des malades.
Transféré très vite au CHU de Caen, il y subit plusieurs interventions chirurgicales. Après trois semaines d'immobilisation en salle de réanimation, il entrait au centre ultramoderne de rééducation "Normandy" de Granville (50), le 23 février 1984. Son état s'améliorait lentement mais progressivement. Renvoyé au CHU de Caen, il y séjourna du 25 octobre au 20 novembre 1984. Pendant cette hospitalisation, il subit des examens et le 9 novembre 1984, on lui enleva l'appareillage qui avait été placé dans la colonne vertébrale et qui le faisait souffrir. Bien que l'opération n'ait pas donné tous les résultats escomptés, avec énergie, il reprit progressivement la marche à l'aide d'un déambulateur. Il retourna ensuite,au Centre de rééducation "Normandy" où, en février 1985, il était capable de supporter six heures de rééducation quotidienne à la marche.
Vers la fin du mois de juin 1985, il quittait le "Normandy". L'Evêque de Bayeux lui confia l'aumônerie d'une maison de retraite "Les Douets" qui comptait une cinquantaine de pensionnaires, située à Blangy le Château (14); le 11 juillet 1985, il s'y installait. Nommé prêtre auxiliaire de la paroisse de Blangy, assis, il célébrait l'Eucharistie, et catéchisait un groupe d'enfants. Son état de santé s'améliorant, il pouvait se tenir debout sans appui ; ainsi, il assura la messe de minuit 1985, à l'église paroissiale de Blangy. Le 8 avril 1986, il fit même une apparition à la rue du Bac, sur fauteuil roulant.
Dans une lettre circulaire à ses nombreux amis, en 1986, il écrit : "…Depuis bien des mois, je me suis montré infidèle à mes correspondants ! J'ai reçu beaucoup de lettres, beaucoup d'encouragements et tant d'amitié ! L'amitié est précieuse, irremplaçable ! Je souhaite que cette lettre soit ma réparation. Elle témoignera surtout que je ne vous oublie pas et que je ne suis indifférent à personne, même si un certain nombre de lettres sont restées sans réponse…..
…Après mon grave accident de février 84, j'ai passé 16 mois ½ au centre de rééducation de Granville, en Normandie. Depuis le 11 juillet 85, me voici logé dans un studio (cuisine, salle d'eau) d'une résidence de personnes âgées (une petite cinquantaine), où j'essaie de rendre quelques services, dans ma compétence. Cette résidence est une maison neuve, (avec ascenseur, j'habite au 2è étage). Elle est très agréable. Un inconvénient pourtant ; elle est située sur une hauteur, d'où difficulté à cause des pentes à descendre ou à monter.
Mon but principal est cependant de poursuivre ma rééducation et si possible, de retrouver l'usage de mes jambes. Un essai d'acupuncture a donné quelques résultats secondaires. Jugé insuffisant, on l'a arrêté. Un kinésithérapeute vient 3 fois par semaine pour me faire effectuer quelques exercices indispensables. Naturellement, mes efforts personnels restent l'essentiel. Durant la journée, plusieurs heures de station debout m'aident à retrouver l'équilibre, force et vigueur des jambes, des exercices de marche avec cannes anglaises complètent mon activité.
Certes, déjà bien des améliorations se sont fait sentir : meilleur mouvement des pieds, des genoux ; moins de contractures, de fourmillements dans les jambes. La jambe droite reste cependant retardataire et plus faible que la gauche. Peu à peu toutefois, j'espère bien reconquérir une plus grande mobilité. La fatigue malgré tout, exige de longs moments de repos allongé. Le fauteuil roulant m'est encore bien nécessaire pour les déplacements chez moi ou dans la maison. Mais être assis longtemps dans ce fauteuil m'est vite pénible, surt