Jean JOZEAU1866 - 1894
- Statut : Prêtre
- Identifiant : 1818
- À savoir : Mort violente
Identité
Naissance
Décès
Autres informations
Missions
- Pays :
- Corée
- Région missionnaire :
- 1888 - 1894
Biographie
[1818]. JOZEAU, Jean-Moïse, né le 8 février 1866 à La Boissière-Thouarsaise, actuellement Lageon (Deux-Sèvres), élève du petit séminaire de Montmorillon et du grand séminaire de Poitiers, entra minoré au Séminaire des M.-E. le 9 septembre 1886. Il reçut le sacerdoce le 22 septembre 1888, et partit le 12 décembre suivant pour la Corée. Il fit ses premiers travaux dans la province de Kyeng-syang, dont il administra pendant un an la partie septentrionale, avec résidence à Sin-na-mou-kol. Grâce à ses démarches, le village de Sam-ka recouvra les biens qui lui avaient été volés¬ ; en 1889, il fit aussi restituer à une chrétienté du district de Ham-an des propriétés dont s’était emparé le mandarin. Au cours d’un de ses voyages, étant passé près d’une maison en feu, il sauva, au péril de sa vie, une partie du mobilier d’une pauvre veuve.
En 1892, il réussit à force d’énergie à fonder un poste à Fou-san, en plein pays païen, et à y construire une résidence. A la même époque, il s’occupa très activement de l’île de Ke-tjyei, et y baptisa 22 païens. En 1893, Mgr Mutel lui confia un district dans la province de Tjyen-la¬ ; il se fixa à Pai-tjai, que bientôt après il défendit contre les rebelles. En 1894, au mois de juillet, les Japonais s’étant emparés à Séoul du palais royal, le pays presque tout entier fut troublé, la situation d’un certain nombre de missionnaires devint intolérable, et l’évêque dut en appeler plusieurs près de lui. Jozeau, le plus menacé de tous, se mit en route. Le 29 juillet 1894, il rencontra près de Kong-tjyou, province de Tchyoung-tchyeng, l’avant-garde de l’armée chinoise que les Japonais avaient battue. Le général vaincu fit arrêter et immédiatement exécuter le missionnaire, dont les restes ont été, le 27 avril 1895, transférés au cimetière Sam-ho-tjyeng, à Ryong-san, près de Séoul.
Nécrologie
[1818] JOZEAU Jean (1866-1894)
Notice nécrologique
M. Poisnel nous écrit : « La fin tragique de M. Jozeau a mis au front de l’église coréenne « un nouveau fleuron de gloire et de sang. Notre confrère est tombé, comme tombent les « vaillants, dans la plé¬nitude de la force, dans l’entière conscience du sacrifice, et, comme « l’atteste l’acte officiel de son massacre (on pourrait dire de son martyre), en qualité de « missionnaire catholique et de Français. Ceux qui connaissaient la forte nature de M. Jozeau, « se disaient qu’il ne tomberait que tout d’un coup et en face de l’ennemi : ainsi est-il arrivé, « et, tout en pleurant sa perte, nous sommes heureux de voir la mort elle-même achever de « peindre sur cette mâle figure le trait le plus saillant de son caractère, le courage fier et calme « du Vendéen.
« De fait, M. Jozeau ignorait la peur, et, s’il connaissait le danger, il le regardait avec une « hardiesse extraordinaire. Esprit très ou¬vert, caractère décidé et sympathique, cœur généreux, « prêtre atta¬ché à ses devoirs, missionnaire plein de zèle et de dévouement, il possédait un « ensemble de qualités qui laissaient présager un excel¬lent ouvrier apostolique. Il disparaît au « moment où son expérience de la langue et des choses du pays allait rendre son ministère « particulièrement utile, dans une province en proie à toutes les hor¬reurs de la guerre civile et « de la persécution.
« Arrivé en Corée au commencement de 1889, M. Jozeau apprit à Séoul les premiers « éléments de la langue et fut envoyé ensuite par Mgr Blanc dans la province de Kyeng-syang-to, dont il administra un an seulement, la partie nord. Du premier coup, il sut s’attirer « la confiance des Coréens. En 1890, quand il s’agit de fonder à Fou¬san, une résidence plus en « rapport avec les nouveaux besoins de la Mission et la lettre des traités, ce fut sur M. Jozeau « que le Supérieur jeta les yeux pour ce poste, dont la création pouvait rencon¬trer beaucoup de « difficultés. La population de Fou-san était toute païenne ; impossible de trouver à acheter « une maison ou un terrain en ville ; mais, dans une petite île, séparée du port par un bras de « mer, vivaient deux pauvres ménages de pêcheurs chrétiens. Le missionnaire n’hésite pas à « s’installer au milieu d’eux. La situation n’était guère brillante et le logement était des plus « simples : M. Jozeau devait vivre dans un isolement continuel ; mais il n’était pas homme à « s’en effrayer. Pour passer de l’Ile aux Cerfs dans le district dont il était chargé, il n’avait « d’autre moyen de transport qu’une frêle embarcation sur laquelle il était patron, passager et « au besoin pilote. Par le gros temps, personne que lui n’osait s’aventurer sur cette coquille « que le vent fit plus d’une fois chavirer. Après le naufrage, notre confrère remettait l’esquif à « flot, et retournait tranquillement dans son île. Cette existence de véritable Robinson n’était « pourtant ni dans ses goûts ni dans son programme. Dès qu’il fut possible d’acquérir, à Fou-« san, un terrain convenable pour l’établissement d’une résidence, il sortit avec plaisir de sa « solitude ; c’était en 1891. Le marin se transforma aussitôt en architecte, et, au bout d’un an, « nous eûmes dans la ville une maison solide et spacieuse qui servit tout à la fois d’habitation « au missionnaire et de chapelle aux chrétiens.
« M. Jozeau travailla pendant trois ans au Kyeng-syang-to. Chargé de près de 1.800 « chrétiens, disséminés sur une bonne moitié de cette grande province, il consacrait, chaque « année, de longs mois à la visite des différents postes. Aimant ses néophytes, il se faisait tout « à tous, et prenait en main tous leurs intérêts, même matériels. S’élevait-il une persécution « locale, son troupeau avait-il à souffrir de la haine des païens ou de la rapacité de quelque « noble influent, le Père se chargeait de la cause de ses enfants, allait au besoin la plaider « devant les mandarins, et, à force de démarches, de preuves, de bonnes paroles, à force « surtout d’instances et de ténacité, il fi¬nissait généralement par obtenir justice pour les siens. « Il réussit de la sorte à faire restituer tous les biens qui avaient été volés au village de Sam-« ka. En 1889, le mandarin de Ham-an dut rendre lui aussi à une chrétienté de ce district des « propriétés qu’il préten¬dait garder, malgré les ordres du gouvernement central. De tels succès « faisaient éclater aux yeux du peuple l’esprit d’équité qu’inspire le christianisme, et avaient « en outre l’avantage de rassurer les pauvres néophytes injustement molestés, d’encourager « les catéchu¬mènes, et d’attirer les païens honnêtes vers notre sainte religion.
« Le Père démontrait la vérité de la doctrine qu’il prêchait non seulement par des paroles, « mais encore par des actes. J’en citerai un en passant. Au cours de ses voyages, il arrive à « cheval au mi-lieu d’un village païen, où vient d’éclater un incendie. La maison en feu était « celle d’une pauvre veuve. Accroupie sur le chemin, la vieille se lamentait à la vue des « flammes qui dévoraient son petit avoir. Les gens de l’endroit, pour n’avoir pas l’air de rester « inactifs, criaient et se démenaient à qui mieux mieux ; mais toutes ces démonstrations « n’éteignaient pas le feu, et surtout ne sauvaient pas le mobilier de la pauvre femme. En un « instant, M. Jozeau se rend compte de la situation, saute à terre, et sous les yeux des poltrons « s’élance dans la maison à travers le feu et la fumée. Les sacs de riz, seule ressource de la « veuve, sont sauvés l’un après l’autre. Le Père remonte tranquillement à cheval, laissant tous « les spectateurs dans l’admiration.
« La grande île de Ke-tjyei désolée, quelques années auparavant, par une persécution et « illustrée par le martyre de Pierre Youn, était de la part de M. Jozeau l’objet d’une « prédilection marquée. Pour rassembler, soutenir et fortifier le petit noyau de fidèles qu’il « avait là, il n’épargna ni visites, ni argent, ni fatigues. Grâce à lui, les vexations et les « menaces cessèrent peu à peu, la confiance reprit le dessus, et, en 1892, il avait la joie de « baptiser dans cette île 22 catéchumènes d’un même coup. Cette année-là, M. Jozeau en¬« registrait à lui seul 162 baptêmes d’adultes ; heureux dédommagement de l’agression « sauvage qui avait failli lui coûter la vie dans le marché de Kim-tchyen et dont il est inutile « de rapporter ici les détails.
« En 1893, M. Jozeau dut quitter le champ où il avait si bien travaillé, pour aller planter sa « tente dans une province voisine, où un surcroît de travail réclamait des bras vigoureux. Le « Tjyen-la-to nous donnait alors de grandes espérances et de sérieuses inquiétudes, voici « comment. Grâce à la probité bien connue des chrétiens, au renom de justice et d’intégrité « que les missionnaires avaient su conquérir et dont ils usaient pour protéger leur troupeau, les « conversions s’annonçaient nombreuses. Dans toutes les réunions, on parlait avec honneur de « la doctrine du Maître du Ciel ; des villages entiers demandaient des livres de religion ; dans « certains districts même, on avait dressé en l’honneur des missionnaires des colonnes « commémoratives rappelant leurs bienfaits et la reconnaissance des populations. Ce concert « public d’hommages était sincère, mais, il offrait un point noir. Parmi les catéchumènes « convaincus et de bonne foi, se glissaient habilement d’hypocrites coquins dont les intentions « étaient loin d’être pures. Ils se promettaient de trouver dans la religion et la protection des « Européens, le chemin de la fortune et la satisfaction d’ambitions ou de rancunes mal « déguisées. Pour prémunir les chrétiens contre ces trompeurs, pour démêler la droiture et la « perfidie des intentions, pour faire le partage des brebis et des loups, les missionnaires « devaient user de prudence et de vigilance. M. Jozeau se rendit parfaitement compte de la « situation. Par sa décision, la confiance qu’il inspira et la ligne de con¬duite qu’il traça aux « chrétiens, il sut écarter les faux frères et les traîtres qui ne demandaient à entrer dans la « bergerie que pour la ravager et la perdre.
« M. Jozeau n’a pu faire qu’une fois la visite entière de son nou¬veau district ; mais, en « dehors du temps de l’administration, il s’occupait assidûment de ses chrétiens, profitait de « toutes les occa-sions pour prendre sur eux, leurs affaires et leurs intérêts, des notes et des « renseignements utiles. En un mot, notre confrère était un pasteur zélé et fidèle, qui suivait « toujours son troupeau, sinon de l’œil, du moins de la pensée et du cœur. Le petit bourg de « Paitjyou, sa résidence habituelle, était devenu un village modèle. Tout y marchait avec la « régularité d’un monastère. La prière en commun se faisait chaque jour, matin et soir, et « personne n’y manquait. Le Père lui-même s’était astreint à la présider fidèlement, et ceux « qui connaissent la longueur des prières coréennes, savent que ce n’était pas là une mince « pratique de mortification. Le samedi et la veille des fêtes, non seulement il recevait, mais il « attirait aux sacrements les chrétiens des villages environnants, afin d’entretenir le plus « possible en eux la vie de la grâce. Les autres jours, au contraire, il n’admettait que les visites « absolument nécessaires, et consacrait tout son temps à la prière, à l’étude ou encore à des « travaux manuels dont profitait surtout l’humble chapelle qui était sous son toit.
« Ce côté de la vie de M. Jozeau est d’autant plus remarquable que son caractère semblait « le porter moins que tout autre à une exis¬tence minutieusement régulière. Causeur « infatigable, il mettait l’entrain et la gaieté dans toutes nos réunions. A le voir alors on eût dit « volontiers que la sévérité austère d’une règle n’était pas faite pour son tempérament si « allègre. Mais il avait temps pour tout ; il savait s’épancher dans l’intimité ; il savait aussi se « ressaisir dans sa solitude de Pai-tjyou.
« C’est là que le trouvèrent les tristes événements dont il devait être bientôt la victime ; « c’est là qu’il fut deux mois durant, le témoin désolé des malheurs qui menaçaient ses « chrétiens. Il défendit son village contre les attaques répétées des rebelles, et, sur les « instances de ses néophytes, il s’en éloigna les larmes aux yeux, pour aller chercher à Séoul « un secours que les circonstances, hélas ! ne permettaient déjà plus d’envoyer. A Tjyen-tjyou, il se confessa avant d’entreprendre un voyage dont il prévoyait les dangers. La mort « ne lui faisait pas peur. Elle le surprit à Kong-tjyou, sans le troubler. Dès qu’il eut compris « que Dieu lui demandait son sang, il leva les yeux au ciel, les abaissa sans crainte sur ses « lâches bourreaux, et reçut bravement le coup fatal : c’était le 29 juillet. Ne pleurons pas une « telle mort. Elle a été précieuse devant Dieu ; elle doit l’être aussi aux yeux des hommes qui « ont la foi et du cœur. »
Références
[1818] JOZEAU Jean (1866-1894)
Notes bio-bibliographiques. — C.-R., 1890, p. 20¬ ; 1891, p. 21¬ ; 1892, pp. 263, 266¬ ; 1893, p. 29¬ ; 1894, pp. 26, 28, 39¬ ; 1895, p. 45. — A. P. F., lxv, 1893, p. 390¬ ; lxvi, 1894, p. 474¬ ; lxvii, 1895, pp. 16 et suiv.¬ ; lxviii, 1896, p. 152. — M. C., xxv, 1893, Attentat contre lui, p. 302¬ ; xxvi, 1894, Son massacre, pp. 416, 486, 533¬ ; Ib., p. 487¬ ; xxvii, 1895, Ses funérailles, pp. 291, 591¬ ; Ib., Premier anniversaire de sa mort, p. 363. — B. O. P., 1894, p. 197¬ ; 1895, p. 394. — A. M.-E., 1911, pp. 212 et suiv.
Sem. rel. Poitiers, 1889, p. 171¬ ; 1893, Sa mort, p. 284¬ ; Ib., p. 450¬ ; 1894, Notice, pp. 541, 566, 577, 588, 669, 713, 715¬ ; 1895, Son éloge, p. 422¬ ; Ib., Sa sépulture, p. 589¬ ; 1907, p. 417.
Les miss. franç. en Corée, pp. 229, 230, 237 et suiv., 245. — Mart. et poèt., p. 55.
Portrait. — A. P. F., lxvi, 1894, p. 405. — M. C., xxvi, 1894, p. 487. — B. O. P., 1894, p. 198. — Sem. rel. Poitiers, 1907, p. 418. — Les miss. franç. en Corée, p. 231