Nicolas FIOT1846 - 1880
- Statut : Prêtre
- Identifiant : 1041
- Bibliographie : Consulter le catalogue
Identité
Naissance
Décès
Biographie
[1041]. FIOT, Nicolas-Abel, le missionnaire qui ouvrit le Laos tonkinois à l’Evangile, naquit le 2 novembre (m) ou le 2 décembre (é) 1846 à Saint-Broingt-le-Bois (Haute-Marne). Ses études faites au petit et au grand séminaire de Langres, il entra tonsuré au Séminaire des M.-E. le 1er février 1867. Prêtre le 28 octobre 1869, il fut envoyé le 18 janvier 1870 au Tonkin occidental, et commença ses travaux apostoliques dans la province de Thanh-hoa. Il administra ensuite dans celle de Hanoï un grand district composé de cinq paroisses, et se dépensa avec une telle ardeur qu’il en compromit sa santé. On le nomma alors professeur au petit séminaire de Hoang-nguyen, ce qui ne l’empêcha pas d’exercer de temps à autre les fonctions du saint ministère dans les chrétientés voisines.
Il demanda à se consacrer à l’évangélisation du Laos. « Son zèle pour le salut des âmes, son courage à affronter les dangers, et la force d’âme dont il était doué, joints à une fidélité exemplaire à suivre le règlement qu’il s’était tracé, dit Mgr Puginier, son vicaire apostolique, me le firent juger apte à cette entreprise difficile. »
Le 3 novembre 1878, il partit pour cette région, et après plusieurs mois de fatigues et d’épreuves, il fonda une première chrétienté à Na-ham. L’année suivante, il obtint de très encourageants succès dans un rayon assez étendu. Plusieurs missionnaires lui furent adjoints avec de nombreux catéchistes. En 1880, en se rendant près de son vicaire apostolique, un accident du radeau qui le portait, et une pluie torrentielle redoublèrent la fièvre dont il était déjà atteint¬ ; peu de jours après, le 13 septembre, il mourut à Hao-nho, province de Ninh-binh.
« Plus de cinq cents personnes baptisées¬ ; au moins trois cents catéchumènes déjà instruits¬ ; de huit à dix mille Laotiens ou sauvages qui ont demandé à embrasser notre sainte religion et dont la conversion paraît sincère¬ ; trois églises élevées¬ ; plusieurs chrétientés établies¬ ; des travaux précieux sur la langue du pays¬ ; un abrégé des principales vérités de la doctrine chrétienne¬ ; les prières les plus usuelles traduites¬ ; des renseignements utiles à ses successeurs¬ ; une influence considérable acquise aux missionnaires du Laos¬ ; voilà, écrivait Mgr Puginier, le résumé des travaux et des conquêtes de ce regretté confrère. »
Malheureusement, les espérances qu’avaient avec raison inspirées ces beaux et rapides succès, ne se réalisèrent pas. La mission du Laos, bouleversée en 1884 par le massacre des missionnaires et par la trahison de quelques néophytes, ne s’est pas encore complètement relevée de ses ruines.
Nécrologie
[1041] FIOT Nicolas (1846-1878)
Notice nécrologique
« La Mission nouvellement établie au Laos, écrivait Mgr Puginier à la date du 24 septembre, est en deuil par la mort de son premier apôtre, M. Fiot, décédé le 13 septembre courant, à six heures du soir. C’est un saint ouvrier de moins dans la vigne du Seigneur. La perte sera vivement sentie par les peuplades sauvages et laociennes, auprès desquelles le Père avait su acquérir une grande influence.
« M. Fiot était en route pour venir m’entretenir du Laos, me communiquer le dictionnaire, le catéchisme et le livre de prières nouvellement traduits, me faire connaître la situation de sa chrétienté, le bien déjà réalisé et les espérances à peu près certaines de nombreuses conversions. Il voulait me demander un renfort considérable de Missionnaires et de catéchistes, et s’entendre avec moi sur plusieurs questions d’un intérêt majeur pour cette station naissante. Lui seul connaissait à fond l’état des choses, lui seul pouvait me donner les renseignements utiles qui doivent me guider dans les mesures à prendre pour le développement de la Mission du Laos.
« M. Nicolas-Abel Fiot, né à Saint-Broing-le-Bois, diocèse de Langres, en novembre 1846, avait une âme fortement trempée, ardente et généreuse. Après avoir fait ses études, jusqu’en philosophie inclusivement, d’abord au petit, puis au grand Séminaire de Langres, il se sentit appelé à la vie apostolique dans les Missions lointaines. Il entra tonsuré, en 1867, au Séminaire des Missions Étrangères, où il suivit les cours de théologie. Après s’être exercé pendant trois ans à la vie sacerdotale et apostolique, il fut ordonné prêtre et reçut pour destination la Mission du Tong-King occidental, où il arriva au mois d’avril 1870, en compagnie de M. Bareille et de M. Thoral. Quelques mois d’étude de la langue annamite le préparèrent à l’apostolat ; je l’envoyai comme auxiliaire de M. Perreaux dans le district de Thanh-hoa.
« L’année suivante, je le chargeai de la direction d’un district composé de cinq paroisses dans lesquelles il allait successivement donner les exercices de la Mission. Il se livrait avec ardeur au travail du saint ministère , au point que sa santé en ressentit une forte secousse. Je crus alors prudent de le placer dans une position plus tranquille, et je le nommai professeur dans un de nos collèges. Là , tout en s’occupant des ses élèves , il consacrait ce qui lui restait de temps à la direction spirituelle et temporelle de la chrétienté dite Hoang-Nguyên. Il employait aussi ses loisirs à composer une série de lectures pour le mois de saint Joseph auquel il avait une grande dévotion.
« Au mois d’octobre 1878, à la suite de sa retraite annuelle, M. Fiot, sachant que j’avais l’intention de faire prêcher la religion au Laos, me demanda à se consacrer à cette mission de dévouement . Son zèle pour le salut des âmes, son courage à affronter les dangers, et la force d’âme dont il était doué, joints à une fidélité exemplaire à suivre le règlement qu’il s’était tracé, me le firent juger apte à cette entreprise difficile. Après quelques jours de préparatifs, le Père, accompagné de nos vœux et de nos prières , partait de notre communauté de So-Kien, chef-lieu de la Mission, le 3 novembre 1878, avec un prêtre indigène et une douzaine de catéchistes ou servants.
« Arrivé à la dernière paroisse que l’on rencontre avant de s’enfoncer dans les montagnes à l’ouest de la Mission, il s’y arrêta quelques jours pour compléter les préparatifs du voyage qui, à partir de là , devait s’effectuer en petites barques. Il se mit de nouveau en route le 21 novembre, jour de la fête de la Présentation de Marie, et, après une navigation de dix-huit jours à travers les rapides, il parvint sans accident à Luc-Canh, endroit désigné d’avance pour l’établissement du premier poste de la Mission du Laos.
« C’est le jour de la fête de l’Immaculée-Conception, que ce pays, resté jusque-là fermé à la lumière, a vu arriver ces premiers apôtres ; par la célébration du saint sacrifice de la Messe, les ministres du Seigneur prirent spirituellement possession de ce nouveau royaume au nom de leur Maître céleste : première offrande de l’holocauste divin sur une terre infidèle, qui dut grandement réjouir le Ciel !
« Mais le Seigneur se plaît souvent à faire sa croix à ses apôtres ; aussi voulut-il éprouver par les souffrances les premiers Missionnaires du Laos, avant de leur accorder les consolations de leur ministère . M. Fiot et toute sa suite furent reçus comme des ennemis dangereux par les notables du village de Luc-Canh. Adonnés à toutes sortes de vices, habitués à vivre d’exactions et à opprimer le peuple, voyant dans les prédicateurs de l’Évangile des hommes justes et amis des pauvres, dont les vertus et le désintéressement ne manqueraient pas de gagner l’affection de tous, ils se concertèrent pour mettre des entraves à l’établissement des nouveaux arrivés, et, tout en conservant certaines apparences d’humanité, ils défendirent secrètement aux habitants de leur fournir un logement, des vivres, du bois et des ouvriers.
« M. Fiot, se trouvant sans asile, dut s’imposer à un des chefs du village qui n’osa pas le chasser de sa maison. Pendant plus de six mois il lui fallut se tenir en garde et lutter contre les agissements continuels de personnages influents.
« Plus d’une fois le Père et ses hommes manquèrent du nécessaire ; mais le Seigneur, qui n’abandonne jamais les siens, leur fit enfin connaître un mandarin laocien, éloigné de deux journées de marche. Celui-ci s’offrit à leur procurer du riz et à leur faire transporter gratuitement à domicile.
« Pendant ce temps d’épreuves, M. Fiot visita plusieurs villages qui avaient demandé à recevoir le Missionnaire ; mais partout il trouvait les cœurs fermés, toujours à cause d’une influence secrète venant de haut.
« La maladie ne tarda pas à éprouver le personnel de cette expédition apostolique : le Père et tous ses hommes furent pris de la fièvre presque en même temps. Comme ils n’avaient personne pour les soigner, ils devaient se remplacer mutuellement les uns auprès des autres, dans les rares intervalles de tranquillité que les accès leur laissaient. M. Fiot surtout fut éprouvé d’une manière particulière : tantôt son corps enflait dans des proportions considérables ; tantôt il souffrait d’une espèce de dyssenterie, tantôt d’un rhume terrible avec des crachements de sang. Depuis son entrée au Laos, à part les deux premières semaines, je doute que le Père ait passé un seul jour sans être malade. Mais, grâce à sa force de caractère, il savait triompher de ses souffrances continuelles, il ne cessait de travailler à l’étude de la langue, à la composition d’un dictionnaire et à la traduction du catéchisme et des prières les plus usuelles. Même au milieu des accès de fièvre, il s’enveloppait d’une couverture et continuait son travail.
« Dans les jours où il était moins souffrant, M. Fiot visitait les villages sauvages des environs et diverses tribus laociennes ; car il faut remarquer que dans ce pays, frontière d’Annam et du Laos, il y a deux populations parfaitement distinctes, ayant leurs coutumes particulières bien qu’elles habitent le même territoire.
« Les villages sauvages appelés Châu, appartiennent à l’Annam, tandis que les Laociens, qui les avoisinent, n’en sont que des tributaires.
« Le Missionnaire, s’il avait pour ennemi les chefs des villages sauvages Châu, était au contraire en grande estime auprès du peuple, et surtout des tribus laociennes dont il avait su gagner l’affection et la confiance.
« Après six mois d’épreuves de toutes sortes, le Seigneur eut pour agréables la patience et le zèle de ses serviteurs, et ménagea à leurs cœurs d’apôtres les premières consolations. De retour d’un voyage qui avait failli lui coûter la vie, M. Fiot trouva chez lui un Laocien de la petite tribu de Na-Hàm ; il venait lui demander à embrasser la religion chrétienne. Cet homme lui raconta que trois ans auparavant un inconnu lui avait dit : « Dans quelque temps viendra un prédicateur de la religion , il sera d’une taille élevée, sa figure sera blanche et légèrement rose ; ses doigts seront longs ; il faudra le suivre, parce qu’il enseignera de bonnes choses. »
« C’était là le portrait assez ressemblant de M. Fiot ; aussi, en voyant le Père, le Laocien crut reconnaître le personnage dont l’arrivée lui avait été annoncée par le devin. Je dis que cet inconnu était un devin, car il n’est pas rare de rencontrer au Laos des individus extraordinaires qui prennent le titre pompeux de fils du ciel : ils exhortent les hommes à observer la loi naturelle, à s’abstenir de la fornication, du vol, et à ne pas fumer l’opium. Ces devins, qui affectent de mener une vie étrange, sont entourés d’un certain prestige, et ils opèrent, dit-on, des choses surprenantes, sans doute par le secours d’une puissance mystérieuse.
« M. Fiot, à la prière du Laocien, envoya un catéchiste visiter la tribu de Na-Hàm, distante d’une journée et demie de marche à travers les montagnes, et celui-ci la trouva bien disposée en faveur des apôtres de la religion. Au bout de quelques jours , le chef fit inviter le Père à aller s’établir dans sa tribu, lui offrant des cases convenables.
« Au mois de juillet suivant, en1879, M. Fiot quitta donc le village de Luc-Canh, qui s’était montré infidèle à la grâce , et alla se fixer à Na-Hàm. Il m’écrivait deux mois plus tard qu’il espérait que toute cette tribu, composée de sept à huit cents âmes, se convertirait à notre sainte Religion. En effet, ces gens, de mœurs simples, convaincus par les exhortations que le Père sut leur faire à propos sans les choquer, demandèrent à embrasser le christianisme et détruisirent eux-mêmes tous les objets superstitieux du paganisme.
« M. Fiote s’empressa d’ouvrir autant de catéchuménats que le nombre des catéchistes à son service lui permettait d’en avoir ; mais son personnel devenant insuffisant , et la moisson étant abondantes et déjà mûre, il s’empressa de m’écrire pour me demander des auxiliaires.
« Au mois de février dernier, je lui adjoignis M. Thoral et M. Pinabel qui parvinrent le 18 mars au Laos avec quinze catéchistes ou servants. Au bout de quelques jours, le nombre des catéchumènes atteignit le chiffre de huit cents, tant à Na-Hàm que dans d’autres localités sauvages des environs. Les demandes d’instruction religieuse se multiplièrent de plus en plus, à mesure que la bonne nouvelle et la réputation des apôtres du Seigneur s’étendaient dans le pays.
« Ce mouvement se manifesta surtout à l’occasion d’un voyage que M. Fiot effectua au mois de mai dans trois vastes cantons. Le Père était à peine arrivé dans un village que les habitants des localités voisines battaient le tambour pour se réunir et aller l’inviter à se rendre chez eux, demandant à se faire chrétiens. Le nombre de Missionnaires et de catéchistes devint de nouveau insuffisant pour faire face au travail, et on dut ajourner l’instruction d’un grand nombre de villages, entre autres de celui où résidait un petit mandarin laocien qui a sollicité, à différentes reprises , la faveur de se convertir avec toute sa famille et la plupart de ses administrés.
« C’est alors que M. Fiot se décida à profiter de la fin de la saison des grandes eaux pour venir m’exposer l’état de la chrétienté du Laos et ses espérances pour l’avenir.
« Le Père se mit en route le 28 août , encore affaibli par une maladie que lui avaient occasionnée les chaleurs de l’été et les fatigues d’une course récente au milieu des tribus laociennes. Le changement d’air ne pouvait que contribuer à rétablir sa santé et la descente par le fleuve ne devait pas être longue. Le voyage se faisait en radeau de bambous, comme cela se pratique ordinairement dans ces montagnes au moment des grandes eaux.
« Malheureusement , au passage d’un rapide dangereux, le radeau fut jeté sur un écueil et se disloqua. M. Fiot et ceux qui l’accompagnaient purent se cramponner au rocher et le gravir ; mais ils avaient perdu toutes les provisions et les remèdes emportés pour le route. Ils furent, dans cet état, surpris par une pluie torrentielle qu’ils durent essuyer sans avoir rien pour se protéger.. Les eaux du fleuve, grossies par de nombreux affluents, montaient rapidement et nos malheureux naufragés étaient menacés de se voir engloutis. Heureusement une barque vint à passer et leur sauva la vie.
« Toutes ces fatigues et ces souffrances occasionnèrent une rechute ; bientôt la maladie de M. Fiot alla s’aggravant de plus en plus. Après quelques jours d’une navigation rapide, il arriva le 7 septembre à une paroisse nommée Hào-Nho, située dans la province de Ninh-Binh. Il était tellement exténué qu’il dut s’arrêter dans ce village, malgré son vif désir d’atteindre le collège latin de Phùc-Nhac, distant seulement de trois lieues. Deux Missionnaires du collège, MM. Dumoulin et Ravier, ainsi que M. Mignal, chargé du district voisin, prévenus de l’arrivée de M. Fiot, s’empressèrent de se rendre auprès de lui pour lui donner leurs soins. Les médecins du pays parvinrent à procurer au Père un soulagement sensible et la maladie sembla changer de phase, ce qui nous donna quelque espoir ; mais le 13 au soir, l’état du malade empira subitement et l’agonie commença. A six heures, M. Fiot rendait paisiblement son âme à Dieu, muni des sacrements de la sainte Église. Le Seigneur a voulu récompenser de bonne heure son zèle et les nombreux mérites de son apostolat ; mais avant de mourir, le Père a eu la consolation de voir la Mission du Laos fondée, je l’espère, d’une manière solide.
« Plus de cinq cents personnes baptisés, au moins trois cents catéchumènes déjà instruits, de huit à dix mille Laociens ou sauvages qui ont demandé à embrasser notre sainte Religion et dont la conversion paraît sincère, trois églises élevées, plusieurs chrétientés établies, des travaux précieux sur la langue du pays, un abrégé des principales vérités de la doctrine chrétienne, les prières les plus usuelles traduites, des renseignements utiles à ses successeurs, une influence considérable acquise aux Missionnaires du Laos : voilà le résumé des travaux et des conquêtes de ce regretté Confrère. »
Références
[1041] FIOT Nicolas (1846-1878)
Notes bio-bibliographiques.
— C.-R., 1879, p. 40¬ ; 1880, p. 54¬ ; 1881, p. 61. — A. P. F., lii, 1880, p. 189¬ ; liii, 1881, pp. 383 et suiv. — M. C., x, 1878, Utilité du hoang-nan, p. 334¬ ; xii, 1880, p. 627¬ ; xiii, 1881, p. 14. — Sem. rel. Langres, 1880, p. 810. — Vie de Mgr Puginier, Tab. alph.
Biographie.
— M. Fiot et la mission du Laos au Tong-king occidental (Annam) [avec portrait]. Lettre de Mgr Puginier, 24 septembre 1880. — Imprimerie Mougin-Rusand, 3, rue Stella, Lyon, 1880, in-8, pp. 10.
Une âme de missionnaire. L’abbé Fiot [avec portrait], par l’abbé Ch. Rondot. — Imprimerie Maitrier et Courtot, Langres, 1905, in-8, pp. 76.
Portrait.
— A. P. F., liii, 1881, p. 358. — M. C., xiii, 1881, p. 18. — Vie de Mgr Puginier, p. 311.