Hubert LENOIR1843 - 1890
- Statut : Prêtre
- Identifiant : 0962
Identité
Naissance
Décès
Autres informations
Missions
- Pays :
- Chine
- Région missionnaire :
- 1868 - 1890 (Chongqing [Chungking])
Biographie
[962]. LENOIR Hubert (1843-1890), né à Saint-Pierremont (Ardennes) le 10 juin 1843, entra au Séminaire des M.-E. le 5 octobre 1865, reçut le sacerdoce le 21 décembre 1867, et partit pour le Se-tchoan oriental le 15 janvier 1868. Il administra en 1869 les chrétientés de Ta-tsiou et de Nin-tchang. En 1875, il fut chargé du district de Kouy-tcheou-fou, quil gouverna pendant dix ans. En juillet 1886, il se trouvait à Tchong-king au moment de la persécution : il dut alors se réfugier pendant quelque temps à Cha-pin-pa. Il mourut à Mou-tong le 5 juillet 1890.
Nécrologie
M. LENOIR
MISSIONNAIRE APOSTOLIQUE DU SU-TCHUEN ORIENTAL
Né le 10 juin 1843.
Parti le 15 janvier 1868.
Mort le 5 juillet 1890.
M. Hubert Lenoir naquit à Saint-Pierremond, le 10 juin 1843 ; il était le second de quatre enfants. A Bazeilles où ses parents étaient venus se fixer, il se fit remarquer de bonne heure par son assiduité et sa bonne tenue à l’église. Son curé qui avait discerné en lui les premiers germes de la vocation ecclésiastique, lui fit commencer ses études de latinité et le plaça au petit séminaire de Charleville. C’est là qu’il manifesta dès le début son désir de se consacrer aux labeurs de l’apostolat ; aussi Mgr Guillemin, préfet apostolique du Kouang-tong, étant venu à Charleville, le supérieur lui présenta le futur missionnaire.
Après une année passée au grand séminaire de Reims et la réception des ordres mineurs, M. Lenoir, malgré l’opposition très vive de ses parents, entra au séminaire des Missions-Étrangères dans le courant de septembre 1865. Ordonné prêtre le 23 décembre 1867, il partit le 15 janvier suivant pour la mission du Su-tchuen oriental.
Nous empruntons à une lettre de M. Bonnet les détails de la vie apostolique et de la mort de notre confrère :
« Après six mois d’étude de la langue, il fut chargé de l’administration des deux sous-préfectures de Ta-tsin et de Nin-tchang, secondé dans cette dernière par un prêtre chinois, son vicaire. Quatre ans après, en 1872, ilest à Pen-chouy-hien, aidant le bon P. Landes à relever les ruines accumulées par une persécution récente, et à distribuer l’indemnité que la mission avait allouée aux chrétiens à cette occasion. Appelé, en juin 1873, à visiter une partie de Yéou-yang, chrétienté alors immense qui sortait de la plus terrible des persécutions, il eut à peine le temps de parcourir quelques stations que M. Hue, alors supérieur des quatre sous-préfectures qui forment la préfecture de Yeou-yang-tcheou, succombait avec M. Tay, prêtre indigène, sous les coups de la populace à Kien-kiang-hien, pour avoir voulu ouvrir une mission ( septembre 1873 ).
« Mgr Desflèches désigna aussitôt notre regretté P. Lenoir comme avocat et procureur de la cause de notre cher martyr. Habileté, courage, éloquence, aplomb imperturbable, tenacité à maintenir son droit (notre pauvre défunt avait toutes ces qualités), rien ne fit contre le mauvais vouloir des mandarins. L’affaire dut être portée à Péking, où M. Lenoir se rendit en septembre 1874. Là il obtint de la Légation que M. de Roquette, premier secrétaire, et M. Besaure, chancelier, vinssent au Su-tchuen traiter sur les lieux mêmes cette grave affaire avec les commissaires du vice-roi de la province.
« Ce procès terminé, M. Lenoir se hâta de rentrer dans sa mission ( décembre 1875 ) , et fut immédiatement nommé au poste de Kouy-fou situé juste à l’entrée du Su-tchuen. Tous les confrères destinés à nos six missions de l’Ouest et tous ceux qui en reviennent doivent s’arrêter un ou deux jours dans l’oratoire de cette ville, en attendant que leur barque ait rempli les formalités de la douane. Pendant les dix ans que M. Lenoir y est resté, j’ai eu souvent l’occasion d’entendre les confrères louer l’exquise politesse et le dévouement avec lesquels il donnait l’hospitalité.
« Son dévouement aux âmes et sa bonté pour les chrétiens étaient connus de tous ; quand il s’agissait de l’administration de son district, rien ne le rebutait, ni les obstacles que lui opposait la malice des hommes, ni les dangers ou les difficultés qu’il rencontrait nécessairement, soit dans les gorges du fleuve Bleu, au moment des grandes eaux, soit sur les routes sauvages des montagnes de Ou-chan, les plus élevées et les plus abruptes de la province.
« Tant de fatigues à peine interrompues de temps à autre par un repos pris dans l’oratoire de la ville, réputé très malsain, l’ont mis deux ou trois fois pendant ces dix ans à deux doigts de la mort.
« Enfin, en 1885, au sortir d’une grave maladie qui n’avait pas peu ébranlé ses facultés intellectuelles, il fut rappelé de Kouy-fou par Mgr de Tagaste, qui le retint quelques mois à la résidence épiscopale. Le repos et les distractions agréables d’une si charmante société l’eurent vite remis en son état normal. Il fut alors envoyé, janvier 1886, comme commissaire épiscopal à Ky-kiang-hien, où l’oratoire avait été détruit et plusieurs stations pillées pendant la guerre du Tonkin et à cause de cette guerre. En deux mois, le procès fut fini de la façon la plus heureuse. De retour à la résidence épiscopale, il demanda un poste, et en attendant il accompagna l’évêque comme maître de cérémonie, soit aux collèges pour les ordinations, soit à la paroisse de la ville pour les fêtes.
« Le 1er juillet 1886, quand la persécution éclata au Tchen-iuen-tang, M. Lenoir s’y trouvait. Comme la résistance était impossible et d’ailleurs expressément défendue par l’évêque, il essaya de la politesse et de la diplomatie pour sauver au moins le grenier de la procure, pensant que les mandarins finiraient par venir à notre secours. Vain espoir ! il fut débordé et dut poliment faire cadeau de ses lunettes à un pillard qui se disposait à les lui prendre sur le nez, fort heureux de sauver sa montre qu’il tenait cachée dans sa main, tout en entr’ouvrant sa robe pour montrer qu’il n’avait plus rien de précieux sur lui et empêcher qu’on ne l’assommât pour le piller.
« Il ne quitta pourtant le terrain que lorsque, à la tombée de la nuit, les tuiles commencèrent à pleuvoir de tous côtés et que l’incendie fût déclaré. Il se rendit alors en barque à Cha-pin-pa, maison de campagne de l’église, à quatre lieues de Tchong-kin. Les PP. Desolmes et Rogie l’accompagnaient. Ils trouvèrent là M. Crabouillet, missionnaire de l’endroit, et MM. Leroy et Thibault, nouveaux confrères apprenant encore la langue.
« Les rumeurs les avaient devancés, et les menaces ne tardèrent pas. Aussi, dès lendemain, M. Lenoir organisa-t-il défense de la place avec le concours de deux ou trois des chefs de la garde nationale qui, à nos frais naturellement, lui raccolèrent deux cents volontaires. Deux ou trois jours après, les mandarins envoyèrent aussi vingt soldats. Ces mesures inspirèrent le respect aux bandits des environs. Ceux-ci entourèrent plusieurs fois la maison, vociférant force menaces et malédictions ; mais ils n’osèrent jamais en venir aux mains. Chaque fois une patrouille et quelques coups de fusils tirés en l’air suffisaient pour les disperser.
« L’état de siège dura plus de deux mois. Il n’y eut heureusement ni morts ni blessés ; mais la position était bien difficile, et M. Lenoir, sur qui pesait toute la responsabilité, montra tout le temps beaucoup de courage, d’activité, de prudence et de sang-froid. La Providence l’avait, il semble, conduit là tout exprès pour réserver un abri à nos collègues ; car de tous nos établissements du Pa-hien, Cha-pin-pa est le seul qui ait été épargné par la persécution de 1886.
« Cependant le calme était revenu, il fallait de suite relever la paroisse de la ville et la résidence épiscopale. En septembre 1887, M. Lenoir entreprenait la construction de l’église qu’il achevait l’an dernier, au mois de juillet. Cet édifice est du meilleur goût, tout le monde en convient ; mais quelle peine ne s’est pas donnée notre pauvre confrère pour en arriver là !… Le comprennent seuls ceux qui ont essayé de faire de l’art dans le poétique Orient. Je passe sous silence les avanies qu’il supporta patiemment, mais dignement, de la part de la populace, que chaque jour la curiosité amenait sur le chantier.
« Très fatigué en juillet 1889, il demanda des vacances. Deux mois de repos passés à la campagne, chez les confrères voisins, le remirent sur pied, et le 28 août suivant il commençait la reconstruction de la résidence épiscopale. Cette fois les travaux allaient tambour battant ; pour marcher plus vite, on multipliait les ouvriers. Oui, mais à mesure que la maison se finissait, l’architecte s’usait. On avait beau lui dire de se ménager, il ne voulait pas se reconnaître malade. Enfin les travaux finis, il se décida à partir en vacances, le 30 juin dernier, pensant que les forces et la santé lui reviendraient, comme l’année précédente, après un ou deux mois de repos.
« Il se rendit à Mou-tong chez son vieux camarade, le P. Landes, qui lui promettait de le soigner comme une maman. Hélas ! tous les soins du bon vieux n’y faisaient rien. Le malade ne reprenait point l’appétit ; on remarquait en lui un malaise général qu’il ne voulait pas reconnaître et qui augmentait chaque jour. Le vendredi matin, 4 juillet, le P. Landes croit nécessaire la visite d’un médecin. Celui-ci est appelé, mais M. Lenoir déclare qu’il n’est pas malade ! « Ce n’est qu’une fatigue excessive que le repos seul soulagera. »
« Ce même jour, onze heures du soir, il est pris de délire. Le P. Landes, averti par les domestiques disposés là pour surveiller malgré lui le malade, accourt et le trouve marchant sans but, soutenu par deux domestiques ; la respiration était courte et pénible, les bras et la poitrine brûlants. Par bonheur, l’arrivée du P. Landes le tire un instant du délire, ce qui permet de lui donner à la hâte l’absolution.
« Dès lors, le malade cesse de parler, on le conduit à son lit, sur lequel il se couche lui-même après y être monté sans le secours de personne. La respiration devient de plus en plus courte et embarrassée. Le médecin appelé en toute hâte lui avait préparé un remède vers minuit : il l’avait énergiquement repoussé. Le P. Landes lui avait alors donné l’Extrême-Onction. A deux heures du matin, 5 juillet, la véritable agonie commençait mais sans autre signe pénible que le râle précurseur de la mort qui lui soulevait la poitrine. Enfin à deux heures un quart, il exhale un long soupir, c’était le dernier.
« Trois jours après, à l’aurore, la barque dans laquelle les chrétiens accompagnaient son corps abordait au pied de la colline de Tsen-kia-gay, cimetière de nos confrères. Bon nombre de chrétiens de Tchong-kin et cinq prêtres, soit indigènes, soit européens, l’attendaient au port et le conduisirent, au chant des prières, à l’endroit qui lui était préparé à côté de la tombe de Mgr Coupat son ancien conchambriste de Paris. »