Jean-Marie Delavay, né en 1834, part pour la mission du Guangdong. Il sera ensuite affecté au Yunnan de 1881 à sa mort en 1895.
Sa correspondance avec Paris permet de découvrir une facette touchante de sa vie, beaucoup moins connue que ses découvertes botaniques : ses efforts pour sauver des esclaves vietnamiens capturés par des pirates chinois.
C’est sur l’île d’« Houi-Tcheou » (région de Leizhou), où il exerce ses fonctions, que le père Delavay découvre le fléau de la traite pratiquée par les pirates chinois. Ces derniers enlèvent des individus afin d’en récolter des rançons ou de les vendre comme esclaves, une entreprise particulièrement lucrative. Ils sévissent en Annam auprès des populations locales en enlevant surtout les femmes et les enfants qu’ils vont vendre en Chine, dans la région frontalière du Guangdong
Dans une des premières lettres de Delavay sur le sujet, on apprend que ce trafic humain se concentre principalement dans le port de « Pak-Hoye » (Beihai) :
« Je veux dire de la traite des Annamites par les pirates chinois. Dans le port de Pak- Hoye où le trafic semble principalement se concentrer. C’est par centaines que chaque jour ces malheureux (de jeunes garçons et surtout de jeunes filles et des femmes) sont vendus et dirigés sur différents points de la province. » (Lettre du 15 mai 1872, au P. Osouf, depuis Houi-Tchéou)
Dans sa correspondance, le P. Delavay fait part de ses efforts pour racheter des esclaves annamites :
« Je fais souscrire en ce moment les chrétiens d’ici pour racheter deux ou trois de ces pauvres chrétiennes mais nos chrétiens sont loin d’être riches et donnent difficilement et peu, pour moi je me mets dans les dettes pour cette bonne œuvre. » (15 mai 1872)
La collecte d’argent sur place ne suffisant pas, Delavay adresse de nombreuses requêtes à ses supérieurs de Paris et au procureur MEP de Canton, leur demandant de débloquer des fonds :
« Bien cher père Osouf, je viens de recevoir votre bonne lettre du 18 juillet par laquelle vous m’amenez la somme de 1100$ pour le rachat d’Annamites chrétiens » (11 août 1873). N’hésitant pas à se faire insistant, le P. Delavay ne compte pas abandonner les esclaves : « Bien cher père Osouf, veuillez m’envoyer par la procure de Canton, pour le rachat des Annamites, la somme de trois cents piastres » (7 octobre 1873), « Bien cher père Osouf, je viens vous prier de vouloir bien envoyer, de l’argent destiné au rachat des Annamites, la somme de 200 piastres ». (18 novembre 1873)
L’on apprend aussi à travers ses lettres que, le transport d’esclaves se faisant entre la côte du Tonkin et le port de Beihai, Delavay œuvre se rend au Tonkin pour tenter d’y démanteler le trafic en amont.
Depuis sa mission du sud de la Chine, le P. Delavay se préoccupe du sort des ex-esclaves annamites une fois rachetés par ses soins et donc libres. Il s’implique personnellement pour organiser au mieux soit leur rapatriement soit leur accueil en Chine.
Le rapatriement est en général réservé aux femmes annamites déjà mariées dans leur pays : « Celles d’entre ces chrétiennes qui ne sont pas mariées peuvent, si elles veulent, se marier à des chrétiens d’ici qui me rembourseront, en tout ou en partie, le prix de l’achat, ce qui permet d’employer la même somme à en racheter d’autres. Mais assez souvent elles ont leur mari à Annam ; ainsi sur huit que nous avons rachetées cette saison, quatre étaient mariées, dont deux ont été rapatriées. » (Lettre du 8 octobre 1872, au P. Osouf, depuis Houi-Tchéou)
« Elles reviendront ici en attendant que je puisse les rapatrier avec les autres chrétiens annamites ; […] je leur donnerai une maison pour habiter et les autres choses nécessaires à leur entretien ». (Lettre du 25 août 1875, au P. Lemonnier, depuis Houi-Tchéou)
[IRFA, archives, cote 555E1]
[Ill.1 : IRFA, iconothèque, DELAVAY Jean-Marie portrait]
[Ill.2 : IRFA, iconothèque, « Canton, amis chrétiens », Chine bt. 10]
[IRFA, iconothèque, « bateaux de pêche », Chine bt. 6]
[IRFA, iconothèque, « mendiant de Canton », Chine bt. 10]
[IRFA, archives, cote 555E].
[IRFA, archives, cote 555P1].
[IRFA, iconothèque, « groupe d’enfants », Chine bt. 10]