Auguste LESPADE1929 - 2006
- Statut : Prêtre
- Identifiant : 3993
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Biographie
[3993] LESPADE Auguste est né le 27 août 1929 à Gamarthe (Pyrénées-Atlantiques).
Ordonné prêtre le 30 mai 1954, il part le 6 juin 1956 pour la mission de Mandalay (Birmanie).
Il étudie le birman à Mandalay, puis il est chargé du poste de Falan dans les Chin Hills, de 1958 jusqu’à son expulsion de Birmanie en 1966.
Il part alors pour Taiwan. Après avoir étudié la langue à Tai Chung, il est chargé de la paroisse Saint-Paul à Hwalien en1969. Il continue ensuite à travailler en milieu taiwanais, et devient vicaire général du diocèse. Il est aussi chargé de la communauté des migrants et apporte son concours à SOS Amitié (Life Line) dans la paroisse de Fuli.
Atteint d’un cancer, il meurt le 10 mai 2006.
L’urne contenant ses cendres a été déposée dans le cimetière des missionnaires de Hwalien, où reposent déjà les Pères Ducotterd, Boschet et A. Cuerq.
Nécrologie
N° 03/2006
P. Auguste LESPADE
1929-2006
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Le P. Auguste Lespade est né le 27 août 1929 à Gamarthe, dans les Pyrénées-Atlantiques. Ses parents, Jean et Graciana Ponchulu, étaient cultivateurs. Ils eurent quatre enfants, trois garçons et une fille.
Baptisé quatre jours plus tard dans l’église de Gamarthe, Auguste fut confirmé le 9 mai 1940 à St Jean-le-Vieux. Après l’école primaire, il fit ses études secondaires au collège St Joseph de Hasparren (1941-1943), puis au petit-séminaire d’Ustaritz (1943-1948). Il entra alors, en 1948, au grand-séminaire de Bayonne.
Le 19 septembre 1949, il arrive au séminaire des Missions Étrangères. Le 29 mai 1953, Il est agrégé définitivement à la Société. Diacre le 19 décembre 1953, il est ordonné prêtre le 30 mai 1954. Quelques jours plus tard, le 13 juin 1954, il reçoit sa destination pour le diocèse de Mandalay, en Birmanie (Myanmar). Après quelque deux ans passés en Grande-Bretagne pour apprendre la langue anglaise, il part le 6 juin 1956 pour son pays de mission. Il y débarque le 30 du même mois.
Mais en 1965-66, le gouvernement de Birmanie ordonne la nationalisation des écoles catholiques, des léproseries et des hôpitaux. Suit le renvoi de 239 prêtres catholiques originaires de plusieurs pays. Le même traitement est appliqué aux missionnaires protestants. Il reste 188 prêtres diocésains dans le pays. Comme ses confrères arrivés dans le pays après l’indépendance obtenue le 4 janvier 1948, le P. Lespade doit quitter le pays. Il arrive à Paris le 9 décembre 1966. L’année suivante, il se retrouvera à Taïwan.
Birmanie
En plus des récits publiés dans les divers comptes-rendus de la Société, une part importante de cette notice racontant la vie et le travail du P. Auguste Lespade en Birmanie est tirée des souvenirs écrits presqu’au jour le jour par son confrère dans le diocèse de Mandalay, le P. Joseph Ruellen MEP : "1954. On annonce que quatre jeunes vont partir pour la Birmanie : les PP. Roy et Lespade pour Mandalay – et pour Rangoon les PP. Feuvrier et Saluc. Deux d’un coup, ce n’est pas arrivé depuis 50 ans", dit Mgr Falière, évêque, puis archevêque de Mandalay, depuis 1930. "1956. A leur arrivée à Mandalay, tremblement de terre… La résidence de Mgr Falière est une vieille maison en bois … qui tremble mais résiste. Le régime chez l’évêque est spartiate : une vasque et une noix de coco pour se doucher, un seau pour les WC, dans un cabanon au fond de la cour"…
Tout de suite, les nouveaux missionnaires de Mandalay sont envoyés dans le district de Shwebo et se mettent à l’étude de la langue birmane, tout en s’initiant à la manière de vivre de l’endroit. Le P. Lespade se retrouve à Chaung-Yo et le P. Roy à Payan. L’année suivante, ils restent encore dans la plaine afin de perfectionner leur Birman.
En janvier 1958, le P. Dixneuf prévoit de partir en congé au mois de juin : Auguste le remplacera à Falam, pendant que Claude part s’installer à Hakha. Déjà, le P. Lespade "fait de longues tournées hors de Falam, aidé par le séminariste Chin de Lumbang, Flavian Hrang Hluan".
Le compte-rendu des Missions Etrangères pour l’année 1959 mentionne : "A Falam, chef-lieu de district, le P. Lespade continue l’œuvre du P. Dixneuf. La ville ne compte guère que quelques familles chrétiennes mais elle est le point de rassemblement des 350 baptisés de la région. Quatre catéchistes aident le Père et pourvoient à la formation de 400 catéchumènes". Une ombre au tableau : plusieurs membres de la très forte communauté locale de chrétiens baptistes ne voient pas d’un bon œil l’arrivée de deux jeunes missionnaires catholiques. L’œcuménisme n’est pas encore bien vivant dans les montagnes de Birmanie. En fait, il est encore à naître ! … Et puis, le travail est difficile.
Le P. Bareigts, lui aussi ancien de Birmanie et de Taïwan, a laissé un fascicule plein des aventures survenues à nos confrères au début de la Mission chez les Chins. Quand on part en tournée pour visiter de nouveaux villages, c’est en général pour plusieurs semaines. Les gros villages, où l’on peut jouir d’un certain "confort", sont éloignés les uns des autres. Ailleurs, il faut essayer de trouver ce qu’on appelle, dans ces contrées influencées par la Grande-Bretagne, des "travellers’ bungalows" ces petits "chalets" où il est possible de s’installer dans un coin pour la nuit, parfois de préparer un semblant de cuisine, au moins d’être à l’abri de la pluie. C’est un pays montagneux, où souvent les routes sont inconnues. On s’y déplace à pieds. A l’occasion, on peut acheter un cheval pour au moins transporter les bagages et même parfois les marcheurs, quand ils sont trop fatigués. Mais il arrive que le cheval doive d’abord être dressé… Ce qui n’est pas forcément facile. Il arrive aussi que le cheval, au milieu de la nuit, rompe son attache et prenne sa liberté. Parfois, à la faveur de l’obscurité, un voleur s’empare, non pas du cheval, mais de la corde qui servait à l’attacher : auquel cas, le cheval disparaît aussi de toute manière… Les textes rapportant les "aventures" missionnaires de l’époque mentionnent un nombre important de chevaux… peut-être n’accomplissaient-ils que de courts séjours avec les confrères ? En tout cas, ils semblent avoir joué un rôle important dans les activités des prêtres MEP de l’époque.
Le travail continue cependant. "Le dimanche 22 mai 1960, invité par le P. Roy, Auguste bénit la première pierre de l’église de Tiphul", la première du District de Hakha. Le P. Bareigts commente : "Ce fut une très grande fête pour l’Église catholique du territoire Hakha". Il ajoute : "Les catéchumènes de Tiphul étaient bien préparés par le P. Roy et avec les 3 prêtres, 2 catéchistes, 2 cuisiniers, les chants latins étaient magnifiques".
Le compte-rendu pour l’année 1961 précise : la mission de Falam "compte aujourd’hui 451 catholiques et 610 catéchumènes. En deux ans (1960-1961), le P. Lespade a conféré 90 baptêmes d’adultes. Devant l’immense travail qui s’offre à lui, le Père regrette le petit nombre d’ouvriers. Actuellement, il est aidé par huit catéchistes, mais il lui faudrait du renfort. Pour faciliter l’instruction religieuse, il vient de faire imprimer le premier catéchisme en dialecte ‘laizo’. Pour ce travail, rendu difficile en raison de la pauvreté du dialecte dans le domaine spirituel, les Pères Dixneuf et Flavien ont apporté leur fraternelle collaboration. Ce catéchisme sera utile aussi au P. Muffat, car le dialecte laizo est enseigné dans les écoles de son district".
1962 est l’année où le gouvernement fait adopter un amendement à la constitution reconnaissant le Bouddhisme comme religion d’État ; mais un autre amendement reconnaît la liberté religieuse complète aux non-bouddhistes. "Cependant, ces nouvelles dispositions semblent avoir fait renaître les velléités séparatistes des minorités musulmanes, chrétiennes et surtout animistes, en particulier dans les régions montagneuses du Nord où la guérilla n’a pratiquement jamais cessé depuis la deuxième guerre mondiale".
Sur le plan religieux, "Quatre cents ans se sont écoulés depuis la première tentative d’évangélisation". Les missionnaires de plusieurs nationalités se sont succédé dans le pays. La hiérarchie a été instituée en 1955. L’Église de Birmanie compte maintenant deux archidiocèses et six diocèses ; Quatre évêques sur huit sont des citoyens Birmans. Mgr Falière ayant démissionné en 1959, le P. Lespade travaille désormais sous l’autorité de Mgr Joseph U Win.
"Dans la paroisse de Falam, la population catholique augmente : 123 fidèles de plus que l’année passée. Trois villages ont été ouverts récemment à l’évangélisation. Le P. Lespade est en charge de ce secteur et se trouve seul avec ses catéchistes pour un immense travail : 14 villages à visiter et d’autres qui demandent à voir le prêtre catholique. Malheureusement sa santé n’est plus ce qu’elle a été et une petite ‘Land-Rover’ lui rendrait service", précise le chroniqueur. "Il continue cependant à se dévouer au service des quinze villages dont il a la charge, à Falam et autour dans les ‘Chin Hills’".
Le compte-rendu pour 1963 précise : "La politique culturelle a fait des progrès certains en 1963. Alors qu’en 1962 la Birmanie avait 13.353 écoles, elle en compte, cette année, 13.664". 2 millions d’élèves fréquentent ces écoles. "Le nombre total des enseignants atteint 46.300". La population de l’Union birmane s’élève à 23.700.000 habitants, dont 20.000.000 de ruraux et 3.700.000 citadins.
"Dans le diocèse de Mandalay, les prêtres des MEP travaillent sous la direction de Mgr U Win, le premier évêque de nationalité birmane.
Mais à partir de 1964, les comptes-rendus annuels en provenance de Birmanie se font de plus en plus succincts et finissent par disparaître complètement. Dans une lettre au P. Alazard, assistant au Supérieur Général, Auguste écrit : "Vingt centres à visiter. Et ça bouge, surtout aux extrémités… Je fais des tournées de deux à trois semaines. Ma santé est mieux qu’il y a deux ou trois ans". Il aborde la préoccupation du jour, les réformes liturgiques : "Difficile à nous qui nous voyons très peu de nous mettre à jour pour la liturgie … Les Psaumes de Gélineau, ça ne colle pas à la langue et à la musique du pays … Pourrait-on trouver quelques feuillets de l’abbé Julien ? Les traductions sont difficiles… Vers Tiddim, ils sont dix pour une seule langue. Le P. Muffat a la sienne et moi une autre…"
Dans son cahier de souvenirs publié en Français en octobre 2011, le P. Bareigts écrit : "L’année 1964 fut une année de consolidation avec la visite de Mgr U Win. Les nouveaux convertis comprirent que l’Église catholique était une dans le monde entier et non le travail privé des prêtres. De plus ils savaient maintenant que la mission de Mandalay n’abandonnerait pas les nouveaux convertis qui vivaient au loin dans les Chin Hills".
"L’événement religieux le plus important de l’exercice 1965-66 a été la consécration du nouvel archevêque de Mandalay, Mgr Moses U Ba Khin, en novembre 1965. Le jour de sa consécration, le 21 novembre, tous les confrères de la Mission étaient présents. Une cinquantaine de Chins chrétiens étaient venus de leurs montagnes pour manifester leur respect et leur reconnaissance à leur supérieur.
"A Falam, le P. Lespade fit le tour de tous ses villages, plus d’une vingtaine, dans les montagnes, durant la saison des pluies. Il fut pris du scorbut, mais il eut la joie de bénir deux nouvelles églises et de voir son manuel de chants, de prières et de catéchisme imprimé en ‘Laizo’, le dialecte de Falam".
Mais les difficultés de toutes sortes s’accumulent. Le P. Ruellen écrit : "Dernière heure : boulangerie fermée, plus de blé… Interdiction de transport : Lespade a eu des difficultés pour une douzaine de boîtes de beurre achetées à Mandalay … Les écoles viennent d’être nationalisées : terrains, bâtiments, mobilier, argent, sauf les dettes" ! Le 29 janvier (1965), Auguste Lespade fait un tour d’horizon pour le P. Alazard :’J’ai été à Rangoon et revu des confrères, certains pas vus depuis 1954… Bonne équipe de jeunes enthousiastes… Nous sommes deux pour le District (de Falam) : 700 baptisés et 800 catéchumènes… 50 baptêmes à Noël et 10 encore la semaine prochaine’. Après le nouvel an, j’ai fait une tournée de 15 jours : mon cheval a failli se tuer dans un passage difficile… Notre livre de prières est sorti en décembre’. Partout on répète que les étrangers vont être expulsés sous peu. Les rumeurs sont telles que plusieurs missionnaires hésitent parfois à ouvrir de nouveaux centres d’instruction pour les catéchumènes. A l’un d’entre eux, l’archevêque émérite Mgr Bazin, répond : "N’ayez pas peur. Dieu prendra soin de la foi de ces nouveaux convertis". Auguste Lespade continue encore un peu son travail dans la région de Falam, mais partout les gens lui font leurs adieux…
Finalement, le P. Mainier écrit au P. Alazard : "Bürck se prépare à partir pour le mois de septembre, Roy et Lespade fin novembre. Seront-ils les derniers ?" Le 14 décembre 1966, le même P. Mainier écrit : "Départ dur de Roy et Lespade : nos Chins et même les Birmans se demandent pourquoi faire partir des hommes qui travaillent pour le bien du peuple".
Le compte-rendu pour l’année 1967 commente : "Le départ des 28 missionnaires les plus jeunes a créé une situation difficile, qui a conduit à réunir en une seule "Région de Birmanie" les deux communautés MEP de Rangoon et de Mandalay.
Cette Région "se trouve réduite à 21 missionnaires présents en Birmanie : 2 dans l’archidiocèse de Rangoon, 3 dans le diocèse de Bassein, 9 dans l’archidiocèse de Mandalay. Ce petit nombre est bien insuffisant pour toutes les tâches du ministère qu’ont dû abandonner des missionnaires en pleine force. Et la moyenne d’âge de ceux qui restent s’établit au-dessus de 61 ans.".
A Mandalay, "on pouvait craindre une diminution, un arrêt, dans le travail missionnaire. Il n’en est rien. Les demandes de conversion n’ont pas cessé et se sont plutôt intensifiées". Bien des années plus tard, le P. Claude Roy reviendra chez les Chins et pourra constater de ses propres yeux les progrès accomplis après le départ des missionnaires.
Le P. Lespade aurait sans doute pu faire siens les mots de son confrère le P. Bareigts : "J’ai été très heureux quand j’étais en Birmanie à annoncer l’Évangile. Je fus très heureux d’être sur les Chin Hills".
Taïwan
Échos de la Rue du Bac – Mars 1968 : Parti de Paris le 17 novembre 1967, puis "retardé pendant deux ou trois jours à Hongkong par les séquelles d’un typhon dont Taïwan avait subi le plus violent assaut, le P. Lespade atterrissait sur l’aérodrome de Hualien dans l’après-midi du 21 novembre 1967 … heureux de retrouver plusieurs anciens condisciples de la rue du Bac". Quelques jours plus tard, le 4 décembre, avec son ancien confrère de Birmanie, le P. André Cuerq, il se mettait en route pour l’école de langues dirigée par les missionnaires américains de Maryknoll à Taichung, où tous deux allaient se mettre à l’étude du Chinois Taïwanais.
Échos de la Rue du Bac – Novembre 1969 : Pendant l’été de 1969, les deux compagnons regagnent leur diocèse désormais armés pour prendre des responsabilités dans des postes réguliers. Auguste est nommé en ville de Hualien. La tâche promet d’être dure. Avec son compagnon André Cuerq, ils ont décidé de donner, comme leur évêque le leur a demandé, "un coup de barre" vers les Formosans.
Dans la chronique des missions, "Echos de la Rue du Bac" de juin 1969, on trouve en effet une lettre de Mgr Vérineux, un ancien de Mandchourie devenu le premier évêque de Hualien. Il écrit : "Le plus grand de nos problèmes réside dans la conversion des Formosans. Malentendu ? Bien sûr ! En France, il y a des Français, au Canada des Canadiens, à Formose… des Formosans. N’est-ce pas la chose la plus simple du monde ? Eh ! bien non, ce n’est pas si simple". A Formose, en effet, on trouve, à côté des Formosans qui forment le gros de la population et sont Chinois, des minorités ethniques, des peuplades dont on ne connaît pas vraiment l’origine. "C’est dans ce milieu si étrange, mais en même temps si simple et si attachant, que nous avons trouvé l’accueil qui a fait parler du ‘miracle de Formose’". Expulsé de Chine en 1951, Mgr Vérineux – qui n’avait jamais pu exercer son ministère d’évêque de Ying Kow en Chine – avait été, en 1952, nommé administrateur de la nouvelle préfecture apostolique de Hualien. Avec plusieurs confrères MEP, anciens missionnaires en Chine et en Birmanie, il avait commencé l’évangélisation des ‘aborigènes’ de la région. En peu d’années, ils en avaient reçu quelque 75.000 dans l’Église. Mais, continue l’évêque, "Ces tribus aborigènes ne constituent qu’une faible minorité au sein de la population, 15% tout au plus, pour ne parler que de ce diocèse, et, pour tout l’ensemble de l’île, à peine 1%". En fait, la presque totalité des aborigènes sont devenus chrétiens, catholiques ou protestants. Conclusion de l’évêque : "Il est grand temps de donner un bon coup de barre, c’est-à-dire d’orienter nos activités dans cette nouvelle direction. C’est toute une nouvelle organisation qui s’impose : étude de nouveaux dialectes, recherche et formation de nouveaux catéchistes, adaptation à des mentalités parfois différentes, pour ne pas dire hostiles, d’un groupe à l’autre, installations nouvelles, elles aussi, au goût de ces éventuelles recrues dans des localités où rien jusqu’à présent n’a été fait … et tout cela, bien sûr, ajouté aux charges et responsabilités que font peser sur nous le ministère auprès des premiers adeptes, le maintien de leur ferveur et le souci de leur persévérance".
Et voilà donc notre P. Lespade au service de la communauté formosane. A Hualien, en compagnie du P. Yves Moal, il ouvre des salles d’études pour les étudiants. Dans la chronique de juin 1970, le P. François Boschet explique : "Notre ville s’agrandit de jour en jour. Les étudiants se comptent par milliers et nombreux sont ceux qui ne disposent pas, même en famille, d’un lieu calme et tranquille pour préparer leurs cours, faire leurs devoirs", etc. "Dans une partie de sa nouvelle résidence-église, le P. Lespade a réservé une salle très confortable pour une cinquantaine d’élèves… (Il) se fait un plaisir de donner des leçons d’Anglais trois soirs par semaine".
Un an plus tard, Mgr Vérineux fait une première évaluation du travail accompli : "Conversions ? C’est vite dit. Autant c’était facile avec nos montagnards ex-chasseurs de têtes, autant ce nouveau champ d’apostolat s’avère difficile d’accès, semé d’obstacles et d’une décevante aridité". Les Formosans ne sont pas aussi faciles à pénétrer. "Le missionnaire doit tout d’abord se faire admettre, vaincre beaucoup de préjugés, susciter l’intérêt, la curiosité, la sympathie, créant autour de lui une atmosphère de confiance, condition préalable à tout début de conversion ; en bref : un long travail d’approche, de pénétration, d’implantation". Du P. Lespade, l’auteur de la chronique de décembre 1971 écrit : "Broussard en Birmanie, citadin à Formose, pas de milieu qui lui répugne. Il sait que, dans le milieu où il travaille, il n’y aura pas de miracle et il a entrepris de tourner un autre ‘film’ : ‘Pêche à la ligne’… Peut-être qu’en matière d’apostolat, cela vaut bien la pêche au filet". Le compte-rendu des travaux de la Société au cours des années 1974-76 confirme cette réflexion : "Dans les débuts de l’évangélisation, alors que les Pères ne parlaient pas encore le Taïwanais, quelques individus se laissèrent toucher par le Christianisme. Mais depuis, c’est le piétinement. ‘S’il y a eu miracle à Formose, ce n’est sûrement pas en milieu taïwanais’, soupire le P. André Cuercq : en trois ans, il n’a fait qu’un baptême d’adulte. Les autres sont logés à la même enseigne : le P. Lespade en a fait deux, le P. Le Corre un". Les confrères travaillant en milieu taïwanais essaient d’entrer en contact avec les populations par l’intermédiaire de jardins d’enfants, de salles d’études pour écoliers et étudiants, de cours d’Anglais ou de Français… Auguste écrit : "Le tonus y est assez bas, du fait qu’il y a très peu de familles qui soient entièrement chrétiennes, le père ou la mère étant bouddhiste. Beaucoup de ces gens étant fonctionnaires, ils ne restent pas longtemps dans un endroit et n’ont pas le temps de s’intégrer dans la communauté". "En définitif, le vrai miracle de Formose ne serait-ce pas qu’en dépit des erreurs et des déficiences des hommes, il reste encore des chrétiens formosans et que Dieu en suscite toujours quelques-uns pour leur donner confiance?" En tout cas, les ‘Échos de la Rue du Bac’ de juillet 1972 nous disaient simplement : "Le P. Lespade continue à développer son action et déjà célèbre la messe en cinq endroits, à Hualien et hors de Hualien. A Noël, il avait 80 personnes dans son oratoire".
Les années passent. Le 2 décembre 1981, le P. Lespade devient vice-régional des MEP de Taïwan. En 1983, il est nommé vicaire général "avec la charge de s’occuper plus spécialement de l’apostolat social dans le diocèse". Cette même année 1983, "le nombre des prêtres originaires du diocèse est passé de cinq à neuf. (Ils) appartiennent aux divers groupes ethniques du diocèse : deux sont chinois de langue Minnan, l’un est chinois de langue Hakka, un prêtre appartient à l’ethnie Amis, deux à l’ethnie Puyuma, deux à celle des Taroko et un à celle des Bununs". Quelques ethnies n’ont pas encore donné de prêtres. En plus de son domaine particulier d’activité, le P. Lespade "est toujours responsable de la paroisse des chrétiens taïwanais de langue Minnan à Hualien ville, mais depuis deux ans, il est aussi en charge de deux postes de chrétiens Amis, Sakora et Katagka. (Il) habite une vieille maison en bois qui sert aussi de chapelle ; grâce à des subsides divers, il va pouvoir construire sous peu un petit ensemble en dur et à étage".
En octobre 1987, pour les prêtres MEP, se déroulait à Tokyo une session inter-régions : "L’Asie des baguettes et des caractères". Participent 34 confrères, dont 20 du Japon, 6 de Corée, 6 de Taïwan et 2 de Hongkong. Le P. Auguste Lespade fait partie de la délégation de Taïwan. En guise de préparation, quatre rencontres avaient eu lieu à Taipei sur le thème "Les droits de l’homme à Taïwan". Pendant une quinzaine de jours, les participants ont pu visiter de nombreux lieux intéressants pour des missionnaires MEP. Ils ont rendu visite à quelques confrères chez eux. Surtout, ils ont pu échanger sur leur travail, leur vie, etc. avec les missionnaires venus des autres "pays des baguettes". Comme les autres, Auguste en est revenu enchanté.
En 1993, Auguste est nommé aumônier des travailleurs étrangers et des marins. Au cours des années, un nombre important de travailleurs – hommes et femmes – originaires en particulier des Philippines, sont venus à Taïwan à la recherche de travail. Il leur est relativement facile de trouver un emploi ; mais les lois du pays ne sont pas forcément très précises en ce qui les concerne. Par ailleurs, il arrive parfois que leurs employeurs profitent quelque peu de la situation et n’hésitent pas trop à employer des immigrés en position irrégulière. Les problèmes sont nombreux et le P. Lespade, avec d’autres, essaie de venir en aide aux personnes en difficulté, tout en servant sur le plan spirituel ces Philippins, qui, pour la plupart, sont catholiques. Chaque dimanche en fin d’après-midi, il se rend dans l’un ou l’autre centre organisé à proximité de leurs lieux de travail et pour eux célèbre l’Eucharistie en Anglais.
"Dans le milieu taïwanais, qui est resté assez imperméable au christianisme, il se fait des amis grâce au sport (tennis, sorties et bains dans les torrents, marches en montagne, etc.). Les quelques familles chrétiennes taïwanaises lui sont très attachées".
"En 2004, à l’âge de 75 ans, il va laisser la place à un jeune missionnaire, Jean-Pierre Richard. Celui-ci a également étudié la langue taïwanaise à l’école des missionnaires de Maryknoll. Auguste, lui, est nommé à Fuli, une petite ville à un peu plus de 100 km au sud de Hualien. La petite communauté chrétienne est composée de quelques familles taïwanaises et hakkas. Il commence à se faire des amis quand, au cours d’un examen médical, on lui découvre un cancer de la vessie. Il fait courageusement face à la maladie et continue son travail missionnaire. Un an plus tard, alors qu’une crise de douleur le prend en pleine nuit, il meurt dans l’ambulance qui l’emmène à l’hôpital de Yuli, le 10 mai 2006.
"Auguste était un vrai basque avec son caractère entier. Mais il avait le don de la relation humaine. Il savait mettre les personnes à l’aise. De Birmanie à Taïwan, il a mené sa mission jusqu’au bout. Que Dieu accueille son serviteur fidèle".
Chronique nécrologique du Père Auguste Lespade depuis son arrivée a Taiwan en 1967 jusqu’à son décès en 2006.
Expulse de Birmanie en 1966, Auguste Lespade reçoit une nouvelle affectation : Taiwan. Depuis l’arrivée de Mgr André Vérineux a Hualien en 1952 jusqu’au milieu des années 1960, les missionnaires Mep sont très occupes par les conversions en grand nombre des aborigènes de l’Est de l’ile au christianisme. Des civils et des militaires venus de Chine avec le général Chang Kai Tchek deviennent aussi chrétiens. Mais ceux qu’on appelle les Taïwanais (des Hans immigrés de Fujyen, province du Sud de la Chine, depuis plusieurs générations) accueillent très difficilement l’Évangile. Aussi Mgr Vérineux affecte Auguste Lespade et André Cuerq à ce milieu taïwanais. Ils vont donc apprendre la langue taïwanaise, très différente du mandarin, à l’école de langue dirigée par les missionnaires américains de Maryknoll à Taichung. En plus de l’apprentissage de cette langue taïwanaise, de 1968 a 1969, Auguste qui parle couramment l’anglais, se fait beaucoup d’amis parmi les confrères de Maryknoll qui travaillent dans le diocèse de Taichung et les visite dans leurs postes de mission. L’expérience de ces missionnaires permet à Auguste d’entrer peu à peu dans la vie du peuple taïwanais.
En juin 1969, à la fin de ses études de langue, Auguste revient à Hualien ou il est nomme curé de la paroisse Saint Paul située dans la rue Minkuo de la ville, d’ou le nom de “Paroisse de Minkuolu” (lu=route, rue en chinois). Cette paroisse a été fondée en 1958 avec le Père Ly Wai-Tien comme responsable. Puis les Pères Hsu Chung-Chih et Cheng-Hu lui ont succédé. Quand Auguste en prend la responsabilité, il hérite d’une communauté chrétienne minuscule et dispersée. Grâce à ses dons de relations humaines, il va peu à peu rassembler les brebis dispersées et former une communauté petite mais soudée et vivante. Pour ses besoins pastoraux-missionnaires, il va retourner à l’école de langue pour apprendre le mandarin pendant huit ou neuf mois. En 1985, seize ans après son arrivée, ce sera la bénédiction du nouvel ensemble paroissial. Il va y accueillir le groupe “SOS Amitiés” qui se charge par téléphone de répondre aux appels de détresse. Auguste aura son tour de garde comme les autres. Il donne aussi des cours d’anglais. En 1981, il a accepte la demande de l’évêque qui le nomme vicaire général en remplacement de Maurice Poinsot et cela pendant douze ans jusqu’en 1993. Cette même année, il est nommé aumônier des travailleurs étrangers et des marins. Il excelle dans les contacts pastoraux et amicaux avec eux et il organise pour eux des activités diverses qui culminent chaque dimanche après-midi avec le rassemblement eucharistique en langue anglaise. Dans le milieu taïwanais, assez imperméable au christianisme, il se fait des amis surtout grâce au sport (tennis, sorties et bains dans les torrents, marche en montagne etc.). Les quelques familles chrétiennes taïwanaises lui sont très attachées.
En 2004, à l’âge de 75 ans, il va laisser sa place à un jeune missionnaire Jean-Pierre Richard qui a également étudié la langue taïwanaise à l’école des missionnaires de Maryknoll. Il est nomme à Fuli qui est une petite ville à un peu plus de 100 kms au Sud de Hualien. La petite communauté chrétienne est composée de quelques familles taïwanaises et hakkas. Il commence à se faire des amis quand, au cours d’un examen médical on lui découvre un cancer de la vessie. Il fait courageusement face à sa maladie et continue son travail missionnaire. Un an plus tard, alors qu’une crise de douleur le prend en pleine nuit, il meurt dans l’ambulance qui l’emmène à l’hôpital de Yuli le 10 mai 2006.
Auguste était un vrai basque avec son caractère entier. Mais il avait le don de la relation humaine. Il savait mettre les personnes à l’aise. De Birmanie à Taiwan il a mené sa mission jusqu’au bout. Que Dieu accueille son serviteur fidèle.
Homélie du P. Jean-Baptiste Etcharren,
Supérieur général des Missions Étrangères,
Lors de la messe célébrée à la mémoire du P. Auguste LESPADE,
À Gamarthe
Le samedi 27 mai 2006
En 1942, lors de ma première rentrée au Collège d’Hasparren, j’eus la chance d’être accompagné par deux aînés, originaire de Gamarthe, tous les deux de fière allure et aussi aimables l’un que l’autre, J-B OXANDABARATZ et Auguste LESPADE. En plus de leurs qualités personnelles, ils présentaient l’avantage de leur ancienneté au collège, longue déjà de deux ou trois ans, de sorte que l’inconnu abordé en leur compagnie me parut déjà moins redoutable.
Je pense que leur exemple, parmi d’autres, a aussi contribué, plus tard, à faire naître et grandir en moi le goût d’un inconnu plus vaste encore. En effet, l’un et l’autre devaient faire l’option de la mission au lointain, Jean-Baptiste pour un temps en Afrique, Auguste en Asie pour la vie.
Comment naît dans le cœur et l’esprit d’un jeune le désir de partir au loin, au nom de Jésus Christ ? C’est difficile à dire. Chacun a son histoire, il n’y en a pas deux d’identiques. Ce qui est certain, c’est qu’au-delà des influences extérieures et des modèles les plus séduisants, rien d’aussi conséquent n’a pu se décider sans la rencontre intime, dans le cœur à cœur avec le Christ, à l’écoute de sa parole et grâce à la vision que lui seul a pu nous donner du sens de notre vie ici-bas.
Vision d’amour du Père pour toute personne, pour toute nation, et toute race, vision d’une authentique fraternité entre tous les peuples, avec la promesse du Père commun de rassembler en une seule famille tous ses enfants dispersés dans le monde. Dessein de Dieu dont le parfait achèvement nous est décrit dans cette vision prophétique de l’Apocalypse : "Voici qu’apparut à mes yeux une foule immense, que nul ne pouvait dénombrer, de toute nation, race, peuple et langue. Debout devant l’agneau, vêtus de robes blanches, des palmes à la main, ils crient d’une voix puissante : ‘Le salut à notre Dieu, qui siège sur le trône, ainsi qu’à l’Agneau’. "
A ce dessein d’amour que Dieu a promis de parachever lui-même en son Fils Jésus Christ, voici que le Père a voulu nous associer en nous faisant participer à la mission de son Fils, de diverses manières, par des engagements et des états de vie différents, chacun à sa place, pour l’édification du Royaume.
Auguste a fait le choix de l’engagement radical, dans le célibat, se tenant disponible pour accepter toutes les ruptures et les arrachements inévitables, mais aussi pour accueillir avec reconnaissance toutes les joies et le bonheur promis par le Seigneur aux ouvriers apostoliques : "En vérité je vous le dis, nul n’aura laissé maison, frères, sœurs, père, mère, enfants ou champs à cause de moi et à cause de l’Évangile, qui ne reçoive le centuple dès maintenant, au temps présent, avec des persécutions, et, dans le monde à venir, la vie éternelle".
Les ruptures ont été rudes pour Auguste. Quel trésor n’a-t-il dû laisser, ici à Gamarthe, trésor d’amour et d’affection de ses parents et de ses frères et sœurs, ce chez soi sur lequel se sont ouverts ses yeux pour la première fois, là où s’est développée ensuite toute une manière d’être et de vivre ensemble, et spécialement cette langue maternelle, la langue basque, dans laquelle il avait entendu les premiers mots qui font vivre et grandir, des mots d’amour.
Comment ne pas se rappeler aussi à quel point il fut affecté par le décès prématuré de ses parents, son papa en 1958, alors qu’il venait à peine d’arriver chez les Chins et sa maman en 1964, avant son premier retour : "Elle s’attendait à me voir, écrivait-il, elle avait préparé une chambre pour moi". (Lettre du 30 avril 1964)
Plus tard devaient survenir d’autres ruptures non moins douloureuses, en particulier lorsqu’il sera forcé de quitter sa nouvelle famille, ce peuple Chin qu’il aimait et auquel il aurait bien voulu consacrer sa vie entière.
Mais le contrat évangélique sera respecté, et, avec les épreuves, Auguste connaîtra dès le départ de sa vie missionnaire le bonheur promis par le Christ à ses apôtres et cela en abondance. A chaque étape de sa vie, Auguste aura beaucoup d’amis, des frères et des sœurs en grand nombre, mais aussi des pères et des mères, toutes ces personnes jeunes ou âgées qui vont se montrer tellement heureuses de l’accueillir, de l’adopter chez eux, dans leur terre, comme quelqu’un de chez eux. Ce bonheur, il y a goûté d’autant mieux qu’il était lui-même un homme de relation, un homme ouvert à l’amitié, inspirant la confiance par sa clarté et le don spontané de sa confiance, servi de plus par un don assez exceptionnel des langues.
Après son ordination en 1954, il fut envoyé à Londres pour y apprendre l’anglais et attendre le visa pour la Birmanie où il arrivera en 1956. De ce temps d’étude et de préparation, Auguste profitera au maximum, ce qui lui permettra de parler l’anglais avec aisance et même de l’enseigner plus tard. A Londres, il se fit aussi des amis fidèles auxquels il rendra visite à l’occasion des congés.
Arrivé