Roland LEFÈVRE1929 - 2017
- Statut : Prêtre
- Identifiant : 3999
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Identité
Naissance
Décès
Missions
- Pays :
- Inde
- Région missionnaire :
- 1954 - ? (Mysore)
Biographie
[3999] LEFÈVRE Roland est né le 6 septembre 1929 à Oresmaux (Somme).
Ordonné prêtre aux MEP le 4 juillet 1954, il part le 25 octobre suivant pour la mission de Mysore (Inde).
Après l’étude de l’anglais et du tamoul, il est nommé vicaire à la paroisse Notre-Dame-des-Anges à Pondichéry, puis à Rettiarpalayam (1956-1959) ainsi qu’à Wellington, dans le district des Nilgiris (avril-novembre 1959). Il est ensuite successivement curé de Lovedale (1959-1962), de Kundah (1963-1987), de Mulli (1987-1988) et à nouveau de Kundah (1988-1990) et Mulli (1990-…).
Il meurt le 28 janvier 2017. Il est inhumé dans le cimetière des MEP.
Nécrologie
[3999] LEFÈVRE Roland (1929-2017)
NOTICE NÉCROLOGIQUE
Le dimanche 5 février 2017, la petite ville de Kundah, au centre des Nilgiris, les « montagnes bleues » de l’Inde du Sud, vit un rassemblement tout différent des meetings politiques qui agitent fréquemment les populations tamoules. Une foule de tout âge, profession et religion, remplissait le terrain entourant la gare routière. Les discours d’usage pour citer le rapport qui en fut donné, furent prononcés par les représentants « des différents partis politiques, de différentes religions et castes ». Le sujet de ces discours était de rendre hommage au père Roland Lefèvre qui venait de décéder à Montbeton, le 28 janvier, après avoir passé toute une vie missionnaire dans le secteur de Kundah. Après le rassemblement, la foule se dirigea dans une procession silencieuse portant des bannières à l’effigie du père Lefèvre jusqu’à l’église qu’il avait bâtie. Une messe solennelle fut célébrée suivie d’un nouveau rassemblement qui permit à chacun d’échanger ses souvenirs sur le zélé missionnaire. Comme le dit la presse locale qui rapporta l’événement, « la mort de l’évangéliste français a uni les cœurs de la population des Nilgiris par-delà toutes les barrières de religion et de caste ».
Quelques jours auparavant une cérémonie identique, bien que plus discrète, s’était déroulée à Mulli, petit hameau perdu dans la jungle au pied de la montagne, là où s’était terminée la carrière apostolique du missionnaire. Enfin, le 14 mars, c’était à la cathédrale d’Ootacamund, qu’une messe épiscopale, suivie d’un memorial gathering ranimait encore le souvenir d’un missionnaire qui a marqué en profondeur la vie de ce diocèse de montagne.
Origine
Le Père Roland Lefèvre n’était pourtant pas né montagnard. C’est dans les plaines de Picardie qu’il a vu le jour, à Oresmaux, le village de sa mère, à quelques 20 kilomètres au sud d’Amiens. Né le 6 septembre 1929, il est baptisé le 15 septembre. Il est l’aîné de trois frères, dont l’un, Gérard, est prêtre au diocèse d’Amiens, et d’une sœur plus jeune. Sur sa fiche signalétique, Roland avait ajouté que sa famille avait compté plusieurs prêtres depuis le XIXe siècle. Ses parents habitaient Rosières-en-Santerre, à 40 kilomètres au sud-est d’Amiens : son père, Joseph, y a travaillé comme chauffeur, puis contremaître, dans une petite usine d’oxygène, et sa mère, Marie Dupuis, s’occupait de ses enfants. Enfant, Roland aimait bien célébrer la messe avec un calice miniature et des ornements en papier réalisés par une cousine.
Le jeune Roland est confirmé à Rosières le 31 août 1941 et fait ses études secondaires au petit séminaire de Saint-Riquier qui, pendant la guerre, avait trouvé refuge à Amiens. Roland évoquait parfois l’influence qu’eut sur sa vocation l’abbé Joseph Dheilly (originaire de Rosières), professeur à l’Institut catholique de Paris, qui le mit en contact avec le père Beaudeau, ancien de Mandchourie qui, à partir d’une procure MEP à Lille, rayonnait sur le Nord de la France.
Ainsi guidé, Roland entre aux Missions Etrangères le 10 octobre 1948, à Bièvres puis à Paris, avec l’interruption du service militaire en 1950- 1951 à Saint-Maixent, puis à Besançon. Le dimanche 4 juillet 1954, il recevait l’ordination sacerdotale de Mgr Derouineau, ancien évêque de Kunming, à l’église de Rosières, en cours de réparation après avoir été détruite lors de la bataille de la Somme, en 1940. Roland était nommé pour l’Inde.
Missionnaire en Inde
Mais déjà l’octroi de visa missionnaire pour l’Inde était devenu aléatoire. Or il se trouvait qu’à l’époque, le gouvernement de Mendès-France avait décidé de céder gracieusement à l’Inde les « comptoirs » encore tenus par la France à Pondichéry et quelques autres lieux. Le transfert était prévu pour le 1er novembre 1954. Le père Jacquemart, Supérieur régional de l’Inde, proposa aux supérieurs Missions Etrangères de Paris d’envoyer d’urgence quelques missionnaires à Pondichéry avant le transfert, pour renforcer l’équipe MEP en Inde. Le père Roland Lefèvre, en compagnie des pères Raymond Rossignol et Jean Jacquet, furent rapidement embarqués dans une Constellation de la TWA qui les déposa à Bombay le 26 octobre 1954. Le lendemain, le trio arrivait à Pondichéry, territoire français encore pour quelques jours. Il fallait laisser du temps pour que la position administrative de Pondichéry se normalise et devienne celle d’une ville indienne ordinaire comme des centaines d’autres. D’ailleurs, il fallait apprendre le tamoul et Pondichéry assurait un cadre adéquat pour entrer dans la vie et la langue du pays tamoul. Roland commença son initiation à l’archevêché. En mars 1955, il fut nommé vicaire du père Hougard, à Notre-Dame-des-Anges, la paroisse dite « blanche », francophone. Il n’y resta pas longtemps. L’endroit était peu propice à l’étude du tamoul. Plus fructueux fut son poste de vicaire du père Susainathan à Reddiarpalayam, dans la banlieue proche de Pondichéry, d’octobre 1956 à avril 1959.
Pondichéry n’était qu’un lieu de transit. Roland avait été envoyé au diocèse d’Ootacamund qui, en 1955, venait d’être détaché du diocèse de Mysore. En dépit des efforts du nouvel évêque, Mgr Padiyara, le permis de changement de résidence du nouveau missionnaire avait été refusé. Ayant acquis une grande dévotion à l’égard de Sœur Alphonsa - la « petite Thérèse » de l’Inde - que Benoit XVI allait canoniser en 2008. Roland fut toujours convaincu que ce fut son intercession qui débloqua le dossier et lui permit d’atteindre enfin la mission à laquelle il était destiné.
Les cinq années d’attente n’avaient pas été inutiles. C’est un jeune missionnaire bien formé qui arrivait enfin à destination en avril 1959. Pendant quelques mois, il sera vicaire à Wellington. Dès novembre 1959, il est nommé curé de Lovedale, village qui méritait bien son nom de Val-d’Amour, niché comme il l’est au creux de la montagne. En mai 1962, il prend son premier congé en France. À son retour en mai 1963, on lui confie la charge de la vallée de Kundah : il y restera jusqu’en 1987, soit pendant presque 25 ans. La petite ville au cœur des Nilgiris prenait de l’importance comme centre d’un vaste projet indo-canadien de captage des eaux de la rivière Bhavani. Depuis les sources de la rivière à 2 500 mètres d’altitude jusqu’à son débouché dans la plaine, tout un système de barrages et de centrales hydroélectriques tirait le maximum du dénivellement. À Upper Bhavani, Kundah, Ghedda, Pillur, Barli, Thodukki, de gros travaux mobilisaient une main-d’œuvre importante, dont le curé de Kundah avait la charge. De plus, de grandes plantations de thé couvraient les pentes de la montagne. Chaque plantation formait un gros village et, tant directeurs qu’employés et coolies, faisaient appel au zèle du missionnaire. Une vieille Jeep l’emmenait avec sa petite équipe pastorale pour sillonner les routes de la montagne. Qui plus est, le missionnaire s’intéressait à l’évangélisation des aborigènes de la montagne, nichés dans des villages perdus au fond des vallées ou au sommet des crêtes, accessibles seulement par de petits sentiers aux pentes abruptes. Maigre comme un cent de clous, oubliant l’heure des repas, Roland gambadait comme une chèvre, semant loin derrière ses compagnons ou les confrères qui le visitaient pendant les vacances pour profiter de sa connaissance de la montagne.
Vint le temps où les travaux de la Bhavani Authority prirent fin. Les campements de travailleurs furent fermés et les centrales produisirent leurs mégawatts avec un personnel réduit. Kundah était devenue une ville d’importance moyenne, centre administratif et commercial. Le père Lefèvre avait accompagné ce développement en transformant le poste missionnaire en paroisse bien équipée avec église, bénie en février 1964, couvent, internat, école et collège en 1976. Il a construit aussi des églises dans des dessertes qui deviendraient des paroisses, à Chamaraj Estate (1968), Thayasholai, Geddhe. L’heure était donc venue de se retirer, selon la tradition MEP qui est de fonder, de bâtir et de partir en remettant au diocèse le fruit du labeur. C’est aussi la tradition indienne des quatre âges de la vie où, après l’enfance et la vie active, le fondateur d’un foyer se retire dans la forêt (vanaprastha) avant d’entrer dans le renoncement total (samnyasa).
Tentative de retraite
Pour Roland, sa « forêt », son vanam, ce fut Mulli, petit village d’aborigènes Irulla, perdu dans la jungle au pied de la montagne. Dès février 1968, les sœurs franciscaines missionnaires de Marie avaient pris contact avec le village et, en 1971, y avaient fondé une communauté et un hôpital de campagne avec l’appui du père Lefèvre. Il ira les rejoindre en avril 1988. Ce fut sa Thébaïde, très isolée et difficile d’accès, à cause de l’absence de routes. Et, situé sur la frontière entre le Tamil Nadu et le Kérala, l’accès au village dépendait également de l’humeur des gardes forestiers des deux États. Il dut reprendre la charge de Kundah pour deux ans. De 1990 à 2004 et de 2009 à 2010, il fut le sannyasi de Mulli. Là, comme le dit un prêtre de son diocèse, « il sauva la vie de centaines de gens, malades ou victimes des animaux de la forêt, soit en leur assurant un traitement approprié sur place, soit en les transportant dans les hôpitaux de Coimbatore. Toujours aimable et affable, il était aimé, tant de ses frères prêtres que des gens qu’il servait ».
L’intervalle de cinq ans entre 2004 et 2009 correspond à la réalisation d’un projet qu’il avait à cœur, celui de publier « les plus beaux textes des Missions Etrangères ». L’idée lui était venue à l’occasion de la préparation de l’assemblée générale MEP de 2004 où il fut le délégué du groupe de l’Inde. Il fut pris au mot et invité à venir préparer ce dossier. Il en sortit un ensemble imposant et passionnant, mais trop conséquent pour être publié sur papier. Il n’eut donc qu’une édition numérique; mais je suis sûr que beaucoup de missionnaires y ont trouvé de quoi se ressourcer. Se trouvera-t-il quelqu’un pour continuer son travail et retracer l’histoire spirituelle des Missions Etrangères ?
Un homme apprécié de tous
Il faut ajouter à ce CV la liste des responsabilités additionnelles que Roland Lefèvre dut assumer. Du 27 avril 1973 jusqu’à avril 1975, il fut le responsable du groupe de Mysore. De 1983 à 1985, il fut vice-régional de la région MEP de l’Inde. Surtout, pendant une vacance du siège épiscopal d’Ootacamund, il fut élu vicaire capitulaire du diocèse du 7 août 1973 au 13 février 1974. Il fut continuellement membre du Conseil épiscopal où ses remarques et suggestions étaient écoutées avec attention. Il dirigeait aussi différentes commissions, comme celles de l’évangélisation et des prêtres et religieux. Ces responsabilités montrent à quel point, tant ses confrères MEP que le clergé local appréciaient son zèle missionnaire et son jugement.
Mais ce rayonnement allait bien au-delà des lieux d’église. Voici par exemple le témoignage du révérend Devaraj, pasteur protestant, « converti au christianisme », comme il le dit lui-même, par le père Lefèvre :
« J’ai accepté le Seigneur Jésus-Christ le 31 août 1973 à l’âge de 13 ans par l’intermédiaire d’un pasteur de l’Église du Sud de l’Inde. Je viens d’un village hindou, Badaga (un groupe ethnique des Nilgiris). Le pasteur m’avait invité à l’église dont il avait la charge mais, en fait, je suis arrivé à l’église St François d’Assise de Kundah où je rencontrai le père Roland Lefèvre pour la première fois le 7 septembre 1973. Il me reçut comme un fils et depuis notre amitié n’a cessé de croître. À l’époque, je n’avais aucune idée des différentes dénominations chrétiennes ; mais le père Lefèvre m’a encouragé à suivre le Christ. Lors de mes études de séminaire, quand je revenais pour les vacances, il me recevait chez lui et m’invitait à l’accompagner dans ses tournées missionnaires à Emerald Red Hills et autres lieux. Quand je devins pasteur d’une église évangélique de la ville voisine de Coonoor, je devins aussi le secrétaire de l’association œcuménique dont il était membre également. C’est lui qui m’encouragea à retracer l’histoire des pères MEP aux Nilgiris, un travail que je continue à mener. Que dire de cet homme si simple ? Humble, menant une vie de simplicité comme Jésus, fondateur de la mission de Mulli, il parcourait de long en large et de haut en bas les chemins des Nilgiris, à la recherche des brebis perdues comme le Bon Pasteur, aidant les pauvres et les nécessiteux. Je ne l’ai jamais vu assis à ne rien faire ; il était toujours actif. Pour moi, le modèle qu’il présente est vraiment un défi. »
Retraite définitive
Cependant, sur la fin sa santé dépérissait. De plus en plus faible, il payait sans doute les énergies dépensées à courir les Nilgiris et le rythme irrégulier de ses repas quand il parcourait la montagne à la recherche de ses chers Irulas et autres aborigènes. Les homélies de la messe quotidienne qu’il continuait à assurer étaient devenues inaudibles. On dut lui faire admettre que sa présence, tout en étant une inspiration pour ceux qui l’entouraient, constituait aussi une gêne. À contrecœur, il consentit à se retirer. Il avait prévu de terminer ses jours à Mulli, parmi les Irulas. Il avait même fait préparer sa tombe au sommet d’une butte, face au village. Cependant, sur la fin sa santé dépérissait. De plus en plus faible, il payait sans doute les énergies dépensées à courir les Nilgiris et le rythme irrégulier de ses repas quand il parcourait la montagne à la recherche de ses chers Irulas et autres aborigènes. Les homélies de la messe quotidienne qu’il continuait à assurer étaient devenues inaudibles. On dut lui faire admettre que sa présence, tout en étant une inspiration pour ceux qui l’entouraient, constituait aussi une gêne. À contrecœur, il consentit à se retirer. Il avait prévu de terminer ses jours à Mulli, parmi les Irulas. Il avait même fait préparer sa tombe au sommet d’une butte, face au village. Mais, ayant vécu son sacerdoce comme un service, il accepta de rendre le service ultime que fut le sacrifice suprême d’accepter de se retirer.
Mais il quitta finalement Mulli et rentra en France le 17 juin 2010. Quinze jours plus tard, il participa à la célébration des 50 ans d’ordination de son frère, à Abbeville, et rejoignit Montbeton en juillet. Là, il resta lucide jusqu’à la fin et aimait avoir la visite de son frère prêtre et de sa famille, ainsi que des confrères de l’Inde. Mais la conversation était difficile du fait qu’il était courbé en deux et que sa voix n’était qu’un souffle ténu. À partir d'août 2014, à la suite d’un AVC, Roland est devenu totalement dépendant et ne pouvait plus parler, mais il reconnaissait bien ses visiteurs. Il mourut le 28 janvier 2017. Ce fut un long Carême avant d’arriver à Pâques !
Lucien Legrand