Joseph DAVENAS1885 - 1924
- Statut : Prêtre
- Identifiant : 3017
Identité
Naissance
Décès
Autres informations
Missions
- Pays :
- Chine
- Région missionnaire :
- 1909 - 1924 (Kangding [Tatsienlu])
Biographie
[3017]. DAVENAS Joseph (1885-1924) né le 1er septembre 1885 à Pont-Salomon (Haute-Loire), fut admis au Séminaire des Missions Étrangères en 1903, ordonné prêtre le 26 septembre 1909, et partit le 17 novembre suivant pour la mission du Tibet. Il étudia le chinois à Tatsienlu, puis, en 1911, fut chargé du district de Taofu. La même année, il fut arrêté par les lamas tibétains qui le maltraitèrent de maintes façons. Il fut délivré par des soldats chinois, qui le soignèrent et le reconduisirent à Tatsienlu. Il se reposa alors à Chapa pendant quelque temps puis, en 1922, regagna son poste de Taofu. Mais il tomba bientôt malade et revint à Tatsienlu, où il mourut le 30 avril 1924.
Nécrologie
M. DAVENAS
MISSIONNAIRE DU THIBET
M. DAVENAS ( Joseph-Auguste ), né à Port-Salomon (Le Puy, Haute-Loire), le 1er septembre 1885. Entré laïque au Séminaire des Missions-Étrangères le 6 septembre 1909. Parti pour le Thibet le 17 novembre 1909. Mort au Tatsienlou, le 30 avril 1924.
M. Joseph-Auguste Davenas est un de ces missionnaires dont l’apostolat paraît en un tel relief que les autres phases de leur vie restent dans l’ombre : On néglige les détails de leur première enfance ; on passe sur leur séjour au Séminaire, humble et caché dans l’accomplissement tout simple des exercices de la communauté. De la vie cachée du divin Sauveur, l’Evangile ne relate guère que sa Nativité, sa Présentation au temple et son jeûne de quarante jours au désert.
Nous ne donnerons donc que peu de détails sur la jeunesse de M. Davenas. Il naquit à Pont-Salomon, diocèse du Puy ; son père était instituteur du village.
Parmi nos missionnaires, ils sont nombreux les fils d’instituteurs dont la vocation a germé à l’école même du village, telle qu’on la comprenait autrefois. Les frères aînés s’étaient tous destinés aux carrières libérales, et le père espérait bien que le petit Joseph suivrait leurs traces. A cette fin il l’envoya faire ses études secondaires au Petit Séminaire de Monistrol. Là le jeune étudiant sentit s’épanouir en lui un idéal plus noble et plus surnaturel. Sa pieuse mère s’en réjouit tandis que le père en éprouva une certaine contrariété, surtout quand il apprit que son benjamin voulait se consacrer aux Missions lointaines. Peut-être redoutait-il pour la famille un honneur dont il ne se jugeait pas digne. Il ne voulut point toutefois y mettre obstacle et laissa partir son Joseph pour le Séminaire des Missions-Étrangères. L’année suivante, quand le jeune aspirant missionnaire vint accomplir son année de service militaire, il l’accueillit paternellement et n’essaya même pas de le détourner de son projet. Il lui recommanda seulement, à son retour au Séminaire des Missions, de prier beaucoup et de bien réfléchir avant de prendre une décision qui devait être définitive.
Les quelques années du Séminaire s’écoulèrent rapidement. Sérieux, d’une piété simple mais continue, gai sans exubérance aux heures de délassement, bien doué des dons de l’intelligence, il accomplit avec facilité le cycle des études ecclésiastiques. A Bel-Air il fut nommé infirmier ; dans cette charge, sa charité prit son premier élan en même temps qu’il acquit des connaissances utiles pour son ministère en Mission.
Enfin, arrive le grand jour de l’ordination à la prêtrise. Ce jour-là, le nouveau prêtre eut à gravir le premier degré de son calvaire : l’ordination terminée un télégramme l’appelait au chevet de son père mourant, et il arriva à la maison natale pour recevoir le dernier soupir de ce père aimé et lui donner, consolation suprême, les prémices de son sacerdoce. Il reprit le chemin de Paris et fit ses préparatifs de départ pour la plus lointaine des Missions, le Thibet, à laquelle il était destiné.
Le voyage s’effectua sans incidents dignes de remarque et au printemps de 1910, le jeune apôtre parvenait à Tatsienlou, le terme de sa route et le champ de ses futurs labeurs.
Il débuta par l’étude de la langue à Tatsienlou même, sous la direction de M. Ouvrard, alors occupé à la construction de la cathédrale. Doué d’une excellente mémoire, il n’avait presque pas besoin de recourir aux notes ou de passer de longues heures sur les manuels de linguistique. Au bout d’un an il pouvait se passer de mentor ; son esprit observateur lui avait fait acquérir une connaissance suffisante des mœurs et du caractère de nos populations.
Au début de 1911, Mgr Giraudeau le chargea du district de Taofu, chrétienté sino-thibétaine récemment fondée par les PP. Charrier et Hiong, située à cinq jours au nord de la ville épiscopale. Cette chrétienté comptait beaucoup de catéchumènes inscrits mais seulement quelques néophytes. La tâche était ardue et la situation difficile : Il fallait ménager certaines familles soi-disant catéchumènes et en même temps se défier d’elles parce qu’elles travaillaient dans l’ombre à ruiner l’œuvre du missionnaire ; la puissante lamaserie de la localité qui comptait 3.000 lamas s’inquiétait de l’installation d’un prédicateur de religion étrangère dans son voisinage et épiait ses mouvements. M. Davenas se maintenait cependant à force de prudence et d’habileté.
En cette année 1911, la révolution éclata en Chine ; elle eut un violent contrecoup dans la Mission du Thibet et particulièrement à Taofu. Les lamas et quelques-uns de leurs plus dévoués partisans crurent le moment venu de chasser les Chinois conquérants et le prédicateur de la Religion nouvelle. Vers la fin de septembre, ils décidèrent de lever l’étendard de la révolte. Il se mirent en campagne au début d’octobre et commencèrent leurs opérations par le prétoire et la Mission.
Notre confrère eut à peine le temps de se réfugier chez une famille compatissante. Les flammes commençaient à s’élever au-dessus de sa résidence ; le cœur navré, de son asile, il voyait réduire en cendres tous les établissements de la Mission jusqu’au dernier, et il se demandait quel sort lui réservaient ses persécuteurs qui le savaient caché dans le village.
C’était le sort des confesseurs de la foi. A quelques jours de là, vers le soir, les lamas et leurs partisans entourent la maison où le Père se tient caché et quelques coups de hache font voler en éclats la porte de son réduit. Alors la victime donne une dernière absolution à son serviteur agenouillé à ses côtés et dans un acte fervent d’abandon à Dieu, elle s’offre à ses bourreaux.
Tout commentaire ne peut que déparer le simple récit de cette agonie, mais l’esprit se reporte involontairement à la scène du Jardin des Olives ; les railleries et les cruautés du Prétoire ne devaient pas être épargnées et combien longtemps elles devaient durer ! Les énergumènes se sont emparés du missionnaire ; ils lui arrachent la barbe jusqu’au dernier poil, le traînent dans la rue, lui assènent sur la tête un coup de massue qui l’étend à terre sans connaissance et baignant dans son sang ; on lui arrache tous ses vêtements et quand il revient à lui, il sent autour du cou deux mains qui cherchent à l’étrangler. A la lueur des torches, les lamas délibèrent ; plusieurs sont d’avis de le fusiller sur place ; ils allument les mèches de leurs fusils, quand deux personnages inconnus s’avancent et les détournent de l’exécution de leur dessein. Il faut cependant se débarrasser au plus tôt de ce prisonnier ; on délibère encore et il est arrêté qu’on le jettera à l’eau. Aussitôt le triste cortège prend la direction de la grosse rivière qui coule non loin du village. Sur le point d’arriver, deux nouveaux personnages se présentent en tête de la colonne et persuadent les assassins de ne pas ôter la vie au mission-naire. Celui-ci est alors conduit à la lamaserie. On l’incarcère dans une vaste salle basse exposée à un vent glacial. On est au mois de novembre et notre malheureux confrère est encore complètement nu ; quelqu’un, pris de pitié le revêt d’une sorte de toge en calicot de Chine. Puis il est attaché, les pieds et les mains contournés autour d’un poteau au milieu de la salle.
Il restera plusieurs jours dans cette douloureuse position. Quand les bourreaux y pensent, ils lui donnent une poignée de farine d’orge délayée dans de l’eau froide ; bien souvent c’est le jeûne absolu. Si quelqu’un, pris de compassion, cherche à lui faire parvenir quelque aliment, viande ou pain, les autres détenus plus près de la porte s’en emparent pour calmer la faim qui les tenaille. Le confesseur de la foi ne s’en afflige pas ; son esprit est absorbé dans la pensée de Dieu, car il est sans espoir de sortir vivant de ce lieu de souffrance. Au-dessus de sa prison, d’autres victimes sont écorchées vives et chaque jour ses bourreaux lui annoncent que son tour viendra bientôt.
Le sacrifice ne devait pas être consommé. Des soldats chinois, venant du Thibet au secours de leur ancien chef assiégé dans la capitale du Setchoan, débouchent à Taofu. Leur chef, le commandant Hia, réclame énergiquement la mise en liberté du missionnaire, sous peine des plus grandes représailles. Les lamas pris de peur ouvrent les portes de leur monastère ; les soldats chinois pénètrent dans la prison et délient le pauvre catif qui ne se rend plus compte de ce qui se passe autour de lui. Son étonnement quand il revit le soleil et la liberté fut celui de saint Pierre au sortir de la prison d’Hérode : « existimabat autem se visum videre »
Le commandant chinois l’accueillit avec grande compassion et lui prodigua tous les soins en son pouvoir. Il lui fournit des vêtements, soigna ses plaies et le garda à sa table jusqu’à un recouvrement de forces suffisant pour tenter le voyage de Tatsienlou, sous la conduite d’un confrère envoyé au-devant de lui. A Tatsienlou, il trouva son évêque et les missionnaires eux-mêmes sur le qui-vive, mais la joie de se revoir après de telles tribulations fit oublier le danger du moment. Après quelques jours de repos, notre confrère put remonter au Saint Autel.
Tatsienlou restait cependant sous la menace d’une invasion de thibétains soulevés à l’appel de l’ancien roi de Kiala. M. Davenas, cédant aux instances de ses confrères, descendit à Chapa, pays plus paisible et plus propice au rétablissement de sa santé. Il attendit à la fin de la tourmente et le moment de revenir à la découverte de ses brebis dispersées.
Dans le courant de 1922, les lamas et autres persécuteurs, matés et dépossédé momentanément de leur lamaserie, se tenaient tranquilles ; le pays de Taofu reprenait un air de paix. De sa retraite de Chapa, le bon pasteur crut le moment venu d’aller relever son bercail détruit et d’y appeler les brebis que la mort avait épargnées. Il revint à Taofu. Il se construisit d’abord un abri de fortune à côté des ruines de l’ancien oratoire et fit le recensement de son troupeau. Petit à petit s’éleva une nouvelle résidence ainsi qu’une chapelle, où les fidèles, affermis par la persécution aimaient à venir rendre grâces à celui qui, par ses souffrances, avait soutenu et protégé leur foi au plus fort de la tourmente. La vie religieuse reprit son cours normal ; les écoles furent réouvertes et même de nouveaux catéchumènes vinrent grossir le nombre des adorateurs du vrai Dieu.
Plusieurs années s’écoulèrent ainsi. Les persécuteurs n’osaient plus lever la tête. Vers 1916-1917 le nombre des néophytes atteignit la centaine ; aux grandes fêtes, l’église, de dimensions assez vastes, était pleine. Le missionnaire se réjouissait et espérait doubler bientôt le chiffre de ses ouailles.
Malheureusement sa robuste santé s’était affaiblie ; des douleurs au côté et à l’intestin le faisaient incessamment souffrir et l’immobilisaient pendant plusieurs jours. Il se médecina lui-même, mais sans grand succès. Finalement il dut se résigner à aller demander des soins à l’hôpital de Tchentou, où il arriva, en janvier 1922, en piteux état. A l’examen médical on constata des lésions à l’intestin qui réclamaient une médication et surtout un régime sévère. Après un séjour de quelques mois à l’hôpital de Tchentou il revint sensiblement soulagé ; l’approche des fêtes de Pâques et la pensée de ses chrétiens, pour lesquels, on peut bien le dire, il avait déjà sacrifié sa vie, lui firent prendre aussitôt le chemin de son district. Mais là il n’avait plus le moyen de suivre strictement le régime qui lui avait été prescrit ; il eut plusieurs rechutes. Il devint évident qu’il fallait le rappeler à Tatsienlou où il trouverait plus facilement les soins que réclamait son état. Il fallut que l’obéissance obtint de lui ce sacrifice qu’aucune considération humaine n’eût pu lui imposer : M. Doublet fut nommé à Taofu et lui vint le remplacer au Tcheniuentang (Tatsienlou).
Comme dans son précédent district, au Tcheniuentang, M. Davenas s’appliqua à développer chez les chrétiens l’amour de la Sainte Eucharistie, et il eut le bonheur d’y réussir. Les écoles de doctrine se remplissaient d’enfants et de catéchumènes ; la liste des baptêmes d’adultes s’allongeait. Mais la maladie persistai toujours. L’hiver dernier on lui proposa d’aller demander sa guérison au pays natal. Il ne put jamais s’y résoudre. La mort ne l’effrayait pas ; il s’était comme familiarisé avec elle, et sa vie appartenait à sa chère Mission, jusqu’au dernier souffle.
Le 11 avril et jours suivants le mal s’aggrava et notre confrère dut s’aliter. On le transporta à l’hôpital de la Mission où il fut entouré des soins les plus dévoués. Dans la semaine de Pâques, il commença à décliner, la langue devint embarrassée ; le sang affluait à la tête. Il reçut les derniers sacrements et communia tous les jours tant que le permit son état. Puis, tout en gardant sa connaissance, il perdit l’usage de la parole ; il ne répondait que par un léger clignement des paupières aux pieuses invocations que ses confrères lui suggéraient. Le mercredi, 30 avril, à onze heures du matin, au moment où on terminait les prières des agonisants, notre confrère, sans secousse, rendait son âme à Dieu.
« Beati qui persecutionem patiuntur propter justitiam ».
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