Pierre LALLEMENT1850 - 1908
- Statut : Prêtre
- Identifiant : 1247
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Identité
Naissance
Décès
Missions
- Pays :
- Vietnam
- Région missionnaire :
- 1875 - 1908 (Saigon)
Biographie
[1247]. LALLEMENT, Pierre-Marie, né au Pouliguen (Loire-Inférieure) le 23 septembre 1850, fit ses études théologiques au séminaire de Nantes, et fut ordonné prêtre le 29 juin 1874. Il entra au Séminaire des M.-E. le 23 juillet suivant, et en partit le 30 juin 1875 pour la Cochinchine occidentale. Il fut vicaire à Ba-ria, et en 1876 à Cai-mong. L'année suivante, il devint professeur au séminaire de Saïgon, où son enseignement se distinguait par son élévation autant que par sa solidité théologique.
En 1880, il fut placé à Tha-la ; en 1881, à Bien-hoa ; et en 1887, à Vinh-long où il devait rester une vingtaine d'années. Nommé provicaire le 25 février 1901, il fut chargé pendant quelques mois, en 1905, du supériorat de la mission, et fit apprécier la sûreté de son jugement et la bonté de son cœur, que son abord un peu froid et sa parole réservée cachaient facilement. Il mourut au séminaire de Saïgon le 24 décembre 1908, et fut enterré dans le cimetière des missionnaires, au tombeau de Mgr d'Adran. Il possédait bien l'annamite, et fit en cette langue plusieurs ouvrages qui sont estimés.
Nécrologie
M. LALLEMENT
PROVICAIRE APOSTOLIQUE DE LA COCHINCHINE OCCIDENTALE
Né le 23 septembre 1850.
Parti le 30 juin 1875.
Mort le 24 décembre 1908.
M. Pierre-Marie Lallement appartenait au diocèse de Nantes, auquel il resta toujours attaché. Il lui avait conservé un vif et profond sentiment d’amour et de reconnaissance, non seulement comme à son pays d’origine, mais aussi comme à l’auteur de sa brillante et solide formation sacerdotale. Il s’en montra également toujours lier, l’esti¬mant, à juste titre, un de nos diocèses de France les plus généreux pour dominer ses enfants à notre Société des Missions-Étrangères.
Entré prêtre au séminaire de la rue du Bac, il en partit, après un séjour d’une année, pour la mission de Cochinchine occidentale.
Je le vois encore, au séminaire de Paris, entrer à la salle des exer¬cices, qu’il devait traverser dans toute sa longueur pour gagner la place assignée. De belle taille, de tournure distinguée, la tenue irré¬prochable, il s’avançait le front haut, le buste rigide, l’air sérieux et sévère, semblant vouloir donner à la communauté le spectacle de la solennelle dignité d’un élève de Saint-Sulpice.
Un jour que, en mission, je lui communiquais les réflexions que je m’étais permises sur son extérieur et sur sa démarche, il me répondit qu’il n’en agissait de la sorte que par l’excès d’une timidité dont il était affecté, au point de ne pas oser adresser le premier la parole aux aspirants plus jeunes et moins élevés dans la hiérarchie cléricale. En parIant ainsi, il donnait la note juste ; car, quoique d’une âme coura¬geuse et ferme, d’une âme de Breton, il fut un timide, et, si je lui exprimai souvent mes regrets touchant la qualité qui lui fit défaut, ce fut toujours pour déplorer son manque de hardiesse. Soit défiance de sa propre valeur, soit disposition naturelle, il doutait de lui en tout et partout. Avec ses amis et connaissances habituels seulement, il savait se montrer réellement ce qu’il était. Si, par la suite, il perdit cette timidité avec ses intimes, il la conserva toujours avec ceux qu’il ne connaissait guère. Ce défaut lui fit tort et le priva d’une partie de ses moyens. Son abord en resta pénible, froid, parfois glacial. C’était cependant un cœur d’or, un ami sûr, d’une discrétion rare et d’une fidélité à toute épreuve. Aussi ma conviction est que peu de confrères ont connu cette âme avant 1905, époque à laquelle il dut exercer le supériorat de la mission, pendant quelques mois. Cet intérim l’a grandement fait apprécier par les missionnaires et les prêtres indigènes.
Son enseignement au séminaire et ses instructions aux fidèles dépassèrent souvent l’intelligence de ses auditeurs. Ceux qui, doués d’une plus grande facilité et d’un esprit plus sérieux, parvenaient à le saisir, faisaient des progrès remarquables, extraordinaires, ainsi que ses successeurs l’ont tous constaté.
Esprit distingué, intelligence d’élite, il ne fréquentait pas les chemins battus, il allait par les hauteurs. Les lieux communs, la routine, ou l’à peu près n’eurent pas d’ennemi plus acharné. D’une originalité vive, primesautière élégante comme sa personne, il s’élevait rapidement aux sommets, y planait avec aisance, mais n’en descendait pas toujours à temps pour se mettre à la portée de son auditoire, et, ne se sentant pas compris, son âme en souf frait.
L’idéal qu’il poursuivait lui-même et qu’il se sentait poussé à proposer aux autres, était sans doute trop parfait pour ceux qu’il voulait conduire dans la voie du salut, et c’était pour lui encore un nouveau et inépuisable sujet de tristesse.
Le désir, peut-être excessif, de réaliser dans les les âmes son idéal de perfection chrétienne lui inspira, aux jours de sa complète formation apostolique, la seule ambition, je crois, qu’il eût jamais laisser éclore en son âme. Quoique devant travailler de longues années, et souvent avec succès, à la conversion des païens, il eût voulu se consacrer à la perfection morale d’une de nos grandes chrétientés, composée en majeure partie, de chrétiens de race. Il sentait que là seulement son zèle apostolique et ses a aptitudes spéciales pourraient se donner libre essor, croyant que son cœur y serait mieux compris ; mais ce rêve de son âme, éprise du beau surnaturel, ne se réalisa jamais, et peut -être en conserva-t-il une certaine mélancolie : il en arriva certainement à se considérer parfois comme un serviteur inutile.
C’est une des causes pour lesquelles, sans négliger le ministère paroissial, il s’adonna particulièrement aux travaux de l’étude. Ses prédilections furent tout d’abord, pour la langue annamite, qu’il possédait à fond et qu’il parlait avec autant d’élégance que de facilité. Dans ce vaste champ, jamais trop exploré, il nous rendit de très grands services. Sans parler de l’appropriation de quelques légendes pieuses qui tirent les délices des lecteurs indigènes, il traduisit en un style aussi clair, aussi précis qu’élégant, le petit catéchisme des fêtes de l’année liturgique, les floretti de saint François et il laisse encore divers manuscrits.
Je me rappelle qu’on fit lire, un jour, au petit séminaire de Saïgon, en guise de lecture spirituelle, une histoire édifiante tirée de la collection du Pèlerin et mise au point en annamite par notre habile traducteur. Les jeunes têtes de nos élèves, à l’aspect ordinairement froid et réservé, ne tardèrent pas à se relever attentives et intéressées, puis à s’animer et à s’éclairer d’un reflet de bonheur attendri. La lecture, interrompue par l’étude du soir, fut, à la récréation suivante, le thème de toutes les conversations. Le lendemain les élèves soupiraient après la fin de la récréation qui précède l’exercice spirituel, afin de pouvoir entendre la contiuation de la lecture. L’intérêt du récit était bien pour un peu dans la révolution pacifique provoquée chez la jeunesse ; mais c’est aux qualités exceptionnelles de la traduction qu’il fallut, pour être juste, en attribuer la meilleure part.
Son ông trùm, le chef de ses catéchistes, modeste, mais savant lettré, qui, durait plusieurs années, consacra ses loisirs quotidiens à le perfectionner dans la connaissance de la langue annamite, souriait de bonheur en lisant ces œuvres, dues au talent du plus brillant de ses élèves.
M. Lallement se complaisait ensuite à la culture des sciences théo¬logiques et de l’art de la prédication, que de solides études faites au séminaire de Nantes et son amour de la prière lui rendaient faciles et même agréables. Il annota et commenta presque tous les sermons de M. Lejenue qui fut son auteur favori, durant de longues années. Il tra¬duisit du latin en français une partie importante des œuvres de saint Augustin, sans parler d’autres nombreux travaux. Malgré ses profondes connaissances théologiques et ascétiques et une grande facilité d’élocution, je ne crois pas qu’il lui soit arrivé de monter en chaire pour faire entendre la parole de Dieu, sans s’y être sérieuse¬ment préparé la plume à la main. J’ai trouvé chez lui une quantité de sermons écrits par lui, et sortis de son esprit et de son cœur après de longues méditations.
Il conserva également durant toute sa vie le goût et le culte des grands classiques, soit français, soit latins, qui ont affiné notre belle langue française. Il ne dédaignait pas, aux heures de loisir que sa régularité et la belle ordonnance de sa vie lui ménageaient, de faire passer les beautés des classiques latins dans un français aussi ner¬veux que souple, élégant et harmonieux.
Si beaucoup de confrères de la mission ne s’en doutent même pas, c’est qu’il ne fit jamais parade de son érudition, ni de ses travaux. Il n’en fit montré que rarement, entre intimes, par des citations latines, toujours exactes et frappées au coin du meilleur goût. Il resta toute sa vie un travailleur assidu, acharné ; et l’éloge n’est pas banal, appliqué à un Européen, à un homme de race blanche qui a passé trente-trois ans sans retour en France, sous le climat torride et débilitant de la Cochinchine, où l’activité des plus forts tombe, et où l’intelligence des meilleurs esprits s’émousse, quand ce n’est pas pire.
Tous les matins levé dès 4 heures, il se rendait à l’église pour y faire le chemin de la croix et y méditer la Passion de Jésus-Christ ; puis, après la récitation des petites heures, il se préparait à la célé¬bration de la sainte messe. Au cours d’une des visites qu’il faisait, assez souvent, chaque année, à ses vicaires et à ses nombreuses petites chrétientés, il se dirigea, un jour, à l’heure habituelle de son adoration devant le Saint-Sacrement, vers la porte de la chapelle, dont l’état misérable ne permettait pas de conserver la sainte Réserve. Son jeune auxiliaire lui fit remarquer l’absence du Saint-Sacrement : « Le bon Dieu est présent partout, répondit-il, et partout, même sous une pailotte, on peut aller lui offrir ses hommages. »
La lecture spirituelle et l’Écriture sainte tenaient également une large place dans son règlement et tous les confrères qui ont pénétré dans son intimité connaissent la fidélité scrupuleuse avec laquelle il en observait les moindres articles. Même en barque, sur les petits arroyos, comme sur les grands fleuves dans nos basses provinces, il consacrait une partie de son temps à la récitation de son chapelet, à la lecture réfléchie de nos meilleurs auteurs ascétiques et à la médita¬tion des saintes Écritures. Je crois n’être pas téméraire en affirmant que c’est à cette fidélité inviolable à ses exercices de piété qu’il faut attri¬buer les innombrables victoires qu’il remporta sur l’esprit tentateur.
Tout chrétien, instruit des vérités de la religion, n’ignore pas que Notre-Seigneur, en promettant sa grâce et assurant la victoire à tous ses fidèles, ne leur a pas garanti le triomphe sans la lutte. Il lui arrive même de multiplier les épreuves aux âmes de prédilection. M. Lallement, tout comme saint Paul, le grand apôtre des Gentils, comme saint Antoine, l’invincible athlète de la Thébaïde, eut à combattre longuement les ennemnis de notre salut. Lorsque, dans ses luttes souvent renouvelées, il épanchait l’amertume de son cœur devant le tabernacle de son Dieu, toujours la voix consolatrice lui répondit : Sufficit tibi gratia mea.
Son abord froid, son regard scrutateur, sa réputation d’homme sévère, exagérée, je crois, si on l’applique au traitement des autres, mirent assez souvent le froid aux cœurs des jeunes confrères qui ne l’avaient pas jugé par ses œuvres. Ses auxiliaires, soit Français, soit Annamites, qui n’avaient pas l’avantage de l’approcher, de le voir de près, s’effrayaient de débuter sous sa direction. Mais lorsque des relations suivies avaient brisé l’écorce extérieure et les avaient intro¬duits jusqu’à son cœur, ils s’estimaient heureux de partager ses travaux et de bénéficier, malgré les apparences, d’une sollicitude généreuse et assidue.
Le doyen de nos prêtres indigènes, M. Gabriel Thanh, qui se pré¬pare dans la retraite, à paraître devant Dieu, s’honore encore aujour¬d’hui, après 25 ans, d’avoir toujours été traité comme un frère par M. Lallement, pendant les cinq années où il eut le bonheur de tra¬vailler sous sa direction.
Chaque année, à peu près à la même époque, M. Lallement se plai¬gnait de maux d’estomac. Cette fois, le mal se montra rebelle à tout traitement. Au commencement de décembre dernier, ne pouvant plus rien digérer, pas même un peu de lait, il se trouva bien vite dans un état de faiblesse tel qu’il dut s’aliter. Ne voulant point quitter son poste de Vinh-long où il résidait depuis une vingtaine d’années, et personne dans son entourage ne considérant son état comme grave, il prit la résolution de souffrir en silence et de s’en remettre entièrement à la volonté de Dieu.
Prévenu par le médecin du poste que l’état du cher malade donnait des inquiétudes, je me rendis de suite à Vinh-long, et, malgré son extrême faiblesse, j’eus la consolation de le ramener à Saïgon. Le len¬demain de son arrivée ici, le 23 décembre, il eut une syncope. Une injection de caféine lui fit reprendre connaissance assez promptement. Je lui proposai alors de lui administrer l’Extrême-Onction : « Très volon¬tiers, me dit-il, mais auparavant je désire me confesser à vous une dernière fois. » Il répondit lui-même à toutes les prières, et, la céré-monie terminée, il me pria de demander pardon à tous ses confrères absents...
La veille de Noël, vers 4 heures du matin, il perdit connaissance de nouveau. Cette fois, les injections de caféine et d’éther ne produisirent aucun effet. C’était l’agonie qui commençait. Elle a été longue, mais très douce. Quelques minutes avant 9 heures du matin, il souleva ses deux bras à égale hauteur, puis, dans un dernier spasme, il exhala son dernier soupir et rendit son âme à Dieu : Pretiosa in conspectu Domini mors sanctorum ejus.
Le lendemain, jour de Noël, la dépouille mortelle de notre cher provicaire fut transportée au cimetière des missionnaires, attenant au tombeau de l’évêque d’Adran. C’est là qu’il repose au milieu de ses frères, près de M. Simon, déposé douze jours avant lui au champ du dernier repos.
Ses amis conserveront le souvenir de ce confrère, qui ne fut pas seulement un prêtre pieux dans toute la force du terme, mais encore un esprit élevé, généreux, un cœur délicat, à l’affection très sûre et par-¬dessus tout très fidèle. Requiescat in pace !
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Références
[1247] LALLEMENT Pierre (1850-1908)
Bibliographie. - (Petite histoire sainte avec histoire de l'Eglise). - Imprimerie de la mission, Saïgon-Tandinh, 1887, in-8, pp. 118 ; 2e édit., 1897 ; 3e édit., 1905, in-8, pp. 104.
(Catéchisme pour les principales fêtes et solennités de l'année). - Imprimerie de Nazareth, Hong-kong, 1900, in-12, pp. 83.
(Fioretti) [de saint François d'Assise]. - Imprimerie de la mission, Saïgon-Tandinh, 1902, in-8, pp. 308.
Notes bio-bibliographiques. - C.-R., 1896, p. 224 ; 1897, p. 179 ; 1899, p. 223 ; 1901, p. 165 ; 1905, p. 163 ; 1906, p. 173. - M. C., xli, 1909, p. 71. - A. M.-E., 1901, p. 117 ; 1902, Une page de l'histoire de la paroisse de Ba-ria, p. 111 ; Ib., Orphelinat agricole, p. 140 ; 1905, Les Religieuses annamites, p. 172. - P. M. M., 1880, p. 81 ; 1882, p. 299 ; 1883, p. 380 ; 1909, p. 182. - Sem. rel. Nantes, 1909, Sa mort, p. 174.
Notice nécrologique. - C.-R., 1908, p. 295.
Portrait. - M. C., xli, 1909, p. 71.