Jean-Marie LE GUILCHER1828 - 1907
- Statut : Prêtre
- Identifiant : 0641
Identité
Naissance
Décès
Autres informations
Missions
- Pays :
- Chine
- Région missionnaire :
- 1853 - 1907
Biographie
[641]. LE GUILCHER, Jean-Marie, né le 4 avril 1828 à Ploëzal (Côtes-du-Nord), entra diacre au Séminaire des M.-E. le 1er janvier 1852, reçut la prêtrise le 18 décembre suivant, et partit pour le Yun-nan le 19 avril 1853. Il débuta à Hoang-kia-pin, non loin de Ta-li, où il resta assez longtemps. Il eut à supporter bien des misères, surtout de la part des Mahométans qui, révoltés contre le gouvernement chinois, l'obligèrent plusieurs fois à prendre la fuite.
Il se fixa ensuite à Ta-pin-tse en 1868 ; il y reçut de Lagrée et ses compagnons de l'expédition du Mékong. Il leur rendit des services signalés qui faillirent lui coûter la vie ; aussi F. Garnier n'a fait que remplir un devoir de justice, en écrivant ces lignes dans son ouvrage Voyage d'exploration en Indo-Chine : " Je désire vivement que ce livre porte au P. Le Guilcher l'expression de ma gratitude pour les immenses services qu'il a rendus à l'expédition française, de mon admiration pour un courage et un dévouement qui lui semblent si naturels. "
Après la révolte, le missionnaire construisit à Ta-pin-tse une église, une résidence et des écoles. Il établit ensuite un poste à Ta-li, chef-lieu de la région, en achetant la résidence d'un des chefs de la rébellion mahométane ; il y passa trente ans, acquit dans la ville une certaine influence, et rendit des services à plusieurs explorateurs européens. En 1883, il fut nommé provicaire. En 1900, lors de la révolte des Boxeurs, il dut par ordre, et bien contre son gré, quitter son poste où on le croyait en danger. Il prit la route de Birmanie avec trois autres missionnaires, arriva sain et sauf à Mandalay, puis gagna Rangoon, et alla passer quelque temps à Hong-kong, où s'étaient réfugiés son vicaire apostolique Fenouil, et plusieurs missionnaires du Yun-nan. Retourné à Ta-li, il travaillait à organiser le poste de Mong-hoa, lorsque les mandarins opposèrent à la confiance parfois trop grande du missionnaire des obstacles, d'où s'ensuivit un procès. Le Guilcher dut se rendre dans ce village ; c'est là qu'il mourut le 22 janvier 1907. Son corps rapporté à Ta-li fut enterré près du presbytère. Les archives du Séminaire des M.-E. possèdent de lui un manuscrit plein de détails, malheureusement trop peu précis, sur l'histoire catholique du district qu'il évangélisa.
Nécrologie
M. LE GUILCHER
PROVICAIRE APOSTOLIQUE DU YUN-NAN
Né le 4 avril 1828
Parti le 19 avril 1853
Mort le 22 janvier 1907
« La tombe s’était à peine refermée sur Mgr Fenouil, vicaire aposto¬lique du Yun-nan, qu’elle s’ouvrait à nouveau pour le provicaire de la même mission, M. Jean-Marie Le Guilcher. C’est 1e 22 janvier 1907 que s’est éteint, à Mong-hoa, ce dernier survivant de la première génération apostolique du vicariat.
Né le 4 avril 1828 à Ploëzal, dans l’arrondissement de Guingamp, au diocèse de Saint-Brieuc, M. Le Guilcher entra diacre au Séminaire des Missions-Étrangères, le 1er janvier 1852. Ordonné prêtre à Noël de la même année, il fut destiné à la mission du Yun-nan, érigée en vicariat apostolique en 1843, et quitta la France le 19 avril 1853.
« Son entrée en Chine ne fut dépourvue ni d’imprévu, ni d’aventures. La révolte des Tai-pin troublait tout l’est de l’empire. Les voies fluviales se trouvaient interceptées par les insurgés, il fallut obliquer fortement vers le nord, et suivre des chemins peu fréquentés. On devine ce que dut être ce voyage de plusieurs mois, fait en grande partie à pied, dans un pays païen, sous l’ère des persécutions, par un jeune prêtre, ignorant tout du céleste Empire. Les alertes, les moments critiques ont laissé peu de place au confort et à l’agrément. C’est grâce à une protec¬tion spéciale de la divine Providence, que M. Le Guilcher arriva sain et sauf auprès de son évêque, Mgr Ponsot, au commencement de l’année 1854.
« M. Le Guilcher fit ses premières armes dans la région septentrionale voisine du Su-tchuen. Son zèle lui fit bientôt rêver de plus larges hori¬zons. La vaste région de l’ouest, assez peu explorée encore, lui fut adjugée. C’est un pays égal à un quart de la France qu’il avait mission d’évangéliser.
« Précédemment, M. Huot, de vénérée mémoire, y avait fondé la chrétienté de Ta-pin-tse, véritable pusillus grex (petit troupeau) perdu dans cette immensité. Mais la création récente du collège de Tchen-¬fong-chang ayant rappelé ce missionnaire dans le nord, son œuvre était menacée d’une ruine complète, lorsque M. Le Guilcher vint prendre sa succession et continuer ses travaux, au milieu des plus grands dangers.
La terrible révolte des musulmans, qui tenaient en échec les troupes impériales, avait accumulé les ruines dans l’ouest plus qu’ailleurs, car elle avait fait de Ta-ly, sa principale ville, le boulevard de la résistance. La loi du sabre terrorisait les populations, ruinait les villes et les bourgades.
« De moyenne stature, d’une apparence plutôt frêle, mais doué d’une énergie et d’une ténacité rares, M. Le Guilcher allait essayer non de lutter contre un adversaire irréductible, mais d’installer de modestes oratoires aux côtés de la mosquée triomphante. La tentative était hardie, il ne lui fallut pas moins que l’opiniâtreté du Breton, pour tenir barre, sans faiblir, à la malveillance qui le harcela pendant treize ans. Rallier son troupeau épars, relever son moral abattu, le tenir en garde contre les surprises de l’ennemi, l’accompagner dans sa retraite à l’heure du danger, se prodiguer de jour et de nuit pour dis¬penser à chacun les secours spirituels et corporels, tel fut son rôle à cette époque critique. Combien d’installations provisoires n’a-t-il pas vues démolies par les insurgés, ou livrées aux flammes par les impériaux ! Sa seule ressource alors était de loger à la belle étoile, ou de se réfugier dans quelque caverne.
« Un jour qu’il se dirigeait vers Ma-chang, petit poste chrétien, il se heurta tout à coup aux avant-gardes d’un corps d’armée musul¬man. Passer outre était impossible ; revenir sur ses pas ou prendre une tangente aurait excité les soupçons des sentinelles aux aguets. Bravement, le missionnaire demande à être présenté au général. Or, le général se trouvait être le féroce Yang-u-Ko, l’irréconciliable ennemi des Européens et des chrétiens. C’était se jeter entre les griffes du lion. Par quelle bizarrerie le monstre épargna-t-il une proie si sortable, personne ne l’a jamais compris. Toujours est-il qu’avec un sauf-conduit autographe, M. Le Guilcher reçut en présent un énorme bouc, qui, traîné à sa suite, attesta à tous les yeux ébahis l’accueil cordial du terrible grand homme.
« En même temps que le cimeterre, un autre fléau non moins redou¬table désolait la chrétienté de Ta-pin-tse. Tant qu’elle fut administrée par notre regretté défunt, la peste bubonique y sévit périodiquement à la saison chaude. A chaque reprise, aussitôt que les rats comnmen¬çaient à périr, l’unique remède était de fuir les milieux contaminés, et de camper sur les montagnes. Il fallait alors au missionnaire une rare énergie pour activer l’exode de ses chrétiens. L’un ne voulait pas abandonner une récolte presque mûre ; l’autre prétextait un rendez-vous important. Dieu a toujours béni ceux qui obéissaient à leur pas¬teur et aucun d’eux n’a été victime du fléau.
« Dans des circonstances si défavorables, il n’y a pas lieu de s’éton¬ner du peu de conversions opérées par M. Le Guilcher, au cours des vingt premières années. En 1874, lorsque, enfin, la répression sanglante de cette terrible insurrection musulmane permit au Yun-nan de respirer en paix, la propagande religieuse jouit, elle aussi, d’une liberté d’action relative. C’est à cette époque que remonte la construc¬tion de l’église, de la résidence, des écoles que Ta-pin-tse doit au zèle de son missionnaire. Il peut être considéré à juste titre comme le vrai fondateur de cette paroisse, car c’est à lui qu’elle est redevable en outre de cet esprit profondément chrétien qui la fait noter comme paroisse modèle.
« Depuis longtemps M. Le Guilcher rêvait d’introduire le catholicismne à Ta-ly-fou même, c’est-à-dire au chef-lieu de cette région de l’ouest. Le frère de Tou-Ouen-Siou, un des grands chefs de la révolte comprimée, ne comptait guère préparer un pied-à-terre à l’humble apôtre, lorsqu’il élevait en ville sa spacieuse résidence. Profitant du désarroi mahométan, celui-ci se porta acquéreur de l’immeuble abandonné, et en fit le centre de ses opérations. De là, il assura par son influence l’éclosion des diverses chrétientés qui ont surgi ces der¬nières années autour de Ta-Iy.
« Ce ne sont pas seulement les convertis de l’ouest qui proclament son affabilité, bon nombre d’Européens l’ont mise à contribution. Déjà en 1868, les compagnons de M. de Lagrée recevaient à Ta-pin-tse l’hospitalité spartiate, mais combien cordiale, du vétéran de l’ouest. Leur relation de voyage a relaté les mauvaises passes d’où les a tirés son patriotique dévouement, aussi bien que la gratitude que lui gardèrent nos officiers.
« Français, Anglais, Allemands, tous les Européens en un mot, qu’attira dans cette région la situation géographique tant convoitée de Ta-ly, se sont félicités de l’accueil avenant de notre confrère. Lui-même gardait le meilleur souvenir de ces visites fortuites. Mais par¬fois son cœur sacerdotal regrettait que tant de courage, mis par ses hôtes au service de la science, s’alliât trop souvent à l’indifférence religieuse, pour ne rien dire de plus. C’était la seule critique qu’il se permît à leur égard.
« Malheureusement pour lui, et parfois pour ses confrères, il manquait à M. Le Guilcher la méfiance indispensable à ceux qui vivent au milieu des Chinois retors. Aussi, son zèle et sa générosité furent-ils plus d’une fois déçus. Ce petit défaut, il l’atténuait par un redouble-ment de ferveur et de confiance en Dieu ; pourtant il lui fut fatal.
« A deux jours de Ta-ly-fou, dans la ville de Mong-hoa, une station chrétienne s’était formée sous des auspices heureux et pleins d’espé¬rance. Le moment était venu d’acheter, en ville, une résidence pour le prêtre préposé à la formation des néophytes. Mais l’astuce mandari¬nale, masquée par des protestations de sympathie, suscita tant et de si invraisemblables obstacles à l’établissement projeté, qu’il s’en suivit un procès interminable.
« J’étais allé fêter Noël dans une station éloignée, écrit M. Duffau, lorsque j’appris que M. Le Guilcher était tombé gravement malade à Mong-hoa. Très désireux d’en finir avec l’opposition du prétoire, il n’avait pas craint, malgré des infirmités et le froid de décembre, de porter le concours de son expérience là où il crut que son devoir l’appelait.
« Mais la fatigue du voyage, jointe aux inquiétudes du moment, eut bientôt raison de sa chétive santé. Le lendemain de Noël, il s’alita, ne croyant encore qu’à une indisposition ordinaire. Vers le 10 janvier, son état s’aggrava au point que le P. Siao, un prêtre chinois, lui con¬féra les derniers sacrements en grande hâte. J’arrivai le surlendemain et trouvai le provicaire tranquille mais bien affaibli.
« Malgré nos paroles d’espoir et les soins dont il fut entouré, le mal s’accroissait sensiblement. Bien qu’il ne se fît aucune illusion sur son état, le patient priait ou conversait avec une sérénité d’âme éton¬nante.
« Le 22 janvier au matin, nous ayant adressé quelques mots, il reçut une dernière absolution de M. Durieu, un jeune confrère récemment arrivé dans l’ouest.
A 10 heures du matin, il exhalait son dernier soupir sans agonie. L’uni¬que regret du cher défunt avait été de mourir en dehors de son poste de Ta-ly. Aussi, décidâmes-nous de faire transporter sa dépouille mor¬telle au lieu où s’étaient écoulées les trente dernières années de sa vie apostolique.
« Le récent procès de Mong-hoa, encore pendant, nous avait valu l’inimitié du mandarin. Cependant, faisant trêve à sa rancune, il adjoi¬gnit une modeste escorte militaire au cortège funèbre. A Ta-ly-fou, ce fut tout autre chose : à peine apercevait-on les murs de la grande ville que les chrétiens accoururent en larmes à la rencontre du cercueil.
« Dans un site magnifique, une tente militaire et un autel avaient été dressés pour recevoir la bière. Toute la nuit, les chrétiens, s’y succé¬dant par groupes, psalmodièrent l’office des morts. Le lendemain, le P. Durieu bénit la dernière demeure de notre cher provicaire, où il dort son dernier sommeil, aux côtés de son ami et ancien collaborateur M. Proteau.
« Ses désirs étaient exaucés : que de fois n’avait-il pas exprimé le souhait de ne plus quitter la région qu’il évangélisait depuis un demi-siècle. Il y est mort en combattant et y attendra le dernier jugement.
« Et dans ces lointains pays, où nous aurions voulu voir réunis ses nombreux amis, nous étions deux missionnaires et un prêtre indigène pour dire le dernier adieu au vénéré provicaire, au nom de la mission du Yun-nan, de ses parents et amis.
« Puisse-t-il, du ciel, où l’ont sûrement conduit ses vertus, nous obte¬nir la constance avec des succès pareils à ceux de son apostolat !
~~~~~~~
Références
[0641] LE GUILCHER Jean-Marie (1828-1907)
Notes bio-bibliographiques. - C.-R., 1874 (déc.), p. 13 ; 1875, p. 18 ; 1877, pp. 16, 39 ; 1878, p. 21 ; 1879, p. 29 ; 1881, p. 46 ; 1883, p. 122 ; 1884, pp. 70 et suiv. ; 1886, p. 62 ; 1888, p. 232 ; 1891, p. 107 ; 1903, p. 109 ; 1905, p. 93 ; 1906, p. 102 ; 1907, p. 134. - A. P. F., xlvii, 1875, Mort de M. Baptifaud, p. 242 ; Ib., p. 247 ; l, 1878, p. 242. - A. S.-E., x, 1858, p. 71 ; xi, 1859, p. 111 ; xxii, 1870, p. 222. - M. C., v, 1873, p. 122 ; vii, 1875, Massacre de M. Baptifaud, p. 34 ; Ib., p. 88 ; Ib., Evénements de Pien-kiao, p. 209 ; Ib., p. 213. - B. O. P., 1892, p. 586. - Sem. rel. Saint-Brieuc, 1907, Sa mort, p. 198 ; Ib., Notice, p. 287. - Le Tour du Monde, 1873, 1er sem., pp. 284 et suiv., 318, 323 et suiv., 330, 335 et suiv., 351, 352 ; 1901, 1er sem., p. 1. - L'Explorateur, 1875, 2e sem., p. 62.
Hist. gén. Soc. M.-E., Tab. alph. - Hist. miss. Thibet, Tab. alph. - Voy. d'expl. en Indo-Ch., i, pp. 505 et suiv., 523, 535, 539. - Voy. au Yun-nan, pp. 204 et suiv. - Du Tonk. aux Indes, p. 119.
Notice nécrologique. - C.-R., 1907, p. 359.
Portrait. - Du Tonk. aux Indes, p. 119.