Pierre PENVEN1924 - 2000
- Statut : Prêtre
- Identifiant : 3880
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Identité
Naissance
Décès
Missions
- Pays :
- Inde
- Région missionnaire :
- 1950 - 1986 (Mysore)
Biographie
[3880] PENVEN Pierre est né le 6 février 1924 à Kervignac (Morbihan).
Ordonné prêtre le 25 septembre 1949, il part le 15 octobre 1950 pour la mission de Mysore.
Après l’étude de la langue à Chikmagalur (1951-1953), il est professeur au Séminaire pontifical de Bangalore de (1953-1959) puis curé de Magge (1959-1960), dans le district de Hassan. Il revient enseigner au Séminaire de Bangalore (1960-1986), puis il se retire à Montbeton.
Il meurt le 18 février 2000. Il est inhumé à Montbeton.
Nécrologie
[ 3880 ] PENVEN Pierre, Jean-Marie
Missionnaire
Mysore – Bangalore
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Pierre, Jean-Marie PENVEN, fils de Vincent-Marie et de Marie Aline, Antoinette Laventure, naquit le 6 février 1924 à Kervignac, arrondissement de Lorient, département du Morbihan. Il fut baptisé le lendemain en l'église paroissiale de Kervignac, diocèse de Vannes. Ses parents demeurant à Kerikuh en Kervignac étaient cultivateurs. La famille, qui comptait trois garçons, était, selon le témoignage de Mr. Le Recteur : "l'une des meilleures de ma paroisse, son père jouit d'une influence exceptionnelle auprès de tous, sa mère est la sœur de Mr. Le Maire de Kervignac (municipalité catholique) ".
Après de solides études primaires au pays natal, Pierre entra au petit séminaire de Sainte Anne d'Auray où il "était tête de classe" . Le baccalauréat complet couronna ses études secondaires. En octobre 1942, il se dirigea vers le grand séminaire de Vannes où il fit deux années de philosophie, se classant premier de son cours ; il se montra, au dire de son supérieur "excellent séminariste à tous les points de vue. Piété très sincère, jugement droit, conduite exemplaire, travail soutenu, intelligence excellente, santé solide…"
C'était la guerre ; le 6 juin 1944, avait eu lieu le débarquement allié en Normandie. A la fin de l'année scolaire 1944, M. Pierre Penven quitta le grand séminaire de Vannes, pour s'engager dans un mouvement de la Résistance ; d'une manière active, il prit part aux durs combats dans la poche de Lorient. .."Comme mes parents habitent à proximité de Lorient, écril-il, j'ai été amené par les évènements, à m'engager dans les FFI (Forces Française de l'Intérieur) . Mon exemple a été suivi, et c'est à cette initiative un peu osée que mon village doit d'être resté intact, dans une commune annéantie. Cet engagement semble d'ailleurs avoir été fort bien compris au séminaire de Vannes…" Evoquant cette période, son aumônier militaire, le P. Jean Courtet, capucin de la province de Paris qui le suivit de novembre 1945 à août 1946, portera plus tard, à son sujet, le témoignage suivant : .."Il en imposait à tous par ses magnifiques états de service dans la Résistance (FFI du secteur de Lorient) : Belle citation, croix de guerre, deux blessures.."
Depuis longtemps, M. Pierre Penven disait volontiers : " Je désire être un jour missionnaire". Il le rappelait dans sa lettre de demande d'admission au séminaire des Missions Etrangères :…"Comme l'idéal missionnaire n'avait toujours fait qu'un avec ma vocation sacerdotale, je pensai, après l'armistice, que l'expédition en Extrême-Orient contre le Japon serait pour moi une expérience plus profitable que l'occupation de l'Allemagne. Je m'engageai donc dans le Corps Expéditionnaire en juillet 1945. Une fois terminée la guerre contre le Japon, j'aurais pu me faire démobiliser, mais mon Aumônier Militaire me conseilla la campagne d'Indochine pour le cas où j'aurais eu le désir de retourner en Extrême-Orient comme Missionnaire…." Ce que confirmera son aumônier militaire : …" Pierre Penven s'est engagé dans le Corps Expéditionnaire d'Extrême-Orient, suivant les conseils que je lui avais donnés en janvier 1946, et dont j'endosse toute la responsabilité, en vue d'étudier sa vocation missionnaire…"
Avec le grade de brigadier, il fut affecté à la B.C.A.D.3 (Artillerie divisionnaire, 3ème D.I.C., T.F.E.O.).Au dire de son aumônier militaire :…"Au Corps Expéditionnaire, il s'est montré le parfait séminariste qu'il avait toujours été….Il était pour ses camarades un modèle qu'on ne critique pas et un puissant réconfort moral. Pour l'Aumônier, il a été le plus utile et le plus docile des auxiliaires. Ses chefs militaires –en particulier le Colonel Chanson, commandant l'A.D.3 ,(celui-ci devenu général en 1949, fut tué à Sadec –Sud Viêtnam- le 31 juillet 1951, dans un attentat suicide organisé par un "dissident" caodaïste) ,l'avaient en très haute estime, tant qu'ils désiraient le garder encore pour le bien moral de la Troupe et m'ont reproché de l'avoir fait rapatrier pour continuer ses études en sept.1946. En Indochine, il a continué dans la mesure du possible, ses études de philosophie et a commencé à apprendre la langue annamite. Ses relations avec la population annamite ont toujours été excellentes.."
Dans le courant du mois d'août 1946, le brigadier Pierre Penven fut rapatrié par l'"Ile de France", au titre d'étudiant ecclésiastique. Evoquant son séjour au Sud Viêtnam, il écrivait le 23 septembre 1946, dans sa lettre de demande d'admission au séminaire des Missions Etrangères : .."J'ai passé six mois à Mytho où j'ai connu le P. Bar. Je caressais le projet de terminer mon Grand Séminaire à Saïgon, mais le vénérable missionnaire me conseilla de retourner finir mes études en France. Un avis dicté par une expérience de cinquante annnées de missions prend pour moi la valeur d'un ordre. Aussi dès la première occasion, je me suis fait rapatrier enchanté d'ailleurs de mon séjour en colonies et de mon contact avec ces nouvelles chrétientés.
Après avoir rappelé que depuis plus de deux ans, il avait fait part à Monsieur le Supérieur du Séminaire de Vannes et à Monseigneur de son projet missionnaire, pensant que ces derniers estimeraient que sa vocation avait été suffisamment éprouvée par sa récente campagne d'Indochine, et faisant remarquer qu'il n'était pas encore tonsuré, M. Pierre Penven terminait ainsi cette même lettre adressée au Supérieur Général de la Société des Missions Etrangères :…" J'ose espérer, très Révérend Père, que vous ne me jugerez pas indigne de votre Société et que vous me ferez la joie de m'accepter au nombre de vos enfants…."
Le 9 novembre 1946, le Conseil du Séminaire ayant donné un avis favorable à sa demande d'admission, M. Pierre Penven entra au séminaire des Missions Etrangères, le 19 novembre 1946. Le 16 juin 1947, il posa sa demande en vue de recevoir la tonsure lors de la cérémonie d'ordination prévue pour le mois d'octobre prochain. Il saisit cette occasion pour faire le point sur sa vocation et son engagement missionnaire ..." L'année que je viens de passer au séminaire de la Rue du Bac m'a permis de réfléchir à ma vocation missionnaire que deux ans et demi d'armée et un contact immédiat avec les Missions d'Indochine avaient déjà affermie et purifiée. Avant ma rentrée au Séminaire, je ne connaissais de la Société que fort peu de chose. Depuis lors, j'ai examiné de près le règlement de la Société ; la perspective de me consacrer à la formation du clergé indigène n'aurait pas enchanté mon imagination d'enfant ; maintenant, elle me plait ; sans doute parce que les aspirations du broussard le cèdent à une vocation plus raisonnée et plus surnaturelle. J'espère donc que le règlement de la Société me permettra de réaliser mon idéal au delà de mes premières espérances…"
D'octobre 1947 à juin 1950, M. Pierre Penven continua ses études ecclésiastiques au Séminaire Français de Rome, et obtint sa licence de théologie. Dans la Ville Eternelle, il fut ordonné sous-diacre, le 18 décembre 1948, puis élevé au diaconat, le Samedi-Saint 16 avril 1949. Le 25 septembre 1949, il reçut le sacerdoce dans la chapelle des Missions Etrangères à Paris. Le 9 Février 1950, le Supérieur Général de la Société lui donna sa destination pour le service du diocèse de Mysore ; le 21 décembre 1950, il s'embarqua à Marseille, à bord de "l'André Lebon".
Arrivé en Inde, le 9 janvier 1951, M.Pierre Penven resta à Mysore, pendant une quinzaine de jours environ, accompagnant Mgr. René Feuga, son évêque dans ses tournées de confirmation. Puis, envoyé à Chikmagalur, district au nord-ouest de Mysore, sous la direction d'un prêtre autochtone, il commença l'étude de la langue kanara. Mais, confie-t-il dans un interwiew : …" Malheureusement, les chrétiens de l'endroit étaient tous soit kankani, soit tamoul, et de plus, le curé m'avait demandé de m'occuper des plantations de café où l'on parlait uniquement tamoul…"
Circulant dans les plantations, cherchant le contact avec les plus pauvres, s'interessant au développement social, très motivé, il devint évident pour lui qu'il était nécessaire de connaître ces diverses langues …" Alors,dit il, je me mis un peu à la langue toulou, à la langue kankani, à la langue tamoul et à la langue kanara en même temps.."
Il partit d'abord à la recherche des chrétiens disséminés dans les plantations et dont certains n'avaient pas rencontré de prêtre depuis une année ou plus ! Il avait pensé former un groupe de jocistes, mais sur les conseils de son curé, il opta pour la Légion de Marie qui pouvait réunir des gens de classe, de langue et de culture différentes, et cela marcha bien . Organiser des camps de formation pour les jeunes occupa une partie de son ministère sacerdotal, et il y consacra partiellement le temps de ses loisirs : .."Pendant les vacances, (il est alors professeur) je retournai très régulièrement à Chikmagalur pour organiser des camps avec l'aide de religieuses..…" ..."Jusqu'en 1963, dit-il, tous les ans, j'organisais des camps, avec des religieuses, des camps de catéchisme, des camps médicaux. J'ai fait cela pendant 13 ans.."
Soucieux de se former pour aider les travailleurs de plantations, il participa avec bon nombre de religieuses, de prêtres et de délégués indiens, aux travaux de la sixième Conférence Internationale de Service Social qui se tint à Madras, du 14 au 19 décembre 1952, et dont le thème roulait sur le rôle du service social dans l'élévation du niveau de vie. Dans cette optique, en collaboration avec les jeunes planteurs, il organisa des camps d'été pour leurs ouvriers. Il passait, en effet, toutes ses grandes vacances dans les plantations. De 1956 à 1959, il contribua à la fondation de la colonie agricole de Prakashpalayan, Kollegal, Taluk, dans le district de Mysore.
En Juin 1953, le voilà nommé professeur au grand séminaire de Bangalore. Cette année là, cette ville devint le siège d'un Archidiocèse :.." On m'a rappelé soudainement. Le professeur d'Ecriture Sainte du Séminaire de St.Pierre avait été nommé évêque et on m'a demandé de le remplacer jusqu'à l'arrivée du P. Legrand. Après son arrivée, on m'a demandé de prendre la théologie dogmatique…" En fait, jusqu'en novembre 1986, il consacrera la plus partie de sa vie missionnaire à la formation du clergé indien..
Vers avril 1959, il fut nommé curé de la paroisse Saint François-Xavier de Magghé, Hassan District (alors dans le diocèse de Mysore, maintenant dans celui de Chikmagalur, érigé en 1963, par la division de celui de Mysore.). Mais en 1960, M Guillaume Bassaistéguy, quitta son poste de supérieur du grand séminaire St. Pierre à Bangalore, pour devenir administrateur du diocèse d'Ooty, durant l'absence de Mgr. Padyara. En outre, MM. Louis Perrière et Raoul Collart directeurs au grand séminaire régional, prirent leur retraite, le premier à l'hôpital Ste Marthe à Bangalore, le second au sanatorium St.Théodore à Wellington. De ce fait, M. Pierre Penven fut rappelé au séminaire et quitta Magghé à la mi-juin 1960. Durant l'année passée "ad gentes", il s'était fait catéchiste, architecte, entrepreneur. Il avait réparé son église, son presbytère, et répandu la Bonne Nouvelle dans son vaste district de plantations et de forêts.
Redevenu professeur, il vit renaitre sa passion jamais éteinte pour la philosophie. Puis, après une année d'enseignement, il partit en congé régulier et arriva en France, le 18 avril 1961 ; à la rentrée universitaire 1961, on lui proposa de reprendre ses études de philosophie à Paris ; ayant obtenu sa licence en philosophie scolastique, il regagna sa mission et retrouva sa chaire de professeur de dogme au grand séminaire Saint Pierre de Bangalore. …"Après avoir enseigné l'Ecriture Sainte, puis le dogme, en 1961, on m'a demandé d'enseigner la philosophie. J'ai alors fait une année de philosophie à la Catho….Quand je suis retourné au Séminaire St Pierre, en plus de la philosophie occidentale, je me suis lancé dans la philosophie indienne, et j'ai développé une passion pour elle. Je l'ai donc enseignée pendant 10 ans et ai pensé ensuite à préparer un doctorat…"
En 1962, le séminaire régional fut affilié à l'Université de la Propagande ; cela permit aux professeurs de faire passer à leurs élèves le baccalauréat de théologie. En mars 1965, pour la première fois et avec succès, douze élèves, la plupart avec mention, affrontèrent ces épreuves. En septembre 1966, qui fut l'année de l'inauguration officielle des nouveaux bâtiments du grand séminaire régional, M.Pierre Penven fit un voyage à Rome pour participer à un Congrès de Théologie. Dans le même temps, sans se décourager, il prêtait son concours à la traduction de la Bible en langue kanara, était membre de la Commission de Liturgie de l'archidiocèse de Bangalore et du Conseil presbytéral et bureau d'action sociale de Mysore. Fort pris par son travail intellectuel, et ses occupations professorales, il n'en continuait pas moins ses activités sociales. Pendant 10 ans (1964-1974) durant ses vacances, il aida un prêtre indien et contribua à la fondation et au développement de la colonie agricole de Naganahalli, H.D.Kota Taluk, Mysore District, à l'ouest de Mysore. Pendant l'été de 1969, plusieurs jeunes venus de France lui apportèrent leur aide pour la construction de maisons.
En 1970, M. Pierre Penven prit son second congé en France, où il arriva le 28 juillet. Lors de la rentrée universitaire, à Paris, il suivit une année de cours à l'Ecole des Hautes Etudes (Vème et VIème section) ; sous la direction et avec les encouragements de Mr. le Pofesseur Louis Dumont, il prépara sa thèse sur la secte Lingayat (Inde) avec laquelle il avait eu des contacts. Il nous dit lui-même, lors d'un interwiew :
. " En 1971, j'ai fait un an d'études à Paris sur le système social des castes et l'anthropologie indienne. Je me suis ensuite mis à deux thèses : l'une sur la littérature médiévale en langue kanara ; j'ai étudié le Sunyasampadana que l'on peut traduire par "l'acquisition du rien ou du zéro" et qui se présente un peu comme les dialogues de Platon ; il s'agit d'un maitre qui discute avec ses disciples qui lui posent énormément de questions et qui les amène à la vérité par la méthode ironique. L'autre thèse était une étude d'anthropologie sociale sur la secte Lingayat….. M.Dumont m'a conseillé et encouragé à mener de front ces deux études et de la littérature ancienne et d'anthropologie sociale à savoir l'étude phénomènologique de la secte Lingayat. Ce qui compte dans la religion, ce n'est pas nécessairement ce que les gens devraient croire ou les traditions anciennes, mais ce qu'ils croient réellement et la façon dont leur religion détermine leur comportement. J'ai donc réussi à faire la synthèse entre les deux approches en prenant comme thème de la littérature indienne celui de l'initiation d'un hindou de la grande tradition à la secte très spéciale des Lingayat. Pendant une quinzaine d'années, ils avaient déjà observé le végétarianisme et les prêtres lingayat les avaient encouragés à joindre la secte. Alors une grande cérémonie d'initiation a eu lieu, à laquelle, je n'ai malheureusement pas pu assister. Mais j'ai suivi par la suite dans le détail les drames que de telles conversions peuvent amener…."
L'année universitaire terminée, M. Pierre Penven reprit le chemin de l'Inde, le 24 août 1971, et continua son enseignement au grand séminaire de Bangalore. En 1975, après 25 ans de professorat, ce spécialiste en théologie, en philosophie, en hindouisme, en sociologie –"une encyclopédie ambulante" au dire de ses élèves- prit une année sabbatique. Il choisit comme point de chute Solur, un village à 40 kms de Bangalore, dépendant de la paroisse de Kunigal ; il y établit son pied-à-terre pour rayonner dans toute la région, afin de continuer son travail de recherche sur la secte des Lingayat, et préparer un doctorat en Sorbonne.
Mais pourquoi était il attiré par les "Lingayats" ? Voici sa réponse : .."Il y a plusieurs facteurs, je crois, dans cette attraction : D'abord politique : car la secte est devenue une force politique très importante dans le Karnataka. Puis une autre raison; c'est le vide religieux dans les castes paysannes et celle des ouvriers agricoles….. Les lingayats sont en grosse majorité des paysans, de leur milieu et parlent la même langue.."
Il raconte dans son interwiew :…." ..Pendant 3 ans, j'ai pérégriné dans un secteur d'environ 60 kms de diamètre, étudiant dans le détail 60 villages et séjournant de jour et de nuit chez l'habitant, conversant avec lui jusqu'à minuit souvent, assistant à ces problèmes de néophytes devant s'adapter à de nouveaux rites, à un nouveau style de vie. Ce qui m'a frappé, c'était leur charmante hospitalité, leur courage religieux qui rappelait souvent ces brisures qu'on trouve dans le début de l'Eglise et les paroles du Christ : "Je ne suis pas venu apporter la paix, mais le glaive." J'ai assisté à ces drames de famille, j'ai été reçu souvent comme un ami et si souvent travaillé comme médiateur.."
Ananda,un jeune marié, père de deux petits enfants, appartenant à une famille de prêtres, possédait une maison lingayat dans laquelle il logeait déjà trois autres familles. Il accueillit chez lui, M. Pierre Penven qui nous dit :…" Je n'ai pas de chambre. Je dors entre les sacs de blé que j'ai stockés dans les grandes salles. J'utilise en effet ces grandes salles comme dépôt de matériel et de denrées pour mes projets de développement social chez les Lingats…."
A la question : "Lingayat" qu'est ce que cela veut dire ?, M.Pierre Penven nous explique :...." Lingayat " veut dire "porteur de linga" ; le "Linga", c'est l'emblème de Shiva. On a prétendu y voir un culte du phallus. Les Lingayats récusent cette interprétation. Le linga en tout cas, consiste traditionnellement en une sorte de pilier. La réforme lingayat a consisté à supprimer le grand linga qui était placé dans le temple pour le remplacer par un petit linga minuscule qu'ils transportent toujours sur eux-mêmes dans une petite cassette qu'ils honorent chacun pour soi en privé. Ce linga personnel constituant pour ainsi dire la résidence personnelle de Dieu dans le corps individuel. Ainsi, tout Lingayat doit adorer un linge qu'il porte et qui est pratiquement l'identification, qui est le symbole de Dieu qu'il porte en lui-même…"
Et il parle ensuite brièvement de leur vie spirituelle : Au 11ème jour après la naissance, un gourou impose les mains au nouveau-né "tant pour faire venir Dieu dans le corps de l'homme que pour l'en extraire ensuite sous la forme d'un symbole, le linga", que l'on place sur son berceau. Plus tard, cet enfant s'engagera à observer tous les commandements et rites lingayats principalement : Bains rituels, adoration de son linga avant les repas, et cérémonies marquant les cycles de la vie.
M. Pierre Penven appréciait fort certaines valeurs religieuses fondamentales qu'il avait découvertes chez les Lingayats : ..." Pour résumer, je dirai donc : la dignité du corps temple de Dieu, voir Dieu dans son voisin et le servir à travers lui. Et j'ajouterai que cela est très lié au respect qu'ils ont pour le travail manuel…". De ce fait, il entretint des rapports d'amitié, de haute estime et de confiance extraordinaires avec le "grand Pontife" de la secte Lingayat, au point qu'il se permettait même de suggérer à ce dernier "un aggiornamento " des observances et du culte lingayat : …"Nous avons parlé des heures et des heures en différentes circonstances, parfois d'une façon très confidentielle, lui me confiant ses difficultés, mais aussi me guidant dans mes études…"
Très interessé par la littérature lingayat, écrite par des prêtres et des gens du peuple, refletant leur doctrine et la sagesse populaire, M. Pierre Penven menait son travail de chercheur dans un grand esprit missionnaire. :.."Mon enquête couvrait 60 villages, et quant j'arrivais dans un village, je m'interessais tout de suite à la vie du village, ses fêtes, ses temples. Quand je trouvais un temple très sale, je leur disais que cela ne correspondait pas à leur idéal spirituel, et parfois ils le nettoyaient devant moi, avec moi…D'une façon générale, je leur dévoilais les valeurs insoupçonnées pour eux des temples de leur village….Cela attirait tout de suite la sympathie des gens du village, et le soir, ils se réunissaient dans ces grandes salles des maaisons de haute caste paysanne. Nous parlions… j'avais devant moi une ou deux heures pour parler du christianisme…Je pouvais donc parler librement du Christ puisqu'ils me le demandaient et c'était en même temps le prolongement des thèmes lingayat dont nous avions discuté avant, tels que je les voyais dans le christianisme.." ……" Dans mes enquêtes, j'étais toujours en civil et ils me demandaient si j'étais marié, puis pourquoi j'étais célibataire. Je leur expliquais alors un peu le Christ et comment j'essayais d'être un peu le représentant du Christ aujourd'hui en vivant comme lui…."
Très impliqué dans les projets de développement social, M.Pierre Penven donnait l'exemple du travail manuel :…"Le travail manuel, c'est le Ciel". Et je me suis fait un point, là, dans mon travail social de travailler exactement comme les ouvriers, à la même heure….Je me suis mis … dans la position du travailleur … pour convaincre non seulement les lingayats de la dignité du travail, mais aussi ceux qui ont vécu comme des esclaves depuis des millénaires, c'est à dire, harijan… " Il savait rappeler, à l'occasion ou en réponse à des questions posées, que rien ne s'opposait à ce qu'un prêtre catholique travaillât comme eux .
Avec son zèle habituel, vers les années 1980, et tout en assurant son enseignement au grand séminaire St. Pierre à Bangalore, il entreprit des travaux considérables à Solur pour aider les pauvres. Ainsi, il se lança dans la construction de barrages dans le double but de donner du travail aux "coolies" de la région, et de récupérer l'eau pour l'irrigation des champs.
De 1974 à novembre 1986, avec l'aide de quelques religieuses, il accomplit un apostolat très fructueux auprès des malades et des pauvres, surtout des non chrétiens. Durant ses vacances et ses loisirs, il contribua à fonder le "Socio-Médical Relief Centre", Snehalaya, Solur, Bangalore Dist. En 1979, un couvent avait été fondé à Solur, puis un hôpital, puis un centre d'aide sociale pour la formation des jeunes filles. Les Lingayats, dit-il, .." ont déjà beaucoup découvert du Christ dans mes paroles ou mon comportement dans mon travail social, en particulier dans le secteur médical où j'ai fait un effort très spécial…je leur ai dit que ma passion pour les malades suit tout à fait celle du Christ…."
Mais un certain jour de février 1982, un grave accident de moto le conduisit à l'hôpital, puis l'obligea à rentrer en France, où il arriva le 13 août 1982. Durant son séjour en France, invité à témoigner de sa vie missionnaire, il en faisait le résumé suivant ..: ".. Dans ma vie missionnaire, il y a eu deux grandes étapes. La première a consisté à travailler parmi les chrétiens, les évangéliser, leur enseigner le catéchisme, à régulariser les mariages, à organiser des projets de développement. Et la seconde étape, en fait, c'est une découverte que j'ai faite en grande partie peut- être par l'intermédiaire de M.Dumont au cours de mes études à Paris qui a attiré mon attention sur le monde indien dans son ensemble, et je me suis dit : " Après tout, le Christ nous a dit : J'ai des brebis qui n'appartiennent pas à ce troupeau" et alors, comme professeur de théologie, je me suis dit : "Mais oui, le Christ est mort pour tout homme, tout homme est déjà mort dans le Christ, est déjà, comment dirai-je, assis avec le Christ dans le ciel" . Le Christ n'a pas fait de choix entre les hommes, et j'ai considéré tous les hindous comme des frères, pratiquement des frères dans le Christ ; et quand je les approche, je les approche déjà un peu comme des chrétiens…."
M. Pierre Penven regagna l'Inde le 5 décembre 1983. Mais n'étant pas suffisamment en forme pour reprendre son enseignement au Grand Séminaire Saint Pierre à Bangalore, il prit le poste d'aumônier du couvent de Solur, et pendant un certain temps, assura le service pastoral de cette paroisse. Sa santé l'obligea à faire plusieurs séjours à "St John's Hospital" et à "St Martha's Hospital". Enfin après un mois de repos au sanatorium des Missions Etrangères aux Nilgiris, il retrouva assez de forces pour travailler à mi-temps au Grand Séminaire, et à mi-temps à Solur. Il prépara aussi une traduction en anglais de l'ouvrage "Lumière sur la Corée Les 103 Martyrs"
Le 27 novembre 1986, pour raison de santé, M. Pierre Penven rentra définitivement en France. Il se retira au sanatorium St. Raphaël à Montbeton où il décéda le vendredi 18 février 2000, et où il fut inhumé le 21 février 2000.