Octave LEFÈVRE1907 - 1955
- Statut : Prêtre
- Identifiant : 3439
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Identité
Naissance
Décès
Missions
- Pays :
- Vietnam
- Région missionnaire :
- 1931 - 1955 (Vinh)
Biographie
[3439] LEFÈVRE Octave est né le 4 mai 1907 à Hermanville-sur-Mer (Calvados).
Admis aux MEP en 1925, il est ordonné prêtre le 29 juin 1931 et part le 7 septembre suivant pour la mission de Vinh (Vietnam).
Après avoir étudié le vietnamien, il est chargé des postes de Bôt-da puis de Do-luong. En 1948, les vietminh l’empêchent de rejoindre sa mission, il rejoint alors celle de Saigon. Envoyé à Dalat, il est chapelain des chanoinesses de Saint-Augustin, fonde à Cam-ly un centre pour les Làc et aide à la fondation du village du Lang-Biang.
Il meurt accidentellement le 26 octobre 1955.
Nécrologie
[3439] LEFÈVRE Octave (1907-1955)
Notice nécrologique
Le mercredi 26 octobre 1955, vers les 9 heures de matin, le R. P. Octave Lefèvre partait en jeep pour Djiring, localité située à quelque 80 km au sud est de Dalat, sur la route Nationale N° 20 qui relie Dalat à Saigon. Il était accompagné de deux passagers, du R. P. Desplanque, et de Monsieur Y-Sik, directeur de l'Ecole montagnarde de Dalat…
Le voyage aller s'effectua normalement. Le R. P. Lefèvre et ses passagers s'arrêtèrent plusieurs fois en cours de route pour récolter des orchidées. C'était là une distraction favorite du P. Lefèvre. Ses montagnards lui en portaient. Il en ramassait lui-même, très souvent, au cours de ses fréquentes tournées dans les villages montagnards. Arrivés à Djiring, les PP. Lefèvre et Desplanque ainsi que Mr Y-Sik prirent leur repas et passèrent la journée en compagnie de notre confrère le P. Moriceau. En fin d'après-midi, vers les 16 heures, ils se préparèrent à rentrer à Dalat. Ils avaient déjà fait la plus longue partie du voyage ; il ne leur restait plus que 33 ou 34 km à faire avant d'arriver à Dalat. Ils venaient de traverser un village de réfugiés nouvellement implanté et installé de chaque côté de la route. Ils avaient donc ralenti leur allure. La route était droite et en bon état quand, à un km environ, après le village des réfugiés et non loin du terrain d'aviation de Liên-Khang, survint le terrible accident.
Alors que le P. Lefèvre roulait à allure normale sur la droite de la route, le pneu arrière droit de la jeep creva et se dégonfla rapidement. Il est probable que le P. Lefèvre voulut alors maintenir sur la droite la voiture qui se dirigeait vers la gauche de la route. N'y parvenant pas, il voulut sans doute arrêter le véhicule, et il dût donner un brusque coup de frein qui fit rouler en "tonneau" la voiture. Celle-ci fit un tour un quart sur elle-même; elle s'arrêta couchée sur son côté droit au bord gauche de la route le moteur tourné dans la direction d'où ils venaient. Tout cela se passa en quelques secondes, bien moins de temps qu'il ne faut pour le dire.
Le P. Desplanque était assis dans la voiture à côté du P. Lefèvre qui tenait le volant. Au premier tour de la voiture, le P. Desplanque fut projeté dehors sur la route, et dut perdre connaissance durant quelques instants. Il reprit bientôt ses sens, et alla auprès du P. Lefèvre qu'il trouva sans connaissance, allongé sur le dos, vers le milieu de la route, non loin de la voiture. Il lui donna l'absolution, puis alla dégager le troisième passager légèrement blessé à la tête. Il revint ensuite auprès du P. Lefèvre qui donna signe de vie. A genoux, à la tête du Père blessé, le P. Desplanque fit signe aux voitures de s'arrêter. Un Dodge 4 X 4 de l'armée vietnamienne arrivait ; on y étendit le P. Lefèvre.
Durant le trajet celui-ci répéta de nombreuses fois : " Arrêtez, arrêtez" tellement il souffrait dans la poitrine. On arriva enfin à l'hôpital ; les infirmières lavèrent et pansèrent ses plaies. Le Père était blessé au-dessus des yeux, derrière la tête ; sa lèvre supérieure était ouverte. De temps à autre, le Père parlait ; il demandait qu'on l'aidât à se tourner dans son lit. Puis il fit un effort pour se dresser, reposa la tête sur l'oreiller, la tourna vers la droite. Il ne bougea plus. Le Docteur ausculta encore très attentivement le Père, puis il fit un signe de tête : plus d'espoir, c'était fini. Le P. Desplanque lui administra le Sacrement d'Extrême Onction. On transporta son corps au Centre montagnard. Il était environ 20 heures.
Au Centre montagnard les grands élèves de l'Ecole descendirent son corps de l'ambulance ; on commença la toilette funèbre, et nous le revêtîmes des ornements sacerdotaux. La petite chapelle qu'il avait préparée quelques mois auparavant, fut transformée en chapelle ardente, et ce fut durant deux jours et trois nuits un défilé continuel de personnes venant le saluer une dernière fois, et prier pour lui. Dès le premier soir, malgré la nuit, les chefs des chrétientés montagnardes voisines accoururent. Ils montèrent une garde d'honneur nuit et jour, auprès de celui qui fut leur Père et leur Chef tant aimé. Dès le lendemain matin, une foule nombreuse Montagnards, Vietnamiens, Français chrétiens et non chrétiens, vint saluer sa dépouille mortelle. De hautes personnalités montèrent de Saigon pour assister à ses obsèques. Le Général Jacquot lui-même, Commandant en chef des Forces Françaises en Extrême Orient se fit représenter. Les funérailles eurent lieu le samedi 29 octobre 1955, à 9 heures, à l'église paroissiale de Dalat.
La nombreuse assistance qui était là prouvait la haute estime que tout le monde portait au R. P. Lefèvre. Plus d'un millier de Montagnards étaient rassemblés autour de l'autel. Le maire Vietnamien de la ville de Dalat, ainsi qu'un Délégué du Gouvernement Vietnamien étaient présents. Tous les Français de Dalat et des environs, civils et militaires, s'étaient fait un devoir d'accompagner le cher Père à sa dernière demeure et de venir prier pour lui. Il eut des funérailles magnifiques, lui qui n'aimait pas le " décorum". Il repose présentement au cimetière européen de Dalat, non loin de l'église paroissiale.
Cette mort brutale prive la mission de Vinh, celle de Saigon, et surtout la chrétienté montagnarde de Dalat de l'un de ses meilleurs ouvriers apostoliques. Car le R. P. Lefèvre était avant tout, missionnaire, homme de Dieu.
Il était arrivé à Dalat vers le mois de février 1948, comme chapelain du grand pensionnat "Notre Dame du Lang-Bian" tenu par les Chanoinesses de Saint Augustin, et plus couramment connu sous la dénomination "Couvent des Oiseaux". Il avait accepté cette charge en attendant le jour heureux où il pourrait revenir à Vinh, sa mission d'origine, qui se trouvait en pleine zone vietminh. Peu à peu, du fait des évènements, l'espoir de rentrer à Vinh s'estompa. Il était avide de recevoir des nouvelles de ses confrères prisonniers à Vinh, et l'une de ses grandes joies fut de les retrouver à Saigon, lors de leur libération en 1953. Sa charge de chapelain des " Oiseaux " ne suffit plus à son zèle apostolique ; il prêta main forte au curé de Dalat, et peu après il avait choisi comme part de son héritage, les pauvres, les humbles, les plus déshérités aux yeux des hommes, ces primitifs montagnards, les '' Moïs" comme on disait alors.
Il partait en tournée dans les villages montagnards avec ses boîtes à médicaments, et dans son cœur beaucoup de charité, de gaieté, de bonne humeur. Son premier contact avec les montagnards fut plutôt rude. Ces pauvres gens vivaient sous le régime de la peur des génies et sous l'emprise des sorciers. Les génies dont le sorcier était l'interprète, étaient exigeants et demandaient souvent des sacrifices (buffles, porcs, chèvres, etc....)
Malgré cela les malades n'étaient pas toujours guéris. Au bout de quelque temps, les montagnards se rendirent compte que les médicaments du P. Lefèvre avaient une puissance supérieure. Ce dernier ne manquait alors aucune occasion pour parler du Bon Dieu, pour enseigner la Vérité, en distribuant pilules et comprimés. Et la grâce de Dieu aidant ces âmes primitives, mais très droites, le mouvement de conversion chez les montagnards commença et progressa rapidement. Un premier village tout entier, condition nécessaire, se convertit ainsi que ses sorciers ; les mâts de sacrifice disparurent, on ne fit plus de sacrifices au démon. Les chefs demandèrent au Père de bénir leur village, leurs maisons, leurs champs, leurs bois et leurs rizières ; une belle petite chapelle fut édifiée par les soins des nouveaux catéchumènes, et le 2 juin 1949 la Vierge Marie était intronisée solennellement dans le village de Dangia.(1). Moment solennel où le cœur du P. Lefèvre dut être plein de joie, lorsque les chefs de la nouvelle chrétienté, selon leur coutume, passèrent le bracelet de cuivre et le collier à la Vierge Marie et à l'Enfant Jésus, en signe d'alliance. Ces nouveaux catéchumènes venaient de passer de la loi de crainte à la loi d'amour. Peu à peu, d'autres villages suivirent, et les mêmes fêtes d'intronisation solennelle de la Vierge Marie s'y déroulèrent.
Il faudrait aussi parler de ces fêtes de Noël qui rassemblaient autour du Père toute la chrétienté montagnarde. Durant les trois premières années (1949-50-51,) les Mères des "Oiseaux" accueillaient les Montagnards chez elles ; les grandes élèves présentaient en tableaux vivants l'histoire de nos premiers parents dont la faute nous valut un " tel Rédempteur ". En 1952-53, ce furent les élèves de l'École montagnarde qui montrèrent les animaux à la Crèche : Noël se passa au Centre montagnard. 1954, dernier Noël du P. Lefèvre : il réunit toute sa grande famille spirituelle au nouveau village du Lang-Biang, nouvellement installé au pied de la montagne du même nom. Ce nouveau village, le Père Lefèvre aimait à le nommer "Bon Me Marie", village de Notre Dame.
Chaque dimanche et très souvent en semaine, il était en tournée dans ses villages, distribuant des médicaments, encourageant, instruisant, jugeant, et aussi quelquefois réprimandant tel un Père avec ses enfants. En février 1950, pour tous ses nombreux déplacements, la charité des grandes maisons de commerce de Saigon, lui paya une jeep. En septembre 1955, cette voiture avait dépassé le cap des cent mille kilomètres. Chaque dimanche, il allait célébrer la Sainte Messe dans sa chrétienté la plus proche, formée des trois premiers villages qui se convertirent en 1949. Il invitait parfois des civils de ses amis à y assister. Tous en revenaient fortement impressionnés. Sans rien lui en dire, la Revue des "Études" consacra un de ses articles à l'œuvre du P. Lefèvre. Son humilité en souffrit un peu, car il n'aimait ni la publicité, ni les comptes rendus, ni les enquêtes. (2)
A partir de 1950, il conçut le projet de créer à Dalat même, le Centre montagnard du Camly. Ce fut une œuvre de longue haleine. Il y eut d'abord l'acquisition d'un terrain situé à la périphérie de la ville. Le Père commença à bâtir en 1951 une infirmerie dispensaire où il passait tous les soirs au moins une heure, deux aux jours de grosse affluence, à distribuer toutes sortes de médicaments. Tout près, en 1951 et 1954, il construisit deux grandes cases de passage où vont dormir les montagnards qui viennent à Dalat pour leur marché, leur commerce, leur travail. Le Père savait que pour convertir les âmes il fallait s'occuper des corps; pour mieux aider les montagnards-ils ne savent pas lire, et n'ont que de faibles notions de nos poids et mesures-il organisa pour eux un magasin à riz. Il leur procurait cette précieuse denrée au prix coûtant, et faisait largement l'aumône et la charité aux malades, aux pauvres, aux vieillards.
Le P. Lefèvre aimait beaucoup les jeunes. C'est pour eux qu'il construisit une école de formation générale dont le principal but serait de former des catéchistes. Dès 1948, il avait déjà organisé des cours de religion pour les élèves qui fréquentaient l'École publique montagnarde. Il demanda aux grandes élèves de Philosophie du Couvent des " Oiseaux " d'assurer cet enseignement religieux. Ainsi naquit une nouvelle parenté spirituelle entre les montagnards et le couvent des " Oiseaux". Le P. Lefèvre voulait une école éducatrice de l'homme tout entier ; elle formerait des catéchistes, des infirmiers, des moniteurs agricoles ; des maîtres chrétiens, des jeunes enfin qui revenant dans leur milieu d'origine, apporteraient quelque chose de positif, de chrétien à la famille et au village. C'est par l'école ainsi conçue, que plusieurs villages sont déjà parvenus à la Vérité.
En septembre 1953, la maison d'habitation des missionnaires au Centre montagnard sortait de terre. Au mois de mai 1955, la Divine Providence donnait au P. Lefèvre l'occasion de réaliser un projet qui lui était cher : l'ouverture d'une école ménagère pour les jeunes filles montagnardes. Une première promotion d'élèves arriva. Elles étaient 10 ; début modeste mais qui donne beaucoup d'espoir pour l'avenir. Tout cela n'alla pas sans difficultés, mais le Père fit face à tout avec sa ténacité de normand et de terrien. Il savait trop l'importance du rôle de la femme au foyer, l'influence religieuse et sociale que celle-ci exerce particulièrement chez les montagnards régis par le droit maternel. Chez eux, la femme commande, est propriétaire, la jeune fille choisit son époux qui vient habiter dans sa maison.
Du mois de juillet au mois de décembre 1954, le Centre montagnard accueillit de nombreux réfugiés du Nord Vietnam, particulièrement les minorités ethniques des Pays Montagnards du Nord (P.M.N.). C'était particulièrement des Thaïs de Laichau et de Phong Tho. Le R. P. Lefèvre mit à leur disposition tous les locaux disponibles (ils étaient environ 600), mais surtout il leur prodigua sans compter sa charité et son dévouement. Il n'attendait pas des récompenses terrestres, mais il savait que, en travaillant ainsi, il faisait l'œuvre de Dieu, et cela lui suffisait.
Des jours de joie, il en connut avec et chez ses Montagnards. Le 1er novembre 1950, jour de la Définition solennelle par S.S. Pie XII du dogme de l'Assomption de la Ste Vierge, c'était le baptême de tous les jeunes enfants et vieillards de ses trois premiers villages convertis. Il voulait ainsi marquer la place importance que la Vierge Marie devrait prendre dans la vie quotidienne de ces nouveaux chrétiens.
Le 13 décembre 1953, fête de Ste Lucie, et le 31 janvier 1954, la même cérémonie se déroulait dans ces mêmes villages pour tous les adultes mariés. Il écrivait alors à Monseigneur le Vicaire Apostolique de Saigon : "Pour les 102 nouveaux baptisés, grande a été leur joie partagée par les missionnaires et nombreux laïcs présents. Leur bonheur sera complet quand ils pourront communier et recevoir la Confirmation lors de votre prochaine visite à Dalat. Au Centre montagnard, le travail continue avec entrain et confiance en la Divine Providence." Une nouvelle série de baptêmes (jeunes gens et jeunes filles) eut lieu le 14 décembre 1954, dans le nouveau village fraîchement installé du Lang-Biang, "Bon Me Marie".
Chaque année, la Fête de Noël réunissait catéchumènes et chrétiens autour de leur Père spirituel. Ce jour-là, Le P. Lefèvre laissait parler son cœur, et rappelait à ses fidèles l'immense amour de Dieu. Il était heureux de voir autour de lui, la famille réunie. Lui qui était le 18ème enfant de sa famille il aimait à le rappeler souvent-il avait vu aussi s'accroître d'année en année sa famille spirituelle. Noël 1949, au Couvent des "Oiseaux" groupait quelques centaines de Montagnards ; son dernier Noël ici-bas, celui de 1954, en avait réuni plus de deux mille. Ses fils, il les connaissait tous, et pour chacun il montrait un cœur de père affectueux mais grondant quelquefois.
Il y eut sans doute des jours pénibles, des heures difficiles. Le Père connut certainement des peines, mais il en parlait très peu. Il n'aimait guère qu'on lui pose des questions sur son œuvre, son travail apostolique, ses méthodes, ses résultats. Il avait horreur des "enquêtes" ; il n'aimait pas ces gens qui cherchent à tout analyser. Mais il laisse une œuvre apostolique considérable, le dernier compte rendu spirituel (Exercice 1954-55) donne les chiffres suivants : 17 villages convertis totalisant environ 2.000 baptisés et catéchumènes.
A Dalat, je l'ai déjà dit, le P. Lefèvre était chapelain du Pensionnat des "Oiseaux". Là aussi, il a fait une très belle œuvre apostolique, et ses conseils, ses directives pleines de bon sens, riches d'une grande expérience des âmes y était hautement appréciées. Il aimait à dire que les Mères des " Oiseaux" avaient converti les Montagnards par leurs prières, leurs sacrifices, leur grande générosité, mais que réciproquement les Montagnards par leur foi simple et leur droiture apportaient beaucoup de richesses spirituelles au Couvent des Oiseaux. Une parenté spirituelle existe entre les " Oiseaux " et les Montagnards ; celle ci se manifestait à chaque intronisation de la Ste Vierge dans un nouveau village, à l'occasion des baptêmes, des grandes fêtes, de Noël, etc ...
Le P. Lefèvre avait aussi de nombreuses relations avec les autorités civiles et les hautes personnalités de la ville de Dalat. Dès qu'il s'agissait de faire du bien, il était là prêt à donner tout son cœur. Il était membre du Comité de la Croix Rouge Française à Dalat, et faisait partie du Comité d'Action de secours aux Lépreux du Vietnam (œuvre SALVE). Ainsi, en collaboration avec le Docteur Marneffe, alors Directeur des Instituts Pasteur d'Indochine et de l'œuvre SALVE, en liaison étroite avec les docteurs de l'Institut Pasteur de Dalat, il ouvrit au Centre montagnard même un dispensaire spécial pour les lépreux montagnards. " 23 lépreux montagnards sont soignés au Centre Montagnard à Dalat, au dispensaire " Salve " ; deux Docteurs de l'Institut Pasteur de Dalat viennent régulièrement toutes les semaines, et assurent avec dévouement et charité la visite des malades graves", écrivait-il dans son dernier compte rendu. Ce dispensaire fut inauguré le 9 mai 1955, par Mr Raoul Follereau lui-même, le grand apôtre de la charité envers les lépreux.
Une des distractions favorites du R. P. Lefèvre était la recherche des orchidées. Il faisait cela au cours de ses fréquentes visites dans les villages tout en accomplissant son ministère sacerdotal. Fils de terrien, il avait gardé dans son cœur un amour profond pour la terre, les cultures, les plantes, les animaux. Ses instructions, ses catéchismes étaient remplis de comparaisons, émaillés de paraboles. Comme ses montagnards, il empruntait à la vie paysanne de tous les jours de nombreux exemples pour mieux expliquer "les choses de Dieu". Mais tout cela était dit dans un style direct, vivant, avec des mots très imagés.
Il était en relation suivie avec le Service Social et le Service de l'Agriculture desquels il obtenait pas mal d'instruments aratoires et autres pour ses montagnards. Dès sa prise de contact avec eux en 1948, il les avait encouragés à mieux travailler leur terre et à faire de la culture maraîchère. Pour les convaincre, cela lui demanda un ou deux ans d'efforts, de discussions, de palabres, d'encouragements, et puis un jour, les montagnards commencèrent à faire leur jardin. Presque chaque dimanche avant la messe, et plus souvent en semaine, il allait visiter les jardins. Il distribuait alors de multiples conseils, donnait de nombreuses directives, et encourageait toujours. Apprenant sa mort accidentelle, Monsieur le Directeur du Centre Expérimental Forestier aux P.M.S. (Pays Montagnards du Sud), nous écrivait une lettre officielle de condoléances dans laquelle il disait notamment : " Non seulement, la Chrétienté perd en lui un Apôtre auprès des Montagnards, mais nous tous, du Centre Expérimental Forestier perdons un Grand Ami, lui-même Ami de la Nature, et notre meilleur conseiller sur la flore des P.M.S. qu'il connaissait parfaitement... "
Un jeune élève de l'École montagnarde exprimait ainsi en un texte rythmé dans sa langue, les regrets de tous : " Mercredi soir (jour de sa mort), nous pleurions tous, parce que nous regrettions celui qui était vraiment notre propre Père. Depuis six ans, il accomplissait l'œuvre du Seigneur. Il nous a baptisés pour que nos âmes soient pures. Il nous absolvait aussi pour nous réconcilier avec le Bon Dieu.
Il a aidé les montagnards de tout son cœur, de toutes ses forces. Il nous a appris à nous aimer, à faire du bien à nos frères. Il aidait tous les montagnards. Il secourait les pauvres, ceux qui sont à Dalat également. Il nous aidait tous, nous, pauvres montagnards qui ne connaissions pas encore le Bon Dieu."
Sous des apparences extérieures un peu rudes — il aimait à se dire "braillard" — se cachait un cœur affectueux et délicat envers tous, confrères et chrétiens, un cœur rempli de la charité du Christ. Non, cette première génération de chrétiens montagnards n'oubliera pas celui qui leur a appris à quitter le démon pour suivre le Bon Dieu.
Arraché à notre affection dans la pleine force de l'âge, du Ciel où nous pensons qu'il a été bien reçu, il n'oubliera pas ceux qui, ici-bas, le pleurent, ceux qu'il aimait et qui l'aimaient, ses fils spirituels auxquels il était si dévoué.
Il a creusé un profond sillon dans le champ du Père de Famille, et après tant de labeur, nous espérons qu'il a reçu la récompense éternelle promise par le Maître : " C'est bien, Serviteur bon et fidèle ! Tu as été fidèle en des choses de peu, je vais te proposer à de grandes. Entre dans la joie de ton Seigneur."
(1) Cf. "Revue du Rosaire" Février 1950, No 2, p. 32 à 38,
(2) Cf. Etudes, Février 1953, p. 235 à 242 "Une Messe chez les Mois" par Yvonne Pagniez.
BME 1957, p. 311-321
Références
[3439] LEFÈVRE Octave (1907-1955)
BIBLIOGRAPHIE
Livre de Prières (en Làc), ronéoté, 16 pages, avec Imprimatur de Mgr. Jean Cassaigne, Saigon, die 10 Januarii 1955".
NOTES BIO-BIBLIOGRAPHIQUES
Revue du Rosaire, Février 1950, N° 2, p.32 à 38
Annales de Notre-Dame du Sacré-Coeur, à Issoudun, (Indre), 84ème année, Janv.-Févr. 1950, p.19 à 24, "Notre-Dame chez les Moïs de Dankia", par Nguyên-Thi-Mai.
Etudes, Février 1953, p.235 à 242, "Une Messe chez les Moïs",par Yvonne Pagniez.
Références biographiques
AME 1931 p. 178. photo p. 229. CR 1931 p. 275. 1932 p. 406. 1935 p. 123. 124. 1936 p. 118. 119. 1937 p. 125. 1938 p. 126. 1939 p. 113. 114. 1948 p. 80. 1949 p. 82. 1951 p. 62. 1952 p. 35. 1953 p. 56. 1954 p. 52. 1955 p. 48. 79. 1956 p. 49. 50. BME 1931 p. 692. 823. photo p. 851. 1932 p. 56. 702. 860. 1935 p. 129. photo p. 149. 1936 p. 749. 906. 1937 p. 134. 360. 1939 p. 134. 355. 1949 p. 22. 1950 p. 202. 1951 p. 496. 753. 1953 p. 164. photo p. 166. 1954 p. 168. 913. 1955 p. 46. 350. 1099. 1957 p. 311. 312. 391. 399. 403. 966. photo p. 346. 1958 p. 860. 861. MDA 1956 p. 13 à 21. R. MEP. N° 129 p. 29. 32. EC1 N° 88. 224. 229. 449. 459. 587. NS 6P185.