Roger CLÉMENT1929 - 1976
- Statut : Prêtre
- Identifiant : 3973
- Bibliographie : Consulter le catalogue
Identité
Naissance
Décès
Biographie
[3973] CLÉMENT Roger est né le 11 mars 1929 à Sauvic (Seine-Maritime).
Il entre aux MEP en 1947. Ordonné prêtre le 31 mai 1953, il part le 19 novembre suivant pour la mission de Kontum (Vietnam).
Il commence par étudier le vietnamien à Ban Mê Thuot et le bahnar à Kon-Ma-har. De 1960 à 1965, il est directeur de l'École des catéchistes à Kontum.
À sa demande, il quitte la mission de Kontum pour être affecté, en 1966, au diocèse de Nakhon Ratchasima (Thaïlande).
Après l’étude du thaï, il est chargé du poste de Non-Keo (de 1968-1972). Il tente ensuite une expérience d’insertion en milieu païen, à Chok-Chai, mais doit y renoncer au bout de quelques mois. Il est alors affecté à la formation des catéchistes et des Servantes de Marie dans le diocèse d’Ubon.
Il meurt le 24 décembre 1976 à Ubon des suites d’un accident.
Nécrologie
Père Roger CLÉMENT
Missionnaire en Thaïlande
1929 - 1976
Né le 11 mars 1929 au Havre (Seine-Maritime) - Diocèse de Rouen.
Etudes primaires au Havre.
Etudes secondaires à Ménil-Flin et à Beaupréau.
Entré aux Missions Etrangères (Bièvres) le 29 septembre 1947.
Prêtre le 31 mai 1953.
Destination pour la mission de Kontum le 14 juin 1953.
Parti pour sa mission le 19 novembre 1953.
Postes occupés :
A son arrivée, réfugié à Banmêthuôt.
Kon-Mahar, 1954-1960.
Kontum : école des catéchistes, 1960-1965.
Séjour en France et changement de mission.
Affecté à Nakhon-Ratchasima le 1er octobre 1966.
Ecole de langue à Bangkok, 1967.
Non-Keo, 1968-1972.
Chok-Chai, avril 1972.
Passe au diocèse d’Ubon en 1972.
Décédé à Ubon le 24 décembre 1976.
Enfance et jeunesse
Roger CLÉMENT naquit au Havre, diocèse de Rouen, le 11 mars 1929. Il était le 5e d’une famille de 7 enfants, 3 garçons et 4 filles. Sa sœur aînée est religieuse et un de ses frères cadets, Pierre, est décédé accidentellement en 1970. Le père était monteur et la mère couturière.
C’est un beau petit garçon très blond, frisé. Il est gai et rieur. Généralement obéissant, il cherche cependant à imposer Sa volonté. Vers l’âge de 5 ans, il est admis comme enfant de chœur. A 7 ans, il est obligé de quitter l’école N.-D. de Bon Secours. Comme l’école libre est très éloignée, il est, au grand regret de sa mère, inscrit à l’école laïque. C’est alors que se produit un incident. Il arrive à la maison tout bouleversé et déclare : « Le maître a dit que Dieu n’existe pas ». De plus, il a été un peu bousculé par cet instituteur. Il est, de ce fait, très malheureux car c’est la première fois qu’il ne se sent pas aimé. Madame Clément doit faire plusieurs démarches auprès du directeur de cette école pour arranger les choses.
Vers 1938, il commence à boiter. Le médecin spécialiste découvre une décalcification de la hanche. Il est alors plâtré, tout le bassin et une jambe, et conduit chaque jour au solarium… C’est alors qu’il commence à dessiner. Cet ennui de santé ne modifie pas son caractère. Il faut dire que partout il est très entouré, très choyé ! C’est toujours le même refrain : « Qu’il est beau ! » Comme il grandit, cela commence à l’agacer.
Puis survient la guerre, les bombardements sur le Havre. La famille —10 personnes avec la grand-mère — est évacuée du côté de St-Lô où ils sont bien accueillis par des fermiers. Au bout de trois mois, ils rentrent tous au Havre. Au mois de mars 1943, Roger passe son certificat d’études. Mais bientôt vient l’ordre d’évacuer tous les enfants de moins de 14 ans. Il repart donc avec deux de ses sœurs chez les fermiers des environs de St-Lô. C’est alors qu’il écrit à sa mère pour lui dire qu’il ne veut plus être dessinateur comme il en avait manifesté l’intention jusque-là, mais qu’il désire être missionnaire ! Sa mère voit déjà la séparation et elle en est très peinée. D’après sa sœur aînée, c’est sa mère qui dut écrire aux Missions Etrangères. En tout cas, Roger fut admis comme postulant en septembre 1943 et c’est sa mère elle-même qui l’amène Rue du Bac et de là il se rend à Ménil-Flin.
Sans le savoir, la mère et son fils s’embrassaient pour la dernière fois. Madame Clément meurt le 14 août 1944. Le 5 septembre, leur maison au Havre est complètement détruite. C’est à Paris que Roger apprend, par sa sœur Anne-Marie, la mort de leur mère. Il écrit alors : « Je sais que nous n’avons plus de maman. Ce que je ressens de cette peine, il n’y a pas de mots pour l’exprimer ». Et il ajoute à l’intention de sa sœur aînée : « Je te demande de rester avec nous pour la remplacer ». Comme ce sont les vacances, il vient quelque temps au Havre. La famille a retrouvé une maison pour s’installer, mais c’est une maison « sans souvenirs ». Roger dit alors : « Je suis content d’être avec vous... mais cette maison est triste ! » Pendant ce petit séjour en famille il reçoit une lettre lui demandant de se rendre au petit séminaire de Beaupréau. Il y continue ses études. Au fil des années, les vacances réunissent la famille : c’est une grande joie pour tous. Chacun prend sa part de besogne à la maison. Roger aide sa sœur aînée pour le ménage et la vaisselle. Il a de plus des activités à la paroisse : patronage, colonies de vacances…
Une fois ses études terminées à Beaupréau, il est admis au séminaire de Bièvres où il entre le 29 septembre 1947. Rien de spécial à signaler pendant ses années de séminaire. Ordonné prêtre le 31 mai 1953, il reçut sa destination pour la mission de Kontum, sur les Hauts-Plateaux du Sud-Vietnam.
En mission au Vietnam
Le 19 novembre suivant, il s’embarqua. La guerre alors battait son plein. La situation à Kontum même n’avait rien de sûr. C’est pourquoi l’évêque l’envoya à Banmêthuôt, ainsi que le P. Arnould, arrivé en même temps que lui, pour apprendre le vietnamien. Pendant les 6 mois qu’il passa à Banmêthuôt, il ne mit peut-être pas toute son ardeur à l’étude de la langue vietnamienne, persuadé qu’il devrait reprendre le bateau sans tarder, à cause de la situation.
A l’automne de 1954, la situation s’est un peu rétablie. L’évêque et les missionnaires peuvent remonter à Kontum. Le P. Clément et le P. Arnould sont envoyés à Kon Mah chez le P. Den pour étudier la langue banhar ; mais au bout de quelque temps, le P. Clément quitte cette paroisse et va s’installer seul dans un autre poste, à Kon Mahar. Là il progresse rapidement dans la connaissance de la langue et est estimé des Montagnards. En 1955, il est nommé chef de district de Kon Mahar. Ses paroissiens sont très contents de lui. Lui-même semble heureux et bien à son affaire. Rien ne paraît lui coûter : ni l’isolement, ni la pauvreté, ni la fatigue, ni le régime alimentaire. Il restera dans cette paroisse jusqu’en 1960.
Au bout de ces 6 années, le P. Clément sentit une certaine fatigue : l’isolement lui pesait de plus en plus. Il n’en disait rien cependant. L’évêque finit par le découvrir, et comme il fallait un supérieur à l’école Cuenot, école de formation des catéchistes, le P. Clément fut nommé à cette charge. Il y travailla pendant 5 ans jusqu’à son congé en 1965.
En France
A son départ de Kontum, le P. Clément était assez découragé. Il partit avec l’intention de demander à changer de mission. Mais avant de donner satisfaction à cette demande, les Supérieurs de la Société conseillèrent vivement au P. Clément de faire une année de « recyclage » dans une équipe sacerdotale, au diocèse de Rouen. C’est ce qu’il fit et au bout de cette année, il reçut une nouvelle destination pour le diocèse de Nakhon Ratchasima (Khorat) en Thaïlande.
En Thaïlande
Parti pour Bangkok le 2 décembre 1966, le P. Clément consacra une année à l’étude de la langue siamoise. En 1968, il prit en charge le poste de Non-Kéo où il fit du bon travail pendant 4 ans. En 1972 il voulut tenter une expérience « ad gentes », en plein milieu païen. Il alla s’installer à Chok-Chai, petite localité où il n’y avait aucun chrétien, ni dans la localité ni dans les environs immédiats. L’idée, en soi, était bonne mais le P. Clément n’était pas fait pour vivre ce genre de vie. Aussi au bout de quelques mois il se découragea et demanda à changer de diocèse. L’évêque d’Ubon était de son « bateau ». Il l’accepta dans son diocèse. Là le P. Clément fut adjoint au P. Jacquemin pour la formation des catéchistes et des juvénistes du couvent des Servantes de Marie. Soutenu par le P. Jacquemin et sous sa direction, il fit du très bon travail, dans la ligne de ce qu’il avait déjà fait à Kontum, travail pour lequel il avait des dispositions remarquables.
Il aimait de plus en plus aller dans tel ou tel poste soit pour le dimanche, soit pour les fêtes. C’est ainsi que le 23 décembre 1976, le P. Clément se rendit à la paroisse de Thapthai, avec un catéchiste, pour assurer les offices de Noël. Il avait demandé à être accompagné d’un catéchiste car il ne se sentait pas très bien. Etait-ce la suite d’une chute de moto survenue une dizaine de jours auparavant ? Il se plaignait de douleurs mais, malgré tous les conseils qui lui furent alors donnés, il ne consentit jamais à aller consulter un médecin. Le vendredi 24 décembre, les paroissiens de Thapthai voyant son état de santé, lui conseillèrent vivement de rentrer à Ubon pour se soigner. Il refusa énergiquement. Dans l’après-midi, il présida une cérémonie pénitentielle avec beaucoup de difficultés ; il était visible qu’il souffrait beaucoup. A la fin de cette cérémonie, on le mit dans une automobile pour le ramener à Ubon. Il perdit connaissance en route et c’est dans cet état qu’il arriva à l’évêché. Hospitalisé immédiatement, il fut l’objet des soins attentifs et dévoués des médecins de l’hôpital. Une prise de sang révéla une forte dose de glucose. Les radiographies montrèrent un important hématome couvrant la base des poumons, le foie et toute la région du diaphragme. Malgré tous les soins qui lui furent prodigués, le P. Clément ne reprit pas connaissance et c’est vers 11 h du soir qu’il rendit le dernier soupir.
Son corps fut déposé au couvent où il travaillait, en attendant le moment des obsèques, le mardi 27 décembre, à la cathédrale d’Ubon. Une quarantaine de prêtres prirent part à la concélébration présidée par Mgr Berthold qui était du même cours que le P. Clément. Mgr Bunluen, évêque d’Ubon, donna l’homélie et souligna particulièrement tous les services que le P. Clément avait rendus aux catéchistes et aux religieuses en formation. Il insista aussi beaucoup sur le courage qu’il avait de vouloir aller assurer la fête de Noël à la paroisse de Thapthai malgré son mauvais état de santé et ses souffrances. Le P. Clément repose maintenant au cimetière d’Ubon, juste derrière le P. Guidon.
Ces quelques notes retracent les grandes lignes de la vie du P. Roger Clément. Tous ceux qui l’ont connu sont unanimes à reconnaître la richesse de ses talents naturels, mais aussi son caractère indépendant avec un brin de fantaisie : ce qui ne facilite pas le travail en équipe. Il a cependant obtenu des résultats. Voici ce qu’écrivait à sa sœur religieuse l’évêque de Kontum en 1957 : « Roger est dans un district assez isolé mais c’est un district peuplé de très bons chrétiens. Ceux-ci l’aiment beaucoup et lui donnent satisfaction par leur bon esprit et leur bonne volonté. Il faut bien souligner que Roger met d’ailleurs tout son cœur et toutes les ressources de son esprit, qui ne sont pas petites, à les aider de toutes manières. Il a fondé la première école paroissiale à Kon Mahar même où il reçoit une centaine d’élèves. Dans chacun des huit villages de son district, il a organisé également une école populaire qui fonctionne très bien. C’est lui qui a suscité et formé les instituteurs bénévoles qui les dirigent.
« Il apporte encore tous ses soins à la liturgie, dans sa paroisse, cherchant à instruire ses fidèles et à développer en eux le sens du sacré par de belles cérémonies ». — Un autre témoignage rend le même son ; « Malgré les heurts, les difficultés... et une situation de guerre, le P. Clément avait très bien réussi à Kon Mahar en milieu banhar. C’est avec beaucoup de peine que les chrétiens apprirent sa décision de changer de mission. « Quand le Bok Dim reviendra-t-il avec nous ? » demandaient-ils souvent. Bok Dim était le nom banhar du P. Clément, car Dim veut dire clément, doux. Au fond, le P. Clément qui aimait beaucoup ses Montagnards avait compris depuis longtemps que la situation sur les Hauts-Plateaux allait vers un désastre pour ses ouailles : « Je ne puis rien pour eux... » disait-il. Et c’est la cause profonde de son découragement ».
On a souligné plus haut qu’il avait de remarquables talents naturels :
Musicien : il laisse de nombreux chants religieux et profanes en langue banhar ; ces chants furent utilisés dans toutes les paroisses et contribuèrent à la beauté des cérémonies et des veillées. Il a notamment composé une messe en Banhar avec accompagnement de tambours et de gongs et cette messe a eu beaucoup de succès.
Artiste : on lui doit les belles décorations du « Foyer Montagnard » et celles de l’école de Kon-Horing dont les murs gardent les scènes de la vie montagnarde, scènes qui font l’admiration de tous... En Thaïlande, il a décoré avec beaucoup de bonheur l’église de Songje et celle de Don Din Dam. Au moment de sa mort, il s’apprêtait à décorer les églises de Ban Vet chez le P. Le Bézu et de Non Prasat chez le P. Louis Nicolas.
Catéchiste : il a composé plusieurs fascicules ronéotypés. Ses méthodes d’enseignement du catéchisme par le dessin eurent un très grand succès, particulièrement chez les Sœurs Banhar chargées de l’enseignement religieux au « Foyer Montagnard » (600 jeunes filles). Dans les sessions qu’il animait pour les catéchistes et les religieuses, il donnait toute sa mesure avec un brio et un succès extraordinaires. On peut dire que c’était vraiment là son « charisme ».
La foi de tous ces « Montagnards » que le P. Clément a instruits est mise actuellement à rude épreuve. Que du haut du ciel il continue à veiller sur eux pour qu’ils restent fidèles à son enseignement.Père Roger CLÉMENT
Missionnaire en Thaïlande
1929 - 1976
Né le 11 mars 1929 au Havre (Seine-Maritime) - Diocèse de Rouen.
Etudes primaires au Havre.
Etudes secondaires à Ménil-Flin et à Beaupréau.
Entré aux Missions Etrangères (Bièvres) le 29 septembre 1947.
Prêtre le 31 mai 1953.
Destination pour la mission de Kontum le 14 juin 1953.
Parti pour sa mission le 19 novembre 1953.
Postes occupés :
A son arrivée, réfugié à Banmêthuôt.
Kon-Mahar, 1954-1960.
Kontum : école des catéchistes, 1960-1965.
Séjour en France et changement de mission.
Affecté à Nakhon-Ratchasima le 1er octobre 1966.
Ecole de langue à Bangkok, 1967.
Non-Keo, 1968-1972.
Chok-Chai, avril 1972.
Passe au diocèse d’Ubon en 1972.
Décédé à Ubon le 24 décembre 1976.
Enfance et jeunesse
Roger CLÉMENT naquit au Havre, diocèse de Rouen, le 11 mars 1929. Il était le 5e d’une famille de 7 enfants, 3 garçons et 4 filles. Sa sœur aînée est religieuse et un de ses frères cadets, Pierre, est décédé accidentellement en 1970. Le père était monteur et la mère couturière.
C’est un beau petit garçon très blond, frisé. Il est gai et rieur. Généralement obéissant, il cherche cependant à imposer Sa volonté. Vers l’âge de 5 ans, il est admis comme enfant de chœur. A 7 ans, il est obligé de quitter l’école N.-D. de Bon Secours. Comme l’école libre est très éloignée, il est, au grand regret de sa mère, inscrit à l’école laïque. C’est alors que se produit un incident. Il arrive à la maison tout bouleversé et déclare : « Le maître a dit que Dieu n’existe pas ». De plus, il a été un peu bousculé par cet instituteur. Il est, de ce fait, très malheureux car c’est la première fois qu’il ne se sent pas aimé. Madame Clément doit faire plusieurs démarches auprès du directeur de cette école pour arranger les choses.
Vers 1938, il commence à boiter. Le médecin spécialiste découvre une décalcification de la hanche. Il est alors plâtré, tout le bassin et une jambe, et conduit chaque jour au solarium… C’est alors qu’il commence à dessiner. Cet ennui de santé ne modifie pas son caractère. Il faut dire que partout il est très entouré, très choyé ! C’est toujours le même refrain : « Qu’il est beau ! » Comme il grandit, cela commence à l’agacer.
Puis survient la guerre, les bombardements sur le Havre. La famille —10 personnes avec la grand-mère — est évacuée du côté de St-Lô où ils sont bien accueillis par des fermiers. Au bout de trois mois, ils rentrent tous au Havre. Au mois de mars 1943, Roger passe son certificat d’études. Mais bientôt vient l’ordre d’évacuer tous les enfants de moins de 14 ans. Il repart donc avec deux de ses sœurs chez les fermiers des environs de St-Lô. C’est alors qu’il écrit à sa mère pour lui dire qu’il ne veut plus être dessinateur comme il en avait manifesté l’intention jusque-là, mais qu’il désire être missionnaire ! Sa mère voit déjà la séparation et elle en est très peinée. D’après sa sœur aînée, c’est sa mère qui dut écrire aux Missions Etrangères. En tout cas, Roger fut admis comme postulant en septembre 1943 et c’est sa mère elle-même qui l’amène Rue du Bac et de là il se rend à Ménil-Flin.
Sans le savoir, la mère et son fils s’embrassaient pour la dernière fois. Madame Clément meurt le 14 août 1944. Le 5 septembre, leur maison au Havre est complètement détruite. C’est à Paris que Roger apprend, par sa sœur Anne-Marie, la mort de leur mère. Il écrit alors : « Je sais que nous n’avons plus de maman. Ce que je ressens de cette peine, il n’y a pas de mots pour l’exprimer ». Et il ajoute à l’intention de sa sœur aînée : « Je te demande de rester avec nous pour la remplacer ». Comme ce sont les vacances, il vient quelque temps au Havre. La famille a retrouvé une maison pour s’installer, mais c’est une maison « sans souvenirs ». Roger dit alors : « Je suis content d’être avec vous... mais cette maison est triste ! » Pendant ce petit séjour en famille il reçoit une lettre lui demandant de se rendre au petit séminaire de Beaupréau. Il y continue ses études. Au fil des années, les vacances réunissent la famille : c’est une grande joie pour tous. Chacun prend sa part de besogne à la maison. Roger aide sa sœur aînée pour le ménage et la vaisselle. Il a de plus des activités à la paroisse : patronage, colonies de vacances…
Une fois ses études terminées à Beaupréau, il est admis au séminaire de Bièvres où il entre le 29 septembre 1947. Rien de spécial à signaler pendant ses années de séminaire. Ordonné prêtre le 31 mai 1953, il reçut sa destination pour la mission de Kontum, sur les Hauts-Plateaux du Sud-Vietnam.
En mission au Vietnam
Le 19 novembre suivant, il s’embarqua. La guerre alors battait son plein. La situation à Kontum même n’avait rien de sûr. C’est pourquoi l’évêque l’envoya à Banmêthuôt, ainsi que le P. Arnould, arrivé en même temps que lui, pour apprendre le vietnamien. Pendant les 6 mois qu’il passa à Banmêthuôt, il ne mit peut-être pas toute son ardeur à l’étude de la langue vietnamienne, persuadé qu’il devrait reprendre le bateau sans tarder, à cause de la situation.
A l’automne de 1954, la situation s’est un peu rétablie. L’évêque et les missionnaires peuvent remonter à Kontum. Le P. Clément et le P. Arnould sont envoyés à Kon Mah chez le P. Den pour étudier la langue banhar ; mais au bout de quelque temps, le P. Clément quitte cette paroisse et va s’installer seul dans un autre poste, à Kon Mahar. Là il progresse rapidement dans la connaissance de la langue et est estimé des Montagnards. En 1955, il est nommé chef de district de Kon Mahar. Ses paroissiens sont très contents de lui. Lui-même semble heureux et bien à son affaire. Rien ne paraît lui coûter : ni l’isolement, ni la pauvreté, ni la fatigue, ni le régime alimentaire. Il restera dans cette paroisse jusqu’en 1960.
Au bout de ces 6 années, le P. Clément sentit une certaine fatigue : l’isolement lui pesait de plus en plus. Il n’en disait rien cependant. L’évêque finit par le découvrir, et comme il fallait un supérieur à l’école Cuenot, école de formation des catéchistes, le P. Clément fut nommé à cette charge. Il y travailla pendant 5 ans jusqu’à son congé en 1965.
En France
A son départ de Kontum, le P. Clément était assez découragé. Il partit avec l’intention de demander à changer de mission. Mais avant de donner satisfaction à cette demande, les Supérieurs de la Société conseillèrent vivement au P. Clément de faire une année de « recyclage » dans une équipe sacerdotale, au diocèse de Rouen. C’est ce qu’il fit et au bout de cette année, il reçut une nouvelle destination pour le diocèse de Nakhon Ratchasima (Khorat) en Thaïlande.
En Thaïlande
Parti pour Bangkok le 2 décembre 1966, le P. Clément consacra une année à l’étude de la langue siamoise. En 1968, il prit en charge le poste de Non-Kéo où il fit du bon travail pendant 4 ans. En 1972 il voulut tenter une expérience « ad gentes », en plein milieu païen. Il alla s’installer à Chok-Chai, petite localité où il n’y avait aucun chrétien, ni dans la localité ni dans les environs immédiats. L’idée, en soi, était bonne mais le P. Clément n’était pas fait pour vivre ce genre de vie. Aussi au bout de quelques mois il se découragea et demanda à changer de diocèse. L’évêque d’Ubon était de son « bateau ». Il l’accepta dans son diocèse. Là le P. Clément fut adjoint au P. Jacquemin pour la formation des catéchistes et des juvénistes du couvent des Servantes de Marie. Soutenu par le P. Jacquemin et sous sa direction, il fit du très bon travail, dans la ligne de ce qu’il avait déjà fait à Kontum, travail pour lequel il avait des dispositions remarquables.
Il aimait de plus en plus aller dans tel ou tel poste soit pour le dimanche, soit pour les fêtes. C’est ainsi que le 23 décembre 1976, le P. Clément se rendit à la paroisse de Thapthai, avec un catéchiste, pour assurer les offices de Noël. Il avait demandé à être accompagné d’un catéchiste car il ne se sentait pas très bien. Etait-ce la suite d’une chute de moto survenue une dizaine de jours auparavant ? Il se plaignait de douleurs mais, malgré tous les conseils qui lui furent alors donnés, il ne consentit jamais à aller consulter un médecin. Le vendredi 24 décembre, les paroissiens de Thapthai voyant son état de santé, lui conseillèrent vivement de rentrer à Ubon pour se soigner. Il refusa énergiquement. Dans l’après-midi, il présida une cérémonie pénitentielle avec beaucoup de difficultés ; il était visible qu’il souffrait beaucoup. A la fin de cette cérémonie, on le mit dans une automobile pour le ramener à Ubon. Il perdit connaissance en route et c’est dans cet état qu’il arriva à l’évêché. Hospitalisé immédiatement, il fut l’objet des soins attentifs et dévoués des médecins de l’hôpital. Une prise de sang révéla une forte dose de glucose. Les radiographies montrèrent un important hématome couvrant la base des poumons, le foie et toute la région du diaphragme. Malgré tous les soins qui lui furent prodigués, le P. Clément ne reprit pas connaissance et c’est vers 11 h du soir qu’il rendit le dernier soupir.
Son corps fut déposé au couvent où il travaillait, en attendant le moment des obsèques, le mardi 27 décembre, à la cathédrale d’Ubon. Une quarantaine de prêtres prirent part à la concélébration présidée par Mgr Berthold qui était du même cours que le P. Clément. Mgr Bunluen, évêque d’Ubon, donna l’homélie et souligna particulièrement tous les services que le P. Clément avait rendus aux catéchistes et aux religieuses en formation. Il insista aussi beaucoup sur le courage qu’il avait de vouloir aller assurer la fête de Noël à la paroisse de Thapthai malgré son mauvais état de santé et ses souffrances. Le P. Clément repose maintenant au cimetière d’Ubon, juste derrière le P. Guidon.
Ces quelques notes retracent les grandes lignes de la vie du P. Roger Clément. Tous ceux qui l’ont connu sont unanimes à reconnaître la richesse de ses talents naturels, mais aussi son caractère indépendant avec un brin de fantaisie : ce qui ne facilite pas le travail en équipe. Il a cependant obtenu des résultats. Voici ce qu’écrivait à sa sœur religieuse l’évêque de Kontum en 1957 : « Roger est dans un district assez isolé mais c’est un district peuplé de très bons chrétiens. Ceux-ci l’aiment beaucoup et lui donnent satisfaction par leur bon esprit et leur bonne volonté. Il faut bien souligner que Roger met d’ailleurs tout son cœur et toutes les ressources de son esprit, qui ne sont pas petites, à les aider de toutes manières. Il a fondé la première école paroissiale à Kon Mahar même où il reçoit une centaine d’élèves. Dans chacun des huit villages de son district, il a organisé également une école populaire qui fonctionne très bien. C’est lui qui a suscité et formé les instituteurs bénévoles qui les dirigent.
« Il apporte encore tous ses soins à la liturgie, dans sa paroisse, cherchant à instruire ses fidèles et à développer en eux le sens du sacré par de belles cérémonies ». — Un autre témoignage rend le même son ; « Malgré les heurts, les difficultés... et une situation de guerre, le P. Clément avait très bien réussi à Kon Mahar en milieu banhar. C’est avec beaucoup de peine que les chrétiens apprirent sa décision de changer de mission. « Quand le Bok Dim reviendra-t-il avec nous ? » demandaient-ils souvent. Bok Dim était le nom banhar du P. Clément, car Dim veut dire clément, doux. Au fond, le P. Clément qui aimait beaucoup ses Montagnards avait compris depuis longtemps que la situation sur les Hauts-Plateaux allait vers un désastre pour ses ouailles : « Je ne puis rien pour eux... » disait-il. Et c’est la cause profonde de son découragement ».
On a souligné plus haut qu’il avait de remarquables talents naturels :
Musicien : il laisse de nombreux chants religieux et profanes en langue banhar ; ces chants furent utilisés dans toutes les paroisses et contribuèrent à la beauté des cérémonies et des veillées. Il a notamment composé une messe en Banhar avec accompagnement de tambours et de gongs et cette messe a eu beaucoup de succès.
Artiste : on lui doit les belles décorations du « Foyer Montagnard » et celles de l’école de Kon-Horing dont les murs gardent les scènes de la vie montagnarde, scènes qui font l’admiration de tous... En Thaïlande, il a décoré avec beaucoup de bonheur l’église de Songje et celle de Don Din Dam. Au moment de sa mort, il s’apprêtait à décorer les églises de Ban Vet chez le P. Le Bézu et de Non Prasat chez le P. Louis Nicolas.
Catéchiste : il a composé plusieurs fascicules ronéotypés. Ses méthodes d’enseignement du catéchisme par le dessin eurent un très grand succès, particulièrement chez les Sœurs Banhar chargées de l’enseignement religieux au « Foyer Montagnard » (600 jeunes filles). Dans les sessions qu’il animait pour les catéchistes et les religieuses, il donnait toute sa mesure avec un brio et un succès extraordinaires. On peut dire que c’était vraiment là son « charisme ».
La foi de tous ces « Montagnards » que le P. Clément a instruits est mise actuellement à rude épreuve. Que du haut du ciel il continue à veiller sur eux pour qu’ils restent fidèles à son enseignement.