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1er septembre 1923 : le séisme du Kantō

Publié le 01/09/2023

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Le séisme du Kantō

Il y a 100 ans, le 1er septembre 1923, un tremblement de terre de magnitude 7.9 frappait l’île principale du Japon. Des bâtiments effondrés naissent de nombreux départs de feu qui se propagent rapidement, favorisés par un accès à l’eau rendu quasi impossible. Tokyo est alors presque entièrement détruite, ainsi que les villes voisines de Yokohama, Kanagawa et Shizuoka, faisant de ce séisme l’un des plus meurtriers de l’Histoire.

Plusieurs pères des Missions Étrangères de Paris présents dans les zones dévastées ont laissé un témoignage de ce cataclysme. L’Institut de Recherche France Asie vous propose de découvrir le journal du P. Joseph Flaujac qui relate la semaine du 1er au 6 septembre 1923, accompagné de photos issues de notre fonds Japon.

Le groupe de la mission de Tokyo en 1921. Le P.Flaujac se trouve tout au bout à droite du premier rang debout.

Le récit : 

« Midi moins deux minutes… Je viens de recevoir la visite d’un séminariste de retour de vacances. A peine le temps de lui parler. Brusquement une forte secousse ébranle la maison : deux ou coups secs, venus d’en bas, semblent vouloir faire sauter le bâtiment en l’air ; puis c’est le mouvement de roulis et de tangage ; dans ma chambre, la croix et la statue qui se trouvent sur un meuble tombent à terre, les livres les suivent ; les meubles commencent à danser…

En voyant ce remue-ménage, je comprends que ce n’est pas un tremblement de terre ordinaire ; le séminariste qui est chez moi n’a pas l’air de s’en apercevoir et se tient à l’entrée. Je le pousse dehors et me précipite moi-même à l’extérieur ; c’est alors le fort de la secousse… J’assiste à une sarabande infernale… L’église, la maison de la Sainte-Enfance, le Séminaire, la procure, la maison des Œuvres, sont secoués comme des maisons de carton placées sur un plateau que l’on agiterait dans tous les sens. »

 

Le P.Flaujac devant les ruines de l’église St François Xavier de Tokyo.

« Une poussière aveuglante couvre la terre comme un épais brouillard ; le bruit des tuiles des toits, des briques de l’église et de la procure qui tombent en gros paquets, fait un tapage assourdissant… A ce vacarme se mêlent les cris lointains de la foule effrayée qui sort des maisons et se précipite dans les rues… Heureusement que je suis le dernier à sortir de la maison ; tout le monde est dehors, assistant à ce spectacle indescriptible. »

« Il est impossible de se tenir debout ; ceux qui essaient de marcher ont l’air d’être ivres ; on se croirait sur le pont d’un bateau au moment d’une tempête. La nature se tait ; les cigales ne chantent plus ; le soleil est brûlant, la respiration devient difficile… On sent qu’un immense malheur vient de frapper le pays… Combien de temps cela a-t- il duré ? je ne saurais le dire, mais cela m’a semblé si long ! »

« A peine suis-je dans la chambre qu’une nouvelle secousse aussi forte, sinon plus, que la première, m’oblige à repasser par la fenêtre au plus vite ; à peine suisje dehors que de la corniche de la maison s’échappe un gros morceau de ciment, qui casse plusieurs carreaux et tombe à quelques centimètres derrière moi. Le nuage de poussière obscurcit de nouveau le ciel… puis, presque immédiatement, on entend le tocsin. Une nouvelle catastrophe, pire que la première, vient fondre sur la capitale : c’est l’incendie. »

 

Les ruines du presbytère et de l’école maternelle de la paroisse St Paul d’Asakusa

L’incendie : 
« Les nuages de fumée s’amoncellent… Je suis impatient d’avoir des nouvelles des postes, mais rien ne vient… Les secousses continuent… (Dans cette après-midi du 1er septembre, il y a eu 222 secousses). »
« Deux grands séminaristes reviennent enfin, mais hélas ! ils ne peuvent me donner aucun renseignement ; ils ont essayé de gagner les postes d’Asakusa et de Honjo, mais ils n’ont pu entrer dans la fournaise. Tout Tôkyô est donc en feu… Pourvu que les confrères puissent se sauver à temps ! »
« Notre poste de Tsukiji n’existe plus : la cathédrale Saint-Joseph, la première église chrétienne élevée à Tôkyô, après avoir été renversée par le tremblement de terre, a été réduite en cendres avant de pouvoir célébrer son cinquantenaire, qui devait avoir lieu en 1928. Le centre historique de la Mission vient de disparaître. »

Vues de la cathédrale St Joseph de Tokyo après le tremblement de terre

« La capitale est complètement isolée ; la poste est détruite ; le télégraphe et le téléphone n’existent plus. Je voudrais avertir d’abord Mgr l’Archevêque… puis envoyer un télégramme en France, mais on a beau essayer de tous les moyens, impossible de communiquer avec l’extérieur de la ville. Les grandes gares de Shimbashi et d’Ueno sont brûlées et le chemin de fer ne marche plus ; les voies d’ailleurs ont été abîmées par le tremblement de terre et demanderont beaucoup de temps pour être réparées
La nuit se passe comme la précédente sur la pelouse du jardin ; on ne peut se reposer ; les secousses, bien qu’amoindries, du tremblement de terre continuent : on en a compté 323 aujourd’hui… Le ciel est toujours rouge ; le feu ne s’arrête pas dans son œuvre dévastatrice. »
Le bilan : 
« On dit que la ville de Yokohama est complètement détruite et que le désastre est plus grand qu’à Tôkyô ; toute la côte, de Yokohama à Numazu, a énormément souffert et la destruction est très étendue… Nous n’avons pas d’autres nouvelles… Que sont devenus nos confrères de Yokohama, et nos postes de ces parages ? »
« Sur cette liste, aucun missionnaire et seulement neuf Dames de Saint-Maur avec la Supérieure… Que sont devenus les absents ? La ville de Yokohama, n’existe plus, paraît-il… Le tremblement terre a renversé les maisons, même les mieux construites, et le feu s’est déclaré immédiatement; la population de la ville est presque anéantie. »

La chapelle et l’école des Dames de St Maur à Yokohama après le tremblement de terre. Au total, 10 sœurs, 6 pensionnaires et 20 enfants perdent la vie et sont enterrés provisoirement sous les arbres à droite de la photo.

« Quel champ de bataille !… Il faudrait des mois aux hommes faisant la guerre, pour produire de tels ravages… il a suffi de deux minutes de tremblement de terre pour réduire en cendres les habitations de près de deux millions d’hommes, et en faire mourir plus de 130 mille à Tôkyô seulement… »
« Dans la grande gare d’Ueno, la gare du Nord de Tôkyô, brûlent encore les wagons… Je pars de là pour le poste d’Asakusa. On croirait traverser le désert. Les cendres de l’immense brasier sont emportées par un vent brûlant qui ne trouve plus d’obstacles sur cette immense plaine nivelée… Impossible de dépeindre le tableau que j’ai sous les yeux… »
« D’après un rapport du 30 septembre présenté à l’Empereur et au Prince régent par la Commission de Secours, 586.000 maisons ont été totalement ou partiellement brûlées ; on compte 115.000 morts connus et près de 150.000 disparus, dont ⅓ sont considérés comme morts. Le nombre total des morts serait ainsi de 160.000. »
Le tremblement de terre aura fait deux victimes chez les pères MEP : le P. Georges Lebarbey, enseveli dans sa maison et le P. de Noailles dans l’écroulement de la procure de Yokohama. Sur le plan matériel, 6 paroisses sont détruites et 5 églises sont fortement endommagées.

Au premier plan, ruines de la maison où le P.Lebarbey se trouvait au moment du tremblement de terre.

Ruines de l’église St Michel de Yokohama

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