Pierre GENDREAU1850 - 1935
- Statut : Vicaire apostolique
- Identifiant : 1171
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Identité
Naissance
Décès
Consécration épiscopale
Autres informations
Missions
- Pays :
- Vietnam
- Région missionnaire :
- 1873 - 1935 (Hanoi)
Biographie
[1171] GENDREAU Pierre, Jean, Marie naît le 26 novembre 1850 au Poiré-sur-Vie ( Vendée), dans le diocèse de Luçon. A la mort de sa mère, il est élevé par une de ses tantes. Il fait ses études secondaires au petit séminaire des Sables d'Olonne, puis, à la rentrée d'octobre 1889, entre au grand séminaire de Luçon. Après avoir été infirmier en 1870 auprès des soldats français, il reprend ses études écclésiastiques au grand séminaire diocésain où il reçoit les ordres mineurs le 3 juin 1871.
Le 1 septembre 1871, Pierre Gendreau entre au séminaire des MEP. Sous-diacre le 21 septembre 1872, diacre le 21 décembre 1872, il est ordonné prêtre le 7 juin 1873, et reçoit sa destination pour le vicariat apostolique du Tonkin Occidental (Hanoï) qu'il part rejoindre le 16 juillet 1873. Le Tonkin était à cette époque la terre des martyrs et remplissait d'enthousiasme les jeunes missionnaires.
Tonkin (1873-1935)
Le P.Gendreau arrive au Tonkin en des temps singulièrement troublés. Après la mort de Francis Garnier, (1873), c’est l'insécurité renaissante, et les chrétiens en font les frais : 3 prêtres, de nombreux catéchistes et des centaines de fidèles sont massacrés, quelques 25.000 chrétiens sont chassés de leurs villages rasés et brûlés. Le P.Gendreau commence l'étude de la langue viêtnamienne à Ke-So.
Il est ensuite envoyé à Cham-Ha, vieille chrétienté sur les bords du Fleuve Rouge, non loin du séminaire de Hoang-Nguyên, pour s'initier aux us et coutumes du pays.
En 1874, après avoir été chargé pendant quelque temps de l'aumônerie militaire à Hai-Phong, alors petit village où cantonnent de nombreux soldats, Mgr. Puginier lui confie le soin de parcourir paroisses et chrétientés pour mener à bien le procès de plus de 400 martyrs, commencé par les pères Cosserat et Bon. Pendant 10 ans, pieds nus, turban en tête, et deux caisses pour bagages, il parcourt la mission du Tonkin occidental, aidé par des catéchistes, pour procéder à l'audition d'un millier de témoins, donnant à cette occasion, une vraie mission aux paroisses visitées. Servi par une excellente mémoire, il rédige en viêtnamien et en latin les 80 volumes qui contiennent les actes des martyrs.
. Evêque de Chrysopolis en 1887
Suite à la demande de Mgr. Puginier, un bref romain du 26 avril 1887 le nomme évêque de Chrysopolis et coadjuteur au Tonkin Occidental. Le nouvel élu est sacré à Ke-So le 16 octobre 1887.
Mgr. Puginier souhaite la tenue d’une cérémonie très solennelle. Celle-ci a pu rassembler, autour de tous les évêques du Tonkin, du consécrateur et du consacré, les autorités civiles, militaires et mandarinales, quelques 20.000 chrétiens, 70 prêtres, 200 séminaristes ou catéchistes
Mgr. Puginier décède le 25 Avril 1892 ; Mgr Gendreau devient le chef de cet immense territoire s'allongeant depuis la frontière chinoise jusqu'au golfe du Tonkin et à la province de Thanh-Hoa incluse, sur une longueur de 600 kms. Même si la piraterie n'a pas entièrement disparu, même si, en 1893, quelques chrétientés des districts de Nam-Xang, de Ngoc-Lu font défection, sous la pression
d' administrateurs hostiles, même si des accusations les plus ineptes sont portées contre les chrétiens pour qu'ils renoncent à leur foi, la paix permet à la mission un développement important. Deux petits séminaires fonctionnent, l'un à Hoang-Nguyên, l'autre à Phuc-Nhac; le grand séminaire et l'école des catéchistes sont à Ke-So, et, dès 1894, des classes de doctrine sont instituées dans toutes les chrétientés.
En 1893, Mgr. Gendreau appele à Hanoï, les Frères des Ecoles Chrétiennes qui s'installent d'abord dans un rez-de chaussée de la rue Jules Ferry ; en raison de leur rapide succès, ils construisent, en 1894, un grand bâtiment scolaire qu'ils mettent sous le patronage de Mgr. Puginier.
En octobre 1893, Mgr.Gendreau envoie deux catéchistes à Yen-Khuong, (Muong-Deng) dans le Chau Laos, pour préparer l'installation du P.Verbier auquel, l'année suivante, est adjoint le P.Soubeyre, en vue de relever les chrétientés ruinées par les évènements de 1885.
Le 10 février 1895, le P.Verbier est assassiné à Yen-Khuong, tandis que le P. Soubeyre parvient à s'échapper. Le projet est repris et le 3 décembre 1898, le P. Martin s'installe à Phong-Y, à l'entrée des montagnes du Châu-Laos.
Le 22 décembre 1894, vers 15 heures, Mgr Gendreau se rend en pousse-pousse à l'inauguration de l'hôpital Lanessan à Hanoï, en compagnie du P.Lecornu, Un nommé Peretti, qui se prétend lésé par la mission, a juré de se venger. Il tire un coup de feu sur Mgr. Gendreau. La balle frôle la poitrine du vicaire apostolique. Comme l’individu se prépare à faire feu une seconde fois, un voisin le désarme.
. Les grandes fondations
L'année 1895 est celle des grandes fondations : le 15 avril 1895, le Haut-Tonkin (Hung-Hoa) est détaché du Tonkin Occidental, et le Vicariat apostolique est créé. Le 15 octobre de cette même année, à Hanoï, les pères Ramond et Marcou reçoivent la consécration épiscopale des mains de Mgr. Gendreau. Le premier se voit confier la nouvelle mission du Haut Tonkin, le second, la charge de coadjuteur de Mgr. Gendreau.
L'hôpital de la Mission, composé de trois pavillons, est inauguré en novembre 1895, et confié aux soeurs de St. Paul de Chartres. Le 9 octobre 1895, des Carmélites venues de Saigon, prennent possession de leur nouveau monastère. A l'Ecole Ste.Marie déjà dirigée par les Soeurs de St.Paul de Chartres, on adjoint un pensionnat.
En accord avec les services de santé, Mgr. Gendreau entreprend en 1896, la construction d'une nouvelle léproserie à Phuc-Nhac, dans la province de Ninh-Binh, où afflue une centaine de malades. A Hanoï, le village où ceux-ci sont regroupés, compte, à cette époque, 400 âmes. En 1899, un projet de création de léproserie est en cours, dans la province de Thanh-Hoa.
Mgr. Gendreau reconstruit son grand séminaire, et inaugure, le 1 août 1899 avec 18 élèves, un cours spécial de philosophie. Pour son seul vicariat, et pendant la durée de son épiscopat, il ordonne 270 prêtres viêtnamiens.
. Béatification des martyrs en 1900
Le 2 juillet 1899, le Souverain Pontife publie le decret déclarant qu'on peut avec assurance procéder à la béatification "de neuf évêques ou prêtres des MEP et de quarante de leurs compagnons". Le plus beau rêve de Mgr.Gendreau se réalise. Acccompagné du P. Lecornu et du P.Ky, il part donc pour Rome et assiste dans la basilique St.Pierre à cette béatification solennelle le 27 mai 1900. Après un séjour en France, il reprend la route du Tonkin le 16 décembre 1900, et préside de nombreux triduums en l'honneur des bienheureux martyrs. Le 15 avril 1901, le Tonkin maritime est détaché du Tonkin Occidental et érigé en vicariat apostolique, confié à Mgr.Marcou.
En 1904, les soeurs sont chassées des établissements publics qu'elles dirigent ; la Mission doit céder son hôpital au Protectorat ; Mgr. Gendreau s'élève contre ces lois de laïcisation. Quelques années plus tard, il fait connaître et appliquer les directives de l'Eglise sur la communion fréquente et le culte eucharistique, qu'il explique dans de nombreuses lettres pastorales et lors de ses tournées apostoliques, véritables expéditions missionnaires. A celles-ci, qui l'amènent parfois jusqu'aux postes les plus reculés de la mission, il réserve six mois de l'année. Il y est resté fidèle jusqu'à la dernière année de sa vie ; ces déplacements constituent la rencontre d'un père avec ses fils quelle que soit leur condition sociale, le contact avec les non chrétiens, et l'occasion de ranimer la foi, d'encourager la construction et la rénovation de nombreuses églises et chapelles
Fidèle à une ancienne tradition, et pour assurer l'avenir de son Eglise, Mgr. Gendreau demande un coadjuteur. Le 22 juin 1911, Rome lui donne le P.Bigolet auquel il confère la consécration épiscopale à Keso, le 12 novembre 1911. Ce dernier décède à Hong-Kong le 23 mai 1923. Mgr. Gendreau reprend alors la direction du Vicariat. Le 22 Novembre 1925, dans la grande église de Keso, il sacre le P.François Chaize, son nouveau coadjuteur, nommé le 17 mai 1925. Mgr.Aiuti, délégué apostolique préside cette cérémonie.
La grande guerre mobilise les jeunes missionnaires. La paix revenue, apparaissent des situations et des besoins nouveaux qu'il faut étudier. A cette fin, Mgr. Gendreau participe à l'Assemblée Générale des MEP tenue à Hong-Kong du 9 février au 22 mars 1921 pour réformer le Règlement et traiter des intérêts généraux de le société.
L'année suivante, le Saint Siège envoie en Indochine, en tant que visiteur apostolique, Mgr. Lécroart, vicaire apostolique du Tcheli Sud-Est. Du 16 au 30 décembre 1922, celui-ci séjourne dans les principaux centres du vicariat de Hanoï. Cette visite est suivie, au début de février 1923, de la réunion à Phat-Diêm de tous les supérieurs des missions du Tonkin ; pendant plusieurs jours, sous la présidence de Mgr.Lécroart sont étudiés les problèmes liés à l'évangélisation, à l'enseignement, à la presse viêtnamienne. On y décide la création d'un journal catholique "Trung-Hoa" dont le premier numéro parait le 8 septembre 1923, et l'ouverture en septembre 1924, à Nam-Dinh, d' une école normale confiée aux Frères des Ecoles Chrétiennes, pour la formation de maitres catholiques.
En 1925, Rome envoie un délégué apostolique pour se rendre compte des besoins d'un ministère pastoral en perpétuel devenir.
Les bâtiments de la communauté de Hanoï sont vétustes. Sous l'impulsion du P.Dépaulis, des maisons de rapport, un probatorium, des écoles paroissiales et une procure moderne sont construits. Une maison chargée d'histoire est épargnée, celle de Mgr. Puginier, car Mgr. Gendreau n'aurait jamais permis sa disparition.
Le besoin de renouveler les méthodes d'évangélisation se faisant sentir, Mgr. Gendreau n'hésite pas à faire appel à diverses congrégations religieuses: Pères Rédemptoristes canadiens en 1927, Sulpiciens en 1929, Dominicains en 1930.
. Voyage en France en 1930
Le 26 avril 1930, il s'embarque pour Marseille pour participer à la seconde Assemblée Générale des MEP, qui s'ouvre à Paris le 15 juillet 1930. A cette occasion, il se rend à Rome où il est reçu en audience privée par Pie XI le 16 juin 1930. A Paris, le cardinal Verdier, Paul Doumer, le maréchal Joffre l'accueillent, et en Vendée c’est l'apothéose. Après s'être rendu en pélerin dans les grands centres mariaux de France, le 11 novembre 1930, il repart pour Hanoï où se tient, du 26 au 29 novembre 1931, un congrès eucharistique qui attire une affluence considérable de chrétiens de toute origine et venus de partout.
En 1933, Mgr.Gendreau célébre dans l'intimité ses 60 ans de prêtrise ; il inaugure la maison Lacordaire et le séminaire St. Sulpice dont il est un ardent promoteur et encourage les nombreux et divers mouvements d'Action Catholique. Du 16 novembre au 5 décembre 1934 se déroule à Hanoï le "Concile plénier d'Indochine"; en raison de son état de santé, Mgr. Gendreau ne peut assister qu'à la cérémonie de clôture.
Au début de 1935, ses forces déclinent rapidement. Le 2 Février 1935, il reçoit le sacrement des malades des mains de son coadjuteur. Il s’éteint doucement le jeudi 7 février 1935, vers midi, à la clinique St. Paul de Hanoï. Sa dépouille mortelle est transportée dans la vaste salle de l'école paroissiale aménagée en chapelle ardente où viennent s'incliner les plus hautes autorités et les plus humbles chrétiens.
Mgr. Gendreau avait demandé "qu'à son enterrement, l'on se borne aux prescriptions du cérémonial des évêques". Le samedi 9 février1935, dans la cathédrale de Hanoï se déroulent ses funérailles.
Conduit ensuite à l'ancienne cathédrale de Ke-So, après la messe solennelle célébrée par Mgr. Marcou, ses restes mortels y sont inhumés le 11 février 1935 auprès de ses illustres prédécesseurs NN.SS. Retord et Puginier qu'il vénérait particulièrement.
Nécrologie
Mgr GENDREAU
VICAIRE APOSTOLIQUE DE HANOÏ
Mgr GENDREAU (Pierre-Marie-Jean), né à Poiré-sur-Vie (Luçon, Vendée), le 26 novembre 1850. Entré minoré au Séminaire des Missions-Étrangères le 1er septembre 1871. Prêtre le 7 juin 1873. Parti pour le Tonkin Occidental le 16 juillet 1873. Évêque de Chrysopolis en 1887. Vicaire Apostolique du Tonkin Occidental en 1892. Assistant au Trône Pontifical en 1912. Chevalier de la Légion d’honneur. Décoré du Kim-Khanh de 1re classe. Mort à Hanoï le 7 février 1935.
Quand un vaisseau de haut bord pousse hardiment son étrave aux flancs des vagues écumantes, il laisse derrière lui un long sillage qui va troubler au loin les flots mouvants de la mer. Soixante-deux ans d’apostolat, quarante-huit d’épiscopat ont permis à Mgr Gendreau de marquer d’une forte empreinte l’Église confiée à sa vigilance, et bien des années encore, les pratiques religieuses de nos chrétiens tonkinoises rediront la foi robuste et l’ardente ferveur de celui qui fut si longtemps leur pasteur.
Nous-mêmes le sentons encore présent dans cette vieille mission de Hanoï. Oh ! pas dans la nouvelle procure dont je ne sais s’il gravit jamais les étages, mais dans la mission de 1876, dont il semblait faire partie intégrante. Non pas qu’il fut uniquement un homme du passé, l’adaptation aux besoins du présent fut, au contraire, une de ses préoccupations constantes ; mais il avait tant vécu avec ceux d’autrefois, que tout naturellement nous le replaçons dans le cadre où il avait passé la meilleure partie de sa vie. Nous le revoyons dans la mission de jadis avec ses haies de bambous, ses jardins en friche, ses beaux flamboyants aux grappes pourprées. Il nous semble que son bon sourire va nous accueillir encore et que son exclamation favorite. « Que le bon Dieu est bon », tour à tour grondeuse ou encourageante, va venir relever nos courages abattus.
Le bon Dieu est bon ! Le disciple l’était à l’exemple de son Maître. Il avait un cœur d’or cet ardent vendéen qui ne déparait pas la lignée de chouans au sang bleu qui lui avaient donné le jour. Le moulin paternel retentit plus d’une fois de la pétulance de ses espiègleries et plus d’une fois aussi les semonces paternelles firent comprendre à l’enfant qu’il n’était pas toujours bon de se livrer à toutes les fantaisies d’une imagination débridée. La vie était grave dans les familles vendéennes en 1850 et quand le 26 novembre, Pierre-Marie fut tenu sur les fonts baptismaux de l’église de Poiré-sur-Vie, on avait sérieusement pris l’engagement d’en faire un solide chrétien. Sa douce maman commença d’abord ce travail de formation, mais enlevée prématurément à l’affection des siens, ce fut une tante qui continua cette œuvre délicate, et si l’on en juge par les résultats, on ne peut que constater que l’œuvre fut faite de main de maître.
Dans un tel milieu, une vocation sacerdotale ne pouvait que trouver un terrain favorable à son éclosion, aussi personne ne fut surpris de voir entrer au petit séminaire des Sables-d’Olonne cet enfant si vibrant mais si pieux. Son petit séminaire ! quel souvenir il en avait gardé ! Il parlait volontiers plus tard des douces joies qu’il y avait gouttées et de Notre-Dame du Sceptre, aux pieds de laquelle il avait senti naître en lui cet amour pour Marie qui devait marquer toute sa vie d’une si lumineuse empreinte.
La rentrée d’octobre 1869 amena l’adolescent au grand séminaire. L’année suivante faisait de lui un infirmier dévoué qui se penchait sur les blessures des soldats de France. De retour au séminaire, le jeune lévite n’en mit que plus d’ardeur à ses études de philosophie et de théologie, on sentait en lui comme un besoin d’amasser une somme de connaissances capables d’alimenter toute sa longue vie de missionnaire. Car il avait eu la révélation de sa vocation. C’était un beau soir de juin, l’abbé Gendreau errait en quête d’un peu de fraîcheur et d’isolement dans les bosquets de la Bauduère, la vieille maison de campagne du séminaire et ses pas l’avaient amené près d’une antique chapelle où trônait une statue de Marie. Pensait-il aux terres d’Asie qu’il devait évangéliser si longtemps ? Peut-être ! en tout cas le séminariste entendit comme une voix intérieure qui l’appelait à l’apostolat. Tombant à genoux aux pieds de la Vierge, il lui demanda la grâce de rester toujours fidèle à sa sublime vocation.
L’avis des directeurs fut favorable, mais il restait à prévenir la famille ; il ouvrit son cœur à sa tante, sa seconde maman. La réponse ne se fit pas attendre : « Espèce d’orgueilleux ! c’est pour être plus tôt évêque que tu veux t’en aller ! » L’épiscopat vint en effet de bonne heure, mais l’orgueil n’y était pour rien et la tante dut aussi le reconnaître, puisque le 1er septembre 1871, l’abbé Gendreau entrait comme aspirant au Séminaire des Missions-Étrangères. Son âme vibrante dut se plaire dans ce milieu de gaîté et de ferveur, où les volontés se tendaient toutes vers un dur avenir de labeur et de renoncement ; plus tard, le futur missionnaire écrira à son frère Louis : « Pour ma part depuis le premier instant de mon arrivée au Séminaire des Missions-Étrangères, je me suis senti à la place où le bon Dieu me veut. » Aussi quand, au soir du 7 juin 1873, il reçut sa destination pour le Tonkin Occidental, son enthousiasme éclata. Quelle joie ! il allait partir pour le pays de ses rêves. C’est que le Tonkin était encore à cette époque la terre classique du martyre, et le cœur ardent de la jeunesse missionnaire s’enthousiasmait pour cette terre rougie du sang de nos aînés.
Le Père Gendreau y aborda en des temps singulièrement troublés ; à peine venait-il de s’installer dans une des cases de la communauté de Ke-so, que l’expédition Garnier mettait le siège devant la citadelle de Hanoï. En un mois, une poignée d’hommes s’emparait du Tonkin et que de fois, dans sa vieillesse, notre Évêque nous a conté que l’aspirant Hautefeuille, passant devant Ke-so sur une vieille canonnière à bout de souffle, dut emprunter à l’imprimerie de la Mission, de quoi réparer ses plus graves avaries. Ce fut un triomphe de courte durée. Francis Garnier mort, son œuvre fut abandonnée, saccagée par un politicien à courte vue, qui rendit sans garantie toutes les villes conquises. Comme d’habitude, ce furent les chrétiens en supportèrent les conséquences : 3 prêtres et de nombreux catéchistes massacrés, des centaines de fidèles mis à mort, 25.000 chrétiens chassés de leurs villages rasés et brûlés ; voilà le bilan du compte rendu de la Mission du Tonkin Occidental pour l’exercice de 1873. A Ke-so, où le jeune missionnaire s’initiait aux tons si variés de la langue annamite, toutes ces nouvelles affluaient tristes, lugubres, portant au comble les appréhensions trop justifiées du Vicaire Apostolique, Mgr Puginier. Vieux routier des temps héroïques, celui-ci multipliait les rapports pour réclamer justice pour ses chrétiens ; plus d’une fois le P. Gendreau s’émut au ton pathétique de ces appels réitérés, où brûlait un égal amour pour l’Annam et la France.
Mais Mgr de Mauricastre ne garda pas longtemps près de lui le jeune Père dont il avait de suite reconnu la valeur. Il l’envoya dans une vieille chrétienté située sur les bords du Fleuve Rouge pour s’initier aux us et coutumes annamites. Cham-ha est un gros village qui blottit ses paillotes à l’abri d’une solide haie de bambous qu’entourent des champs de canne à sucre et de profondes rizières. A quelques kilomètres du séminaire de Hoang-nguyên, le novice ès-langue annamite avait la facilité de trouver près du Supérieur et Provicaire, M. Cosserat, les lumières dont son inexpérience pouvait avoir besoin. En 1874, les troupes françaises étaient nombreuses à Haïphong, alors simple village insalubre en bordure du fleuve qui roulait ses eaux boueuses vers le golfe du Tonkin. Aucune chapelle, aucun prêtre ne se trouvait là pour leur apporter les secours religieux dont ils avaient besoin. L’autorité militaire, en l’absence de Mgr Puginier parti à Saïgon plaider la cause de ses chrétiens, s’adressa au Provicaire. Celui-ci avait déjà pu apprécier les qualités du P. Gendreau, et il l’envoya porter à nos compatriotes les secours religieux qu’ils réclamaient. Son zèle fit merveille, et bien des regrets se manifestèrent quand Mgr de Mauricastre appela son missionnaire à d’autres fonctions que Son Excellence jugeait plus utiles au bien général de la Mission.
Il s’agissait de mener à bien le procès de plus de 400 martyrs, commencé par MM. Cosserat et Bon. « Plus que jamais, écrivait en effet le Vicaire Apostolique, nos chrétiens sont fiers de porter un nom qui naguère n’était pour eux qu’un sujet de crainte, une cause de proscription. » Et Mgr Puginier jugeait que cette fierté de porter le nom de chrétien serait plus grande encore si nos Martyrs recevaient un jour les honneurs de la béatification. C’est à quoi allait travailler dès 1874 le P. Gendreau. Pendant 10 ans, il parcourut la Mission du Tonkin Occidental qui s’étendait alors de la Chine à la mer. Pieds nus, turban en tête, suivi de deux caisses carrées qui contenaient tout son modeste bagage, il s’en allait avec ses catéchistes pour procéder à l’audition d’un millier de témoins. Rien n’était perdu de leurs dépositions, car son étonnante mémoire classait presque aussi sûrement les documents que les plus volumineux dossiers. Que d’anecdotes, il puisa dans ces longs interrogatoires : héroïques, amusantes, édifiantes surtout. Aucun ne possédait comme lui l’histoire de ce passé qui lui tenait tant à cœur. Un autre se serait contenté de ce labeur ; il y ajoutait celui de la sanctification des âmes. Prédications, confessions, baptêmes d’adultes, c’était une vraie mission qui se donnait dans les paroisses qu’il visitait. Et son infaillible mémoire enregistrait toujours noms, visages, parenté, au point qu’il étonnait les fidèles eux-mêmes par la précision et la fidélité de ses souvenirs. Mais ce fut, il l’avouait lui-même, un travail formidable que la rédaction en annamite et en latin de ces 80 volumes des actes de nos Martyrs. Quelle joie du être la sienne quand il vit l’aboutissement de ses travaux ! S’il avait été à la peine. Il fut aussi à l’honneur et, le 27 mai 1901, il put assister à la béatification de 27 de ces Martyrs pour qui il avait tant travaillé. Au culte de Marie, que j’ai déjà signalé comme un des traits de sa physionomie religieuse, il faut encore ajouter une confiante dévotion envers nos Bienheureux.
Pendant que le P. Gendreau parcourait les villages de la montagne et de la plaine, bien des événements s’étaient passés qui avaient amené l’établissement du protectorat français sur tout le territoire du Tonkin ; le calme était revenu, sinon complet, du moins suffisant pour permettre les progrès d’une évangélisation plus profonde. Le compte rendu de 1879 accuse le chiffre jamais dépassé de 5.338 baptêmes d’adultes. L’avenir paraissait si chargé de promesses que Mgr Puginier n’hésita pas à demander à Rome de lui donner comme Coadjuteur le jeune missionnaire à peine âgé de 37 ans, qu’il avait pu former comme son disciple préféré. C’est aussi le nom de Père et de Maître que Mgr Gendreau donna toute sa vie au grand évêque qui l’avait choisi entre tous pour être son continuateur. Tous, ici, nous nous rappelons avec quelle émotion notre Vicaire Apostolique déjà auréolé de cheveux blancs, nous disait : « Quel homme ! Et il est mort à 56 ans, en pleine force, alors qu’il aurait pu travailler pour le bien de la Mission. »
Nommé par un Bref du 26 avril 1877 Évêque de Chrysopolis et Coadjuteur avec future succession, le nouvel élu fut sacré à Ke-so le 16 octobre de la même année. Mgr Puginier voulut que la cérémonie du sacre prit l’allure d’un triomphe ; de fait, jamais pareille solennité ne s’était vue au Tonkin. L’Église sortait à peine des catacombes et la cathédrale de Ke-so, dans son revêtement de briques neuves, était le premier-né des nombreux édifices religieux qui couvriront plus tard le sol du Tonkin. Les chrétiens traqués, persécutés hier, accouraient aujourd’hui au nombre de 20.000 ; 70 prêtres encadraient, 200 séminaristes ou catéchistes faisaient une escorte d’honneur à tous les évêques du Tonkin, et les autorités civiles et militaires, françaises et annamites, étaient là pour affirmer leur sympathie pour la Mission. « J’aurai voulu me cacher », écrivait à sa sœur le nouveau Prélat. Il ne le pouvait plus et ce fut le début d’une collaboration féconde qui ne devait durer hélas ! que 5 ans.
Un soir d’avril 1892, Mgr de Chrysopolis, ayant achevé la construction de la chapelle du petit séminaire de Hoang-nguyên, se reposait au milieu des élèves des fatigues de la journée. Un courrier arrive à bout de souffle. « Qu’y a-t-il ? » L’homme ne répond pas mais tend un pli. Mgr Puginier est au plus mal et réclame la présence de son Coadjuteur. Soins éclairés, filial dévouement, rien ne put être arrêter le cours de la maladie et, le 25 avril, le vieux lutteur, qu’aucun revers n’avait jamais pu abattre, se couchait dans la tombe pour toujours. La tâche était dure de lui succéder. La Mission du Tonkin Occidental s’allongeait des frontières de Chine aux confins du Nord-Annam, 220.000 chrétiens peuplaient les paroisses disséminées sur une longueur de 600 kilomètres, puis si la piraterie était en baisse, elle était loin d’avoir complètement disparu.
Le ministre épiscopal de Mgr Gendreau débuta par une croix bien pénible à porter pour une âme d’apôtre. Les chrétientés si florissantes du district de Nam-Xang se voyaient en but à une guerre sournoise, soutenue par un administrateur qui ne supportait qu’avec peine l’influence que les missionnaires avaient su conquérir dans cette région. Des défections, des apostasies se produisirent ; elles contristèrent douloureusement le cœur si sensible du Pasteur qui, dans le compte rendu de 1892, rejette sur son indignité ce qu’il appelle l’arrêt dans la marche ascendante des conversions. De fait, à cette époque, on ne retrouve plus les chiffres exceptionnels de 1879, mais c’est encore par plusieurs milliers que se dénombrent les baptêmes d’adultes. Pour donner un renouveau de ferveur au zèle des convertisseurs, Mgr de Chrysopolis voulut, dès 1893, visiter la partie de sa Mission qui avoisine la Chine. Pays de collines herbeuses, de montagnes boisées, sillonné de rivières et de torrents, les missionnaires l’avaient dénommé la Suisse. Pays de pirates aussi, son insécurité était telle que depuis Mgr Retord, aucun évêque n’avait pu s’y hasarder. Le jeune évêque voulut porter à ses chrétiens délaissés le secours de son zèle et le témoignage direct de sa paternelle affection. C’est donc par le nord de la Mission que Son Excellence commença ce long chapelet de randonnées apostoliques qu’il égrena pendant 42 ans et qui furent une des marques distinctives de son administration épiscopale.
Les grosses chaleurs à peine passées, ou les retraites à peine terminées, Mgr partait en tournée, c’était une véritable expédition missionnaire. Elle comprenait en plus de l’évêque plusieurs prêtres, de nombreux catéchistes et bien entendu, une quantité importante de bagages, car partant pour plusieurs mois, le chef de la Mission avait besoin d’avoir sous la main tout ce que nécessite l’administration d’un vaste diocèse. Le cortège ne manquait pas de pittoresque. Je ne parle pas du transport des bagages qui s’entassaient dans des barques, ou franchissaient à dos d’homme les boueuses rizières, mais bien des manifestations bruyantes et joyeuses auxquelles se livraient les chrétiens pour fêter leur Père dans la foi. Ah ! certes, il était panaché le cortège épiscopal ! Dalmatiques rouges des porteurs d’étendards, grand habit bleu des notables, robes de toutes couleurs chantaient sous le soleil, ou pleuraient sous le ruissellement du crachin. Tous les tambours, les gongs de la région étaient mobilisés et les pétards ajoutaient leurs détonations trépidantes au brouhaha de la foule en fête. C’était un beau vacarme au milieu duquel Monseigneur, porté en palanquin, s’avançait bénissant inlassablement ses pieux fidèles, achevant la récitation du bréviaire ou égrenant tranquillement son inséparable rosaire. A l’arrivée, on se mettait au travail. Réceptions au parloir, examen des cas embrouillés, longues séances au confessionnal, prédications, catéchismes ; la nuit était depuis longtemps venue que l’on voyait encore la lampe de Monseigneur briller dans les ténèbres. Au dehors bruissaient les mille voix de la brousse tonkinoise, la corne d’appel des veilleurs sonnait lugubre dans la nuit. L’Évêque se délassait des fatigues de la journée en expédiant le courrier qui allait porter aux lointains ouvriers apostoliques le réconfort ou la lumière qu’ils attendaient. La nuit, dût-elle y passer tout entière, aucune lettre ne restait sans réponse et à 4 heures du matin, Monseigneur était déjà aux pieds de Jésus-Hostie. Cela dura 40 ans. Il fallait être taillé dans le roc pour résister à un pareil régime, c’était pourtant le train ordinaire de la vie pastorale de Mgr Gendreau. Mgr Puginier fut le grand défricheur qui va toujours de l’avant, inlassablement ; son successeur fut une tâche plus obscure mais non moins féconde, il planta profondément la foi et fit fleurir les vertus chrétiennes dans les terres qui ne semblaient pas faites pour porter de telles moissons.
L’administration des chrétientés était loin d’absorber tout son zèle. Bien que résidant plus volontiers à Ke-so, le vrai centre de la Mission d’alors, le Vicaire Apostolique n’était pas s’en s’apercevoir du développement que prenait la cité de Hanoï. La ville annamite profitant de la paix française, faisait craquer les anciennes portes qui seraient de limites à ses quartiers ; quant à la ville française, elle se développait rapidement formant une nouvelle agglomération qui allait de la Concession au petit Lac. La population française devenait de jour en jour plus nombreuse et aucune école n’existait qui pût donner aux enfants une éducation pleinement chrétienne. L’Évêque de Hanoï crut le moment venu de faire appel au dévouement des Frères des Ecoles chrétiennes. Ils vinrent et s’installèrent d’abord modestement dans un rez-de-chaussée de la rue Jules-Ferry. Le succès fut si rapide qu’on dut entreprendre la construction d’une vaste école qui se mit sous le patronage de Mgr de Mauricastre. Aujourd’hui l’école Puginier compte 600 élèves tant français qu’annamites. Tous les ans, à moins d’impossibilité absolue, Monseigneur aimait à présider la séance de distribution des prix, pour donner aux maîtres et aux élèves un témoignage de sa paternelle affection ainsi que de sa constante sollicitude. Tant de bonté lui gagnait tous les cœurs. Quelqu’un pourtant lui en voulait à mort. Je ne noterais pas cet incident pénible, s’il ne nous donnait un gage de la protection particulière de Celle en qui Monseigneur avait mis toute son espérance : « Maria, spes mea ». Un malheureux nommé Peretti, se prétendant lésé par la Mission, avait juré de se venger. Le 21 décembre 1894, Mgr Gendreau se rendait à l’inauguration de l’hôpital Lanessan dont les nouveaux pavillons s’étendaient en bordure du Fleuve Rouge. Connaissant les menaces dont il était l’objet, Sa Grandeur récitait pieusement son chapelet. A hauteur du petit Lac un coup de feu retentit, la balle avait frôlé la poitrine du Vicaire Apostolique. Le coupable fut arrêté, mais le moins ému encore était Mgr Gendreau qui continua sa route en remerciant Marie de sa toute puissante protection.
L’hôpital Lanessan offrait aux malades européens les secours éclairés des docteurs et le dévouement des Sœurs, mais les annamites n’y étaient pas admis. On ne parlait pas à cette époque d’œuvres d’assistance sociale, cependant la charité de l’Évêque de Hanoï ne pouvait supporter que les misères des pauvres restassent sans soulagement. Ce fut l’origine du premier hôpital annamite créé par la Mission de Hanoï ; il fut suivi de plusieurs autres, et les maisons de Nam-dinh, Ke-so, Ke-vinh et plus tard Vu-ban, firent connaître de la plaine jusqu’aux forêts du Lac-thô les miracles de charité qu’inspire la religion de Jésus. Si l’année 1895 vit la naissance du premier hôpital, elle fut marquée encore par bien d’autres œuvres : fondation du Carmel, ouverture du pensionnat des Sœurs de Saint-Paul, division de la Mission et sacre de NN. SS. Ramond et Marcou. La charge d’un si vaste diocèse pesait lourdement sur les épaules du jeune Vicaire Apostolique, il avait demandé et obtenu de Rome l’autorisation de se décharger d’une partie de ce fardeau. Le 15 octobre se célébrait donc dans la cathédrale de Hanoï le sacre de deux évêques. L’affluence des fidèles fut énorme, la Cie des Messageries fluviales ayant détaché une de ses plus grandes chaloupes pour recueillir, le long du Day et du Fleuve Rouge, les notables de toutes les chrétientés. Après la cérémonie, les deux prélats reçurent les félicitations de l’assistance et puis Mgr Ramond alla porter à ses ouailles du Haut-Tonkin la patience inaltérable d’un zèle qui ne se lasse jamais, tandis que Mgr Marcou préludait 6 ans encore comme coadjuteur à la direction du futur Vicariat du Tonkin Maritime. Même ainsi diminuée, la Mission de Hanoï comptait encore vers 1901 plus de 120.000 chrétiens. Certaines circonstances vinrent vers 1896, ralentir la marche ascendante des conversions. L’erreur qui se reproduit de nos jours sévissait déjà dans certains milieux administratifs ; on voulait infuser au bouddhisme une nouvelle vigueur… A cette époque lointaine bien des âmes étaient troublées, le nombre des conversions annuelles s’abaissa à 1500. Mgr de Chrysopolis, loin de se lamenter ou de gémir, essaya d’éclairer la religion de qui de droit, puis, son devoir accompli, il pensa que les œuvres de charité attirent toujours les bénédictions d’en haut ; il entreprit la construction d’une nouvelle léproserie à Phuc-nhac. Mgr Puginier avait déjà réuni 400 de ces malheureux dans un vaste terrain situé à quelques kilomètres au sud de Hanoï ; son successeur voulut porter les bienfaits d’une œuvre qui s’avérait fort utile dans cette province de Ninh-Binh qui se séparerait, 5 ans plus tard, de la Mission-mère. En 1896, près du village de Phuc-nhac, s’élevèrent donc de modestes paillotes ; elles se pressaient autour d’une pauvre chapelle et bientôt les lépreux affluèrent que gagnait peu à peu la charité du Christ.
Cette charité du Christ, il fallait la faire mieux connaître des âmes païennes ; pour cela il fallait des prêtres. La mission de Hanoï possédait déjà deux petits et un grand séminaires. Fidèle à l’esprit traditionnel de la Société et bien avant les récentes directives de Rome, Mgr Gendreau voulut donner un plus grand développement à son grand séminaire. Si, en 1896, M. Pilon ne put élever à Ke-so un bâtiment aussi somptueux que les grands séminaires modernes, il édifia pourtant une maison qui était déjà, à l’époque, ce qu’il y avait de mieux au Tonkin. Les séminaristes s’y trouvèrent plus à l’aise que dans les anciennes cases pour vaquer à leurs travaux scolaires. Il n’est peut-être pas superflu de faire remarquer que pendant son long épiscopat, Mgr de Chrysopolis ordonna pour son seul Vicariat 270 prêtres indigènes. C’est que le besoin d’ouvriers apostoliques se faisait de plus en plus sentir, les chrétientés se multipliaient de toutes parts, et voici que les lointaines régions du Laos tonkinois semblaient s’ouvrir de nouveau à l’apostolat. « Après les massacres de 1884 et de 1889, écrit M. Rey, la région du Châu-laos s’était fermée à la religion chrétienne. Avec Bà-Tho, chef ou seigneur tout puissant de Hôi-xuân, il eut été imprudent de faire ostentation de catholicisme. La bourrasque des lettrés fit des victimes et des ruines, mais à la foi resta dans les cœurs. Les deux jeunes gens envoyés à l’école paroissiale de Hanoï par M. Fiot : Tao Cai Et Tao Hiên de Mùong Hai, tout en s’effaçant complètement, gardèrent intacte leur religion. Leur présence facilitera la reprise des pourparlers qui auront lieu en 1896 avec M. Charles, missionnaire à Phong-y. » Ce fut M. Martin qui, en 1896, fut chargé de la dernière et définitive pénétration, et les vues de Mgr Gendreau portaient loin dans l’avenir, puisqu’en 1923 Mgr Marcou pouvait écrire à M. Rey : « Il y a plus de 20 ans quand vous avez été envoyé au Laos tonkinois, c’était dans la pensée de Mgr Gendreau, en vue de la fondation d’une école ou d’un petit séminaire… » L’œuvre ne se réalisa qu’un quart de siècle plus tard, mais le Vicaire Apostolique avait vu juste en cherchant à recruter des sujets de race Tay pour travailler à l’évangélisation de leurs compatriotes. Le sang, les peines des ouvriers apostoliques n’auront pas été prodigués en vain, et les générations qui montent verront se réaliser le rêve des premiers pionniers du Laos tonkinois.
Mais, en 1900, c’était un plus beau rêve qui se réalisait. Le procès des Martyrs, auquel le P. Gendreau avait tant travaillé jadis, venait d’aboutir et 27 des nôtres allaient être proclamés Bienheureux. Depuis 1873, Monseigneur n’avait pas revu la France, pas plus qu’il n’avait trouvé le moyen de faire sa visite ad limina ; mais ces motifs n’auraient peut-être pas suffi à le déterminer à un si long voyage, si ses chers Martyrs n’avaient pas été en cause. Il partit donc et le 27 mai 1901, de douces larmes coulaient de ses yeux pendant que dans la basilique de Saint-Pierre, les pompes de l’Église honoraient ceux qui bien loin là bas, sur les terres d’Asie, avaient su continuer les traditions héroïques des témoins de Jésus-Christ. Ce fut ensuite la douceur d’un court revoir avec son frère Louis, seul survivant de la famille désagrégée par la mort, quelques voyages à Paris, Lyon, Lourdes ; enfin le 16 décembre, son Excellence prit la route du retour. Il fallait fêter maintenant ceux que l’Église venait de mettre sur les autels et les fêter dans les lieux mêmes où ils avaient peiné, lutté, souffert. Les cérémonies prirent une allure triomphale, car les hommages ne montaient pas cette fois vers d’illustres inconnus, mais vers des compatriotes, dont les anciens se souvenaient encore. Journées réconfortantes, mais qui en précédaient d’autres bien tristes et bien cruelles pour des cœurs chrétiens et français. En 1904, les Sœurs furent chassées des hôpitaux ; la Mission dut céder son hôpital au Protectorat ; on parla même d’inventaires en un pays où le gouvernement n’a jamais rien fait pour la construction et l’entretien des édifices religieux. C’était le triomphe du régime abject. L’Évêque de Hanoï éleva les protestations nécessaires mais sut distinguer, par delà le visage de politiciens qui passent, la vraie figure de la France qui reste. Il demanda des prières pour les persécuteurs d’un jour, puis quelques années plus tard, Pie X ayant donné à l’Église ses décrets libérateurs sur la Communion fréquente, Mgr Gendreau mit toute son âme à les appliquer. Sa ferveur pour le prisonnier de nos tabernacles était ardente, sa foi paraissait sans voile et on sentait que pour lui Jésus était là, on aurait dit qu’il Le voyait, Le touchait. Aussi quelle impulsion ne donna-t-il pas dans son Vicariat à la dévotion eucharistique ! Quand il en prit la direction, on comptait quatre églises pouvant garder le Saint-Sacrement. Aujourd’hui dans un territoire plusieurs fois moindre, près de 200 paroisses ou chrétientés ont le bonheur de posséder toute l’année l’Eucharistie. Partout se fait l’Adoration perpétuelle, et les paroisses se disputent l’honneur d’organiser les plus belles processions du Saint-Sacrement. Les communions dépassent cette année trois millions et on ferait un respectable volume si on réunissait toutes les lettres pastorales ou circulaires où Monseigneur encourageait, éclairait prêtres et fidèles dans leur culte envers Jésus-Hostie. De cette époque aussi date cette floraison d’églises et de clochers qui brandissent dans les airs le signe auguste de notre rédemption. Toutes ne sont pas des chefs-d’œuvre, mais toutes rendent témoignage de la foi du Pasteur et des fidèles.
Mgr Gendreau venait de dépasser la soixantaine, et sa robuste constitution lui permettait de porter sans fléchir le poids des soucis et des labeurs de l’épiscopat. S’il paraissait las quelquefois, c’était quand il était en résidence dans nos communautés de Ke-so ou de Hanoï ; il n’était jamais plus plein d’allant qu’en tournée pastorale ; son sourire vous accueillait alors avec plus de bonté, on le sentait dans son élément. Mais une vieille tradition voulait que les Évêques de Hanoï assurassent l’avenir de leur Église par la nomination d’un Coadjuteur. Depuis Mgr de Bourges, aucun n’y avait été infidèle ; Mgr Gendreau n’était certes pas homme à briser cette antique coutume, vieille de 300 ans. Au mois de novembre 1911, il conférait donc à Mgr Bigolet la plénitude du sacerdoce, mais personne alors, ne se doutait que le Coadjuteur précéderait, et de longtemps, le Vicaire Apostolique dans la tombe. Déchargé d’une partie de ses labeurs, l’Évêque aurait pu songer à prendre un peu de repos ; il n’y pensa même pas et se donna encore avec plus d’ardeur à ses tournées pastorales. Une partie la plus reculée de sa Mission, n’en avait pas souvent bénéficié ; Son Excellence résolut donc de porter aux montagnards du Lac-son, le témoignage de sa paternelle affection. Lac-son, montagne de la joie : quelle ironie ! quand on sait que ces régions malsaines ont toujours été le royaume de la fièvre et de l’inconfort. Aucune route n’y pénétrait à cette époque ; il fallait se contenter des pistes existantes ou emprunter le cours des torrents. Monseigneur ne voulut tenir compte aucun de ces obstacles ; de fait ils furent tous surmontés et au mois de février 1914, le Lac-son méritait son nom, c’était bien la joie qui régnait dans la longue vallée qui va de Mùong-cat à Mùong-Riêc, faisant retentir les forêts profondes du bruit des détonations des fusils ou des pétards. Toute la montagne était en fête pour recevoir le grand chef de la religion.
La joie ne dure pas longtemps en ce bas monde ; Son Excellence venait à peine de quitter la région montagneuse que des bruits sinistres se répandirent : la guerre était imminente. On ne voulait pas y croire. Hélas ! il fallut bien se rendre à l’évidence et les années douloureuses s’écoulèrent trop lentes, surtout pour un cœur d’Évêque et de français. La mobilisation prit peu à peu tous les jeunes missionnaires ; ils allèrent se mêler au flot immense des défenseurs de la Patrie. Ce sacrifice fut dur au cœur de l’Évêque de Hanoï ; il y ajouta tout ce que son influence put susciter de dévouement pour venir en aide à la patrie en danger : prières, quêtes, secours aux blessés, œuvres des orphelins ; Monseigneur ne voulut rien négliger de ce qui pouvait apporter quelque soulagement aux misères de cette triste époque. Tous les fidèles français ou annamites, lui apportèrent le concours le plus complet. Aussi quelle explosion de joie, quand, au soir du 11 novembre, les cloches de la cathédrale sonnèrent le Te Deum de la victoire. Peu à peu les missionnaires revinrent occuper les postes laissés vacants, et le Vicaire Apostolique crut alors pouvoir laisser l’administration de la Mission entre les mains de son Coadjuteur. Il se retira près du petit séminaire de Hoang-nguyên dans la chrétienté de Cô-liêu. C’est là que le trouva Mgr Lécroard premier visiteur des Missions d’Indochine. Quand on connaît les sentiments de Mgr Gendreau envers le Saint-Siège, il n’est pas exagéré de dire qu’il vit dans cette visite et les directions données par Rome, la parole même du Christ. Quelques années après cette visite, il ajoutait les notes suivantes à son testament spirituel : « Je viens de relire les pages ci-jointes, aujourd’hui, fête de la sainte Trinité (27 mai 1923), cinquantième anniversaire de ma première Messe, et 4 jours après la mort de Mgr Bigolet, coup si terrible pour la Mission et pour moi. Arrivé donc à un moment solennel de ma vie… je demande aux confrères avec plus d’insistance… de suivre en toute fidélité les directions nouvelles du Saint-Siège, renonçant filialement, sans retour, à nos idées, à nos appréciations personnelles, assurés que notre soumission et notre obéissance ponctuelles seront bénies de Dieu. » Et bravement, à 73 ans d’âge, 50 ans de sacerdoce, Mgr reprit le gouvernail qu’il n’avait d’ailleurs jamais complètement abandonné.
Mgr Bigolet avait amorcé des démarches pour doter la Mission d’un journal en langue annamite, elles n’avaient pas abouti complètement ; en 1920 un simple hebdomadaire, le Tuân-bao, s’efforçait de son mieux à donner la note catholique dans la presse de Hanoï. C’était notoirement insuffisant, car la presse affirmait de plus en plus sa puissance ; aussi en 1928, avec le concours des Évêques du Tonkin d’abord, puis seul ensuite, Mgr Gendreau présida à la naissance et au développement du journal Trung-hoa, qui se complète de nos jours une librairie catholique fort bien achalandée. D’ailleurs, des temps nouveaux semblaient se lever pour la Mission de Hanoï. En 1925, Rome envoyait un Délégué Apostolique se rendre compte des besoins d’un ministère en perpétuel devenir. En 1925 aussi, Mgr Chaize était sacré Coadjuteur, il devait être le bâton de vieillesse de celui qu’on commençait à appeler le Patriarche des Missions du Tonkin. Soixante-quinze ans d’âge ne lui cachaient pourtant pas que les bâtiments de la communauté de Hanoï tombaient de vétusté. Sous l’impulsion du procureur d’alors, on vit bientôt disparaître tous les vieux témoins du passé. La haie de bambous fit place à des maisons de rapport ; la pioche des démolisseurs s’attaqua aux édifices de 1876 pour rendre possible la construction d’une belle procure moderne qui ne laisse à la Mission actuelle aucun de ses aspects d’autrefois. Dire que notre vieil Évêque fut enthousiaste de cette transformation qui faisait disparaître tant de souvenirs de sa jeunesse apostolique, ce serait une exagération notoire. En tout cas une maison fut épargnée, car Monseigneur n’aurait jamais permis qu’on y touchât, celle de Mgr Puginier ; elle reste seule comme témoin d’un passé qui eut ses heures de gloire. A l’ombre de la Mission nouvelle purent s’abriter le Probatorium Saint-Jean, comptant 120 élèves, et deux écoles paroissiales qui viennent doubler le nombre des élèves reçu dans les pensionnats des Sœurs et des Frères. Le mouvement scolaire, lent à se développer dans les paroisses de l’intérieur, se montrait pourtant en progrès. Par ses circulaires, le Vicaire Apostolique s’efforçait d’attirer l’attention de ses fidèles sur cette question si importante ; par des quêtes et par la création d’une caisse des écoles, il tâchait de lui procurer des ressources. Nos chrétiens n’ont pas encore compris toute la nécessité de l’enseignement catholique ; pourtant, en dehors de Hanoï, la population scolaire qui fréquente les écoles de la Mission, atteint le chiffre respectable de 6.500. La vie religieuse moderne a aussi d’autres exigences. Le besoin d’œuvres se faisant sentir, Mgr Gendreau demanda aux Congrégations religieuses l’appoint de leur expérience et de leur dévouement : Rédemptoristes en 1929, Dominicains en 1930 vinrent, chacun dans leur sphère, apporter le concours de leur zèle.
Cette sèche énumération ne laisse pas soupçonner les soucis et les peines qu’imposait à l’alerte octogénaire le gouvernement d’un Vicariat qui compte encore malgré deux divisions, 184.000 fidèles. Monseigneur portait allègrement le poids de ses 80 ans, et on le voyait aussi robuste que jamais parcourir 4 mois de l’année, paroisses et chrétientés. Un secours lui était venu d’en haut, je veux parler de Sainte Thérèse de l’Enfant-Jésus. Sans doute bien d’autres pourraient aussi nous redire les grâces dont la charmante Sainte s’est plu à les combler, bien peu cependant pourraient égrener un si long chapelet de faveurs et de bienfaits. C’était sa petite Sainte préférée ; elle avait voulu venir au Carmel de Hanoï, elle se devait donc de bénir une Mission où elle avait désiré son Jésus bien-aimé. Aussi, tous l’avaient remarqué, notre vieil évêque ne pouvait plus prendre la parole sans invoquer le doux nom de sa grande bienfaitrice. Aux prêtres, aux fidèles, il recommandait de l’invoquer ; et un jour, les larmes aux yeux, nous l’entendions proclamer : « Oui, elle m’a accordé de bien grandes faveurs ! » Jésus-Eucharistie, Marie, nos Bienheureux Martyrs, sainte Thérèse de l’Enfant-Jésus, voilà bien les quatre grandes dévotions qui animaient la piété de Mgr Gendreau ; il faut y joindre la dévotion au Souverain Pontife.
L’Assemblée générale de la Société, en 1930 allait justement lui fournir l’occasion de présenter ses hommages au Vicaire de Jésus-Christ. C’est à Rome, en effet, que se rendit Mgr de Chrysopolis dès qu’il eut foulé le sol de l’Europe, et le 16 juin, à 11 heures, il eut l’insigne bonheur d’être reçu en audience privée par S. S. Pie XI. Ce que fut cette entrevue, je n’essayerai pas de le dire ; il suffit d’avoir entendu notre vieil Évêque nous raconter ses impressions pour sentir avec quel cœur, il avait été reçu. Encore tout ému, il ajoutait : « Je me suis agenouillé pour baiser sa mule, le saint Père m’a relevé et embrassé dans une étreinte que je n’oublierai jamais, en disant : confratres sumus, nous sommes confrères. Quel Père ! » Et résumant toutes ses impressions, Son Excellence concluait avec un intraduisible accent de foi profonde : « J’étais resté une demi-heure face à face avec le représentant de Jésus-Christ ! ».
Le reste du voyage prit les allures d’un triomphe. A Paris, le Cardinal Verdier, Paul Doumer, le Maréchal Joffre, voulurent le recevoir ; en Vendée ce fut l’apothéose : « La deuxième visite de Mgr Gendreau à 30 ans d’intervalle, écrit le chanoine Verdon, fut plus émouvante encore. L’âge avait fait de lui un patriarche, son sourire était une suavité… Cette fois, c’est par des rues fleuries, toutes maisons pavoisées, qu’il fit son entrée à Aizenay et tout le temps qu’il y demeura, la jolie habitation de ses neveux, devenant la sienne, garda ses oriflammes et ses guirlandes, comme un jour de Fête-Dieu, nos reposoirs. » Aussi quand après avoir traité les affaires qui l’avaient amené en France, après avoir accompli les pèlerinages de Montmartre, Chartres, Lisieux, Fourvières et Lourdes, il revint à Aizenay pour les derniers adieux, c’est de partout qu’on répétait : « Nous avons perdu notre Saint ».
Le 11 novembre 1930, Mgr Gendreau repartait pour son cher Vicariat de Hanoï et, aussitôt après avoir repris contact avec ses prêtres et ses chrétiens, Son Excellence entreprit l’organisation du premier Congrès Eucharistique de Hanoï, qui devait tenir ses assises dans la capitale du Tonkin du 26 au 29 novembre 1931. Son Excellence Mgr Dreyer en accepta la présidence, Mgr Chaize en fut l’organisateur. Pendant trois jours les chrétiens, en masses profondes, remplirent les églises de Hanoï, trop petites pour les contenir ; au jour de clôture, un immense cortège faisait monter vers Jésus-Hostie l’hommage de foi et d’amour de toutes les chrétientés tonkinoises. Ce jour-là le « Patriarche » du Tonkin versa de bien douces larmes ; il se rappelait qu’il n’y avait pas 50 ans, une pagode occupait la place de la cathédrale et que les catholiques parcouraient maintenant en triomphateurs les mêmes rues que nos martyrs avaient suivies cangue au cou, chaînes aux mains. Il aurait voulu chanter son « Nunc dimittis », ce n’était pas l’heure encore. Il lui restait à fêter en 1933 ses 60 ans de prêtrise, il devait inaugurer la Maison Lacordaire et le Séminaire Saint-Sulpice dont il fut un des plus ardents promoteurs, encourager l’éclosion de nombreuses phalanges de la Croisade Eucharistique, bénir les troupes des Scouts et des Louveteaux, promouvoir la création des Conférences de St Vincent de Paul et enfin, en novembre 1934, prendre part au moins par ses prières au premier Concile plénier d’Indochine. Mgr de Chrysopolis ne put assister qu’à la cérémonie de clôture. C’est qu’en effet depuis le mois de mai, l’état de santé du vénérable octogénaire s’était singulièrement aggravé : fièvre, ictère le ramenaient toujours à la clinique Saint-Paul, mais sa robuste constitution reprenait toujours le dessus. Sa piété se faisait aussi de jour en jour plus fervente. Son Excellence ne quittait presque son oratoire, et quand elle fut forcé de garder la chambre, le rosaire s’égrenait interminablement, ajoutant les ave aux ave. « Comme et quand le bon Dieu voudra » ! aimait à redire le vénérable malade. Dès le début de 1935, les forces déclinèrent rapidement et, au commencement de février, il fut évident que la fin était proche. Le 2 février, jour anniversaire du martyre du Bienheureux Théophane Vénard, Monseigneur reçut les derniers sacrements des mains de son Coadjuteur. Puis ce furent les dernières luttes, le coma ; et le 7 février, un peu avant midi, l’Évêque de Hanoï allait rejoindre au ciel les vieux compagnons de ses travaux apostoliques.
« J’ai cru, disait son testament spirituel, que les éminentes vertus et l’éclat du nom Mgr Puginier nous faisaient un devoir d’honorer solennellement sa mémoire. Pour moi, rien de pareil ; je demande qu’à mon enterrement l’on se borne aux prescriptions du cérémonial des évêques ; ni fleurs, ni couronnes. De même ma volonté expresse est que, soit ici, soit en France, l’on ne publie rien à mon sujet, sauf la notice réglementaire que je prie de réduire au résumé des faits sans aucun éloge, puisque je n’en mérite pas. S’il y a eu quelque bien réalisé pendant mon administration, c’est uniquement grâce à la protection de la très Sainte-Vierge qui a tout conduit, tout arrangé malgré mes erreurs, ma négligence, et dont la maternelle assistance a été visible en maintes circonstances ». Les funérailles furent donc simples, comme l’avait exigé le vénéré défunt, mais la présence de Mgr Dreyer, Délégué du Saint Siège, celle de tous les Évêques du Tonkin entourés de nombreux missionnaires et prêtres indigènes, la présence aussi de toutes les autorités civiles et militaires, la foule immense des catholiques français et annamites qui se pressaient dans la cathédrale de Hanoï et celle de Ke-so, apportaient à ces cérémonies la note de grandeur que demandait la belle et douce figure de ce vieillard qui fut témoin et acteur d’une des grandes pages de l’histoire de l’Église du Tonkin.
Je me suis efforcé de rester fidèles aux dernières volontés de notre bien-aimé Père, en réduisant cette notice au simple résumé des faits, sans insister sur les dons et les grâces reçues d’en-haut ni rechercher les ombres qu’amènent infailliblement les imperfections de l’humaine nature. Il me sera cependant bien permis d’ajouter que nos chrétiens s’empressèrent autour de sa couche funèbre pour faire toucher au corps du défunt : images, chapelets, médailles. Des suppliques furent enfermées dans le cercueil et une guérison obtenue à la suite d’une neuvaine semblerait indiquer que Dieu veut peut-être donner à son serviteur les honneurs que son humilité lui a fait refuser.
Références
[1171] GENDREAU Pierre (1850-1935)
GENDREAU
Pierre
(1850 - 1935)
[1171]
GENDREAU Pierre, Jean-Marie.
Références biographiques
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Février 1995
Mémorial Mgr. GENDREAU Pierre,Jean, Marie page