Joseph MILLOT1930 - 2001
- Statut : Prêtre
- Identifiant : 4046
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Identité
Naissance
Décès
Missions
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Biographie
[4046] MILLOT Joseph est né le 7 février 1930 à Longeaux (Meuse).
Il entre au séminaire de Bièvres en 1949. Ordonné prêtre à Viviers le 22 décembre 1956, il part le 30 novembre 1962 pour la mission de Taejon (Corée).
Il étudie le coréen à Yeonsei, Taejon, Yesan et Chochiwon, de 1963 à 1967.
Il quitte ensuite sa mission et part pour le Sénégal, où il va enseigner la philosophie. Il hésite à quitter le sacerdoce, mais en 1970 après mûre réflexion, il revient vers les MEP.
Il est affecté au diocèse de Mananjary (Madagascar) et détaché comme professeur de philosophie à l’ESCA de Tananarive.
Deux ans après, il va à l’île de La Réunion et enseigne la philosophie à Saint-Denis.
Il rentre en France en 1983 pour s’occuper de sa maman âgée à Viviers. Il obtient la chaire de philosophie à Montigny-les-Metz. En 1994, victime d’une erreur médicale lors d’une opération il est paralysé à vie.
Il meurt le 27 janvier 2001. Il est inhumé au cimetière de Viviers-sur-Chiers (Meurthe-et-Moselle).
Nécrologie
Mémorial de Joseph Millot
La maman de Joseph Millot, Marie-Louise François de son nom de jeune fille, était une femme extraordinaire, profondément droite, sincèrement chrétienne… Elle a toujours fait l’admiration de ses enfants. De son premier mari, Mr. Charles Bertin, elle avait eu un garçon qui est entré plus tard aux Missions Etrangères de Paris, le Père Emile Bertin. Charles étant décédé au front en 1915 - il n’a pas connu Emile -, Marie-Louise qui n’avait que 24 ans s’est remariée à Mr. Louis Millot, de Longeaux, agriculteur. Elle a eu deux filles : Marie-Thérèse, épouse Balland - décédée en 2001 -, et Jeanne, en religion soeur Catherine, fille de la Charité de saint Vincent de Paul - décédée elle aussi -.
A nouveau veuve, Marie-Louise épouse en troisièmes noces Pierre Millot, étranger à la famille, et, de ce mariage, est né Joseph Millot.
Mr. Pierre Millot était bien connu aux Missions Etrangères, employé qu’il était à la ferme du séminaire de Bièvres. C’est le Père Bertin qui l’a fait embaucher parce qu’il était handicapé. Quand ce même Père Bertin a été nommé à Viviers (Viviers-sur-Chiers, en Meurthe et Moselle), il a pris ses parents avec lui. Pierre Millot, décédé lui aussi en 1953, fut inhumé - le premier de la famille - à Viviers.
Veuve pour la troisième fois, la maman de Joseph s’est éteinte à 102 ans au presbytère de Viviers. Il semble bien que Joseph, grabataire ses dernières années, ait tenu à rester et à mourir à Viviers pour être enterré près de son papa, de sa maman, de son frère prêtre et de sa soeur religieuse dans le petit cimetière de la commune.
Le demi-frère de Joseph Millot, le Père Emile Bertin, avait été ordonné au titre des MEP en 1945 et était parti en Birmanie où, malade, il n’est resté que deux ans. Un temps professeur à Ménil-Flin, il avait été nommé curé de Viviers en 1951 et y mourut quelque trente ans plus tard, en 1980. Handicapé dans sa santé, ne se ménageant pas, il était connu comme un curé très dynamique et mystique. « Très occupé dans la journée, il n’hésitait pas à rester en prière à l‘église jusqu’à une heure du matin » dit la chronique qui lui a été consacrée. Sa générosité et sa conception missionnaire de la pastorale faisaient de lui un curé recherché parce que toujours disponible pour baptêmes et mariages individualisés. De plus, Emile avait mis sur pied un groupe théâtral, organisait des pèlerinages ; il était un dévot du Padre Pio : il avait fondé un ‘Groupe de prière du Bon secours et de la Consolation’, dans l’esprit du stigmatisé - qui fonctionne toujours -, ce qui était nouveau à l’époque. Son passage a fortement marqué cette paroisse. A cause de cette singularité, le doyen de l’endroit était très réservé à son endroit.
Ce milieu et ces circonstances ont beaucoup marqué Joseph Millot.
Joseph est né le 7 février 1930 à Longeaux, dans la Meuse (diocèse de Verdun), et a été baptisé le 16 février suivant. Il fréquente l’école primaire de Longeaux, fait sa première communion et est confirmé aussi à Longeaux. Il entre au petit séminaire de Glorieux (diocèse de Verdun) en octobre 1943 et y reste cinq ans, jusqu’en juin 1948 ; mais la dernière année, d’octobre 1948 à juin 1949, il la passe au petit séminaire Théophane Vénard de Beaupréau. Il se fait remarquer par une intelligence exceptionnelle ; les professeurs de Beaupréau disent qu’ils n’ont jamais vu quelqu’un d’aussi intelligent. Il est toutefois d’une santé fragile. Baccalauréat classique A en première partie, philosophie en deuxième partie.
Deux ans au séminaire de Bièvres (1949-1951) mais le voilà atteint de la tuberculose. Un an à l’aérium d’Aire sur l’Adour (1951-1952). Encore un an à Bièvres (1952-1953). Puis encore un an à Aire sur l’Adour (1953-1954). Il passe enfin au séminaire de la rue du Bac, où sa santé se maintient. Il est tonsuré et reçoit les ‘Ordres mineurs’ en 1955 et les ‘Ordres majeurs’ en l’espace d’une année : sous-diacre en février, diacre en juin et prêtre le 22 décembre 1956. L’ordination à la prêtrise, par Mgr. Derouineau, a lieu dans l’église de Viviers dont le Père Bertin est curé.
Tout au cours de ces années, les appréciations que nous avons sur Joseph sont toutes louangeuses. Déjà le curé de Longeaux « recommandait chaudement son jeune paroissien, très pieux, discipliné, consciencieux et laborieux ». « Un excellent séminariste » disait le supérieur de Glorieux. A Beaupréau, le supérieur disait « Un excellent élève, pieux, travailleur, très bien doué pour les lettres et les sciences ; sa simplicité le fait aimer de tous et il présente un ensemble de qualités assez rares chez les jeunes d’aujourd’hui ; son jugememnt est très droit et son caractère calme et égal promet un sujet brillant ; plus tard, ce jeune homme pourrait faire un très bon professeur ». Quant au Père Haller, supérieur du séminaire de la rue du Bac, il écrivait : « Moralité irréprochable. Piété profonde. Excellent aspirant. Très intelligent. Elève brillant (entre temps il avait passé son baccalauréat scholastique). Comportement irréprochable. Très zélé. Excellente influence. Humble et soumis. Très surnaturel. Affection pulmonaire en voie de guérison : le médecin estime qu’il serait prudent de différer son départ en mission de deux ou trois ans ». Avant l’ordination au sous-diaconat, comme cela se faisait alors, Joseph avait été admis à l’agrégation définitive dans la Société.
Il reçoit sa destination pour Taejon, en Corée, le 15 janvier 1957 mais il ne part que six ans après, le 30 novembre 1962. Cette période fut sans doute trop longue mais comme il lui fallait du repos... et puis, quand on commence des études, il faut bien aller au bout. Ces études, il les fait à la Sorbonne où il obtient une licence en philosophie en 1959 et un doctorat en sciences des religions en 1962. Sa thèse de doctorat portait sur ‘la pensée missiologique de Mgr. Luquet’.
Mais comme il était très doué, il pouvait en même temps faire de l’Ecriture Sainte : c’est ainsi qu’ll obtint le premier prix d’un concours d’Ecriture Sainte, organisé par la ligue de l’Evangile, et ce prix consistait en un voyage en Israël dont il fut enchanté. L’aviation l’intéressait aussi : il obtint un brevet de pilote pour avions légers et il racontait, avec un grand sourire, qu’un jour il avait voulu survoler Viviers où il allait pendant les vacances ; il est descendu très bas, si bas qu’il a failli capoter et n’est remonté que de justesse, à pleins gaz, en frôlant les arbres autour du village.
Arrivé à Séoul, il étudie le coréen avec Olivier Tellier et Jean Crinquand, à l‘université protestante de Yeonsei. Là aussi il est doué mais il n’apprend que ce qu’il comprend : il ne retient pas une formule s’il ne l’a pas analysée, décortiquée... Une fois qu’il a bien réalisé comment une tournure est bâtie, comment elle est agencée et comment elle s’enchaîne dans une phrase, il ne l’oublie plus. L’université venait, en effet, d’ouvrir des cours de coréen, en anglais, et la méthode consistait à faire répéter des ‘patterns’ ; Joseph posait des tas de questions à ses professeures mais personne ne lui répondait, car aucune analyse de la structure de la langue n’avait été faite ni en anglais ni en français. De là est née l’idée de composer une ‘grammaire coréenne’.
Pendant des mois, Joseph Millot et René Dupont ont fait ce travail. Il y avait une dizaine d’années que René était en Corée et il avait une certaine connaissance pratique du coréen parlé ; lui, avait un esprit d’analyse extraordinaire. De pourquoi en pourquoi, ils arrivent à trouver des raisons ! Il faut alors les formuler dans des catégories relevant d’une autre logique que celles des langues qu’ils connaissent. La ‘Grammaire coréenne’ est sortie des presses le 24 août 1965 mais les auteurs demandent aux lecteurs de les corriger, de faire des remarques... Les réponses reçues ont été analysées et un feuillet d’addenda et corrigenda a été publié plus tard. Il aurait fallu refondre le texte : ce qui n’a jamais été fait. Ils ont pensé aussi à une version anglaise mais le travail était au dessus de leurs forces.
Joseph est un confrère charmant. Il écrit des poésies pleines de verve et de malice ; il chante à merveille, y compris les dernières chansons coréennes ; il raconte des histoires... et sait écouter les autres. S’il se dit ‘givré’ le matin, c’est qu’il est en forme le soir. Question bricoles matérielles, il n’y connait absolument rien : un jour il a promis d’aller célébrer l’Eucharistie ailleurs et on l’attend en vain ; enquête faite, la porte de sa chambre au rez-de-chaussée étant coincée, il n’a pas trouvé le moyen d’ouvrir la fenêtre, alors qu’il suffisait de remuer une tirette. Un jour un jeune étudiant vient le voir pour bavarder avec lui ; or il n’a pas envie de perdre son temps de cette façon-là ; pour mettre le jeune à la porte sans lui dire, il imagine un truc : il dit que c’est son moment de prière, se met à genoux et commence son bréviaire à Matines ; eh bien, il va jusqu’à Complies et le jeune est toujours là. Nous aimons bien Joseph et les Coréens l’admirent.
Joseph n’est pas resté longtemps en Corée, de 1963 à 1967 seulement. A peine le temps d’apprendre la langue, de la ‘maîtriser’ ; à peine le temps de donner un petit coup de main, pendant quelques mois, dans les paroisses de Taejon, Yésan et Chochiwon où le curé du lieu, le Père Lopépé, part en congé et qu’il remplace provisoirement. C’est que, entre temps, Mgr. Pierre Hwang (coréen) a remplacé Mgr. Adrien Larribeau (MEP) et qu’il pense à Joseph pour créer un centre d’étudiants à Taejon. Mgr. Hwang envoie Joseph en France pour chercher des ressources pour ce centre. Et Joseph saute sur l’occasion... pour s’éclipser dans la nature !!! A peine quelques mots pour demander une ‘réduction à l’état laïc’ et le voilà parti à Dakar, au Sénégal, où il a trouvé un poste d’enseignant de philosophie au ‘Cours secondaire Sainte Marie’. Que s’est-il donc passé ? – Apparemment, Joseph qui est prêtre depuis une dizaine d’années n’est pas à l’aise dans son sacerdoce. Il avait une très bonne tête et il la contrôlait : il en était le maître ! Mais le coeur s’égarait et il n’arrivait pas à le contrôler : il n’en était pas le maître ! C’était d’ailleurs l’époque, après le deuxième concile du Vatican, où les prêtres avaient du mal à se situer dans l’Eglise. Alors Joseph a pensé qu’il lui fallait prendre du recul. Il a trouvé du travail et il a eu l’humble sagesse de demander de l’aide : c’est cela qui l’a sauvé ! Il s’est même soumis à des séances de psychothérapie.
Un an se passe et, dans une longue lettre datée du 6 janvier 1969, Joseph écrit au Père Quéguiner : « J’offre à Dieu le secret espoir d’être ré-appelé à le servir comme par le passé, c’est-à-dire mieux que par le passé ». Quelques mois encore de prière, de réflexion, de dialogue… et quand, en mai 1969, arrive le rescrit qui le dispense des obligations liées au sacerdoce et de son engagement dans la Société, il déclare qu’il entend rester fidèle à ses engagements passés. A nouveau une bonne retraite, un temps de repos à la paroisse de Muret (Haute Garonne) et, en date du 22 septembre 1970, Joseph est affecté au diocèse de Mananjary à Madagascar. Le mois suivant il est à Madagascar, mais il est tout de suite détaché pour enseigner la philosophie, et le français aussi, à l’ESCA de Tananarive. Joseph est doué pour ce genre de travail et il le fait très bien. Il restera d’ailleurs professeur de philosophie jusqu’à l’âge de la retraite (qu’il prit à 64 ans, du fait de son handicap).
Deux ans après, à cause de la révolution malgache, il passe à l’île de la Réunion. Il reste affecté à Mananjary mais enseigne la philosophie d’abord à l’école catholique de l’Immaculée Conception puis au collège Levavasseur de Saint Denis. Dans le corps professoral il trouve là un autre MEP, le Père Joseph Larroque qui, lui, enseigne la physique et les mathématiques. Il restera dix ans à la Réunion. L’ambiance est bonne. Il est proche des jeunes. Le dimanche, il célèbre dans une chapelle de banlieue populaire dominant la ville de Saint Denis, où il est très à l’aise : lui, le philosophe, il fait des homélies au ras des pâquerettes !
Il rentre en France en 1983 pour justifier le maintien de la présence de sa vieille maman au presbytère de Viviers et l’assister. Il obtient la chaire de philosophie à l’Ensemble scolaire Jean XXIII à Montigny-les-Metz et a donc un pied à terre à Viviers.
Il avait demandé à prendre la place du Père Emile comme curé de Viviers mais l’évêché a refusé, particulièrement à cause de la pastorale particulière de son demi-frère. Cependant, le doyen lui donne la possibilité d’aller aussi dans les paroisses voisines pour célébrer la Messe dominicale. Sa parole est appréciée et on vient d’ailleurs pour l’écouter.
Comme professeur il fait merveille. Voici le texte paru dans l’Hirondelle du 18 octobre 1993 de l’appréciation de Mr. Jean Michel, inspecteur d’académie, qui écoute Joseph donner un cours sur l’art, en une section de terminale : « Monsieur Millot définit l’intention de la philosophie de l’art telle qu’elle se présente chez Kant : faire la théorie de la beauté pure. La première formule retenue ‘le beau plaît universellement sans concept’ est reprise en chacune de ses assertions élémentaires : l’affirmation de saint Thomas qui définit le beau par la satisfaction qu’il procure, l’universalité qui suppose en tout esprit humain l’harmonie des facultés, l’absence de conceptualisation qui impose ta distinction entre le jugement déterminant et le jugement réfléchissant. Les deux autres affirmations kantiennes qui renvoient au caractère désintéressé de la satisfaction esthétique sont élucidées égalemnt : le beau, disctinct de l’agréable, est distinct de tout intérêt et indépendant du bien ; la beauté est indépendante de l’utilité ou de la perfection, une finalité sans fin. La suite du discours montrera la réconciliation en l’art des facultés humaines. Le cours de Mr. Millot autorise, par son élaboration très ferme, un accueil généreux aux interrogations et remarques qui adviennent, en un climat de confiance et de travail. Asssuré en son dessein qu’il maitrîse, le professeur saisit des occasions offertes d’illustrer son propos et d’en souligner l’essentiel. Professeur de qualité dont la culture est ample et sûre et qui confère à son enseignement philosophique densité et profondeur. Cet enseignement m’est apparu, à tous égards, excellent ».
Joseph souffre toutefois du manque d’intérêt religieux de ses élèves : « Ils n’ont pas plus d’appétit spirituel que de désir d’acquisition de la sagesse ».
En octobre 1991, il fête le centenaire de sa maman. « Inutile de te dire, écrit-il à Jean-Paul Bayzelon, combien les prières ferventes de cette âme contemplative - et relativemmnt active - rejoignent les intentions de toutes les missions ». Deux ans plus tard sa maman quitte ce bas-monde et il écrit à Raymond Rossignol : « C’était l’épreuve majeure, je dirais la seule, de toute ma vie. Je la reçois des mains du Seigneur avec l’exemple lumineux de ma chère maman, si perpétuellement éprouvée sur terre et tellement présente à ma vie et à ma vocation quotidienne ». Tout Joseph est là : à la fois une intelligence débordante et une sensibilité de petit garçon.
A cette date pourtant, l’épreuve majeure était encore à venir. Elle survient l‘année suivante, le 24 juin 1994 exactement. Voici le texte de Jean-Pierre Morel dans ‘l’hirondelle’ : « Le vendredi 24 juin dernier, le Père Joseph Millot était hospitalisé à la clinique Saint André de Metz pour l’ablation du rein droit. Le lendemain matin, tout était normal et Joseph plaisantait sur son rein et le Rhin, sur l’air de ‘Ils ont passé le Rhin’. Dans l’après-midi pourtant, on s’inquiétait de ce qu’il n’ait pas retrouvé la sensibilité ni la motricité de ses membres inférieurs. Inquiets, les responsables le tranfèrent au C.H.R.U. de Nancy où Joseph passe la nuit du samedi au dimanche. Catastrophe ! les examens révèlent une lésion médullaire. L’anesthésiste a raté une péridurale qu’il lui avait faite pendant l’intervention, sans l’avoir prévenu au préalable.
Malheureusement, la médecine n’y peut rien. Jusqu’à sa mort, survenue le 27 janvier 2001, Joseph restera complètement paralysé du bas de la poitrine au bout des pieds. Il ne connaîtra que la galère, l’horreur de la dépendance totale, des hospitalisations répétées pour causes d’escarres, d’encombrements bronchiques, de pneumonie, d’interventions chirurgicales pour cause de cancer interne et de trous chirurgicaux purulents jamais cicatrisés, d’abcès, d’innombrables désagréments causés par ces complications et par la rééducation forcée et ce malgré toute la compétence professionnelle et le coeur du personnel hospitalier.
Une autre épreuve l’attendait. Au cours de l’été 1995, sa demie-soeur, Soeur Catherine, revenant de Metz où elle avait été participer à une retraite, s’arrête à Viviers dans l’intention d’y passer une semaine de vacances. Et, dans la nuit du 1er août, elle décède, d’un infarctus, dans le fauteuil dans lequel elle s’était endormie près de lui, pour le surveiller. Le surlendemain, elle était inhumée au cimetière de Viviers.
Pendant les premiers mois, il a lutté, espérant malgré tout ; il est allé à Lourdes. Mais en 1996, il tombe dans une grave déprime mélodique. Alors toute ses énergies s’évanouissent. La paralysie, d’abord cantonnée au niveau des 1O et 11ièmes lombaires monte jusqu’aux 5 et 6ème , le liquide paralysant ayant voyagé. Il disait à son docteur : « je suis comme un légume, je ne sens plus rien ». Il n’a même pas pu pleurer à la mort de sa soeur.
Heureusement, pour l’assister dans sa détresse et lui permettre de demeurer dans cet endroit si cher à son coeur, s’est trouvée, à ses côtés, une dame de Viviers, âgée à l’époque de quelque quatre-vingts ans, madame Simone Manceaux. Simone s’est faite sa nouvelle maman. Toute à lui, de nuit comme de jour, l’assistant dans ses moindres besoins, ponctuellement aidée par un voisin, Michel Soblet, elle le levait avec un appareillage électrique pour le mettre en chaise roulante, le lavait, le rasait, l’habillait, le nourrissait comme un bébé, essayait de mille manières de le convaincre d’absorber les mets préparés, le soutenant à bout de bras dans cette épreuve et maintenant sa dignité sacerdotale. Mon Dieu, quel dévouement !
Joseph a toujours refusé d’aller à Montbeton, et ce malgré la promesse de ramener son corps à Viviers. Pendant des années, en procès avec la clinique saint André de Metz où il avait été opéré, il a fallu se battre pour obtenir une indemnité suffisante.
Joseph était un anxieux ; il craignait toujours de n’être pas à la hauteur et, quand il était professseur, çà recommençait au début de chaque cours. Lorsqu’il s’est agi de choisir le lieu de l’intervention chirurgicale, on mit en compétition la Polyclinique et Saint André. Et on tira au sort..
Au cours des années, Joseph avait de moins en moins de réactions. Que pensait-il ? Pensait-il même ? - Personne ne le sait. Parfois, il se laissait conduire à l’église le dimanche quand un prêtre venait célébrer : il concélébrait, lisant même une partie de la prière eucharistique avec une voix soutenue.
Joseph est décédé, soit d’un sévère engorgement des bronches, soit d’une septicémie veineuse, dans la voiture des pompiers qui le conduisait pour la nième fois à l’hôpital, vers midi, le samedi 27 janvier 2001.
Ses obsèques eurent lieu en l’après-midi du mercredi 31 janvier. Il faisait soleil, quoique un peu frais. Elles furent présidées par le Père Robert Marchal, vicaire général, représentant l’évêque de Nancy, en session, et vicaire épiscopal de cette région.
Une douzaine de prêtres garnissaient le fond du choeur. Parmi eux, le directeur de Jean XXIII, chanoine de la cathédrale, représentant le diocèse de Metz ; monsieur le curé-doyen de Longuyon, chargé de Viviers qui dirigeait l’ensemble et présida l’absoute ; le Père Francis Saint Eve qui lut l’évangile et donna l’homélie avec toute la foi et le talent qu’on lui connaît ; un prêtre de Meuse, l’abbé Mellier, curé de Mont devant Sassez, village d’où sont issus les deux frères Charles et Gustave Cesselin, MEP ; Jean-Pierre Morel, qui présenta succinctement le parcours missionnaire de Joseph.
La foule, dense, débordait largement la capacité d’accueil de l’église. Bien formée par une trentaine d’années de présence d’Emile Bertin et animée par une chorale mixte de qualité, elle permettait une trés belle célébration festive, tout imprégnée de joie pascale.
Dans le petit cimetière accroché à flanc du côté sud dominant la vallée de la Chiers, Joseph repose aux côtés de ses parents, de son frère Emile et de sa soeur, en religion Soeur Catherine, attendant, en famille, la bienheureuse résurrection.
Pour Viviers et ses environs, c’est plus qu’une page qui se tourne : c’est une période qui s’achève. Et c’était bien le sentiment qu’on pouvait lire sur le visage de tous. Le presbytère, mis gracieusement à sa disposition, a été rendu à la commune et a été vendu. Mais il se trouve un bon noyau de fidèles très bien formés, tout à fait décidés à perpétuer l’esprit reçu et à le transmettre aux générations futures.
Pauvre Joseph, il a vécu le mystère de la croix jusqu’à l’épuisement de toutes ses forces physiques, mentales, spirituelles. Il partage maintenant le mystère de la résurrection !
Nous y croyons. Sois heureux, Joseph !
Jean-Pierre Morel et René Dupont