Le rocher du Bon Pasteur : une œuvre à la croisée du catholicisme et de l’hindouisme
Voici un monticule à quatre étages représentant de bas en haut : une jeune femme aux cheveux longs, à demi-allongée, qui lit sous un dais ressemblant à une coquille ; au-dessus d’elle paissent des moutons ; au rang supérieur, de la gueule d’un félin (un lion ?) jaillit de l’eau recueillie dans une vasque où s’abreuvent deux oiseaux aux longs becs ; sur les côtés, des lions assis et des brebis. Un décor de feuilles d’acanthes complète l’ensemble. Il manque malheureusement à cette scène paisible son sommet, généralement un Jésus enfant assis sur un trône avec sur les côtés un décor amovible de branchages.
Cette pièce est typique de l’art religieux indo-portugais du XVIIe siècle, qui s’est développé à Goa et dans les territoires adjacents sous domination portugaise. Elle témoigne d’un syncrétisme certain, en dépit de la politique d’éradication de la religion hindoue (destruction des temples et des images, conversions forcées et expulsion des récalcitrants) qui a pu être menée par certains colons portugais. C’est un exemple d’inculturation permettant aux missionnaires de présenter le christianisme d’une manière compréhensible aux populations hindoues, en employant des motifs qui leur sont familiers :
- le berger : un Jésus juvénile ou Krishna enfant (un des avatars du dieu Vishnou)
- l’eau : celle du baptême mais également l’eau des rituels journaliers hindous manifestant la présence divine
- la jeune femme : Marie-Madeleine lisant la Bible ou une des gopis (vachères) qui entourent Krishna
- le rocher : symbole du mont Meru, l’axe du monde dans la mythologie hindoue.
L’on pourrait développer plus encore, en s’appuyant sur la mythologie hindoue, les nombreuses correspondances et le symbolisme de cette œuvre qui a servi à l’évangélisation des peuples de l’Inde.
(IRFA, objets, Inv. 22-C-080)
