La léproserie de Pondichéry
Découvrez dès à présent le fonctionnement de la léproserie de Pondichéry, à travers des archives issues de la numérisation de notre fonds Inde.
État du chantier :
En 2021, l’IRFA a fait intervenir Mme Marianne de Bovis, conservatrice-restauratrice spécialisée dans le papier, au cours d’une formation destinée à accompagner les opérateurs en charge du chantier de numérisation et reconditionnement de registres d’archives du XVIIe-XIXe siècle concernant les missions d’Inde. Une méthodologie détaillant précisément la marche à suivre dans la manipulation de ces archives, dont environ un tiers se trouve dans un état de fragilisation critique, a ainsi été mise en place à l’issue de cet encadrement.
Ces archives contiennent en effet des encres métallo-galliques qui, sous l’effet de l’humidité, provoquent un stress mécanique sur les documents. Ce stress, aggravé par la manipulation humaine, se manifeste par une corrosion de l’encre rendant à terme le document complètement illisible.
L’exemple de la léproserie de Pondichéry à travers une liste de dépenses, rapports, mémoires et lettres (1859-1887) :
La léproserie voit le jour par ordonnance du 6 septembre 1842, grâce à un don du comte de Richemont, ancien gouverneur général de Pondichéry et fondateur du collège royal, où les Missions Etrangères de Paris (MEP) assurent l’enseignement de 1836 à 1899. Placée dans un premier temps sous le contrôle d’un Comité de Bienfaisance, elle est confiée à la Société Saint Vincent de Paul en 1858, avec l’approbation du Ministre de la Marine et des Colonies. La Société n’ayant alors pas d’existence légale en Inde, la direction est remise aux MEP sur demande du fondateur jusqu’en 1870, date à laquelle les Missions Etrangères de Paris assument le fonctionnement complet de la léproserie.
Le 1er mai 1880, suite à une inspection et un arrêté interdisant la circulation des lépreux sur la voie publique, l’administration locale décide de faire repasser la léproserie sous l’autorité du Comité de Bienfaisance. Cette décision est contestée et donne lieu à un ensemble d’arguments qui nous éclairent sur l’organisation de la léproserie ainsi que sur les relations entretenues entre les missionnaires et la Direction des Colonies, dans le cadre des lois de laïcisation.
L’organisation de la léproserie :
« La dernière inspection générale avait constaté (en 1878) la déplorable situation dans laquelle était tombée la léproserie. » Lettre du vicomte de Richemont au maire de Pondichéry du 14 mai 1880, reprenant l’arrêté du 1er mai.
Voilà ce qui compose la note remise par la Direction des Colonies au vicomte Desbassyns de Richemont, sénateur de l’Inde de 1876 à 1882 et fils du fondateur de la léproserie. Cette note fait l’objet d’une réponse ayant pour but de prouver la bonne gestion de la léproserie sous la direction des MEP.
On y retrouve le détail de la situation de la léproserie entre 1870 et 1880, dont il ressort un manque global de moyen pour un nombre de malade allant toujours croissant. Ainsi, le revenu total du secours et des allocations fournis par le Comité de Bienfaisance et l’administration locale s’élève pour un an à environ 2,227 francs. À cela s’ajoute un revenu variable provenant des plantations de cocotiers, ainsi que les différents dons et aumônes.
Le personnel composant la léproserie repose principalement sur un homme remplissant à partir de 1854 la triple fonction de gardien, catéchiste et comptable. Il s’occupe également du soin des malades tandis qu’une femme se charge des achats extérieurs. En soustrayant le salaire du gardien qui est de 200 francs et en accordant 10 francs par mois aux soins de chaque malade, il est alors possible de s’occuper tout au plus de 17 à 18 lépreux par an.
Ce quota est largement dépassé lorsque les MEP doivent assurer le fonctionnement de la léproserie en 1870. L’arrivée en 1874 et en 1875 de bateaux chargés de lépreux en provenance de l’île de la Réunion que l’administration envoie à la léproserie de Pondichéry sans « aucune compensation » (Réponse à la note de la Direction des Colonies, 2 août 1880), double d’un seul coup le nombre de malades. Dès lors, entre 1842 et 1880, le nombre moyen de malades passe de 8 à 32.
Suite de « l’affaire » :
Cette question de la direction de la léproserie prend une certaine ampleur et conduit le vicomte de Richemont à écrire au ministre de la Marine et des Colonies, Jean Bernard Jauréguiberry (1815-1887), ainsi qu’à Léon Guerre (1834-1895), premier maire élu de Pondichéry.
Le vicomte de Richemont explique notamment que le Comité de Bienfaisance n’a pas la propriété de la léproserie, instaurée par les fonds de son père et ceux de la colonie, et que le choix de confier la direction aux MEP n’était pas provisoire, mais avait « un caractère définitif » (Lettre non datée du vicomte de Richemont au ministre de la Marine et des Colonies). Il soutient également que la situation de la léproserie ne s’est pas dégradée depuis que les MEP en sont à la tête, mais n’exige pas un retour à la situation antérieure, n’étant pas » l’ami politique des hommes qui détiennent actuellement le pouvoir » (Lettre du vicomte de Richemont au maire de Pondichéry du 14 mai 1880, reprenant l’arrêté du 1er mai). Il demande cependant à ce que l’aumônier reste choisi parmi les membres des MEP et fasse partie du conseil d’administration.
En effet, le rapport d’inspection mentionne un missionnaire cumulant la charge d’aumônier et directeur de la léproserie avec celle de professeur au collège colonial, et qui est alors présenté comme inapte à remplir proprement ses fonctions. Il s’agit du P.Désirée Bordereau, qui a rejoint la mission de Pondichéry en 1851. C’est en s’appuyant sur les aumônes et sur ses économies qu’il fait construire une chapelle pour la léproserie, qui devient le centre d’un pèlerinage à Saint-Lazare. Il consacre 15 ans de sa vie aux soins des malades et gagne le surnom de « Père des lépreux », avant d’être écarté de la léproserie en 1880.
Un nouveau règlement est ensuite établi par le Comité de Bienfaisance : le budget est doublé et le personnel renforcé. Cela ne parvient cependant pas à compenser une mauvaise gestion de la léproserie, qui est finalement confiée aux sœurs de Saint Joseph de Cluny de 1898 jusqu’en 1904, où elles sont expulsées des bâtiments devenus entièrement laïcs.