Pierre BARTHOULOT1916 - 2004
- Statut : Prêtre
- Identifiant : 3703
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Identité
Naissance
Décès
Autres informations
Missions
- Pays :
- Malaisie - Singapour
- Région missionnaire :
- 1946 - 2004 (Malacca)
Biographie
[3703] BARTHOULOT Pierre est né le 6 juin 1916 à Maîche (Doubs).
Ordonné prêtre le 9 octobre 1943, il est affecté à la mission de Malacca (Malaisie).
En raison de la guerre, il doit passer deux années à Ménil-Flin avant de rejoindre son poste en 1946.
Après l’étude de la langue, il est nommé à Singapour, où il est d’abord vicaire à la paroisse de la Nativité, puis professeur au séminaire de Ponggol (1949-1971), curé des paroisses du Christ Ressuscité (1971-1972), de la Sainte-Famille (1972-1977), de Sainte-Anne (1977-1978), de Saint-Vincent-de-Paul (1978-1979), de Saint-Joseph, dans la Victoria Street, dans le diocèse de Macao, (1979-1980), de la Sainte-Croix (1980-1981), du Cœur Immaculé de Marie (1981-1998) et de Saint-Joseph de Bukit Timah à partir de 1998.
Il meurt à Singapour le 25 juillet 2004.
Nécrologie
[3703] BARTHOULOT Pierre (1916-2004)
Notice nécrologique
“Petit mais hardi!” Ce proverbe béarnais peut nous aider à situer Pierre Barthoulot, le “bisontin”. Petit de taille mais bien musclé, aux idées claires et arrêtées, aux projets réfléchis et menés à bonne fin. Il sait où il veut en venir et y va droit, sans s’occuper des commentaires ni demander conseil. C’est du pratique, du fonctionnel sans fioritures et pas de dilettantisme. Et il ne céde jamais un pouce de terrain ! De sa génération, il est le seul confrère à avoir vécu sa vie missionnaire entièrement à Singapour, de 1946 à 2004 – cinquante-huit ans – aussi y est-il bien enraciné. De toute sa volonté, il se veut Singapourien, non seulement en prenant la nationalité, mais en gardant une certaine distance avec la France, où il ne retourne que rarement, et avec les Missions Étrangères : ce n’est que vers la fin de sa vie qu’il appréciera les réunions entre confrères.
Vingt-deux ans recteur du séminaire préparatoire, il se met entièrement au service des futures prêtres de Malaisie-Singapour. Puis, sans complexes et sans difficultés, il rentre dans l’apostolat de paroisse pour quelque trente-trois années. Toujours prêt à servir dans l’obéissance et à donner le meilleur de lui-même là où on l’envoie, même si ça lui coûte. “L’évêque m’a demandé.” Donc pas de discussion, en avant.
Son charisme, c’est l’éveil et le suivi des vocations sacerdotales. Là où passe le P. Barthoulot, il y a des jeunes qui se sentent appelés. Il y a des initiatives pour approcher les non-chrétiens : missionnaire à 100%, classique dans ses opinions. Les prêtres qui sont avec lui sont plus des auxiliaires que des collaborateurs. Encore un pour qui la pastorale commune est restée aux oubliettes. Donne des consignes claires et ça va marcher. Lors de la réforme liturgique du Concile, il demande à Mgr. Olçomendy, durant une réunion de prêtres, de décider, au nom de l’unité, quels jours employer les prières eucharistiques 1, 2, 3 et 4, et ce pour tout le diocèse. L’archevêque, avec finesse, répond: “Je ne crois pas avoir l’autorité pour cela”, au soulagement des autres prêtres.
À la maison, au Séminaire.
Pierre Barthoulot est né à Maîche le 6 Juin 1916 dans une famille d’agriculteurs. Il est l’aîné de deux frères. Son oncle paternel et parrain est prêtre dans le diocèse. Plus tard, un cousin germain suivra la même voie. Le P. J. Cuenot, missionnaire de Nanning, et le P. Chatelain sont aussi ses parents.
Il étudie à l’école primaire St Joseph, tenue par les Frères de La Salle puis au petit séminaire de Maîche jusqu’en 1934. Deux années de philosophie à Faverney – ils sont autour de 50 par classe – puis, après avoir pour un temps pensé joindre les Pères Blancs – ils ont un évêque originaire du diocèse – il se décide pour les Missions Étrangères.
Un an de théologie à Bièvres en 1937, suivi du service militaire à Besançon et à Belfort – il aura ses galons de sergent – et la guerre. Il est fait prisonnier près de Soissons. Travaillant dans une ferme, il s’évade au printemps 1942 et passe trois mois au séminaire d’Annecy, car la Franche-Comté est en zone interdite.
En Septembre 1942, il est de retour à la rue du Bac et est ordonné prêtre par Mgr. Touzet le 9 Octobre 1943. Il reçoit sa destination pour Malacca le 15 avril 1944 et, comme il ne peut partir, le voilà à Ménil-Flin, de Pâques 1944 à Juin 1946. C’est au cours de cette période qu’il deviendra actif dans la Résistance.
Les bateaux français, étant surtout, à cette époque, des transports de troupes et de munitions, n’ont pas toujours la permission de s’arrêter dans les ports et d’y débarquer des passagers. Aussi c’est sur un bateau Anglais qu’il embarquer, le Multon, avec J. Ciatti et G. Belleville.
Arrivé à Singapour, il est nommé étudiant-vicaire dans la vieille paroisse chinoise de la Nativité de la Vierge, à quelque douze kilometers du centre. Il s’y trouve auprès d’un prêtre local, le P. Francis Chan – qui, en 1955, deviendra le premier évêque de Penang – et en avant pour l’anglais et le teochew, dialecte parlé majoritairement par les Catholiques chinois qui viennent nombreux de la région de Swatow. Il se fait aider, vaille que vaille, par des “enseignants” qui ont plus de bonne volonté que de pédagogie. Volontaire, il se donne à plein, même si le courant ne passe pas toujours entre lui et son curé. Travaillant à la paroisse, il loge au séminaire préparatoire juste de l’autre côté de la route. C’est son “compatriote”, le P. H. Berthold, qui est là, essayant de relancer cette institution qui n’avait plus de jeunes du fait de la guerre.
Séminaire préparatoire Saint-François-Xavier, 1949 – 1971
Établi en 1925 à Ponggol, la banlieue catholique de Singapore, après un essai infructueux au siècle dernier dans le nord de la Malaisie, il y avait eu avant guerre le P. Auriol comme Supérieur, assisté du P. Pagès qui avait quitté le Collège de Penang.
C’est maintenant un tout jeune de trente trois ans qui prend la barre avec quatre élèves. Il s’agit de préparer les aspirants au Sacerdoce pour le Collège Général, de leur donner une formation spirituelle de base et de les familiariser avec le Latin. Car, au Collège de Penang, tous les cours seront en Latin, et même les affaires courantes et les conversations entre séminaristes venus de divers pays d’Asie.
À Singapour, ce sont des jeunes du cru et aussi de Malaisie, Sabah et Sarawak. D’abord seul, puis aidé de deux prêtres du clergé local, dont l’un, le P. Grégoire Yong, deviendra évêque de Penang puis archevêque de Singapour, le Supérieur anime l’ensemble et donne aux étudiants un supplément d’éducation académique. Les plus brillants réussiront aux examens de préparation à l’université. On pousse aussi à l’étude des langues parlées par les Chrétiens: mandarin et tamoul. Le nombre des étudiants augmenté: ils sont onze en 1952, quinze en 1954, quarante-sept en 1960 – il faut alors agrandir les locaux.
Il est très près de ses élèves et s’efforce de comprendre d’où ils viennent: famille, culture, mode de vie. Pendant les vacances, il visite ses séminaristes chez eux, non seulement à Singapour et en Malaisie, mais aussi à Sabah et Sarawak. Les évêques lui font pleine confiance et la communauté rayonne la paix et la joie. Il se tient au courant de ce qui se passe dans les établissements similaires en d’autres pays d’Asie et, du point de vue spirituel, donne une formation solide avec une bonne ouverture missionnaire. Le patron de la maison n’est-il pas François-Xavier, auquel est associée Thérèse de Lisieux, une autre manière de convertir le monde. Oui, Pierre Barthoulot est bien à son affaire, et ce jusqu’en 1971.
Le séminaire est certainement chasse gardée. Il suit sa route, mal à l’aise avec les changements qui suivent Vatican II. Il réalise alors que le Collège Général a fait son aggiornamento. Après vingt-deux ans, il laisse volontiers la main à un de ses anciens élèves, d’autant qu’avec la séparation entre la Malaisie et Singapour, la venue des jeunes de l’extérieur devient difficile.
Des générations ont bénéficié de son dévouement et lors de ses soixante ans de Sacerdoce, ses anciens, évêques, prêtres et laïcs, qui avaient été pour un temps avec lui, le fêteront d’une manière toute spéciale qui le touchera beaucoup. N’oublions pas que c’est durant ces années à Ponggol qu’il lancera la Croisade Eucharistique dans les paroisses et les écoles catholiques. Il y voit une pépinière de vocations. Le P. L. Amiotte, “directeur des œuvres”, le remplacera en 1956.
Curé à Toa Payoh et à la Sainte Famille.
Après un bon séjour en France de Mars à Septembre 1971 – son premier congé – on lui demande de devenir curé d’abord à la paroisse du Christ Ressuscité de Toa Payoh, pendant l’absence du Père Abrial, puis à la Sainte Famille de Katong, vieille paroisse bien établie, de quelque 6000 Catholiques, de 1972 à 1977. Ses anciens élèves sont ses vicaires. Il va de l’avant, leur faisant confiance et établissant un bon rapport avec ses paroissiens qu’il visite régulièrement. Il a du mal au début à accepter les Messes anticipées du samedi soir – dimanche, c’est dimanche! – mais devant les centaines de paroissiens qui y assistent, il aura bientôt non une mais deux Messes. Il sait répondre aux besoins de ses gens, fidèle au confessional et visitant les malades. Dans ce quartier à haute densité de Catholiques, à dix kilomètres du centre-ville et où les HLM se multiplient sur le terrain gagné sur la mer, lui l’éducateur sent très fort la priorité à donner à la formation des laïcs. Il pousse à l’établissement d’une librairie de livres religieux et objets de piété à côté de l’église paroissiale. Cela répond certainement à une attente et, trente ans après, elle rend toujours de sérieux services. C’est le temps où dans la plupart des paroisses s’articule le catéchumènat, et là aussi il va de l’avant.
Cinq années sont vite passées. Il insistait pour passer à un de ses vicaires la responsabilité. Il prend son second congé en France, d’Avril à Octobre 1977.
Le bouche-trou ou l’homme-providence, 1977 – 1981.
À son retour et pendant quatre ans, il est l’incontournable remplaçant sur lequel peut compter l’archevêque. Curé ou vicaire selon les besoins, six mois ici, une année là, on le trouve à Saint-Michel, à Sainte-Anne avec son ami, le P. H. Berthold – mais ça grippe dans les rouages, deux bisontins - au Cœur-Immaculé-de-Marie, à Saint-Vincent-de-Paul, à l’église Saint-Joseph en ville, où il est pour un temps prêtre “prébendé” du diocèse portugais de Macau, à la Sainte-Croix, église juste terminée où il aide le premier curé, le P. Nicholas Chia, qu’il verra devenir son archevêque en 2001.
Mais tout en appréciant la disponibilité du P. Barthoulot – qui arrive à 65 ans – Mgr. Yong veut lui confier un poste où il pourra servir de manière plus stable : la paroisse du Cœur-Immaculé-de-Marie, dont il va être le pasteur pendant 17 ans, jusqu’à 82 ans.
Paya Lebar, paroisse où il se trouve à l’aise, 1981 – 1998.
“I.H.M.” [initiales de “Immaculate Heart of Mary”] comme on dit ici, où l’on aime utiliser les acronymes, est une paroisse qui fut fondée en 1954 comme “succursale” de la Cathédrale, et dotée par le P. M. Bonamy d’une église en préfabriqué. Un premier curé légendaire, Chinois de Singapore, de la vieille école, à l’autorité incontestable, qui n’admettait que l’aide passagère le dimanche de quelques professeurs du petit séminaire qui ne lui faisaient pas d’ombre. L’âge se faisant sentir, le P. Yong fut accepté comme vicaire pendant dix-huit mois avant d’aller enseigner au Collège de Penang, puis rien moins que nos deux vicaires généraux lui succédent, avec des réserves de patience qui commençaient à se tarir quand le Seigneur rappelle à lui le P. Moses Koh. Les Pères H. Berthold, puis L. Loiseau lui succédent, ouvrant toutes grandes les “fenêtres” de la paroisse dont la population augmente.
Dans cette paroisse située non loin de Serangoon, où le P. Barthoulot a fait ses débuts en paroisse et passé de longues années au séminaire préparatoire, il se trouve chez lui parmi des familles qui lui sont souvent connus. Le teochew appris dans sa jeunesse lui est utile dans ce milieu.
L’église a été agrandie et renovée par le P. Loiseau. Le nouveau curé soigne la Liturgie, encourage les dévotions, installe de jolis vitraux et se sent bien accepté par les gens. On peut compter sur sa présence, sur son aide, sur sa compréhension. Il a de l’autorité, certes, celle d’un pasteur.
Là encore il va son chemin, sans s’inquièter de ce qui se fait ailleurs. Il rend volontiers service, mais il n’a pas besoin de conseil ni de suggestions. Il s’entend bien avec son vicaire souvent occupé en dehors de la paroisse. Cela lui laisse le champs libre.
Il a toujours été un éducateur, aussi développe-t-il l’école privée qui a grandi sur le terrain de l’église. Les résultats aux examens sont bons, l’enseignement de qualité, mais il voit dans cette institution, avant tout, comme un moyen d’approcher les nombreux non-Chrétiens. Il y a là quelques centaines de jeunes de 14 à 18 ans et il leur donne des maîtres de qualité. Cela coûte cher ; ce que paient les élèves ne couvre pas les frais, mais la paroisse a des revenus. Alors pourquoi ne pas les employer en partie à boucler le budget? Ce n’est pas du goût de tous. Après son départ, l’école sera transformée en centre paroissial, mais lui aura partagé l’Évangile avec une dizaine de générations. C’est sa manière de vivre son idéal missionnaire et, en même temps, il inspire des vocations sacerdotales. Du vrai P. Barthoulot.
Il a passé les quatre-vingts ans. Il conduit toujours sa voiture mais il donne des signes de fatigue. En 1998, il est nommé prêtre en résidence à la paroisse Saint-Joseph de Bukit Timah, à quelque 18 km du centre-ville, dans un quartier en plein développement qui lui est totalement inconnu. Homme d’obéissance, il accepte, sachant qu’il va vivre auprès d’un curé plutôt caractériel, non seulement son ancien élève mais aussi un des bébés que jeune vicaire il avait baptisés.
Quatre ans en roué libre, Saint-Joseph de Bukit Timah, 1998 – 2002
Il se trouve dans une des plus vieilles communautés chrétiennes de l’île, fondée en 1846. Il fallait alors traverser la jungle ou faire le tour de l’île en bateau pour s’y rendre, et il y avait encore des tigres pour effrayer les paroissiens à 100% Chinois. Mais en 1998, même si la grande église, rebâtie en 1964 pour remplacer la précédente trop petite, a été dotée d’un clocher qui évoque la Chine, il s’agit de prendre soin de familles nouvellement arrivées dans une ville nouvelle toute en HLM et où celles qui y étaient enracinées de longue date diminuent en nombre et en influence.
Pour la première fois de sa vie, le P. Barthoulot a du temps. Il ne fait que ce que son curé lui confie: Messes, prédications, confessions. Pour le reste, c’est toujours: “Voyez le Père Curé!”. Fort peu de monde viennent au présbytère. Il se sent isolé, sous-employé, mais il veut à tout prix éviter les conflits. Il emprunte des livres en français à la maison régionale et découvre ainsi des événements du passé auxquels il n’avait pas prêté attention. Lire les mémoires de Charles de Gaulle le ramène à ses années dans la Résistance.
Sans se plaindre et sans s’irriter, il va son chemin, mais il arrive de bonne heure à nos réunions du lundi et s’y attarde volontiers, un signe qui ne trompe pas : il s’ennuie. C’est avec joie qu’il dit oui au nouvel archevêque qui lui demande de retourner à Saint-Joseph de Victoria Street, l’ancienne paroisse portugaise, où il avait déjà servi quelques mois. Pratique sacramentelle nombreuse, des dévotions, des processions tous les 13 du mois pour Notre-Dame de Fatima. Il voit du monde; il se sent accepté et faisant du bien. Il a retrouvé sa place.
La dernière étape, 2002 – 2004
Le Seigneur le garde là deux ans. À côté d’un recteur – Saint-Joseph n’est plus paroisse depuis la fin de la juridiction portugaise – qui est souvent absent, il est le permanent sur qui l’on peut compter. Malgré les années, le long et raide escalier qui monte au présbytère ne le fatigue pas. Il commence bien à trainer les pieds, il trottine plus qu’il ne marche, mais il est de ces gens qui ne savent pas ce que c’est que de prendre un médicament.
Lui, si bien enraciné à Singapour, part volontiers pour l’Europe animant des pélerinages. Les longs périples en car, Vienne, la Pologne et l’Europe Centrale vers Lourdes et Fatima, ne le fatiguent pas. Il aura la joie, en 2003, de faire un voyage-pélerinage en Chine, Swatow et les communautés teochew qu’il avait appris à connaître à Serangoon, Shanghai et, pourquoi pas, la Grande Muraille. Il en revient émerveillé, non par l’architecture mais par le fait que l’église de Chine est bien vivante!
Et puis, en Octobre 2003, ses amis, anciens paroissiens et ceux avec qui il a voyagé, insistent pour célébrer ses 60 ans de Sacerdoce. Il choisit de le faire à l’église de la Nativité où il avait célébré sa première Messe sur le sol de Singapour en Novembre 1946.
En bonne forme physique, entouré de quatre neveux et cousins – dont la venue le touche beaucoup – de neuf évêques et de nombreux prêtres – la plupart ses anciens élèves – il préside lui-même l’Eucharistie. Il a 87 ans. Suit alors un repas de plus de cent tables, au cours duquel il prend la parole et tient à présenter le curé de Swatow qu’il avait spécialement invité. Il précise: “Je lui ai demandé de venir jusqu’ici, non point pour lui donner l’occasion de sortir de son pays, mais pour qu’il puisse témoigner parmi nous que l’église en Chine est bien vivante!” Missionnaire jusqu’au bout! Les membres du Conseil Plénier – alors en réunion à Singapour – admirent cette vitalité et ce zéle.
Toutefois, ne lui suggèrez pas de ne plus conduire, car vous aurez droit à vous faire remettre en place. Il peut réagir encore le supérieur du petit séminaire ! Il continue sa présence paroissiale, fait l’effort d’assister à la retraite annuelle du clergé, au cours de laquelle il fait une chute – sans gravité, assure-t-il. Mais depuis visiblement il fatigue et traîne de plus en plus les pieds. Bien qu’il tienne à célébrer régulièrement l’Eucharistie, ses homélies deviennent presque inaudibles. Ses jambes sont enflées, mais il ne se plaint pas.
Le lundi 19 Juillet, il se rend encore à Siglap au volant de sa voiture pour prendre part comme d’habitude à la réunion hebdomadaire des Confrères. Tous sont frappés de voir ce jour-là un vieillard qui n’est plus que l’ombre de lui-même. Pour la première fois, il se déclare fatigué, très fatigué. Les jours suivants, il se veut encore indépendant et célébre encore la messe paroissiale, mais il lui est impossible de monter tout seul les escaliers du presbytère. Le vendredi 23, il accepte d’être hospitalisé à Mount Alvernia, l’hôpital catholique. Le Seigneur le rappelle à Lui le dimanche 25 Juillet.
On ramène son corps à Saint-Joseph. Nombreux sont ceux qui viennent prier et témoigner de leur attachement, partageant ce qu’ils ont reçu de lui et ce pourquoi ils lui sont reconnaissants. Ses anciens élèves expriment leurs sentiments: “Par son exemple, il nous a enseigné l’importance d’un style de vie simple. Il est resté lui-même, suivant une stricte discipline de vie. Les valeurs et le mode de vie du monde ne l’ont pas touché.” “Quel prêtre merveilleux. Au séminaire, j’apprécie ses conférences spirituelles. C’était un sage, qui avait le don de découvrir et discerner les vocations.” “Il était très présent aux paroissiens dans le deuil et passait du temps avec eux et les encourageait en partageant leur peine.”
Quatre archevêques et évêques, entourés de plus de soixante-dix prêtres, la plupart ses anciens élèves, concélébrent la Messe et l’Archevêque, Mgr. Nicholas Chia, le décrit comme “un homme aux goûts simples, fidèle à sa vocation, visitant ses paroissiens et donnant priorité à la célébration du Sacrement de Réconciliation, toujours prêt à suivra les instructions que pouvait lui donner son ancien élève!”
Oui, il y a foule pour accompagner l’éducateur et le pasteur – qui a servi de 1946 à 2004. Il suivait le P. Dufay, qui nous avait quitté le 8 du même mois de Juillet et, selon ses instructions, ses cendres ont été placées au columbarium de l’église Sainte-Thérèse, dans une niche à-côté de celle du P. H. Berthold, l’aîné et l’ami.
Au bisontin fidèle.
Stabilité, fidélité, régularité, simplicité sont ses qualités de base. Du vrai, du solide, rien d’extraordinaire ou de brillant, mais un dévouement de tous les instants. On est sûr de le trouver, on peut compter sur lui dans les moments difficiles, il sait se faire proche et sa présence rassure et apporte l’espoir. Ce qui pourrait paraître comme un mode de vie terne et sans relief est au contraire une lumière dans les ténêbres, une lumière que n’éteignent pas les tempêtes ou tensions du quotidien, une manière de servir dans la ligne du lavement des pieds lors de la dernière Céne. Il est le semeur qui ne se lasse jamais, où qu’il soit, acceptant les décisions des supérieurs même lorsqu’elles le font souffrir ; il va et lance la graine dans le champ qui lui est confie.
Il est classique et solide dans ses approches pastorales. Certains changements du Concile passent difficilement – ainsi les relations avec les religions non-chrétiennes. Il est à l’aise avec l’apologétique, mais les nouvelles méthodes d’approcher la Bible ne sont guère de son goût. Il reste fondamentalement “Missions Étrangères”: priorité au clergé local et à l’approche des non-chrétiens. Sans hésiter, il adopte les méthodes du catéchumènat d’adultes.
En même temps, il se veut à part entière membre du clergé de Singapour et ici, il ignore ce qui lui parait souligner l’identité “Missions Étrangères”. Retraite ou sessions en français pour les confrères, il est plutôt contre. Il y prend part cependant et avoue que l’usage de la langue maternelle est une richesse, mais point trop n’en faut. En cinquante-huit ans de mission, il n’ira en congé que trois fois, mais il reste bien enraciné à Besançon et parmi les bisontins. La venue de quatre membres de sa famille pour son jubilé le remplit de joie. Mais les visites des supérieurs, il n’en attend rien; il va son chemin, un sillon droit et profond, il sait ce qu’il doit faire. Ce n’est que dans les dernières années de sa vie qu’on le verra régulièrement à nos réunions hebdomadaires.
Il forme les séminaristes, et plus tard les laïcs, dans la fidélité à l’Église, leur faisant connaître les auteurs et courants spirituels traditionnels. Ses ouvrages de base seront l’École Française, Dom Marmion, les vies de St. François-Xavier et de Ste Thérèse de Lisieux. Il choisit avec soin les prédicateurs de retraite, écartant ceux qui pourraient questionner l’institution ou pousser en faveur de changements qui lui semblent trop radicaux ou superficiels. L’important est d’avoir le sens du devoir et une bonne discipline de vie.
Il voit l’Église grandir à Singapour et s’en réjouit. “Lorsque que je suis arrivé en 1946, il y avait dix paroisses dans l’île, maintenant il y en a trente!” En même temps, la baisse des vocations en Europe, les églises qui se vident, même en Franche-Comté, les couples vivant hors marriage, il ne peut le comprendre. Cela l’attriste et il s’insurge, essayant de trouver des raisons à cette situation. Trop facilement il en rend responsables les dérapages du Concile et les abus qu’il constate l’irritent: manque de discipline, plus d’obéissance.
Le Seigneur l’a doté d’une belle santé et son style de vie contribue certainement à sa robuste vieillesse : depuis des années, son repas du soir consiste en une soupe et une pomme. En même temps, lui qui n’est pas un gourmet me disait parfois : “Quand nous fais-tu une choucroute?” Cela lui rappelait ses jeunes années et son ami le P. O. Dupoirieux qui nous régalait avec ce plat. Résistant comme il était, il avait parfois de la difficulté à accepter des confrères malades qu’il trouvait plutôt douillets.
Pierre Barthoulot, le semeur persévérant qui sut donner du temps au germe qui pousse. Dieu et ses paroissiens ont toujours pu compter sur lui.