Aperçu historique de la présence MEP au Japon : 1831-1980
Au XVIe siècle, le morcellement politique que connaît le Japon du bakufu (ou shogunat) profite à la Compagnie de Jésus pour y faire progresser l’évangélisation, dans la continuité de l’action du célèbre jésuite St. François-Xavier, arrivé en 1549. Si, des années 1590 à 1610, l’Église connait une période de forte croissance, l’édit de 1614 déclenche son repli par de violentes persécutions, poussant la communauté catholique à se cacher. Entre 1650 et 1842, le Japon de Iemitsu Tokugawa se ferme dans le contexte de la politique isolationniste du sakoku qui vise à renforcer le contrôle du commerce extérieur par le shogunat. Toutefois, subsistent des « crypto-villages chrétiens », peuplés de descendants de convertis.
Depuis 1831, les MEP effectuent de nombreuses tentatives de pénétration du pays du soleil levant par l’étape intermédiaire des îles Ryūkyū. La création de la mission du Japon en 1842 marque le début de l’action des Missions étrangères de Paris dans l’archipel nippon. Chargés de reprendre le contact avec les descendants de chrétiens près de deux siècles après les persécutions, c’est finalement, selon les récits du P. Petitjean, le 17 mars 1865 que se renoue ce lien avec les chrétiens du village d’Urakami, près de Nagasaki. Rapidement, ces chrétiens font l’objet de persécutions et de déportations par le gouvernement central. Malgré la fin du bakufu marquant la restauration impériale, proclamée le 3 janvier 1868, la liberté religieuse n’est réellement acquise qu’en 1889, entérinée par la nouvelle Constitution.
Afin que les missionnaires puissent couvrir ce vaste territoire, le Japon est d’abord divisé en deux vicariats apostoliques en 1876, puis en trois en 1888. En 1891, la Congrégation pour la Propagation de la foi érige des diocèses couvrant l’ensemble de l’archipel nippon.
De 1889 à 1945, avec l’entrée en force du Japon dans un XXe siècle turbulent, le catholicisme nippon évolue de pair avec la montée de l’absolutisme, du nationalisme et de l’effet d’entrainement du pays dans une succession de conflits armés aux conséquences dévastatrices. Si la religion catholique est de moins en moins tolérée par les autorités japonaises, elle devient un outil mobilisé par l’État afin de soutenir le pays dans son effort de guerre. En parallèle, en 1940, une législation japonaise établit qu’aucun aucun sujet étranger ne peut avoir d’autorité sur des Japonais. Les MEP perdent progressivement leurs responsabilités dans les diocèses du Japon et connaissent alors une période difficile jusqu’à la reddition de 1945. Après la guerre, de nombreux missionnaires et religieuses y sont envoyés. Progressivement, les MEP transmettent leurs responsabilités à une Église japonaise.
Repères chronologiques
1549 : arrivée du jésuite St. François-Xavier
1614 : Tokugawa Ieyasu fait proscrire la religion chrétienne pour l’ensemble du Japon. De nombreuses expulsions de missionnaires et religieux ont alors lieu.
1650-1842 : politique isolationniste dite du Sakoku par le Japon, visant à renforcer le contrôle du commerce extérieur.
1831 : le pape Grégoire XVI confie à la Société des Missions étrangères la mission de Corée, à laquelle sont rattachées le Japon ainsi que les îles Ryūkyū.
1842 : création de la mission du Japon
1846 : Mgr Forcade est nommé premier vicaire apostolique du Japon.
1856 : le P. Louis Furet atteint les côtes d’Hakodate, c’est la première visite d’un territoire japonais par un père des MEP.
1858 : traité franco-japonais garantissant entre autres la liberté de l’exercice de culte.
1862 : le P. Eugène Mermet-Cachon, premier missionnaire catholique à s’installer au Japon post-sakoku, fonde la première église catholique du Japon à Yokohama.
1865 : le P. Petitjean rencontre les chrétiens du village Urakami, descendants des martyrs japonais du XVIème siècle. Cette date marque le début de l’évangélisation des « crypto-chrétiens » par les missionnaires.
1866 : P. Petitjean est nommé vicaire apostolique du Japon.
1868 : fin du shogunat et restauration impériale. Les anciennes lois anti chrétiennes ne sont pas remises en cause.
Rescrit impérial interdisant « la détestable secte des chrétiens ».
Sur les 3750 catholiques recensés à Urakami, 3400 sont contraints à partir en exil à Kyūshū.
1873 : ouverture du séminaire et de l’imprimerie de Nagasaki.
1876 : le Japon est divisé en deux vicariats apostoliques : le vicariat apostolique du Japon septentrional, sous la direction de Mgr Pierre Osouf, et le vicariat apostolique du Japon méridional, confié à Mgr Petitjean.
1882 : ordination par Mgr Petitjean des trois premiers prêtres japonais.
1888 : division du vicariat du Japon méridional. Le vicariat apostolique d’Osaka est sous la direction de Mgr Félix Midon tandis que celui de Nagasaki est confié à Mgr Cousin, successeur de Mgr Petitjean décédé en 1884.
1889 : promulgation de « la Constitution impériale du Grand Japon » reconnaissant la liberté religieuse.
1890 : premier synode de l’Église du Japon.
1891 : la Congrégation pour la Propagation de la foi érige quatre diocèses remplaçant les trois vicariats apostoliques (Tokyo : Mgr Osouf, Hakodate : Mgr Berlioz, Nagasaki : Mgr Cousin, Osaka : Mgr Midon).
1940-1945 : la Seconde Guerre Mondiale contribue à affaiblir les MEP au Japon.
17 pères MEP disparaissent de mort naturelle ou violente.
La moitié de la population catholique de Nagasaki disparaît sous la bombe atomique.
1952 : la population catholique au Japon s’élève à 200 000, une augmentation de 25 à 30% par rapport à l’année précédente attestant d’un certain dynamisme du catholicisme dans l’après-guerre.
1965-1980 : l’accélération du développement du pays se conjugue au ralentissement de l’évangélisation.
Pour en savoir plus
BEILLEVAIRE Patrick, « Les Missions étrangères de Paris et la résurgence de la question chrétienne dans le Japon du XIXe siècle », in Catherine Marin (dir.), Les écritures de la mission en Extrême-Orient. Le choc de l’arrivée, XVIIIe-XXe siècles : de l’attente à l’arrivée. Anthologie de textes missionnaires, Turnhout : Brepols, 2007, pp. 207-309.
BEILLEVAIRE Patrick, « Présences française à Okinawa : de Forcade (1844-1846) à Haguenauer (1930) », in Ebisu, n°49, printemps-été 2013, pp. 133-164.
(consulté en juin 2021) : http://journals.openedition.org/ebisu/815
BEILLEVAIRE Patrick, Un missionnaire aux îles Ryûkyû et au Japon à la veille de la restauration de Meiji : Louis Furet (1816-1900), Paris : Archives des Missions étrangères de Paris, 1999, 248 p.
BRULEY Yves, « Les missionnaires vus par les diplomates français en Chine et au Japon, à l’époque du Second Empire » in La mission en textes et en images, colloque 2003 du GRIEM, dir. Chantal Paisant, Paris : Karthala, 2004, pp. 435-449
DUNOYER Pierre (MEP), Histoire du catholicisme au Japon : 1543-1945, Paris : Le Cerf, 2011.
MORISHITA Sylvie, La transmission de la tradition catholique chez les crypto-chrétiens japonais, mémoire sous la dir. de Luc Perrin, Strasbourg, 2002.
MORISHITA Sylvie, « Les séparés du Japon au XIXe siècle : le témoignage des Missions étrangères de Paris », in Revue des Sciences religieuses, Strasbourg, 2006, vol 80, n°2, p. 179-192.
NOGUEIRA RAMOS Martin, La foi des ancêtres. Chrétiens cachés et catholiques dans la société villageoise japonaise, Paris : CNRS Éditions, 2019, 413 p.
NOGUEIRA RAMOS Martin, « Entre la France et le Japon, entre l’enfer et le paradis : les premiers convertis au catholicisme (1865-1875) », in D’un empire, l’autre. Premières rencontres entre la France et le Japon au XIXe siècle, dir. François Lachaud & Martin Nogueira Ramos, Paris : EFEO, 2021, p. 223-256
Sources imprimées
BRULEY DES VARANNES Georges (MEP), Le Japon d’aujourd’hui : journal intime d’un missionnaire apostolique au Japon septentrional, Tours : A. Mame, 1892
MARNAS Francisque (MEP), La religion de Jésus (Iaso Ja-kyo) ressuscitée au Japon dans la seconde moitié du XIXe siècle, Paris : Séminaire des Missions étrangères, 1931, 2 vol. (XXXIV-689 p., 592 p.)
LAUNAY Adrien (MEP), Le Japon, Paris : Desclée de Brouwer, 1895, 204 p.
Film
SIMONNET Christian (MEP), Le Japon à l’allure du Shinkansen, 1966
I- (1549-1865) Première diffusion du catholicisme au Japon
(1549-1650) Premières tentatives d’évangélisation par Saint François-Xavier et fermeture totale de l’archipel
Après l’édit de 1614, subsistance de « crypto-villages chrétiens »
(1831-1865) Tentatives de pénétration des MEP au Japon par les îles Ryūkyū
II- (1865-1889) Découverte des descendants de chrétiens et adoption de la Constitution
1865 : Bernard Petitjean et les chrétiens d’Urakami
1837 : Persécutions envers les chrétiens
(1873-1889) Développement de la mission japonaise
III- (1889-1945) Les missions face à la montée du nationalisme japonais et aux guerres mondiales
1889 : Reconnaissance d’une liberté religieuse et création des premiers diocèses du Japon
(1894-1932) La montée de l’absolutisme et du nationalisme japonais
La place de l’Eglise dans l’escalade vers la Seconde guerre mondiale et la passation des pouvoirs dans les mains d’un clergé japonais
IV- (1945-1980) Redéfinition du rôle des missionnaires au Japon
Les séquelles de la guerre
Vers la redéfinition du rôle des MEP au Japon