Charles CHIPOT1886 - 1917
- Statut : Prêtre
- Identifiant : 3022
Identité
Naissance
Décès
Autres informations
Missions
- Pays :
- Chine
- Région missionnaire :
- 1909 - 1917 (Shenyang [Moukden])
Biographie
[3022] CHIPOT Charles est né le 7 mai 1886 à Gérardmer (Vosges). Il entre au Séminaire des M.-E. en 1905. Il est ordonné prêtre le 26 septembre 1909 et part le 17 novembre suivant pour la Mandchourie. Il étudie le chinois à Kaochantoun. En 1911 il est chargé du district de Kaiyuen. En 1913 il est appelé au grand séminaire de Moukden, atteint de tuberculose, il cesse d’enseigner et va se reposer à Anlong, il est envoyé à l'hôpital de Tientsin, où il meurt le 17 mai 1917. Il est inhumé à Moukden.
Nécrologie
[3022] CHIPOT Charles (1886-1917)
Notice biographique
M. CHIPOT, Charles-Henri, né à Gérardmer (Saint-Dié, Vosges), le 7 mai 1886. Entré laïque au séminaire des Missions-Etrangères le 22 août 1905. Prêtre le 26 septembre 1909. Parti pour la Mandchourie méridionale le 17 novembre 1909. Mort à Tientsin le 17 mai 1917.
C’est pendant l’hiver 1909 que M. Chipot arriva en Mandchourie méridionale. Il fut d’abord placé au séminaire pour y étudier les premiers éléments de la langue. Quoiqu’il ne fût officiellement chargé d’aucun travail dans la maison, il prêtait volontiers son concours aux directeurs de l’établissement pour leur rendre les services qu’ils dési¬raient. Doué d’une mémoire excellente et fournissant une somme de travail qu’on jugeait au-dessus de ses forces physiques, il eut bientôt appris assez de chinois pour commencer à exercer le ministère. C’est sous la direction de M. Huchet, dans le vaste district de Kaochantoun, qu’il fit ses premières armes. Notre regretté confrère ne tarda pas à y déployer ses belles qualités, chevauchant par monts et par vaux pour aller porter aux chrétiens les secours de notre sainte religion. Quand son supérieur jugea qu’il pouvait voler de ses propres ailes, il le chargea de l’administration du district de Kaiyuen. Ce district, de fondation récente, ne comptait encore que peu de chrétiens, éparpillés dans une dizaines de postes plus ou moins éloignés du centre principal. Les divers oratoires, qui leur servaient de lieu de réunion, n’étaient guère plus dignes de l’Hôte divin que l’étable de Bethléem. Le premier soin du nouveau missionnaire fut de transformer celui de Kaiyuen. De son temps, qu’il savait employer avec la régularité d’un séminariste, il donnait la plus grande partie à ses nouveaux chrétiens, les visitant, les instruisant, s’intéressant à leurs besoins spirituels et même matériels. Aussi, ont-ils gardé de lui le meilleur souvenir.
Au mois d’août 1913, M. Chipot reçut une nouvelle destination ; il fut appelé au séminaire ; cette nomination ne surprit personne ; ses aptitudes pour l’enseignement étaient connues. Là, encore, il se donna tout entier à ses nouvelles fonctions. Il avait le don de faire travailler ses élèves sans trop les fatiguer ; lui-même travaillait beaucoup pour leur rendre ses leçons plus faciles. Cependant, notre confrère souffrait. A le voir au travail, qui s’en fût douté ? et lui, n’en disait mot. Il attendait les vacances, espérant qu’elles lui rendraient les forces dont il avait besoin pour continuer à se dévouer. Les vacances se passèrent sans lui apporter de soulagement, et il dut s’avouer vaincu.
Qu’on me pardonne de reproduire la lettre qu’il écrivit alors à Mgr Choulet ; il s’y est peint si fidèlement, qu’elle seule nous le fait connaître mieux qu’une longue notice :
« Monseigneur, je me crois obligé, en conscience, de solliciter de Votre Grandeur, un changement de poste pour cause de fatigue. Depuis Pâques, par suite d’un rhume opiniâtre, j’ai ressenti des douleurs dans la poitrine. Le docteur japonais m’a dit de me reposer. C’est surtout la gorge et la voix qui doivent être ménagées. Aussi, il me semble que je ne puis recommencer les classes et les lectures spirituelles, comme je l’ai fait cette dernière année. Monseigneur, ne me grondez pas ; ce n’est pas l’étude (d’abord je travaille moins qu’on veut bien le dire), mais ma faiblesse de constitution qui est coupable. Pour mon changement, je ferai, et sans murmurer et de mon mieux, ce que vous m’ordonnerez. Si l’estomac et la poitrine ne sont pas très solides, la mémoire est bonne et l’étude me plaît. Excusez-moi, Mon¬seigneur, je suis confus, nouvel arrivé en mission, de vous parler déjà de fatigue. J’espérais que l’été me guérirait complètement, et alors, je n’aurais rien dit. Aucun confrère ne le sait d’ailleurs ; car je ne vois aucun avantage à parler de ma maladie et de ma démarche. »
Voilà le P. Chipot : ardeur au travail, patience dans la souffrance et toujours pleine soumission à ses supérieurs ; mais sans la force physique pour faire valoir ses talents.
Ses élèves théologiens furent envoyés en probation dans différents districts ; les latinistes se mirent à l’étude du chinois, et M. Chipot put aller occuper un petit poste au sud de la mission, sur les confins de la Corée. Le changement d’air, de régime semblait avoir apporté quelque amélioration à son état de santé, et quand après une année écoulée, les séminaristes rentrèrent au séminaire, Mgr Choulet crut pouvoir l’appeler de nouveau à leur continuer ses cours. Il accepta la charge, sans formuler d’objection, et le bon Dieu sembla bénir cet acte de soumission. A la fin de l’année scolaire, notre confrère employa les premiers jours des vacances à collectionner des dialogues latins pour ses élèves et à les imprimer lui-même. Ce travail terminé, il alla passer quelques jours chez M. Lamasse, puis revint au séminaire sans témoigner aucune fatigue. Dans les derniers jours du mois d’août, la toux reparut. Poussé autant par le désir de revoir ses chrétiens, que par l’espoir qu’un changement d’air lui apporterait quelque soulagement, il prit la route d’Antoung, son dernier poste. Il y prépara quelques chrétiens à la fête de l’Assomption. Le 15 août, au matin, comme il entendait une confession, il fut pris d’une violente hémorragie. Il se fit transporter à l’hôpital japonais de la Compagnie du chemin de fer, où les soins les plus assidus lui furent donnés pendant un mois. De retour au séminaire, et se sentant de plus en plus fatigué, il exprima le désir de se rendre à notre sanatorium de Hongkong. Mais il était trop malade pour qu’un navire voulût se charger de lui. Les Sœurs de Saint-Vincent de Paul consentirent à le recevoir dans leur hôpital de Saint-Joseph, à Tientsin. Vers la mi-octobre, en compagnie d’un confrère, notre malade prit donc le train pour cette ville. Son espoir était qu’après quelques jours de repos dans cette ville, il aurait assez de force pour continuer son voyage vers le sud ; il ne devait pas aller plus loin. Pendant la dernière année qu’il passa à l’hôpital Saint-Joseph, il n’a pas même pu descendre dans le jardin de la maison. De temps en temps, un confrère de Mandchourie allait lui faire une visite. Par une heureuse disposition de la Providence, M. Lamasse se trouvait auprès de lui dans les derniers jours qu’il eut à souffrir sur cette terre. Voici en partie le récit, de sa visite : « Lorsque je suis arrivé à Tientsin, le samedi avant l’Ascension, personne ne se faisait illusion sur la gravité de son état, et notre malade en avait été depuis longtemps prévenu ; il ne paraissait pas toutefois avoir conscience d’un danger immédiat. Le mardi, pendant la visite que je lui fis dans la matinée, il eut une quinte de toux qui parut le suffoquer, et qu’un remède donné par la Sœur calma difficilement. Au sortir de la chambre, je dis à la Sœur que cette crise m’avait effrayé. « En effet, me répondit-elle, j’ai bien cru moi-même que le pauvre Père allait y rester. — Mais au moins, lui demandai-je, est-il prévenu de la gravité de son état ? — Certes, les Pères de la mission ont averti plusieurs fois le Père qu’il devait prendre ses précautions pour paraître devant Dieu ; mais le cher malade, tout en se préparant pieusement à la mort, n’a pas encore paru se faire à l’idée d’un dénouement immédiat ; peut-être serait-il bon de le prévenir, car le docteur assure qu’il ne peut plus vivre au delà d’un jour ou deux. » Je rentrai alors dans la chambre et demandai au Père : « Quand avez-vous reçu l’absolution pour la dernière fois ? — Hier, me dit-il. — Eh bien ! voulez-vous que je vous la donne encore une fois ; votre état est très grave et il est probable que vous irez fêter l’Ascen¬sien avec le bon Dieu. » Le Père ne répondit pas. Toutefois, à la gravité, non pas angoissée, mais recueillie, que prit soudain sa physionomie, je vis qu’il m’avait compris. Il me fit alors une dernière confession, et comme après l’avoir exhorté à se repentir et à accepter ses souffrances et la mort même en union avec celles du divin Maître, j’allais réciter la formule de l’absolution, il m’arrêta et me dit : « Mon Père, je vous en prie, continuez encore à m’exciter à la contrition et à l’amour du bon Dieu. » Je cite ce détail, parce qu’il montre avec quelle piété le bon missionnaire accomplit cet acte suprême. Je lui fis encore trois visites, le trouvant chaque fois plus affaibli. Lors de notre dernière entrevue, le mercredi soir, comme je lui disais que le bon Dieu ferait peut-être un miracle pour le conserver quelque temps à l’affection de ses confrères, il en parut plutôt contrarié, et me répondit : « Que dites-vous là, ma pauvre carcasse, si elle tient encore huit jours, ce sera le bout du monde. » Ce furent les dernières paroles que je lui entendis prononcer, car le lendemain, jour de l’Ascension, j’apprenais les détails de sa mort qui avait eu lieu à deux heures du matin. Jusqu’à minuit, le cher Père, qui était sans cesse dévoré par une soif ardente, avait bu un grand nombre de fois ; à minuit, il déclara à la Sœur qu’il ne voulait plus rien prendre. Bien que depuis longtemps, il reçût chaque jour la sainte communion sans être à jeun, son intention évidente était de garder le jeûne eucharistique le jour de l’Ascension. A 2 heures, il renvoya le domestique, qui agitait un éventail devant lui pour donner un peu d’air à sa poitrine haletante. « Maintenant, dit-il à la Sœur, je vais dormir. » La Sœur le vit en effet s’endormir, mais deux minutes s’étaient à peine écoulées, qu’elle constata sur ses traits le changement précurseur de la mort. Elle eut à peine le temps de commencer les prières des agonisants que la respiration avait cessé.
Malgré une chaleur accablante, tout le Tientsin catholique et en particulier les représentants des Congrégations religieuses tinrent à s’associer à notre deuil. Etaient présents aussi nos confrères mobilisés : le lieutenant Cadars, le sergent Larregain. L’élément laïque était représenté par la population chinoise de la paroisse et par de nombreux Européens. La cérémonie terminée, le cercueil fut conduit dans le corbillard de la municipalité jusqu’à la gare, d’où le train l’emporta à Moukden.
Les restes du cher défunt arrivèrent dans cette ville le 18 mai au soir. Tout avait été préparé pour leur transport immédiat à l’église L’inhumation fut renvoyée au lundi suivant, afin de permettre aux confrères de venir donner à leur compagnon de travail un dernier gage de leur affection. En l’absence de Mgr Choulet, Mgr Sage présida la cérémonie et accompagna le corps jusqu’au cimetière, où il repose à côté de notre toujours regretté M. Vuillemot.