Jean DIRIDOLLOU1865 - 1898
- Statut : Prêtre
- Identifiant : 1819
Identité
Naissance
Décès
Missions
- Pays :
- Malaisie - Singapour
- Région missionnaire :
- 1889 - 1898 (Malacca)
Biographie
[1819]. DIRIDOLLOU, Jean-Emmanuel, né le 28 mars 1863, à Plésidy (Côtes-du-Nord), entra laïque au Séminaire des M.-E. le 10 septembre 1884, fut ordonné prêtre le 8 juillet 1888, et partit le 12 décembre suivant pour la mission de Malacca.
Vicaire à la paroisse indienne Saint-François-Xavier à Georgetown (Pinang) jusqu'en 1890, il fut, cette même année, placé à la tête de la colonie de Saint-Joseph dont le centre était à Bagan Seraï, sur le continent, et dont dépendaient les Indiens dispersés sur le territoire de Perak. Il répara la modeste église, fonda un orphelinat et deux écoles. Malade en juin 1898, il entra à l'hôpital de Georgetown, et y mourut le 22 juillet suivant. Son corps repose aujourd'hui dans la nouvelle église de Bagan Seraï.
Nécrologie
M. DIRIDOLLOU
MISSIONNAIRE APOSTOLIQUE DE MALACCA.
Né le 28 mars 1865
Parti le 12 décembre 1888
Mort le 22 juillet 1898
La Mission de Malacca, déjà si éprouvée depuis deux ans, perdait encore cette année et d’une manière bien imprévue un de ses meilleurs ouvriers. M. Diridollou, âgé de trente-cinq ans à peine, mourait le 22 juillet, emporté par une mauvaise fièvre après un mois de maladie. Le bon missionnaire que les Indiens de Kurao pleureront longtemps comme un père, était né, en 1865, à Plésidy, au diocèse de Saint-¬Brieuc. C’était un vrai Breton, unissant dans son même amour enthou¬siaste la Bretagne et la Malaisie, C’était aussi un aimable et joyeux confrère, un saint et zélé missionnaire. Homme d’un jugement sûr et de bon conseil, il avait, quoique jeune encore, acquis la maturité et l’expérience des vieux. C’est le témoignage que lui rendent tous ceux qui l’ont fréquenté.
Arrivé en Mission en janvier 1889, il fut destiné à la mission indienne, et après six mois passés à Singapore, envoyé à Pinang. La mission in¬dienne de Pinang passait alors par un moment d’épreuves. Les deux mis¬sionnaires étaient à la fois mis hors de combat. M. Cesbron venait de partir pour Hong-kong, et moi, j’étais frappé d’une maladie qui devait me mener à deux doigts de la mort. Le nouveau confrère trouva donc tout de suite de l’ouvrage à faire. Il s’y mit de tout cœur. Je pus encore le piloter quelques mois, puis je dus aussi quitter mon poste, le lais¬sant seul chargé de tout, en attendant le retour de M. Cesbron. Celui-ci revint au bout de deux mois, et ils travaillèrent de concert pendant six mois à l’administration de leur immense district.
Mgr Gasnier jugeant alors M. Diridollou capable de marcher seul, divisa en deux la chrétienté indienne : la part qui échut au jeune missionnaire fut celle qui l’avait attiré tout d’abord, la colonie de Saint-Joseph, avec les Indiens dispersés sur tout le territoire de Perak jusqu’à 100 milles et plus. C’était une lourde charge pour un missionnaire de dix-huit mois. Mais son évêque l’avait bien jugé et sa con¬fiance ne fut pas trompée. Il visita tous les coins jusqu’aux plus reculés de son district, rencontrant partout des chrétiens jusqu’alors à peu près abandonnés, encourageant les bons, ramenant les pécheurs, prê¬chant, baptisant, bénissant les mariages. Ministère ardu, pénible, et qui ne donne pas toujours que des consolations. M. Diridollou s’en acquitta avec un dévouement au-dessus de tout éloge jusqu’au jour où d’autres confrères le déchargèrent de cette partie de son district.
Mais ce fut sur sa chère colonie de Saint-Joseph qu’il concentra plus particulièrement son amour et son zèle. Au moment où il en prit la direction, il y avait là une centaine de familles indiennes. Pour les attirer au fond des bois, il avait fallu ouvrir la main large et fermer les yeux sur bien des choses. Or, l’indulgence et la libéralité sont des vertus dont l’indien sait abuser mieux que personne. De plus, jusqu’alors le missionnaire n’avait jamais résidé là d’une manière per¬manente. Ses apparitions trop rares et trop courtes ne suffisaient pas pour maintenir la discipline comme il aurait fallu. Tout en souffrait. C’étaient des querelles journalières et des cas d’ivrognerie, fréquents. Le nouveau pasteur entreprit de remédier à ces abus. Il y mit son énergie et son zèle et réussit au delà de toute espérance.
Ses sermons, ses catéchismes, sa direction à la fois ferme et pater¬nelle produisirent leur effet, et quelques années plus tard, quand on rencontrait un chrétien plus instruit, d’une régularité et d’une piété hors du commun, on pouvait dire à coup sûr : il vient de la colonie indienne. Ce résultat ne s’obtint pas tout seul. Il faut avoir connu les Indiens, leur apathie, leur mollesse, leur légèreté, pour se faire une idée de la dose de patience nécessaire au missionnaire chargé d’eux. Cette vertu n’était pas la vertu dominante de M. Diridollou. Il sut l’acquérir, et si les contradictions, les déceptions lui furent plus d’une fois des crèveœur, rien ne parvint jamais à le décourager. Et pourtant que de choses qui auraient rebuté une âme moins fortement trempée !
Maintes fois il vit les rats dévorer la moisson qui devait nourrir ses orphelins ; les larmes lui en venaient aux yeux, mais cela ne l’empêchait pas de replanter avec un nouveau courage. Les colons, grands enfants habitués pour la plupart à ne travailler que sous les coups de bâton, négligeaient volontiers la culture de leurs terres, il fallait à cha¬que instant secouer leur paresse. C’était au Père à les diriger, à les pousser au travail comme s’ils eussent été ses propres coolies. A le voir du matin au soir par le soleil et par la pluie, les pieds dans la boue à travers les rizières ou la forêt, on l’eût pris pour un planteur surveillant sa propriété. Le fait est que bien des planteurs ne se donnent pas, pour leur propre compte, la peine, le tracas, la fatigue qu’il se donnait pour le compte des autres. Si encore le succès avait tou¬jours récompensé ses efforts ! Mais que de fois il vit toutes ses peines aboutir à une mauvaise récolte ! Et alors c’était la gêne, la misère même dans bien des familles, et les gens sur qui il avait compté pour aider ses œuvres venaient au contraire lui tendre la main.
On ne comprend pas conment avec tant de difficultés et si peu de ressources, il put faire tout ce qu’il fit. Église, maison, écoles n’étaient que des paillottes. Moins d’un an après son arrivée, il vit celle qui servait d’église renversée par le vent, la nuit même de la fête patronale de saint Joseph. Il la releva plus grande et plus solide. Puis craignant que sa maison n’eût le même sort, il la remplaça par une construction en briques. Il bâtit aussi un orphelinat qui abrite déjà plus de 20 enfants. Un an à peine avant sa mort, il avait pu achever la construction de deux belles écoles. Il rêvait déjà une église monumen¬tale, quand la maladie vint l’arrêter.
Dans un coin perdu au fond des bois, on ne pouvait, au moins jusqu’à ces derniers temps, avoir le confort relatif qu’on peut trouver ailleurs ; la nourriture est pauvre ; l’eau n’est pas bonne. La solide constitution du missionnaire semblait s’être faite à cette vie de pauvreté et de privations. Ce ne fut que dans les premiers mois de l’année 1898 qu’il commença à se sentir fatigué ; l’appétit et le sommeil diminuaient ; il éprouvait un malaise général. Il n’y fit pas attention et crut à une fati¬gue passagère. Le second dimanche de la Fête-Dieu, après les offices et la procession du Saint-Sacrement, il se plaignit d’un violent mal de tête ; il partit pour Pinang le lendemain.
Le docteur dévoué qui le soigna pendant quelques jours, voyant qu’il ne pouvait rien faire pour le soulager, lui conseilla d’aller à l’hô¬pital. Les soins des Sœurs eurent d’abord un bon effet. Le médecin de l’établissement déclara que ce serait une affaire de quelques jours pour le remettre sur pied, mais qu’au sortir de l’hôpital il lui faudrait faire un voyage en France. De Pinang où je me trouvais alors, j’écrivis à Singapore pour assurer son passage sur le bateau du 22 juillet. Sur ces entrefaites, la fièvre se déclara ; d’abord assez bénigne, elle aug¬menta vite d’intensité. J’étais justement à la colonie indienne pour y donner la Confirmation, on me télégraphia de revenir.
Je trouvai le cher Père avec une forte fièvre que cependant les doc¬teurs ne désespéraient pas de couper. Après quelques jours d’essais inutiles, ils réussirent à moitié, mais il était trop tard ; malgré les re¬mèdes les plus énergiques, on constata que la vie s’en allait. Je lui administrai les derniers sacrements qu’il reçut avec une grande dévotion et un calme parfait. C’était le jeudi 21 juillet. Je restai près de lui la plus grande partie de la journée, ainsi que d’autres confrères. A toutes nos exhortations, il répondait toujours : « Parfaitement ! » Comme je lui di¬sais de répéter : Que la volonté de Dieu soit faite. « Oh oui, répondit-il d’une voix forte, toute sa volonté. » Il passa ainsi la journée en pleine connaissance, bien qu’allant toujours en s’affaiblissant. Plusieurs de ses chrétiens de Saint-Joseph étaient accourus et vinrent se jeter en pleu¬rant devant son lit ; il les regarda longuement avec des larmes dans les yeux, puis se tournant vers moi, il me dit : « Je ne puis leur parler ; dites-leur que je les bénis, eux et leurs familles.» Je répétai ses paroles à ces braves gens qui tous éclatèrent en sanglots.
M’étant absenté le soir, je revins à 11 heures et le trouvai à peu près dans le même état. Il parlait assez difficilement, mais entendait tout, même ce qui se disait à voix basse. Je me retirai un peu avant minuit, laissant près de lui deux confrères. Une heure et demie après, ils avaient la douleur d’assister à ses derniers moments. Il perdit connaissance pendant une demi-heure au plus et rendit à Dieu sa belle âme, vers 1 heure du matin, le 22 juillet, le jour même où il devait s’embarquer pour la France.
Son corps fut transporté immédiatement à l’église indienne où je chantai la messe à 8 heures. A 10 heures, nous le portions à bord du bateau de Krian et nous l’escortions dans ce dernier voyage à sa chère colonie. De Krian à Kurao, distance de 10 milles, ce fut une marche triomphale. Les chrétiens de la colonie étaient accourus, dès que le télégraphe leur avait appris la fatale nouvelle ; ce fut au milieu de leurs pleurs et de leurs gémissements que le corps du cher défunt arriva le soir à Kurao. Il fut déposé dans l’église, et l’enterrement remis au lendemain.
On demanda à ouvrir le cercueil. Craignant quelque inconvénient après un si long voyage, je refusai. Mais j’ai su depuis que les braves chrétiens, dès qu’ils nous virent endormis, enlevèrent doucement les vis, ouvrirent le cercueil et couvrirent de baisers les mains de leur Père. Puis le cercueil fut refermé et tout remis dans l’ordre, comme si rien ne s’était passé.
Le lendemain, une seconde messe fut chantée, puis le corps du cher P. Diridollou fut déposé dans une fosse creusée au milieu du cimetière, en attendant qu’il ait une place dans cette église qu’il a rêvée et qu’un autre bâtira.
Un mois plus tard, nous nous trouvions réunis de nouveau pour le service du trentième jour. Les chrétiens, non contents de souscrire largement pour décorer l’église, s’étaient confessés en grand nombre, et plus de trois cents communions furent offertes pour le repos de l’âme du pasteur défunt. La plupart ont tenu à faire dire pour lui une ou même plusieurs messes, montrant ainsi qu’ils savaient apprécier et mettre en pratique les leçons qu’ils avaient reçues de lui. Puissent-ils ne jamais les oublier ! Que la vue de son tombeau soit pour eux un enseignement, une parole qui leur apprenne à bien vivre et à bien mourir : Mortuus adhuc loquitur.
† R. FÉE,
Évêque de Malacca.
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Références
[1819] DIRIDOLLOU Jean (1865-1898)
Notes bio-bibliographiques. - C.-R., 1891, p. 188 ; 1892, p. 208 ; 1893, p. 220 ; 1895, p. 255 ; 1897, p. 275 ; 1898, p. 208 ; 1905, p. 211. - A. M.-E., 1914, pp. 81, 131. - L'Indépendance bretonne, 1898, n° du 13 juill.
Notice nécrologique. - C.-R., 1898, p. 334.