Michel LADOUGNE1926 - 2013
- Statut : Prêtre
- Identifiant : 3947
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Identité
Naissance
Décès
Missions
- Pays :
- Malaisie - Singapour
- Région missionnaire :
- 1956 - 1968 (Malacca)
Biographie
[3947] LADOUGNE Michel est né le 16 décembre 1926 à Agen (Lot-et-Garonne).
Ordonné prêtre le 1er juin 1952, il part le 26 septembre 1956 pour Singapour.
Après avoir étudié le tamoul en Inde, il est successivement nommé vicaire de Notre-Dame-de-Lourdes à Singapour (1957), curé des Indiens à Kluang en Malaisie (1960), vicaire au Bon Pasteur à Singapour (1961), aumônier des jeunes à Singapour (1966) puis supérieur régional (1967-1968).
De 1968 à 1980, il est au Conseil permanent à Paris.
Il part ensuite pour Madagascar, où il est curé d'Antsenavolo (1982-1985), économe du diocèse de Mananjary (1985-1988), responsable de la maison régionale de Tananarive, puis supérieur de la région de l’Océan Indien (1981-1994).
Il meurt le 10 avril 2013 à Montbeton. Il est inhumé au cimetière de Montbeton.
Nécrologie
Michel LADOUGNE
1926- 2013
Il est grand, naturellement élégant et distingué, et pourtant il achète ses chemises et ses pantalons au marché du quartier. Il a belle allure chevauchant sa grosse moto Triumph, achetée d’occasion, et qui lui fait prendre bien des suées pour la démarrer.
Ayant été reçu à l’École Navale, Michel Ladougne est tout naturellement appelé capitaine dès son entrée au séminaire. À Singapour où on trouve des ressemblances facilement, les demoiselles du couvent où il fait le catéchisme et celles de la paroisse le désignent comme le Prince Philip. Ça l’amuse.
Après un premier temps où l’on est un peu intimidé par sa personnalité, on est vite à l’aise avec lui et il sait créer une atmosphère simple et sympathique. Il écoute, il encourage et rit volontiers. Une touche d’originalité : une année pendant les vacances il a laissé pousser sa barbe. Le P. Destombes, supérieur du séminaire, auquel il va rendre visite vers 18h le jour de la rentrée, le félicite sur son apparence et conclut : « Ben, vous avez une heure pour vous mettre en tenue ! » À 19 h Michel rentre au réfectoire, rasé de frais.
Il fait toute chose avec simplicité et élégance, n’imposant jamais son point de vue, et pourtant il sait voir juste. Il fait confiance, et a un don pour discerner ce qu’il y a de bon, de positif, chez une personne ou dans une situation. En même temps il s’engage pleinement et les responsabilités qu’il a lui sont souvent pesantes. Ayant été élu vicaire général de la Société il dut quitter la Malaisie et résider à Paris. Je lui écrivais pour lui donner des nouvelles de Singapour. Dans une de ses réponses, il a ce commentaire : « ça fait plaisir de recevoir tes lettres car on est sûr qu’elles n’apportent pas de problèmes, ce qui est plutôt exceptionnel !! »
En mission, comme à Paris, on lui confie souvent « les sales boulots ». Il accepte en sachant à quoi il s’expose. De 1968 à 1980 il est au cœur d’une période difficile pour l’Église et pour la Société. Il y a des points chauds, des personnes blessées. Il accueille, écoute, suggère et reste toujours présent, même si on n’a pas suivi son avis. D’aucuns lui reprochent de ne pas savoir décider. En réalité Il préfère prendre son temps, donner du temps au temps. Il n’est pas de ceux qui bousculent, il sait attendre tout en restant très lucide.
Lorsque je lui ai succédé comme aumônier de la JEC, il me dit : « Si tu veux que les jeunes viennent te parler, donne leur l’impression que tu n’as rien à faire, que tu les attends. »
Né à Agen le 16 décembre 1926, il est le deuxième d’une fratrie de quatre – deux garçons, deux filles. Son père, Pierre, est ingénieur de l’École Centrale des Arts et Manufactures, marié à 35 ans avec la fille d’un notaire d’Eauze. La famille prend racine à Villefranche près de Lyon, où Michel commence ses études, mais se déplace assez souvent à cause du travail de monsieur Ladougne, qui les amène à Tarbes pendant la guerre, puis à La Seyne et autres lieux.
Dès l’âge de sept ans, Michel est chef de patrouille chez les louveteaux puis chef scout. Ayant obtenu son baccalauréat section mathématiques, il fait deux ans au collège Stanislas à Paris et est reçu 19° au concours d’entrée à l’École Navale en 1945. Mais il a déjà très clairement le désir d’entrer aux Missions Étrangères. Sans attendre il présente sa demande d’admission au supérieur. Le chanoine Méjecaze, directeur de Stanislas, écrit alors : « Pendant les deux années scolaires que Michel Ladougne a passées dans notre maison, il nous a donné toujours pleine satisfaction par son travail, son bon esprit, son application, sa moralité et sa piété. Je suis convaincu qu’il constituera un excellent élément pour les Missions Étrangères, auxquelles notre Maison donnait jadis le jeune de Guébriant.
Son père, qui était alors incroyant, trouve dur d’accepter sa vocation et lui demande d’achever les études entreprises. Il sort de l’École Navale comme enseigne de vaisseau de 2° classe, puis renonce à sa carrière dans la marine.
Il rentre à Bièvres en octobre 1947 et ses études, qui ne lui causent aucune difficulté, le mènent à l’ordination le 1er juin 1952. Il a 25 ans et reçoit sa destination pour Hué (Vietnam). En même temps on lui demande de compléter sa formation par une licence en mathématiques qu’il obtiendra à Lille. Les supérieurs le destinent probablement au professorat au Collège de la Providence de Hué au Vietnam, alors école catholique de haut niveau.
Michel Ladougne est un très bon sujet, écrira le P. Haller, « vocation sérieuse et réfléchie, homme de grandes ressources, malgré un extérieur détaché, jugement très droit, aimable et serviable, excellente influence sur ses confrères ».
Le 28 septembre 1956, diplôme en poche, il part non pas pour le Vietnam mais pour Singapour. Vu la situation au Vietnam on avait jugé qu’il valait mieux ne pas l’y envoyer, et il ne sera jamais professeur !!
Singapour 1956-1968
Ayant déjà une bonne connaissance de l’anglais, il passe trois mois dans la paroisse eurasienne de la Sainte-Famille, dont le curé intérimaire n’est autre que l’archevêque lui-même, Mgr Olçomendy. Ce dernier bon « tamoulisant » demande à Michel d’apprendre cette langue et pour cela l’envoie chez nos confrères de l’Inde, à Salem et plus spécialement à Attur auprès du P. Hourmant, un maître en la matière. Il s’y consacre entièrement de décembre 1956 à juillet 1957.
À son retour il est nommé vicaire du P. Albert Fortier à la paroisse « indienne » de Notre-Dame de Lourdes. Il va y passer deux ans, visitant les paroissiens éparpillés dans toute la ville et consacrant beaucoup de son temps aux jeunes. C’est une communauté plutôt pauvre, avec de nombreux travailleurs manuels en particulier dans le milieu du port. Les gens éduqués sont encore une minorité et les femmes ne parlent guère que le tamoul. La vie au presbytère est des plus simples. Michel se déplace sur sa grosse moto et n’hésite pas à ramener chez lui l’un ou l’autre enfant de chœur qui rêve de vitesse. Certains s’en rappellent encore. À ce moment là, le port du casque n’était pas encore obligatoire.
Pour l’année 1960, interlude en Malaisie : curé de la communauté indienne de la petite ville de Kluang et de la région, à quelque 80 kilomètres au nord de Singapour. Il va y passer un an, remplaçant un prêtre local qui est en année sabbatique. Il y a des groupes de catholiques résidant dans les plantations d’hévéas où ils travaillent et il les visite régulièrement célébrant l’Eucharistie un jour dans la semaine, une fois par mois. Il réunit au centre pour des sessions de catéchisme les enfants qui se préparent à la première communion et à la confirmation. Il est l’aumônier de l’école tenue par les Sœurs Canosiennes. Il a de l’espace et se sent à l’aise utilisant à fond le tamoul et faisant bon ménage avec le confrère qui a le soin de la communauté chinoise.
Le presbytère et l’église ont bien besoin d’une mise à niveau, mais il laisse cela au titulaire, heureux d’avoir un chien bien dressé qui le protège des cobras. Car ils abondent dans le jardin marécageux qui entoure la maison. Un coup de dent suffit pour briser le reptile et le champion vient chercher sa récompense, traînant l’adversaire terrassé.
De 1961 à 1964, Michel est vicaire du P. Meissonnier, curé de la cathédrale et pendant un an remplace le P. Itçaïna, parti en congé, comme aumônier des étudiants de l’Université. Il aide à faire accepter les changements liturgiques apportés par le Concile et dès que possible prépare pour les paroisses les traductions des textes pour l’Eucharistie. Un travail qu’il fait avec patience et précision, bousculant gentiment l’attentisme de Mgr Olçomendy. Bientôt il sera le président de la commission liturgique régionale – Singapour-Malaisie – et réunira les représentants des diocèses. Il a toute la confiance des évêques.
En 1966, il devient aumônier de la JEC, alors florissante, avec des groupes non seulement dans les écoles catholiques mais aussi dans les écoles du gouvernement et à l’université.
En octobre 1967, il est élu supérieur régional et prend résidence à la paroisse de Notre-Dame du Perpétuel Secours, juste à côté de la Procure MEP. Il visite les confrères, qui sont encore une soixantaine, et prépare avec eux l’Assemblée générale 1968, qui sera pour la Société une mise à jour selon les souhaits et directives du Concile.
C’est deux semaines avant son départ pour la France qu’il apprend le décès de ses parents dans un accident d’auto. Il est touchant de calme et de confiance.
C’est au cours de l’Assemblée générale qu’il est au Conseil permanent de la Société, élection dont il est le seul à être surpris !! Il nous dira : « Pensiez-vous vraiment à Singapour que je pourrais être élu ? » - « Bien sûr ! » - « Vous auriez pu me le dire, j’aurais acheté un peu de linge … ».
Il y siégera comme deuxième vicaire général sous le supériorat du P. M. Quéguiner de 1968 à 1974 et comme unique vicaire général, sous le supériorat du P. L. Roncin de 1974 à 1980.
Ce qui frappait de prime abord chez lui, c'était sa belle intelligence. C'était l'époque de l'après-Concile, période de crise pour l'Église, où les situations difficiles concernant soit des confrères en particulier, soit des Missions en général n’étaient pas rares. Le P. Ladougne avait le don d'aller droit au coeur des problèmes et de proposer des solutions qui contribuaient, souvent, sinon à résoudre ce qui était en cause, du moins à en atténuer la gravité. ll savait aussi écouter calmement les opinions différentes de la sienne. On sortait toujours pacifié d'une conversation avec lui.
Un autre trait de son caractère était sa grande bonté envers tous. Celle-ci fut-elle parfois excessive ? Certains ne manquaient pas de le lui reprocher. Mais il savait surmonter les critiques dont il était l'objet par un humour très agréable dont il avait le secret.
Enfin, lui qui était plutôt citadin par ses origines, sa formation, ses débuts missionnaires dans une métropole comme Singapour, on le sentait, assez curieusement, attiré par des Missions de brousse. Il enviait les confrères qui étaient envoyés dans des pays où il y a des « long houses », comme il disait.
Aussi, nous ne fumes pas étonnés qu'à la fin de ses 2 mandats au Conseil permanent, il fut envoyé, à sa demande, à Madagascar, où il passera les 30 dernières années de sa vie.
Nous sommes en 1980, Michel Ladougne a terminé son deuxième mandat de Conseiller général. Il a demandé au P. Jean Paul Bayzelon, nouveau supérieur général, à être envoyé à Madagascar. À 55 ans, il commence une nouvelle insertion missionnaire dans un pays, qu’il connait certes, pour l’avoir visité ponctuellement comme conseiller, mais dont il doit apprendre la langue.
Entre 1971 et 1975 la mission MEP de Mananjary a traversé une période de graves turbulences. Elles se déroulèrent lors de son premier mandat de conseiller, elles ne lui étaient donc pas étrangères. L’année 1980, c’était aussi la période de la pratique dure de la politique marxiste par l’équipe du président Ratsiraka.
De mars 1981 à octobre 1982 il étudiera la langue malgache. Mgr Xavier Tabao le nommera curé à Antsenavolo en novembre 1982. Au bout de deux ans et demi il sera nommé économe du diocèse. Il le restera pendant 13 ans, jusqu’en 1998. Il était aussi conseiller discret mais écouté de l’Evêque. Il a su cependant, prendre une décision qui déplut non seulement à Mgr Tabao mais aussi à d’autres Evêques. Un prêtre diocésain en conflit avec son Evêque avait été incarcéré et attendait de passer en jugement. Michel prit l’initiative de lui fournir un avocat pour sa défense selon le droit en vigueur. Cela déplut et fut interprété comme une rébellion contre l’autorité épiscopale.
Il assuma en outre la fonction de supérieur régional de 1981 à 1996. C’est sur sa demande qu’il n’a pas été réélu. À aucun moment il ne s’est présenté comme le sauveur d’un bateau en perdition, mais il est monté bord, a pris la place qu’on lui proposait et l’a assumée entièrement et simplement. Cela a suffi pour responsabiliser tout l’équipage. Beaucoup de confrères ont apprécié ses conseils judicieux et toujours discrets pour ne pas imposer son point de vue. Il voyageait léger, ne se préoccupant pas de son confort, mais toujours propre, car il faisait lui-même sa lessive. Quand il avait un vêtement nouveau, c’est qu’il revenait de France et qu’on le lui avait offert. Cadeau souvent signé de sa nièce Marika.
En 1998, à 72 ans, il quitte Mananjary et l’économat du diocèse pour prendre la responsabilité de la maison MEP à Tana. Quelques mois plus tard il succède au P. Pinsel comme responsable de la communauté chinoise, qu’il assumera pendant dix ans, jusqu’à l’âge de 82 ans. En 2006 il sera secondé par le P. René Decaestecker, lui-même affligé d’une vue affaiblie.
En 2002 nous lui avions proposé de célébrer son jubilé sacerdotal à Mananjary ou lors d’une de nos rencontres mep, il avait décliné l’offre. Il n’a jamais aimé être le centre de quelque chose ! N’est-ce pas parce qu’il était lui-même au cœur de Celui qui l’a appelé et envoyé, et que cela lui suffisait ? N’est-ce pas cela l’esprit de ceux que l’on appelle les « grands serviteurs de l’Évangile » ?
Depuis l’année 2003 Michel était conscient qu’il s’acheminait progressivement vers une perte de mémoire immédiate. Il s’organisa pour que cela perturbe le moins possible son ministère, consulta des spécialistes, s’astreignit à pratiquer des exercices d’orthophonie. Le tout sans jamais se départir de son sourire traduisant à la fois qu’il était sans illusions et en même temps prêt à lutter jusqu’au bout. Cette maladie, fruit d’une dégénérescence neuropsychique progressive, est parmi les plus cruelles pour le patient et son entourage. Elle n’a jamais provoqué d’éclats de révolte chez Michel.
Un confrère témoigne : « dans l’isolement croissant où le plonge la maladie, sans se plaindre, il garde son sourire chaleureux et son regard lumineux, témoins d’une foi profonde qui alimente une bienveillante charité. »
Ceux qui ont aidé Michel Ladougne à se décider pour rentrer en France en 2008 savent qu’il lui en a beaucoup coûté de quitter le pays où il venait de passer près de trente ans en donnant le meilleur de lui-même au service de la mission. À son arrivée à Montbeton les symptômes de la maladie d’Alzheimer, - troubles de la mémoire, légères difficultés de langage, ou encore diminution des capacités de lecture et de reconnaissance -, ces troubles étaient bien visibles mais n’avaient pas encore atteint le degré qu’ils devaient atteindre plus tard. Il pouvait à certains moments prendre part à une conversation et recevait volontiers la visite de sa sœur et de ses nièces, au point que sa sœur mettait parfois en doute le diagnostic des médecins qui parlaient d’Alzheimer. Michel, encore relativement autonome, put même à plusieurs reprises aller passer quelques jours au loin dans sa famille ou chez des amis. Mais le mal progressait inexorablement. Vint le temps où il perdit pratiquement l’usage de la parole et où la communication avec lui devint très difficile, même si quelque fois une lueur dans le regard et quelques mots bredouillés par lui pouvaient donner l’impression qu’il demeurait présent. Jamais cependant il ne manifesta d’impatience, ni cette agressivité qui caractérise parfois les victimes de cette maladie. Doux et humble il avait été toute sa vie. Il le resta jusqu’à la fin.
Doué d’une belle intelligence et de qualités humaines qui lui auraient permis de prétendre à des réussites mondaines, Michel Ladougne a vécu et, plus encore, est mort comme un pauvre le 12 avril 2013. Les confrères qui l’ont connu à Montbeton ont été heureux d’entendre le P. Jean L’Hour prononcer quelques mots le jour de ses obsèques pour lui rendre hommage et le remercier pour le bel exemple d’humanité et de vraie charité chrétienne qu’il a donné tout au long de sa vie terrestre.
Michel Arro, Jean-Baptiste Itçaïna, Albert Alazard, Jean-Paul Bayzelon