François PAUTRET1849 - 1891
- Statut : Prêtre
- Identifiant : 1498
Identité
Naissance
Décès
Missions
- Pays :
- Inde
- Région missionnaire :
- 1881 - 1891 (Pondichéry)
Biographie
[1498] PAUTRET François, Victor, Lucien naît le 8 janvier 1849 aux Biards dans le département de la Manche. Il fait ses études au petit séminaire de l'Abbaye-Blanche à Mortain où on l’appelle déjà ‘‘le saint homme Pautret’’, surnom qu'il mérite et garde toute sa vie. Il va ensuite au Grand séminaire de Coutances et y reçoit la prêtrise le 29 juin 1873. Après avoir été vicaire à Coulouvray-Bois-Benâtre pendant sept ans, il entre au Séminaire des Missions Étrangères le 4 août 1880 et part pour Pondichéry le 3 août 1881.
‘‘Le saint homme Pautret’’
Il est nommé professeur au petit séminaire et exerce cette fonction pendant trois ans. Puis il administre successivement, comme vicaire ou comme curé, les postes de : Chepet (1) en 1884, Vellantanguel en 1884 et 1885, Paleam (2) de 188 à 1887 et Tindivanam (3). On lui confie en 1889 l'importante paroisse de Karikal (4) où il achève d'user ses forces. Il meurt le 30 avril 1891, laissant le souvenir d'un missionnaire doux, patient et zélé.
1 – Au nord-ouest de Pondichéry.
2 - Entre Tirachirappolli et Salem.
3 – Au nord de Tirachirappolli.
4 – L’un des cinq comptoirs français en Inde, ville côtière sur le golfe du Bengale.
Nécrologie
M. PAUTRET
MISSIONNAIRE APOSTOLIQUE DE PONDICHÉRY
Né le 6 janvier 1849.
Parti le 3 août 1881.
Mort le 30 avril 1891.
« François Pautret naquit au diocèse de Coutances. Son père et sa mère étaient de ces gens de foi dont Dieu se plaît à bénir la postérité. Hereditas sancta nepotes eorum. L’honneur, la piété, le dévouement à tout ce qu’il y a de grand et de beau, tel était l’héritage que ces pieux parents ambitionnaient surtout de léguer à leurs enfants. Dieu ne laissa pas leur vertu sans récompense. Il leur fit l’honneur de prendre à son service tous les enfants qu’il leur avait donnés. Les deux sœurs de François prirent l’habit religieux dans le tiers-ordre du Carmel et se consacrèrent à l’éducation chrétienne de la jeunesse ; ses deux frères entrèrent dans les ordres sacrés. Pendant la guerre de 1870-71, ils suivirent nos soldats sur les champs de bataille et dans les ambulances. Atteints de la variole noire qui faisait alors tant de ravages dans l’armée, ils succombèrent martyrs de leur dévouement et de leur charité.
« François n’était pas homme à rester en arrière ; et si son âge ne lui avait pas permis de suivre ses frères à ce poste d’honneur, il avait déjà la sainte ambition de les imiter et de se dépenser comme eux.
« Son séjour au petit séminaire de l’Abbaye-Blanche fut pour lui comme un noviciat des vertus chrétiennes et ecclésiastiques. Cet établissement qui, depuis sa fondation, c’est-à-dire depuis 70 ans, a donné à l’Église plus de 2.000 prêtres, vit rarement réunies en un jeune homme tant de rectitude dans le jugement, d’amabilité dans les manières et de solide vertu. On ne l’appelait déjà que « le saint homme de P. Pautret », titre que tous ceux qui l’ont connu depuis se sont plu à ratifier. Sous l’habile direction des prêtres de Saint-Sul¬pice, au grand séminaire de Coutances, sa vertu ne fit que se perfec¬tionner, et, lorsqu’il sortit de cet asile béni, le monde put contem¬pler dans ce prêtre si jeune encore par les années, si mûr déjà par la sagesse et la sainteté, une image frappante de Notre-Seigneur Jésus-Christ.
« D’une intelligence au-dessus de la moyenne, laborieux par devoir, d’une douceur qu’on aurait pu dire timidité, à l’Abbaye-Blanche François fut vite recherché de ses condisciples, et ses maîtres ne lui marchandaient pas les éloges... Sa piété elle aussi se manifestait vite, et c’est ainsi que, dès la première année de son petit séminaire, il était admis à entrer dans la congrégation de la sainte Vierge... Et lorsque, ses études terminées, il quittera Mortain pour Coutances, il ne le fera qu’avec son diplôme de bachelier et son titre de préfet de la congrégation.
« Le grand séminaire acheva une œuvre si bien commencée : cependant un seul de ses confrères l’a entendu manifester le désir d’entrer au Séminaire des Missions Étrangères. C’était au lendemain d’une visite faite à la maison par un saint missionnaire, que la maladie avait arraché à ses chers Chinois...« Que je voudrais, moi aussi, être un jour missionnaire !.. » Et l’ami se prit à rire. La douceur de M. l’abbé Pautret était taxée de timidité à Coutances comme elle l’avait été à Mortain.
« Ordonné prêtre à la Trinité (1873), M. l’abbé Pautret était envoyé comme vicaire dans un poste de faveur. La paroisse de Coulouvray était une paroisse religieuse, conduite par un curé dont chacun redi¬sait et la piété et l’intelligence ; l’école des filles était, depuis des années, confiée aux sœurs du jeune vicaire. On le jalousa bien un peu, mais il était si aimé de ses confrères que bientôt on applaudit à cette nomination. Pendant sept ou huit ans, M. l’abbé Pautret a exercé le ministère dans cette paroisse : son humilité, sa douceur, sa piété, lui avaient valu la confiance de tous. La veille de son départ pour Paris, lorsqu’il annonça sa détermination à ses sœurs , ce fut un coup de foudre pour la famille : atterrée par des deuils successifs, elle avait reporté sur M. l’abbé François Pautret l’affection qu’elle portait à chacun de ses enfants. Une visite que fit, ce même jour, le bon curé de la paroisse, rendit à cette famille toute l’énergie d’un dernier sacrifice à faire, et l’on vit le père conduire lui-même son fils à la voiture publique.
« Après un an de séjour au Séminaire de Paris, M. Pautret arrivait à Pondichéry en 1881, et était immédiatement nommé professeur au petit séminaire. Sur cet humble théâtre, il se dépensa tout entier avec ce zèle brûlant qui ne dit jamais « c’est assez ». Au travail de la classe, il ajoutait la surveillance des pensionnaires, le soin de la sacristie, la décoration de la cathédrale pour les jours de fête, l’étude du tamoul, la direction spirituelle de plusieurs enfants chez lesquels il croyait avoir découvert une aptitude plus marquée pour la piété, et qu’il eût voulu préparer à devenir plus tard des prêtres utiles à l’Église de Dieu. Après ces journées si laborieuses, si pénibles sous le ciel de feu de Pondichéry, au lieu de prendre un repos si justement mérité, au lieu de chercher sur le bord de la mer un air plus pur et plus frais, il demeurait à genoux devant le Saint-Sacrement ou parcourait dévotement les stations du chemin de la croix. Il montrait tant de bonne volonté dans l’accomplissement de ses devoirs, il acceptait les plus pénibles charges avec tant d’empressement, que ses supérieurs ne se lassaient point de faire appel à son dévouement. Il paraissait toujours si joyeux et si content qu’on croyait lui faire plaisir en lui demandant un service. Bon et saint homme de Père Pautret, en qui la charité de Notre-Seigneur semblait avoir pris une forme vivante !
« M. Pautret était arrivé en mission déjà âgé. Il prévoyait qu’il aurait quelques difficultés à apprendre le tamoul et sentait la nécesssité de s’y mettre au plus tôt, cependant il ne se plaignit jamais de se voir retenu pendant trois ans au petit séminaire : sa foi et son esprit d’obéissance lui apprenaient à réprimer l’ardeur de ses désirs même les plus légitimes, et il s’abandonnait avec calme pour le présent et pour l’avenir à la direction de la bonne Providence. Cette force de volonté qui faisait en lui tous les mouvements de la nature, cette égalité d’humeur qui ne variait point, cette disposition où il était de se sacrifier en tout et toujours, étaient produites en lui par une union continuelle avec Dieu ; la prière s’élevait sans cesse de ses lèvres et surtout de son cœur.
« Enfin vint le moment où un champ plus vaste allait s’ouvrir à son zèle. La haute estime que Mgr Laouënan avait de ses talents et de ses vertus le lui fit envoyer dès le début dans des postes difficiles. Sa Grandeur était convaincue qu’une bénédiction particulière serait attachée à ses travaux, et suppléerait à ce qui pouvait lui manquer du côté de l’expérience. M. Pautret occupa successivement les postes de Chetput, Velantanguel, Paleam, Tendivanam, se dépensant sans mesure pour initier les néophytes à la vie de la foi et y faire croître les anciens chrétiens. C’est dans ce dernier poste qu’il contracta une maladie qui faillit l’enlever prématurément à l’affection de ses confrères et de ses enfants..
« Une nuit, une lourde charrette s’arrêtait devant les vieux murs crénelés qui forment l’enceinte de la mission de Pondichéry. C’était le P. Pautret qui arrivait, épuisé par une fièvre et une dysenterie opiniâtre. Pendant plusieurs semaines, le P. Desaint lui prodigua tous les soins que lui suggéraient son expérience et son dévouement. La maladie ne semblait pas vouloir céder. Un jour, le malade revint de la chambre voisine avec des douleurs inouïes. Sa figure était pâle et toute bouleversée. La souffrance lui arrachait des soupirs que l’énergie de sa volonté ne pouvait retenir. Le P. Desaint comprit immédiatement la cause du mal. « Une « lésion, dit-il, a dû se produire dans les intestins, une péritonite va se déclarer et ce sera fini. « Cependant, ajouta-t-il, si le malade pouvait demeurer 24 heures sans faire aucun « mouvement, on pourrait le sauver. » Le docteur européen, mandé en toute hâte, confirma le jugement du P. Desaint. « Il n’y a guère d’espoir, dit-il en se retirant, sur cent cas de cette « nature, un ou deux peut-être pourront offrir des chances de salut. » D’ailleurs la dysenterie était si violente qu’il n’y avait presque aucun espoir que le malade pût demeurer 24 heures sans bouger. Ce qui n’était pas probable arriva cependant, grâce sans doute à une protec¬tion particulière de Notre Dame de Lourdes que M. Pautret invo¬quait avec une foi et une confiance admirables. Le lendemain, il était hors de danger ; quelques jours après, il était en pleine conva¬lescence, et les pauvres chrétiens de Tendivanam étaient heureux de posséder de nouveau celui que déjà ils croyaient avoir perdu pour toujours.
« Lorsqu’il s’agit de remplacer à Karikal le P. Giraud, devenu vicaire général, Mgr Laouënan fixa son choix sur le P. Pautret. Monseigneur espérait que la prudence, le dévouement et la haute vertu de ce confrère le mettraient à même d’occuper dignement ce poste difficile. Le succès dépassa les espérances. La douceur aimable du P. Pautret lui eut bientôt conquis l’affection de tous ses chrétiens, en même temps que cette auréole de sainteté qui s’échappait à son insu de sa personne et de ses actions lui conciliait l’estime et la vénération de tous. M. Pautret avait un vaste champ ouvert à son zèle et à son activité. Chaque année, il entendait de sept à huit mille confessions. Il prêchait tous les dimanches aux trois messes de la paroisse. Le sermon qu’il avait d’abord donné en français, il le re-prenait en tamoul, voulant rompre à toutes les brebis de son trou¬peau, le pain de la parole évangélique.
« A cela venait s’ajouter la direction de trente religieuses carmé¬lites, celle d’un nombre au moins égal de religieuses européennes et indigènes de Saint-Joseph de Cluny, et celle des religieuses insti¬tutrices du Saint-Cœur de Marie.
« La congrégation du Scapulaire et celle de l’Apostolat de la prière qu’il avait établies étaient aussi l’objet de tous ses soins. Il tenait à présider lui-même toutes les réunions.
« Si l’on joint à ces occupations la visite des malades, le catéchisme de tous les jeudis à la nombreuse population des écoles, l’examen des différends et des procès, le soin des pauvres et tous les autres travaux qui sont l’apanage ordinaire du ministère paroissial, on aura quelque idée de la charge qui pesait sur la tête du P. Pautret dans cette paroisse de 10.000 chrétiens. Malgré cela, il trouvait encore du temps pour travailler à orner et embellir son église. Il ne se déchar¬geait de ce soin sur personne. Il s’y appliquait avec tant d’ardeur qu’on pouvait dire de lui en toute vérité qu’il était dévoré du zèle de la maison de Dieu.
« Malheureusement les forces physiques du P. Pautret étaient au-dessous de sa tâche. Chaque fête, chaque excès de travail lui valait quelques jours de fièvre. S’il réussissait à se soutenir et à faire face à son pénible ministère, ce n’était que grâce à cette énergie de volonté « qui rend l’âme maîtresse du corps qu’elle anime. »
« Un jour vint cependant où il dut céder à l’infirmité de la nature. Le vendredi 24 avril 1891, il se mettait au lit pour ne plus se relever. Rien cependant ne faisait présager encore une fin prochaine. On l’avait vu tant de fois avec la fièvre ! Mais voilà que le jeudi suivant son visage s’altéra tout à coup, ses paroles devinrent incohérentes et le délire commença. Bientôt survint une crise d’une violence extrême, c’était la fin qui approchait. Les confrères qui l’assistaient se hâtè¬rent de lui donner l’Extrême-Onction. D’ailleurs, il n’était pas pris au dépourvu, car le mardi précédent, il avait fait une confession préparatoire à sa dernière heure. La crise se calma peu à peu, une prostration complète la suivit, et, deux heures après, le Père, calme comme un enfant qui s’endort, rendit son âme entre les mains de son Créateur.
« La mort du P. Pautret, écrit M. Journoud, a été digne de sa vie. Il a été admirable de résignation et d’abandon à la volonté divine. Toute sa vie avait été un exemple pour ses confrères, sa mort n’a pas été pour eux une moindre édification. Il n’avait jamais sur les lèvres que des paroles de douceur pour ceux qui l’entouraient, et des aspirations brûlantes vers Dieu. Celles qu’il répétait de préférence étaient celles-ci : In manus tuas, Domine, commendo spiritum meum ; Deus meus et omnia ; ad Jesum per Mariam. Mais, ce qui était surtout beau à voir, c’était la confiance filiale qu’il avait en la Reine du ciel, à la protection de laquelle il se recommandait sans cesse.
« La mort du P. Pautret a été pour la ville de Karikal un deuil public, tant son courage, sa patience et sa vertu lui avaient gagné de sympathies. Ses funérailles furent un triomphe, et sa mort amena à ses pieds ceux-là mêmes que sa voix de pasteur avait trouvés sourds et rebelles pendant sa vie.
« Il repose dans l’église de Karikal, non loin de cette statue du Sacré Cœur qu’il a tant aimé. Adieu ! bon et cher Père Pautret. Nous n’aurons plus la consolation de vous voir ici-bas, mais vous nous laissez le souvenir de vos admirables vertus, et le ferme espoir d’avoir au ciel un ami et un protecteur de plus. »
Références
[1498] PAUTRET François (1849-1891)
Notes bio-bibliographiques. - C.-R., 1888, p. 173 ; 1895, p. 298.
Le culte de N.-D. de Lourd., p. 316.
Notice nécrologique. - C.-R., 1891, p. 264.