Marcel LACROUTS1871 - 1929
- Statut : Prêtre
- Identifiant : 2120
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Identité
Naissance
Décès
Autres informations
Missions
- Pays :
- Corée
- Région missionnaire :
- 1894 - 1916
- 1919 - 1920
Biographie
[2120] LACROUTS Marcel, est né à Bordes (Pyrénées Atl. anc. Basses Pyr.), au diocèse de Bayonne, fils de Jean Lacrouts et de Lucine Fourçans, le 10 mai1 1871.
Entré au Séminaire des Missions Étrangères en septembre2 1890, il est ordonné prêtre le 1er juillet 1894 et, destiné à la Corée, part de Paris le 29 août et arrive à Séoul le 25 octobre suivant.
Après avoir un peu étudié la langue, il est envoyé dans la province du Chon-la septentrional tenir la place qu'occupait le Père Jozeau, avant d'être massacré par des troupes chinoises lors des troubles qui survinrent en Corée en 1894, à Pai-jai, dans l'arrondissement de Kim-jé et le canton de Keum-san. Dans cette chrétienté perdue au milieu des montagnes, le Père Deguette, qui avait été expulsé de Corée en 1879 et qui y était revenu clandestinement ensuite, s'était caché pendant un certain temps; le Père Vermorel y séjourna 5 ans, puis le Père Jozeau un peu plus d'un an. Arrivé là en 1895, le Père Lacrouts déplace sa résidence de quelques kilomètres et va s'établir à Sou-ryon en 1895, restant toutefois dans le même canton. C'est à croire que les chrétiens du lieu sont tout à fait dignes de confiance. En effet, cette année-là, Mgr. Mutel, vicaire apostolique de Corée, demande au Père Lacrouts de persuader au moins quelques-uns de ses chrétiens d'émigrer à la grande ville de Mok-po, dans la province du Chon-la méridional, pour s'y implanter et devenir le noyau d'une future chrétienté.
En juin 1900, le Père Lacrouts est transféré de Sou-ryon dans la grande île de Chi-ju, située à l'extrême sud-ouest du pays et où, accompagné d'un prêtre coréen, le Père Peynet a fait une mission d'exploration missionnaire durant les 13 derniers mois et a acheté une maison. Dans cette île où on déportait volontiers les détenus politiques, on comptait à l'époque une population de 150.000 habitants. Là, plus encore que sur le continent, les fonctionnaires prenaient plaisir à opprimer et à extorquer le peuple, qui de temps à autre se révoltait et massacrait ses exploiteurs. Le Père Lacrouts eut bientôt un bon nombre de catéchumènes, les uns réellement sincères, les autres s'imaginant trouver dans le grand étranger" une protection contre les oppresseurs. Toujours optimiste, et bien conscient de la complexité des motivations, le Père Lacrouts espérait que ces catéchumènes deviendraient de bons chrétiens avec le temps, l'instruction et la grâce du baptême.
En cette année 1900, le gouvernement a envoyé dans l'île un nouveau collecteur d'impôts qui est un véritable rapace et qui emploie quelques nouveaux chrétiens. Au début de 1901, le Père Lacrouts avait donné 200 baptêmes et comptait un millier de catéchumènes. Il pouvait nourrir toutes sortes d'espérances. Mais en avril 1901, alors qu'il était absent de l'île pour la retraite annuelle des missionnaires, le peuple se révolta. Quand il revint en mai, accompagné du jeune P. Mousset, le Père Lacrouts trouve toute l'île en effervescence et la ville-préfecture assiégée. Le collecteur d'impôts lui ayant échappé en se réfugiant sur un bateau, la populace se retourne sur ses employés chrétiens d'abord, puis sur l'ensemble des chrétiens. En effet, si les employés chrétiens purent au début trouver refuge chez les missionnaires, les gens de la ville finirent par en ouvrir les portes aux émeutiers. Effrayé de ce qui pourrait arriver, le préfet donna refuge aux missionnaires, mais des chrétiens étaient massacrés sur la place de la ville, puis dans les villages avoisinants. Les émeutiers avaient affirmé qu'ils allaient s'en prendre directement aux "grands étrangers", mais en furent dissuadés par l'arrivée de navires de guerre aux abords de l'île, le 1er juin 1901. Cette émeute qui avait duré un petit mois fit 900 victimes, dont 700 chrétiens, baptisés ou seulement catéchumènes.
Avec le retour au calme, le Père Lacrouts s'efforce de réparer les dégâts. Il n'y a plus de catéchumènes, les nouveaux chrétiens se sont raréfiés, il faut secourir les veuves et les orphelins, la situation paraît désespérée. D'autant plus que, tous les ans, des rumeurs malicieuses se propagent, tenant les païens éloignés de l'Église. Mais le Père Lacrouts garde tout son optimisme; loin de se décourager, il emploie tous les moyens que son zèle lui suggère pour répandre la Bonne Nouvelle et recréer un élément de sympathie envers l'Église. Sous toutes sortes de prétextes, il invite chez lui les notables, qui sont charmés de son hospitalité, mais en restent là. Il fait de nombreuses visites à domicile, mais ses espérances sont souvent déçues. Il prêche dans les villages et s'attire l'estime de la population, qui ne bouge guère. Mais la graine est semée, et 70 ans après l'émeute meurtrière de 1901, la ville-préfecture de Chi-ju deviendra le siège d'un évêché. En 1909, le Père Lacrouts a fondé une école de filles que les Japonais contraindront à fermer ses portes en 1916, mais qui renaîtra peu après que la Corée aura retrouvé son indépendance.
En 1911, lors de la création du vicariat apostolique de Taegu, l'île de Che-ju et le Père Lacrouts y sont rattachés.
Plusieurs missionnaires ayant été mobilisés pour la guerre de 1914, le Père Lacrouts est ramené sur le continent en 1915 pour, à Chon-ju, succéder au Père Baudounet qui est décédé au mois de mai. Le Père Lacrouts hérite alors d'une belle église et d'une paroisse florissante. Il y fait construire un presbytère qui, mieux que la paillote où vivait le Père Baudounet, s'accorde avec les lieux.
En 1916-1918, le Père Lacrouts est en France, car il a finalement été mobilisé pour la guerre. Revenu à son poste en 1919, il se dépense avec ardeur dans la ville de Chon-ju et dans ses environs, parlant à tout le monde, chrétien ou païen, "importune et opportune". En 1924, en donnant l'Extrême-onction à une malade, il contracte la même maladie et ne s'en remet pas. En 1925, son état d'épuisement est tel qu'il doit aller se faire soigner à Hongkong. Selon le médecin, il est atteint de phtisie. Il aurait dû prolonger son séjour à Hongkong, mais dès qu'il se sentit un peu mieux, il voulut revenir à son poste et poursuivre son travail. Mais en janvier 1929, il est à nouveaux très mal. Sa vue baisse, ses forces le quittent, il ne sort guère plus de sa chambre, il devient un cadavre ambulant. Le 10 août 1929, il reçoit la visite de plusieurs de ses anciens paroissiens de Chi-ju et échange avec plaisir plusieurs vieux souvenirs avec eux. Quelques heures plus tard, le 11 août vers une heure du matin, le Père Louis Lucas, qui couchait juste au-dessus du Père Lacrouts, entend un bruit insolite. Inquiet, il descend rapidement et trouve le Père Lacrouts vomissant le sang à pleine bouche. Le Père Lucas a juste le temps de lui donner une dernière absolution, et l'Extrême-onction, selon la formule brève, le Père Lacrouts décède aussitôt.
Le 13 août 1929, le Père Lacrouts est inhumé au cimetière catholique de Chon-ju, auprès du Père Baudounet, son prédécesseur.
1 selon les sources MEP de Séoul; le 8 mai selon la notice nécrologique MEP et selon l'archiviste.
2 le 15 selon les sources MEP de Séoul; le 16 selon la notice nécrologique.
Nécrologie
M. LACROUTS
MISSIONNAIRE DE TAIKOU
M. LACROUTS (Marcel), né à Bordes (Bayonne, Basses-Pyrénées), le 8 mai 1871. Entré laïque au Séminaire des Missions-Etrangères le 16 septembre 1890. Prêtre le 1er juillet 1894. Parti pour la Mission de Corée le 29 août 1894. Mort à Tjien-Tjyou, Mission de Taikou, le 11 août 1929.
Notre regretté confrère M. Marcel Lacrouts était né à Bordes au diocèse de Bayonne le 8 mai 1871. Il entra au Séminaire des Missions-Etrangères le 16 septembre 1890, et fut envoyé, ses études terminées, dans la Mission de Corée. C’est dans le Tjyen-la-to qu’il fit ses premières armes ; dans cette province, le grand nombre des chrétiens, leur ferveur à s’approcher des sacrements, présentaient à son zèle un vaste champ. Il n’y resta que cinq ans, et en 1900, Mgr Mutel l’envoya, accompagné d’un prêtre coréen, dans l’île de Quelpaert.
Quelpaert est une grande île au Sud de la Corée ; actuellement, un vapeur fait la traversée en dix ou douze heures, tous les deux ou trois jours, mais en 1900 il n’y avait qu’un vapeur tous les deux ou trois mois ; quant aux barques qui faisaient le commerce entre l’île et le continent, elles mettaient, suivant le temps, trois à quinze jours pour la même traversée. En 1899, M. Peynet, avec un prêtre coréen, avait fait une reconnaissance dans l’île, et y avait acheté une maison : Mgr Mutel jugea qu’il était temps de commencer l’évangélisation de cette île, et y destina M. Lacrouts.
Quelpaert comptait alors 150.000 habitants ; elle était divisée en trois sous-préfectures, et le gouvernement de Séoul y était représenté par un gouverneur local et trois sous-préfets. Les indigènes de l’île sont de caractère plus rude que les Coréens du continent, peut-être en raison du fait que l’île servait de lieu de déportation pour les condamnés politiques. Là comme ailleurs, les man¬darins ne se faisaient pas faute de pressurer le peuple, qui de temps à autre se révoltait ou même massacrait ses oppresseurs s’ils n’avaient pas le temps de mettre en sûreté leurs personnes avec le produit de leurs exactions. Tel était le théâtre des travaux de notre confrère à son arrivée à Quelpaert.
M. Lacrouts eut bientôt un bon nombre de catéchumènes, les uns gagnés par l’excellence de la religion, d’autres s’imaginant trouver dans la communauté chrétienne une force de protection contre les oppresseurs. M. Lacrouts, doué d’un optimisme qui dura jusqu’à sa mort, espérait que ces catéchumènes, attirés à lui par des motifs si divers, mais que l’on pourrait instruire sérieusement dans les vérités de la foi et dans le caractère propre de la religion, feraient, moyennant la grâce de Dieu reçue au baptême, de bons chrétiens ; quant à leurs enfants, ils seraient des fidèles excellents.
En 1900, le gouvernement envoya dans l’île un collecteur d’impôts. Parmi les agents de ce personnage se trouvaient un cer¬tain nombre de nouveaux chrétiens. En avril 1901, le peuple se révolta ; et quand, en mai, M. Lacrouts, alors absent à Séoul pour la retraite, rentra dans l’île en compagnie de M. Mousset, tout le pays était en effervescence, la ville capitale était assiégée. Avant de descendre à terre, les deux missionnaires purent envoyer quelques lignes à Séoul pour exposer l’état des affaires et demander du secours. Le collecteur des impôts avait pu se réfugier à bord du vapeur : la populace, voyant sa proie lui échapper, se tourna contre les chrétiens. Ceux-ci trouvèrent refuge à la résidence des missionnaires, mais bientôt les vivres manquèrent, et d’ailleurs les gens de la ville, qui n’avaient rien à craindre des émeutiers, ¬ouvrirent les portes à ceux-ci. Le mandarin, effrayé de ce qui pourrait arriver, prit les deux missionnaires à sa résidence. Pendant ce temps, les chrétiens étaient massacrés sur la place de la ville et jusque dans le prétoire, puis le massacre s’étendit dans les villages voisins. Les émeutiers devaient revenir dans trois jours pour s’en prendre aux deux missionnaires, mais l’arrivée de bateaux de guerre français les sauva ; cependant la chrétienté naissante était anéantie.
Quand le calme fut rétabli, M. Lacrouts se mit à réparer les ruines. Plus de catéchumènes, quelques rares néophytes, des veuves et des orphelins à ramener et à secourir, telle était la situation ; elle n’était pas brillante. Tous les ans de mauvais bruits couraient, des bruits de per-sécution, qui éloignaient les païens de ¬la religion ; et puis, il fallait pourvoir aux misères laissées par la persécution, aux désordres qui s’étaient glissés dans la jeune chrétienté encore mal affermie dans la vie chrétienne. Tout autre que M. Lacrouts se serait découragé ; il tint bon, et employa tous les moyens que son zèle lui suggéra pour amener les païens à la foi. Sous un prétexte ou sous un autre, il convoquait les notables : ceux-ci, charmés de son hospitalité, finissaient par admettre tout ce que disait le missionnaire, et s’en allaient : « Cette fois, pensait celui-ci, s’ils ne se convertissent pas ! » Il essaya des visites à domicile, mais il s’aperçut que ce mode d’évangélisation présentait des inconvénients, il y renonça. Il voulut essayer de prêcher dans les villages : il se fit aimer, on trouva qu’il était brave homme et que sa religion avait du bon, et on s’arrêta là. Peu à peu pourtant, il réussit à fonder une école de filles dirigée par deux Sœurs indigènes de Saint-Paul de Chartres, et en tout cas à acquérir l’estime des populations ; le succès allait sans doute couronner ses efforts, lorsque la guerre éclata. Plusieurs missionnaires furent mobilisés, on dut ramener sur le continent le mis-sionnaire de Quelpaert, et celui-ci s’en fut en 1915, continuer à Tjien-Tjyou l’œuvre de M. Beaudounet qui était mort en terminant son église, l’une des plus belles de Corée. Ce confrère avait vécu dans une petite maison coréenne ; M. Lacrouts construisit un presbytère digne de la capitale du Tjien-la-to.
Durant quinze ans, à part deux ans passés en France sous les drapeaux, M. Lacrouts se dépensa dans ce district. Grand, maigre, plein d’ardeur, causeur infatigable, il parlait à tous, païens et chrétiens, opportune, importune. Ni la maladie, ni la fatigue ne paraissaient avoir prise sur lui, et jusqu’en 1924, il était bien persuadé qu’il nous enterrerait tous. En allant donner les derniers sacrements à une malade atteinte de l’influenza, il contracta la maladie, et ne se remit jamais complètement. En 1925, son état d’épuisement était tel qu’il dut aller se soigner à Hongkong ; le médecin le déclara atteint de phtisie ; il aurait dû y prolonger son séjour, mais dès qu’il se sentit un peu mieux, il voulut revenir à son poste et y continuer son travail tant que ses forces le lui permettraient.
En janvier 1929, le médecin lui avait déclaré qu’il pourrait tenir jusqu’au mois de juin. Sa vue baissait, il ne sortait plus guère de sa chambre où il célébrait presque chaque jour la messe De Beata. La vie s’en allait peu à peu, mais il tenait quand même, véritable cadavre ambulant. Le 10 août, quelques chrétiens et chrétiennes de Quelpaert étaient venus le voir : il prit plaisir à rappeler avec eux les vieux souvenirs. Vers 10 heures du soir, il les renvoya : « Quand partirai-je, leur dit-il, je n’en sais rien ; sera-ce dans huit jours, dans un mois, peut-être même dans un an ! »
Vers une heure du matin, M. Lucas, qui couchait au-dessus de lui, entendit un bruit insolite dans la chambre du malade : il descendit et le trouva vomissant le sang à pleine bouche. Le temps de lui donner une dernière absolution et de faire l’onction générale pour l’Extrême-Onction, et c’était fini !
Deux jours après, treize prêtres, confrères et indigènes, accompagnaient les restes mortels de M. Lacrouts à travers la ville de¬Tjien-Tjyou. Tous les chrétiens de la ville, et beaucoup venus des environs ou même des districts voisins, suivaient le cercueil en récitant les prières des morts ; une foule de païens faisaient la haie sur le passage du cortège. M. Lacrouts repose maintenant auprès de M. Beaudounet son prédécesseur, sur une jolie colline à deux kilomètres de Tjien-Tjyou.
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Références
[2120] LACROUTS Marcel (1871-1929)
Références bio-bibliographiques
AME 1894 p. 196. 1911 p. 213. 1913 p. 33. 1929 p. 236. CR 1894 p. 305. 1896 p. 31. 1897 p. 33. 34. 1900 p. 57. 1901 p. 63. 64. 1902 p. 71. 1903 p. 53. 1904 p. 53. 54. 1905 p. 36. 1909 p. 48. 1910 p. 331. 1911 p. 41. 1912 p. 61. 1914 p. 29. 1917 p. 29. 1918 p. 20. 1921 p. 32. 1929 p. 44. 48. 331. 1937 p. 28. BME 1922 p. 627. 1923 photo p. 463. 1925 p. 427. 1926 p. 130. 1929 p. 619. 1931 p. 656. 1934 p. 17. 98. 99. 101. 561. 1958 p. 787. EC1 N° 181.