Léon SOLDERMANN1933 - 2018
- Statut : Prêtre
- Identifiant : 4109
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Identité
Naissance
Décès
Missions
- Pays :
- Laos
- Région missionnaire :
- 1960 - 1967
Biographie
[4109] Léon Joseph SOLDERMANN est né le 28 février 1933 à Dannemarie dans le Haut-Rhin, fils de Emile Soldermann, employé, et de Marie Pfister, le troisième d’une fratrie de quatre enfants (deux garçons et deux filles). Il perdra son père à l’âge de quatre ans et fut donc élevé par sa mère, au milieu de beaucoup de difficultés économiques. C’est en l’église de Dannemarie qu’il fut baptisé le 3 mars 1933 et aussi confirmé le 7 août 1942.
Il semble qu’il ait pensé très tôt à la mission, dès le temps de sa confirmation où il souhaitait déjà entrer au petit séminaire à la suite du passage d’un missionnaire dans sa paroisse ; mais le curé de sa paroisse lui demanda d’attendre la fin de la guerre pour entrer au petit séminaire.
En 1945 il entra donc au petit séminaire de Ménil Flin qui était à l’époque un petit séminaire des Missions étrangères ; puis en 1949, comme Ménil Flin s’arrêtait à la classe de quatrième, Léon Soldermann fut envoyé à Beaupreau dans le Maine-et-Loire pour y continuer ses études à partir de la troisième. A ses débuts à Ménil-Flin il eut beaucoup de difficultés à s’adapter, car il était très timide et connaissait mal le français. Des camarades se moquaient de lui à cause de son accent. Il semble que dans sa famille on ne parlait que l’alsacien. Il entra au grand séminaire des Missions étrangères, à Bièvres, le 15 septembre 1952.
Puis, d’octobre 1955 à décembre 1957, il fit son service militaire, d’abord à Sarrebourg, puis à Touggourt en Algérie. De janvier 1957 à décembre 1960, on le retrouve au séminaire des Missions étrangères de la rue du Bac à Paris. C’est le 21 décembre 1960 qu’il est ordonné prêtre à Paris. Il reçoit sa destination pour la mission de Thakhek au Laos où il partira le 18 avril 1961. Il se mit immédiatement à l’étude de la langue laotienne qu’il aura bien du mal à maîtriser. Il interrompit aussi l’étude du thaïlandais qu’il n’eut pas la patience d’apprendre. La difficulté des langues semble être la principale raison pour laquelle il quitta sa mission du Laos en juin 1967.
C’est alors qu’il vint dans le diocèse de Troyes et fut nommé vicaire dans le secteur paroissial de Nogent-sur-Seine en septembre 1967. Il fit venir sa mère auprès de lui. Il y restera jusqu’en septembre 1986. Il quitta le diocèse peu après le décès de sa mère. Ensuite il partit pour le diocèse de Toulon et fut nommé vicaire au Cannet-des-Maures de septembre 1986 à septembre 1987. Mais au bout d’un an le diocèse de Toulon décida de ne pas renouveler son contrat, malgré une protestation des paroissiens. Puis il devint aumônier d’hôpital à Digne-les-Bains de septembre 1987 à novembre 1988. Ensuite il se retire à Mézel dans le diocèse de Digne-les-Bains, tout en rendant quelques services dans les paroisses voisines jusqu’en 1997 où il prend une retraite définitive.
En 2010, il fut hospitalisé à Digne pour des problèmes cardiaques. Par la suite il fut opéré d’un cancer des cordes vocales, si bien qu’il ne pouvait plus parler, sinon chuchoter ; et il se fâchait facilement si son interlocuteur avait le malheur de ne pas le comprendre. Léon Soldermann fut souvent victime de son caractère. Il était peu patient et facilement irritable. C’est d’ailleurs la raison pour laquelle il préférait vivre seul à Mézel, plutôt que d’aller dans une maison de retraite MEP. La collaboration avec lui n’était pas facile, car il avait un esprit très indépendant. Ses paroissiens le considéraient comme un homme sévère, rigide. Et pourtant, après un temps d’étonnement et de surprise à entendre ce prêtre à l’accent si fort, ils s’attachaient à lui, et il a laissé un bon souvenir auprès des gens partout où il est passé.
Il meurt le 1er janvier 2018 à l’hôpital de Digne-les-Bains et est inhumé à Saint-Nicolas-la-Chapelle, près de Nogent-sur-Seine, où sa mère est aussi inhumée.
Nécrologie
Une enfance difficile
Léon Soldermann – le grand Léon, comme l’appelaient affectueusement ses condisciples – est né le 28 février 1933, à Dannemarie, dans le Haut-Rhin. Fils d'Émile Soldermann et de Marie Pfister, il est le troisième enfant d’une fratrie de quatre, dont deux garçons et deux filles. À l’âge de 4 ans, il perd son père. Il est donc élevé par sa mère, au milieu de beaucoup de difficultés économiques et autres.
En effet, depuis 1871, l’Alsace est allemande. La langue officielle est l’allemand qui seul est enseigné à l’école et parlé officiellement. L’alsacien est parlé uniquement en famille et en privé, discrètement. Léon est baptisé à l’église de Dannemarie le 3 mars 1933 et il est confirmé le 7 août 1942. Il semble qu’il ait pensé à la mission dès sa confirmation ; mais son curé lui demanda d’attendre la fin de la guerre pour entrer au petit séminaire.
Le 5 juillet 1945, l’abbé Zimmerlé, vicaire à Dannemarie, écrit au supérieur de Ménil-Flin :
« Mon révérend Père, je vous recommande le jeune Léon Soldermann. Durant l’occupation, après une conférence sur les missions que j’avais faite au catéchisme, l’enfant est allé trouver monsieur le curé pour lui exposer son désir de devenir missionnaire. À ce moment déjà, monsieur le curé et moi avions pensé à l’envoyer à Ménil-Flin, où le jeune Bernard Kulling avait fait ses études. Il n’était guère possible de réaliser ce projet pendant l’occupation.
« Léon Soldermann est enfant de chœur ; il est pieux, n’a jamais manqué une communion quand je l’avais recommandée aux enfants, à l’occasion de certaines fêtes ou de certains événements. Son père étant mort, sa mère arrive difficilement à joindre les deux bouts, mais il a un oncle, demeurant à Foussemagne dans le Territoire de Belfort. Il est meunier et il est prêt à subvenir aux besoins de Léon… Malheureusement, ses connaissances de la langue française ne sont guère profondes, et pour cause ! Il faudrait commencer par le mettre en une septième, car, même avec des leçons supplémentaires, dans une autre classe, il ne pourra suivre.
« Espérant qu’il vous donnera toute satisfaction, je vous présente mes religieux respects. Signé : Zimmerlé. »
En septembre 1945, Léon entre donc au petit séminaire MEP de Ménil-Flin ; et à la rentrée de 1949, il se retrouve au petit séminaire MEP de Beaupréau. N’ayant appris en classe que l’allemand et en famille parlé surtout l’alsacien, Léon, plutôt timide de nature, eut beaucoup de difficultés à s’adapter. Ses condisciples se moquaient de lui et, galoche à la main, il les poursuivait pour les impressionner, mais jamais pour les frapper.
Le 15 septembre 1952, Léon entre au grand séminaire des MEP à Bièvres où il suit le programme normal de philosophie scolastique. De septembre 1955 à décembre 1957, Léon effectue son service militaire, d’abord à Sarrebourg, puis surtout à Touggourt en Algérie. Léon avait alors fière allure dans sa longue gandoura blanche et sa chéchia rouge qui le grandissaient encore ! En novembre 1957, de retour en France, il entre à la rue du Bac où pendant trois ans de grand séminaire, il se prépare au sacerdoce. Le 21 décembre 1960, Léon est ordonné prêtre à la chapelle des Missions Etrangères. Le 25 mai 1960, il avait déjà reçu sa destination pour le vicariat apostolique de Thakhek, au sud Laos ; alors Léon part pour sa mission le 18 avril 1961.
Courte expérience missionnaire au Laos
Arrivé au Laos, Léon se met immédiatement à l’étude de la langue laotienne. Mais voilà: c’est une langue à tons. C’est-à-dire que le même son, selon les tonalités avec lesquelles il est prononcé, prend des significations différentes. Et donc, si dans une phrase on se trompe de ton, cela devient au mieux incompréhensible pour l’interlocuteur, surtout s’il est indigène, ou au pire cocasse, et une cause de fou rire pour les auditeurs. Cette hilarité, certes bienveillante, agace toutefois Léon.
En novembre 1961, au terme des six mois d’études livresques de la langue dans le village de Sieng Vang, avec le catéchiste Laï Ma, Léon est nommé vicaire du père Marcel Godet. Une chance pour lui, car Marcel est connu pour ses dons de patience, de cordialité. Il affecte Léon, comme vicaire, au petit village de Nason. Ce sont de purs Laotiens et Léon pourra faire ses premières armes dans de bonnes conditions, et ce jusqu’en mai 1963. À cette époque, grâce à l’intervention du père Georges Aballain, MEP, il est décidé de compléter la formation à la langue laotienne par une année d’étude de la langue thaïlandaise. En effet, dans cette dernière, de la même famille que le laotien, se trouve déjà une certaine littérature chrétienne. Mais le thaïlandais est aussi une langue à tons. Toutefois, aux neuf tons de la langue laotienne, il n’y en a plus que cinq. Ce qui est une difficulté supplémentaire pour qui débute à peine dans ce genre de langues. C’est une trop grosse épreuve pour Léon. Après six mois d’étude, excédé et fatigué par des efforts peu fructueux, sans demander l’avis de quiconque et sans prévenir personne, il plie bagages et retourne au Laos, où il est nommé curé de Namdic en novembre 1963. Namdic est un village de catholiques déjà anciens, une population sympathique, d’une ethnie appelée Lao theug, entre les purs Laotiens et les indigènes Khas. Léon est plus à l’aise avec eux et restera là jusqu’en juin 1967. Avec des fonds de sa famille (de son oncle), il y fait construire la belle petite église en dur, toujours en service, ce qui est encore rare à l’époque dans les villages. Mais, est-ce la réelle difficulté de maîtriser la langue? Est-ce le mal du pays…? Toujours est-il que, une fois encore, sans prévenir quiconque, Léon rentre en France.
Pérégrinations
En juin 1967, Léon se met d’abord à la disposition de l’évêque de Strasbourg, son diocèse d’origine. L’évêque veut bien le recevoir, mais en lui disant qu’il sera d’abord vicaire. Léon se rebiffe en répondant qu’il a été curé au Laos. Léon s’entête et c’est un échec. Il lui faut donc quitter son diocèse et chercher ailleurs.
Alors, par l’entremise du père Guy Barberot, MEP, qui connaît le curé de Nogent-sur-Seine, Léon est nommé vicaire à Nogent, plus particulièrement chargé de deux villages voisins, dans le diocèse de Troyes. C’est, dans la Brie, une région de grande agriculture, surtout céréalière. Le courant passe et Léon restera là, comme prévu, jusqu’au départ du curé de Nogent, c’est-à-dire jusqu’en septembre 1986. Il y sera heureux, et fera venir sa mère qui lui assura l’intendance.
À partir du 8 septembre 1986 commence pour lui une période de turbulence dont le détail précis est souvent pittoresque, voire cocasse. Pendant une année, il est vicaire au Luc, dans le diocèse de Toulon, où il dépend du curé du Cannet-des-Maures. Il vit seul, dans un presbytère coquet. L’idéal ! Sauf que les SDF viennent souvent frapper à sa porte. Or Léon ne les apprécie pas. Il s’ensuit qu’à l’expiration du contrat, le 7 septembre 1987, le diocèse ne renouvelle pas son contrat. Il se rend alors dans le diocèse voisin de Digne qui lui confie l’aumônerie du centre hospitalier de Digne-les-Bains. Mais Léon aime avoir les coudées franches dans des situations claires. Or, tel n’est pas tout à fait le cas : il lui faut collaborer avec le personnel laïc de l’aumônerie. Et les relations ne sont pas des meilleures, surtout que l’évêché prépare l’avenir sans aumônier en titre. L’année suivante, en novembre 1988, Léon se retire. Lui est alors confié un ministère paroissial à Estoublon, toujours dans le diocèse de Digne. Mais cinq mois plus tard, Léon part à nouveau.
Retraite à Mézel
Il cherche un point de chute et trouve alors son bonheur à Mézel, très modeste chef-lieu de canton, à une quinzaine de kilomètres au sud de Digne. Dans ce village, un ancien poste de gendarmerie inoccupé est à louer. Le rêve, enfin ! Ainsi, tout en continuant à rendre service à Estoublon, il est chez lui, en pré-retraite, à la disposition du curé de lieu.
L’avenir se présente bien. Sauf que… encore et toujours… un accident de santé vient le perturber. Léon est un fumeur, un assez grand fumeur. Sa voix s’enroue. Mois après mois, il a de plus en plus de mal à se faire comprendre. Un spécialiste annonce qu’il a un cancer des cordes vocales. Il faut opérer. Hospitalisation à Marseille. Ablation d’une des deux cordes et grattage de l’autre. Suite à cette intervention, sa voix a perdu pas mal de décibels, mais elle en conserve cependant assez pour qu’on le comprenne aisément lorsqu’il la force un peu.
Avec entrain et bonne humeur, il s’adapte. Lors des réunions, ses interventions, précises, manifestent qu’il se tient bien au courant de l’actualité. Il lit beaucoup, de gros ouvrages, surtout d’histoire. Il fait une marche d’environ 5 kilomètres chaque jour, dans un bel environnement, jusqu’à Château Redon, le village voisin, le temps d’un rosaire pour la mission.
Mais au fil du temps son caractère est devenu plus irascible. Il ne pouvait plus réellement parler, sinon chuchoter. Cela l’énervait, car il avait parfois du mal à se faire comprendre ; et il se fâchait facilement si son interlocuteur avait le malheur de ne pas le comprendre. Il manquait terriblement de patience. Il souffrait d’ailleurs beaucoup de cette impatience qu’il n’arrivait pas à maîtriser et qui lui a joué tant de tours dans son ministère. Et puis, il était devenu extrêmement maigre, si bien qu’il était à la torture s’il devait s’asseoir sur un banc ou une chaise ordinaire.
Bien sûr, il aurait pu aller vivre dans la maison de retraite des Missions Etrangères, à Lauris, qui n’était d’ailleurs qu’à une centaine de kilomètres de chez lui. Des confrères le lui ont proposé, en particulier le père André Bertrand qui était proche de lui. Mais, à cause de son caractère difficile qu’il reconnaissait bien, il a toujours refusé. Il ne voulait pas déranger, créer des soucis. Alors, il préférait vivre seul. Il se contentait de venir à la maison de retraite de Lauris pour la retraite spirituelle annuelle des confrères.
Il meurt seul, à l’hôpital de Digne-les-Bains, le 31 décembre 2017. L’acte de décès porte la date du 1er janvier 2018. Il est inhumé à Saint-Nicolas-la-Chapelle, près de Nogent-sur-Marne, auprès de sa mère, en ce lieu où il avait un temps exercé son ministère.
Jean-Pierre Morel