Joseph LAIGRE-FILLIATRAIS1822 - 1885
- Statut : Prêtre
- Identifiant : 0536
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Identité
Naissance
Décès
Charges
Missions
- Pays :
- Malaisie - Singapour
- Région missionnaire :
- 1848 - 1885 (Penang)
Biographie
[536]. LAIGRE-FILLIATRAIS, Joseph-Michel-Mathurin, supérieur du Collège général, naquit le 30 août 1822 à Saint-Denis-de-Gastines (Mayenne). Il fit ses études au petit séminaire de Précigné, 1836-1842, au grand séminaire du Mans, et entra diacre au Séminaire des M.-E. le 3 décembre 1846. Ordonné prêtre le 29 mai 1847, il partit le 21 juillet suivant pour l'Extrême-Orient, sans destination précise. Il devait de Singapore se rendre en Cochinchine, si Borelle était au Collège général à Pinang ; dans le cas où ce missionnaire serait parti pour la Cochinchine, Laigre le remplacerait au Collège général. C'est cette dernière éventualité qui se produisit (Voir BORELLE).
Arrivé à Pinang au mois de février 1848, il fut nommé professeur de philosophie, et, en même temps, chargé des classes de chant, de liturgie, et du soin de la chapelle. Le 20 mars suivant, il était secrétaire du Conseil ; le 28 juin 1849, bibliothécaire ; le 6 août 1855 il devenait procureur. Il collabora à la composition de quelques ouvrages didactiques que nécessitait l'enseignement, et composa seul une Arithmétique et une Géométrie. Il parlait assez bien l'annamite, le birman, le chinois et le siamois ; il prit même quelque teinture de cambodgien et de coréen.
Supérieur intérimaire après le décès de V. Martin le 8 juillet 1868, il le devint définitivement le 15 juillet 1869, et conserva cette charge jusqu'à sa mort, tout en professant la théologie tant que ses forces le lui permirent, c'est-à-dire jusqu'en 1881. Au début de son supériorat, l'établissement renfermait environ 120 élèves. Ce chiffre s'éleva, en 1871, à 140 ainsi répartis : Japon 11 ; Kouang-tong 5 ; Tonkin méridional 26 ; Cochinchine septentrionale 29 ; Cochinchine occidentale 16 ; Siam 9 ; Presqu'île de Malacca 4 ; Birmanie 11. Il diminua pendant quelques années, descendit à 85, et peu à peu se releva, car nous le retrouvons à 125 en 1885.
Cette année-là, le 15 avril, Laigre-Filliatrais mourut ; il fut enterré dans la chapelle du Collège. Sa direction avait été ferme en même temps que paternelle.
Nécrologie
M. LAIGRE-FILLIATRAIS
SUPÉRIEUR DU COLLÈGE GÉNÉRAL DE PINANG
Né le 30 avril 1822.
Parti le 21 juillet 1847.
Mort le 16 avril 1885.
Joseph-Michel-Mathurin Laigre-Filliatrais appartenait à une excel¬lente famille de Saint-Denis de Gastines, dans le diocèse actuel de Laval. Il trouva dans les exemples et les belles traditions du foyer domestique les germes de cette piété et de ces vertus qui, dans le cours de sa longue carrière, devaient jeter un si brillant éclat. De bonne heure, il se sentit porté à l’état ecclésiastique ; et même, à la mort de son vénérable père, ses larmes triomphèrent de certains calculs humains par lesquels on se proposait de le retenir dans le monde. Il put donc achever on paix ses études à Précigné (diocèse du Mans) ; et peu après, le diplôme de bachelier ès-lettres venait récompenser ses laborieux efforts.
Mais en même temps que sa jeunesse se développait sous les pre¬mières touches de la grâce divine, arrivaient de l’église d’Annam les désolantes nouvelles de la persécution suscitée par le Néron annamite, Minh-Mang, et aussi les beaux récits du martyre de toute une légion d’apôtres et de fidèles.
On conçoit que le jeune homme, cachant sous des apparences de tranquillité un caractère énergique et la passion du dévouement, s’éprit à la lecture des Annales, et qu’il y trouva, comme nombre d’autres, l’origine de sa vocation à l’apostolat. Peu à peu, le précieux germe se développa dans un terrain si propice ; et le séjour du Grand Séminaire où Joseph se distinguait par sa science théologique, ne fit que donner à la semence un plus rapide accroissement. Lorsque arriva le jour des grandes résolutions, le jeune élu de Dieu, muni de l’assentiment de son évêque, n’écouta « ni la chair ni le sang », et après de touchants adieux à ses confrères du séminaire, s’en vint droit du Mans à Paris. Fidèle à une tradition chère aux mission¬naires manceaux, il ne se rendit aux Missions-Étrangères qu’après un double pèlerinage aux pieds de la très sainte Vierge, à Chartres et à Notre-Dame des Victoires. Il avait été ordonné diacre quelques mois auparavant, et était alors âgé de vingt-quatre ans.
Quand il se présenta à la porte des Missions-Étrangères, en décembre 1846, son extérieur frappa le Supérieur, M. Langlois, qui, voyant ce petit aspirant au visage candide et innocent, lui demanda comment il s’appelait : « Je m’appelle Joseph Laigre. » « Hum ! fit le Supérieur en souriant, vous n’avez pas l’air si aigre que cela. »
Au séminaire de la rue du Bac, la place des Gagelin et des Jaccard, des Borie, des Cornay et des Marchand, était alors occupée par les Schœffler, les Bonnard, les Néron, les Vénard : autant d’apôtres dont les mains cueilleront la palme sanglante sur la terre d’Annam. Un souvenir de ces jours d’autrefois avait un charme particulier pour M. Laigre, et volontiers il le rappelait : après son ordination au sacerdoce, on lui avait donné pour servant de messe celui qui, plus tard, devait être le Vénérable Néron.
Ce dont il parlait moins facilement, par humilité sans doute, et peut-être aussi parce qu’au fond de son coeur il sentait un regret toujours vivace, c’était de ses rêves de martyre. Ses notes nous ont livré ce secret de son âme : « Mon Dieu, écrivait-il, pardonnez à ma fragilité ! Vous savez combien il y a d’années que je sollicite de votre bonté la grâce d’aller en Cochinchine. » Un moment, il put espérer que ses vœux seraient comblés, une double alternative était marquée dans sa destination : ou la Cochinchine ou le Collège de Pinang ; le der¬nier mot à ce sujet lui devait être donné à son arrivée à Singapore.
Mais en même temps que ses désirs trouvaient là comme un nouvel aliment, il ne voulait pas perdre néanmoins une si belle occasion de pratiquer la sainte indifférence. Voici sur ce sujet quelques-unes de ses réflexions : « Il faut avouer que je suis bien faible : l’incertitude où je suis si je resterai au Collège de Pinang, ou bien si j’irai en Cochinchine, m’a causé plusieurs fois des inquiétudes... O heureuse incertitude, ne dois-je pas m’écrier ; combien vous me procurez d’occasions de pratiquer ou plutôt de m’exercer à la sainte vertu d’indifférence. Et pourquoi faut-il qu’elle soit si difficile ? Faire la volonté de Dieu, tel doit être mon unique désir, et je puis la faire aussi bien à Pinang qu’en Cochinchine. »
Ordonné prêtre par Mgr Affre au mois de juin 1847, M. Laigre s’embarqua en juillet à Anvers avec trois autres missionnaires. Le voyage fut pour tous les quatre un temps de travail et de mérites : à bord, comme s’ils eussent été encore dans la chère communauté de la rue du Bac, tout fut réglé et parfaitement ordonné. Le cahier de notes de M. Laigre nous a conservé le petit règlement qu’une fois aguerris avec la mer, ils s’imposèrent d’un commun accord.
« Voyant, dit notre cher confrère, que nous commencions à nous habituer à la mer, nous convînmes de reprendre à peu près les exer¬cices du Séminaire. Le lever à 5 heures ; la sainte Messe à 6 heures ¾ ; l’office à 8 heures ½ . Après déjeuner, quelque temps consacré à la théologie morale. A 1 heure, Vêpres et Complies, suivies de la lecture d’un chapitre du Nouveau-Testament, de l’examen particulier, d’un chapitre de l’Imitation, et enfin d’une conférence sur la théologie morale. Le dimanche et le jeudi, étude des rubriques du bréviaire et du missel et des principaux devoirs du prêtre ; à 5 heures, Matines et Laudes, suivies de la lecture spirituelle ; après la collation, petite discussion sur quelques difficultés de l’Écriture Sainte. A 9 heures, le chapelet et la prière. Deux fois la semaine, au lieu de la lecture spirituelle, conférence spirituelle par l’un de nous. »
De ces quatre missionnaires qui employaient avec tant de fruit les longues journées de la traversée, Dieu en a rappelé trois à Lui, pour leur donner la récompense, MM. Rassat, Bourlier et Laigre-Fillia¬trais. Aujourd’hui, le seul survivant exerce le ministère apostolique dans la Birmane Méridionale : c’est M. Naude-Theil.
Leurs pieux exemples à bord eurent un consolant résultat, et ce fut pour les quatre missionnaires un jour d’inexprimable joie, que celui où ils reçurent l’abjuration d’un matelot qu’ils avaient converti et lui firent faire sa première communion. Ne semble-t-il pas que le bon Pieu ait voulu par là dédommager ses serviteurs des injures qu’ils avaient essuyées pour son amour, alors qu’au moment de leur embarquement, dans les rues de Flessingue, de jeunes enfants pro¬testants leur avaient lancé des pierres ?
« Cet amour de la règle, cette soumission persévérante de soi-même au joug de la loi, cette passion de l’obéissance peuvent nous faire comprendre combien fut prompt et sincère le « Fiat » de notre bien-aimé Père Laigre, quand, à son arrivée à Singapore, il reçut sa desti¬nation définitive pour le Collège Général de Pulo-Pinang, C’en était fait sans doute de ses espérances de martyre ; mais à défaut de cette couronne tant souhaitée, il devait trouver ici, avec un travail inces¬sant et fructueux pour le bon Dieu, sa propre âme, et les âmes des jeunes séminaristes un genre de martyre moins éclatant, mais plus prolongé : celui du sacrifice de la volonté propre, celui de la constante immolation de ses désirs au règlement et à la vie de communauté.
« Dès qu’il eut touché le seuil du collège, il fut tout à son devoir et à ses chers élèves. Maintenant qu’il n’est plus, il est. facile d’ap¬précier la grandeur du bienfait que Dieu avait accordé au Collège Général, en lui envoyant un tel directeur. C’est bien de lui qu’on peut dire en toute vérité, que, s’étant une fois tout donné, il ne se partagea ni ne se reprit jamais, et ne s’exposa pas un seul instant à tomber sous le coup de l’anathème divin : « Nemo mittens manum suam ad aratrum, et respiciens retro aptus est regno Dei. » Désormais le Collège de Pinang sera sa maison ; et aux jeunes élèves qui s’y forment à l’état sacerdotal, il donnera son cœur, ses travaux, sa bourse, son existence, tout ce qu’il est et tout ce qu’il a, sans trêve ni repos, jusqu’à son dernier jour. »
Les élèves du Collège étaient nombreux, et il n’y avait alors en février 1848, que trois directeurs pour faire une besogne à laquelle évidemment ils ne pouvaient suffire : c’étaient MM. Tisserand, Martin et Jourdain. Après une petite retraite, le P. Laigre se met courageusement à l’œuvre. Toutes les différentes charges de la maison, il les a exercées tour à tour : professeur dans les classes de latinité, puis de rhétorique, de philosophie et de théologie ; préposé aussi aux cours secondaires de liturgie, d’Écriture Sainte, de chant, de sciences physiques et mathématiques ; économe pendant quelque temps : il paraissait avoir de l’aptitude pour tous les emplois, jouis¬sant d’ailleurs d’une robuste santé ; et pouvant, dans l’occasion, prêter secours à un confrère moins heureux et l’alléger d’une partie de ses travaux.
En même temps il prit une part très active à la composition de divers ouvrages didactiques latins, nécessaires à l’enseignement.
Digne émule de M. Martin, il paraissait doué, lui aussi, d’une aptitude naturelle pour l’étude des langues. L’annamite et le birman lui étaient d’un usage quotidien ; il possédait assez bien le siamois, et la langue mandarine ne lui était pas étrangère. De plus, lorsqu’à une certaine époque, NN. SS. Miche et Berneux envoyèrent au Collège Général des élèves du Cambodge et de la Corée, ce fut encore M. Laigre qui se mit à l’œuvre pour apprendre ces deux nouvelles langues.
Le cœur des élèves est habile à découvrir le dévouement et l’amour. Aussitôt que M. Laigre fut connu, il fut aimé, et un très grand nombre vinrent lui confier la direction de leur conscience. Dieu seul sait combien de ces jeunes gens lui doivent la persévé¬rance, le salut, et quelques-uns même la grâce de la fidélité à Dieu jusqu’au martyre.
D’ailleurs il s’était donné, afin de pouvoir être plus tôt à la dispo¬sition des élèves, une peine incroyable ; aussi, dans les premières années, son tempérament, si vigoureux qu’il fût, avait succombé à ces labeurs multipliés. Lui-même nous disait cii plaisantant que le premier fruit de ses veilles prolongées avait été une grave maladie, qui pour jamais lui enleva l’envie de se coucher tard.
Et pendant qu’il se dépensait ainsi tout entier dans ses travaux de professeur et de directeur, il voyait encore à deux reprises ses occu¬pations et sa responsabilité augmenter par la charge de Supérieur intérimaire, lors de l’absence de M. Martin, envoyé au pays natal pour rétablir une santé délabrée. Plus tard, à la mort de ce digne et vénéré Supérieur, M. Laigre fut placé à la tête du Collège Général ; il devait y rester jusqu’à son dernier jour. Quant à sa classe de théologie, ce n’est qu’en 1881, après trente-trois années de Dans l’exercice de ses fonctions de Supérieur, le P. Laigre apporta la même constance et la même fidélité que dans l’enseignement et la direction spirituelle, et soit que l’on envisage l’administration du temporel, soit que l’on examine l’esprit qui règne au sein de la communauté, on peut s’apercevoir qu’en effet d’heureux progrès se sont réalisés.
Ainsi marchait le Collège Général, sous cette paternelle direction du bien-aimé et vénéré Supérieur. Sans doute, avec l’âge, l’affaiblis¬sement était arrivé ; sa vigoureuse constitution résistait cependant, et on espérait le posséder longtemps encore lorsqu’il mourut pres¬que subitement dans la nuit du 15 au 16 avril.
« Depuis quelques jours, écrit M. Guéneau, M. Laigre était fatigué plus que d’habitude ; nous l’attribuions aux grandes chaleurs ; lui-même pensait comme nous et nous assurait que la fraîcheur de la saison des pluies le remettrait.
« Le mercredi, 15 avril, jour de promenade à notre maison de cam¬pagne, le cher Père célébra la sainte Messe comme d’habitude, et tandis que nous nous rendions avec toute la communauté à Mario¬phile, le bon P. Laigre demeurait tranquillement à la maison avec quelques élèves. Dans la matinée, il fit sa visite quotidienne au Saint-Sacrement, récita ses Petites Heures et ses chapelets.
« Vers dix heures, il descend : les élèves l’aperçoivent marcher pré¬cipitamment en retournant vers sa chambre, et, arrivé au bout du corridor, s’appuyer contre une colonne. Ils accourent aussitôt à son aide, et le conduisent jusqu’à l’escalier, où ils le voient s’affaisser sur la dernière marche. Au plus vite ils le portent jusque dans sa chambre et le font asseoir dans son fauteuil.
« Vers midi, il les renvoya tous, leur disant qu’il allait bien, et n’avait pas besoin de leurs services. Rien d’extraordinaire ne parut dans son état à un confrère qui revint de Mariophile vers trois heures.
« Au retour de la Communauté, il était cinq heures environ. Le Père qui ramenait les élèves étant allé à la chambre du cher malade, le trouva sur son fauteuil, le regard éteint, la respiration difficile, la langue paralysée. En vain il lui parle, le Père ne peut répondre, ni même regarder celui qui lui adresse la parole. Effrayé, ce confrère lui demande s’il veut recevoir l’Extrême-Onction : efforts pour par1er, mais nulle articulation n’est possible. On s’empresse donc de lui donner l’absolution et le sacrement de l’Extrême-Onction.
« Le médecin appelé à la hâte ne put venir que vers six heures et demie, et tout de suite il déclara que c’était une attaque d’apoplexie, accompagnée de paralysie, et qu’il n’y avait rien à faire : notre cher Supérieur n’avait plus que quelques moments à vivre.
« A neuf heures, une crise de toux survint et l’agonie commença. Nous étions tous là, entourant son lit, et aux invocations pieuses qui lui étaient suggérées, plusieurs crurent apercevoir certains signes témoignant qu’il comprenait, surtout au nom de saint Joseph, son patron. L’agonie fut pénible et longue. A onze heures trois quarts, le râle cessa tout d’un coup, et après quelques courtes respirations, l’âme de notre bien-aimé Père s’envolait vers le ciel. »
Références
[0536] LAIGRE-FILLIATRAIS Joseph (1822-1885)
Bibliographie. - Les ouvrages ci-dessous indiqués, ont été imprimés e typis Seminarii generalis missionum gallicarum, Pulo-Pinang.
Elementa Arithmeticæ. - 1859, in-8, pp. 74.
Elementa Geometriæ. - 1861, in-8, pp. 92.
Ouvrage sans nom d'auteur imprimé ou réimprimé pendant son supériorat :
Elementa Grammaticæ latinæ. - 1874, in-16, pp. 344.
Notes bio-bibliographiques. - C.-R., 1902, p. 329. - Sem. rel. Laval, 1884-85, pp. 620, 637.
Nos miss., Notice, p. 173.
Notice nécrologique. - C.-R., 1885, p. 179.