Régis MOURGUE1912 - 1992
- Statut : Prêtre
- Identifiant : 3588
Identité
Naissance
Décès
Autres informations
Missions
- Pays :
- Chine
- Région missionnaire :
- 1937 - 1951 (Anlong [Lanlong])
- Pays :
- Malaisie - Singapour
- Région missionnaire :
- 1951 - 1960 (Malacca)
Biographie
[3588] Régis, Antoine, Jean-Marie Mourgue a été missionnaire en R. P. de Chine et en Malaisie au milieu du XXe siècle.
Il naît le 25 novembre 1912, à Montregard, diocèse du Puy-en-Velay, département de la Haute-Loire. Fils de Jean, boulanger-restaurateur et d'Alexandrine Chomarat, la famille comprend cinq enfants dont quatre garçons. Après ses études primaires à Montregard, Régis parcourt le cycle secondaire au Collège-petit séminaire du Sacré-Cœur à Yssingeaux.
Le 12 mars 1931, il présente sa demande d'admission au Séminaire des Missions étrangères. Ayant reçu une réponse positive le 18 mai 1931, il entre laïque, au séminaire de Bièvres, le 6 septembre 1931. En 1933-34, il fait son service militaire à Grenoble. Ordonné prêtre par Mgr de Jonghe d'Ardoye, le 4 juillet 1937, ce même soir, il reçoit sa destination pour le vicariat apostolique de Anlong (Anlung), qu'il part rejoindre le 14 septembre 1937. Il s'embarque à Marseille le vendredi 17 septembre 1937.
R. P. de Chine (1937-1951)
Le 23 octobre 1937, le P. Mourgue arrive à Kunming (Yunnanfu). Le 26 octobre 1937, le P. Huc, procureur de Anlong, vient au-devant de son jeune confrère. Le 5 novembre 1937, tous deux prennent l’autobus pour le Guizhou (Kweichow), et le 9 novembre parviennent à Ping Nian ? (Pingni). Là, malgré son passeport parfaitement régulier, la police crée quelques ennuis au P. Mourgue. Après bien d'autres contretemps, il parvient enfin à Lanlong, le 19 novembre 1937. Il est le premier jeune missionnaire à inaugurer la route Kumning-Anlong (Yunnanfu-Lanlong) par Panzhou (Panshien). Après l'avoir béni, Mgr Carlo lui donne le nom de Mâo.
Il commence l'étude de la langue chinoise à l'évêché d’Anlong, sous la conduite d'un ancien grand séminariste. Il s'exerce même au maniement du pinceau. Pour se familiariser avec le pays, il visite les principaux postes de mission. Durant la fête de l'Assomption 1938, il donne son premier sermon. En septembre 1938, il se rend à Hanoï pour consulter la Faculté, allant aussi au-devant du P. Pélardy, nouveau confrère destiné à Anlong. A son retour, vers la fin novembre 1938, il est nommé vicaire du P. Malo, à Wangmo (Wangmu)-Paopaochou, au nord-est de la mission. Prenant à Wangmo la succession du P. Pouvreau, décédé le 27 octobre 1938, il s'occupe de la jeunesse et des écoles, s'acquit la sympathie de tous par son contact facile, visite la région de Shajing (Chatsin), malgré les difficultés crées par le conflit sino-japonais, les brigands, l'insécurité et quelques sérieux problèmes de santé. En juillet 1939, en effet, il fait une rechute de paratyphoïde assez vite enrayée. Le 4 juillet 1941, affaibli par la fièvre, il arrive à l'évêché de Anlong, en chaise à porteur. En 1942, vu son état de santé, il est nommé supérieur du Petit séminaire, succédant au P. Gustave Williate. Ces années de guerre furent un temps de dures épreuves.
En 1947, le P. Mourgue accompagne en France le P. Huc, mal remis d'un accident avec fractures aux deux jambes. Le 30 avril 1948, il regagne sa mission et en juillet de la même année, reprend son travail au Petit séminaire. Peu après, il est nommé à Dayan (Ta-Yen). Le 13 janvier 1949, sa résidence et son église furent entièrement pillées et saccagées par la bande communiste « Tong la Kong Tang » très mobile. Lui-même peut s'enfuir de justesse à la faveur de la nuit errant dans les hautes herbes. Il trouve refuge chez le P. Pelardy à Cheshu (Tchèchou), puis à Anlong (Anlung). A la faveur d'une accalmie, il rentre chez lui, à Dayan (Ta-Yen). Les brigands informés de son retour, viennent de nuit pour le prendre. Averti par un chrétien, le P. Mourgue et son personnel ont juste le temps de s'échapper.
Fin mai 1949, M. Mourgue rejoint son nouveau poste de Xing Yi Xian (Shin-y-shien), dans un secteur où règne l'insécurité, malgré la présence des forces de l'ordre. En octobre 1949, il se dit satisfait de la rentrée scolaire, malgré des nuages annonciateurs de bourrasque. Comme bien d'autres centres, la région de Anlong passe bien vite sous régime maoïste. La situation s'aggrave l'année suivante, et la persécution religieuse devient monnaie courante. Dans les premiers mois de 1951, arrivent les troupes communistes. En avril 1951, il reçoit défense de sortir en ville. En mai 1951, il est surveillé de très près. Ayant posé une demande de rapatriement qui est agrée par les nouveaux maitres, le 26 octobre 1951, il quitte la Chine pour Hong-Kong où il arrive le 26 novembre 1951
Malaisie (1952-1960)
Après quelques semaines de repos à Hong-Kong, le P. Mourgue est affecté à la mission de Malacca, qu'il part rejoindre le 4 ou 5 février 1952. Il est alors chargé de la communauté chinoise à Kluang, ville de moyenne importance, au centre de l'Etat de Johore, à 120 kms de Singapour. Il se met à l'étude de l'anglais, et se familiarise avec le dialecte hakka. En juin 1953, il est envoyé tout au nord-ouest du diocèse, à environ 60 kms de la frontière thaïlandaise Alor Star, capitale du sultanat de Kédar, où il construit une église, bénite par Mgr Olçomendy le 29 septembre 1954. Il y bâtit un presbytère, encourage les œuvres scolaires, l'action sociale dans les six "nouveaux villages" où, en raison de la guérilla, les paysans chinois se sont regroupés. Il distribue des secours réguliers aux familles pauvres, chrétiennes ou non. La presse de Singapour fait l'éloge de son organisation caritative. Il s'occupe aussi des communautés chinoises de Sungei Patani, au sud de Alor Star, et dans l'extrême nord, de celles de Changlun et Kangar. En 1957, dans cette ville, capitale de l'Etat de Perlis, il bâtit une chapelle bénite par Mgr Chan le 10 janvier 1958, et une école, la première à être ouverte par les chrétiens. En 1955, est créé le nouveau diocèse de Penang, confié à Mgr Francis Chan. Ce dernier le nomme membre de son conseil épiscopal.
En avril 1958, il part en congé en France où il arrive le 4 mai suivant, et regagne sa mission le 24 février 1959, s'embarquant à Marseille à bord du "Viêtnam".
A son arrivée en mars 1959, il est nommé curé de la paroisse de Bukit Mertajam, fondée voilà quatre-vingt ans. Il comble les dettes de son prédécesseur. Mais bientôt il donne des signes de fatigue et de découragement, et en avril 1960, malade, il doit rentrer en France où il arrive le 2 mai 1960.
France (1960-1992)
En 1962, au diocèse de Saint-Étienne, il accepte la charge d'aumônier dans un sanatorium à Izieux d'abord, puis en 1966, dans l'hôpital-hospice de Muret, en Haute-Garonne. Revenu à Saint-Étienne, en 1967, il exerce son ministère chez les Petites Sœurs des Pauvres, s'occupant de leur juvénat de langue anglaise, des personnes âgées retirées à "Ma Maison", ainsi que d'une clinique proche. En 1969, son état de santé l'oblige à entrer en observation à l'hôpital St. Jean de Dieu à Lyon. Au bout d’un mois, il peut reprendre son travail. Opéré d'un polype à l'intestin, en décembre 1972, puis de la vésicule biliaire en 1982, il reprend ses fonctions chez les Petites sœurs des Pauvres. Frappé d'hémiplégie en juillet 1986, il donne sa démission d'aumônier de clinique, et prend sa retraite à "Ma Maison" chez les Petites sœurs des Pauvres. Le 10 août 1992, à la suite d'une attaque qui lui fait perdre l'usage de la parole et l'immobilise, il est transporté au Centre Hospitalier de Saint-Jean-Bonnefonds à Saint-Étienne. C'est là qu'il s'éteint doucement le samedi 29 août 1992.
Nécrologie
Régis MOURGUE
1912 - 1992
MOURGUE Régis, Antoine, Jean-Marie
Né le 25 novembre 1912 à Montregard (Haute-Loire), au diocèse du Puy
Entré au séminaire des Missions Étrangères le 6 septembre 1931
Ordonné prêtre et destiné pour Lanlong (Chine), le 4 juillet 1937
Parti pour sa mission le 14 septembre 1937
Quitte la Chine pour Hongkong le 26 octobre 1951
Versé à la mission de Malacca le 15 décembre 1951
Rentré en France pour raison de santé le 2 mai 1960
Aumônier de maisons de soins au diocèse de Saint-Étienne depuis 1962
Décédé le 29 août 1992 à l’hôpital Saint-Jean-Bonnefonds de Saint-Étienne
Fils de Jean, boulanger-restaurateur, et d’Alexandrine Chomarat, Régis Mourgue naquit à Montregard le 25 novembre 1912, et reçut le baptême à l’église paroissiale Saint-Jean le 1er décembre suivant. La famille comprenait cinq enfants, dont quatre garçons. Il fut confirmé par l’évêque du Puy en l’église de Montfaucon-en-Velay le 18 mai 1924.
Il fit ses études secondaires au collège du Sacré-Cœur à Yssingeaux. C’est de là que, le 12 mai 1931, il adresse une demande d’admission aux Missions Étrangères, en précisant : « Dès mes premières années passées ici dans notre petit séminaire d’Yssingeaux, j’ai eu l’intention de me faire missionnaire ; j’étais encore bien jeune, et je connaissais bien mal la vie du missionnaire. Mon désir s’atténua donc un peu durant les années où je fis mes classes de troisième et de seconde. Mais, l’année dernière, au cours de ma rhétorique, je sentis de nouveau l’appel de Dieu, et de plus en plus je m’intéressai à la belle vocation qu’est celle du missionnaire. Comme j’éprouvais encore quelques hésitations, au lieu de demander à entrer au séminaire des Missions Étrangères dès que j’aurais eu terminé mon année de rhétorique, je préférai attendre encore, et faire une année de philosophie ici... Non seulement le désir que j’avais de me faire missionnaire ne m’a point abandonné, mais il grandit de plus en plus dans mon cœur, et chaque jour je sens que l’appel de Dieu devient plus pressant... J’ai consulté mon supérieur, mon confesseur, et un oncle qui est curé près de Troyes, à Davrey ; tous m’ont prodigué leurs encouragements, me disant que Dieu avait déposé en moi la plus belle des vocations. »
C’est son supérieur, M. l’abbé Cottier qui, le 15 mai, comme « chaque fois que l’un de nos enfants vous adresse sa demande d’admission au séminaire des Missions Étrangères », fait part de son agrément à Mgr de Guébriant en donnant quelques renseignements sur le candidat qu’il présente. « Régis Mourgue me paraît avoir, écrit-il, malgré un esprit légèrement frondeur, un ensemble de qualités qui feront de lui un bon missionnaire. Intelligence bien suffisante, dont il n’a pas tiré parti durant le cours de ses études. S’il avait travaillé dans les basses classes, il occuperait un très bon rang, et son succès à l’examen du baccalauréat aurait été complet. Il a été admissible : échec à l’oral. Toutefois j’estime que si son directeur le suit de près, il fera de bonnes études au séminaire, et obtiendra des notes au-dessus de la moyenne. Nature généreuse et ouverte ; caractère bon, mais un peu difficile et indépendant à certaines heures. Il est de ces enfants qui n’ont jamais tort, et qui s’en prennent avec aigreur aux surveillants et aux professeurs si les notes de conduite et les places de composition sont inférieures… Quelques écarts au point de vue discipline, mais je suis certain qu’il observera parfaitement le règlement du grand séminaire. Enfant de la montagne, il aime assez les parties de plaisir, vin, tabac. Aussi lui reprochait-on de se laisser entraîner pendant les vacances par les jeunes gens de son village qui passent la soirée du dimanche à festoyer. Ces fréquentations n’ont pas été nombreuses ; elles n’ont jamais eu lieu avec des jeunes filles. Du reste, je crois cet enfant foncièrement vertueux et d’une conduite irréprochable au point de vue mœurs. Doué d’une santé merveilleuse, il est toujours disposé à rendre service, et ces qualités physiques lui rendront plus faciles, soit au séminaire, soit dans les missions, les ministères un peu ardus. C’est la robustesse de santé dans toute la force du mot. Et avec cela, le don d’initiative, toujours très précieux. Dans l’ensemble, ce jeune homme est excellent. Il n’a pas donné toute sa mesure au point de vue intellectuel. Il lui reste quelques efforts à réaliser pour dominer sa nature ardente. Mais dans un an il vous donnera toutes les consolations que vous pouvez attendre d’un aspirant généreux. »
Nanti d’une introduction aussi développée et aussi bien balancée, il ne pouvait pas ne pas être admis : il le fut dès le 18 mai, et en conséquence entrait au séminaire le 6 septembre 1931. Il n’a pas dû y faire des étincelles, ni non plus des excentricités ; son comportement s’est probablement fondu dans une moyenne honorable mais non transcendante, car on ne relève rien de spécial à son encontre ni en sa faveur durant son séjour, qui fut entrecoupé en 1933-1934 par le service militaire, qu’il effectue à Grenoble. Il va passer ses permissions en famille, à Montregard, et le nouveau curé de la paroisse Saint-Jean, qui ne le connaît guère, lui délivre quand même un certificat attestant que Régis Mourgue, qui d’ailleurs « reprenait l’habit clérical » pendant ses brèves apparitions au pays, « s’est toujours bien conduit et je n’ai jamais entendu mal parler de lui » ; bref, il s’est comporté « très convenablement, en séminariste sérieux ». Mgr Alexandre Caillot, évêque de Grenoble, lui consent d’autre part des lettres testimoniales le 14 septembre 1934, au moment où se terminent ses devoirs patriotiques.
Revenu en son séminaire, il y reçoit les ordres successifs, précédant la prêtrise, qui lui est conférée le 4 juillet 1937. Après cette ordination, il célébrera une première messe solennelle dans sa paroisse natale, où le P. Marcel Signoret, missionnaire en Chine, vint représenter sa mission de Lanlong, pour laquelle le jeune lévite avait appris, le soir de son ordination, qu’il était destiné.
Il partit le 14 septembre pour cette mission de Lanlong, appelée par la suite Anlung. Il arrive le 23 octobre à Yunnanfu, où le Père procureur Cyprien Huc vient le chercher ; tous deux repartent le 5 novembre en autobus pour le Kweichow, et arrivent le 9 à Pingni. Là, la police lui fait un tas de chinoiseries malgré son passeport parfaitement en règle ; puis il leur fallut attendre à Galan quatre jours pour une voiture, qui leur permit de gagner Hinjen, où l’on se met à l’aise chez le P. Marius Heyraud. Enfin, dernière étape jusqu’à Lanlong. Tandis que ses bagages suivaient l’ancienne route des caravanes par Yleang-Hwangtsaopa, le P. Mourgue inaugure une nouvelle voie : il est le premier confrère du lieu à gagner la ville épiscopale par la route pour autos de Yunnanfu. Après avoir salué Mgr Alexandre Carlo, c’est à l’évêché même qu’il entreprend avec ardeur l’étude de la langue, sous la conduite d’un ancien grand séminariste ; bien vite, il évolue avec aisance dans les divers tons de la gamme chinoise, et même s’exerce avec succès au maniement du pinceau. Cela ne l’empêche pas de se lancer, accompagné par l’un ou l’autre des confrères, dans des excursions qui lui permettent de se familiariser avec le pays : Tchéchou, Tayen, Hinjen, tous les coins l’intéressent. Mais il paie aussi son tribut à l’acclimatation en subissant, vers le milieu de l’année, une attaque de paratyphoïde : heureusement, les ravages en furent enrayés à temps, et il pourra sans encombre donner son premier sermon en la fête de l’Assomption, heureux d’avoir été bien compris du tout début à la fin !
Se reposant sur ses lauriers, prudemment, il juge bon d’aller le 24 septembre, en compagnie du P. Jean-Baptiste Malo, consulter la faculté à Hanoi ; ils sont de retour à Lanlong pour la fin du mois de novembre. Et c’est justement comme vicaire du P. Malo qu’il recevra sa première affectation à Paopaochou, un des districts du nord-est de la mission, et l’un des plus vastes et des plus difficiles à administrer ; y ayant fait ses preuves, il est chargé dès 1939, à titre personnel, tout en continuant à résider chez son curé, du poste voisin, celui de Wangmu, où il prend la succession du P. Georges Pouvreau, non sans appréhension. Son prédécesseur, en effet, organisait toutes choses avec diligence et grande justesse de vue, et ce n’est pas sans mal que le P. Mourgue réussit à assurer la bonne marche du poste. Il se donne tout entier au service des malades et s’occupe activement de la jeunesse. Son air souriant et son empressement auprès de tous lui attirent les nombreuses sympathies des chrétiens et des païens. Les écoles fonctionnent normalement et il constate l’importance d’avoir des familles entièrement chrétiennes au lieu de simples unités disséminées un peu partout. Cependant, en juillet, il doit s’aliter pour ce que l’on croit être les séquelles d’une insolation, et qui n’était rien moins qu’un début de rechute de paratyphoïde, toutefois rapidement diagnostiqué et tout aussi vite conjuré. Vers la fin de l’année, des bruits contradictoires de mobilisation circulent, mais ne se concrétisent pas.
En 1940, il raconte ainsi ses débuts missionnaires : « Au terme de l’année qui vient de s’écouler, et qui était pour moi la vraie prise de contact avec la vie de la brousse, je ne puis que remercier la Providence des bénédictions nombreuses dont elle m’a comblé, sans oublier toutefois la part d’épreuves qui en fait le mérite et le prix surnaturel. La visite des chrétientés a été faite dans des conditions presque normales et j’ai pu constater entre elles et moi un véritable esprit de famille. Par ailleurs, quelques nouvelles conversions ont contribué à m’encourager pour mieux remplir mon ministère. » Mais c’est la guerre et Mgr Carlo, son évêque, dans son rapport annuel, fait part notamment de « brigandages, déportations de la population pour exécuter des travaux publics, etc. ». Ce qui n’empêche pas de mener à son terme, tambour battant, la construction d’une nouvelle résidence-procure à Lanlong.
L’année 1941 est assombrie pour le P. Mourgue par la nouvelle de la mort de sa mère. En juillet, de nouveau souffrant, il décide d’aller se faire soigner au centre, et se sent mal au point de devoir se faire conduire en chaise à porteurs à Lanlong, tellement il est affaibli par la fièvre ; après une quinzaine à l’évêché néanmoins, celle-ci a sensiblement diminué et les forces reviennent peu à peu. Il devra prendre davantage de précautions, d’autant plus que les remèdes sont de plus en plus difficiles à obtenir, en raison des hostilités qui toujours se font sentir au moins à l’état endémique. Étant donné son état de santé, et pour lui épargner les fatigues de la brousse, on le nomme au petit séminaire comme supérieur. Et la vie continue, avec son lot de plus en plus fourni d’épreuves : batailles meurtrières, incendies, crimes, haines, jalousies, vengeances ; les chrétiens, on s’en doute, ne sont guère épargnés : parfois même ils constituent une cible favorite pour ceux que la xénophobie travaille. C’est la période noire de la guerre mondiale qui s’intensifie, se généralise et s’installe avec son cortège de malheurs, entrecoupé de fugitives visions d’espoir, qu’entretiennent les contacts fréquents avec les militaires américains en stationnement dans les environs. Sans cela, on serait coupé du reste du monde, dont on n’a rien d’autre à attendre sinon qu’un terme soit enfin mis à cette sauvagerie universelle. Il faudra patienter durant de dures et longues années, au cours desquelles la région n’eut pas trop à souffrir du déboussolement général, qui s’y manifeste de façon plus spectaculaire quand, le 3 juin 1942, a lieu le bombardement de la ville épiscopale, causant une trentaine de morts et des blessés, ainsi que des dégâts à l’évêché et à l’église.
Après que se seront terminées les hostilités, en 1947, l’événement le plus important pour l’Église de Chine sera l’établissement de la hiérarchie ecclésiastique et la nomination d’un internonce à Nankin ; sur le plan local, une autre nouvelle heureuse sera celle de l’arrivée d’une relève de trois nouveaux missionnaires. Par contre, le P. Mourgue doit accompagner en France le P. Huc, mal remis d’un accident qui lui valut d’horribles fractures aux deux jambes et, depuis six mois, d’indicibles souffrances auxquelles il espère mettre fin en se faisant opérer par un chirurgien français. Mais pour son compagnon, c’est l’occasion de prendre son premier congé, dix ans après son premier départ. Rentré en Chine en juillet 1948, le P. Mourgue est remis tout d’abord au service du séminaire, mais bientôt se retrouve en poste à Tayen, et tandis qu’un peu partout la vie reprend son cours normal, et que l’on s’affaire à panser les blessures laissées par ces années de folie, le calvaire chinois, au lieu de s’apaiser, s’accentue au contraire et reprend avec plus d’intensité, tel un feu qui couve sous la cendre et qui repart de plus belle au souffle du moindre zéphyr. Pour le P. Mourgue, en particulier, s’ouvre une période féconde en troubles multiples, provenant entre autres de la maladie, en ces zones insalubres où sévissait la malaria, mais surtout de la situation générale de la région, où les biens et la vie des gens sont continuellement menacés.
Sans doute la mission de Anlung – c’est le nouveau nom de celle de Lanlong –, en 1949, n’est pas encore soumise au régime communiste, mais elle a beaucoup souffert de fréquentes incursions de brigands. Trois grosses bandes sèment la terreur dans les campagnes du nord, du sud et de l’ouest. Des centaines de villages sont taxés de fortes sommes d’argent sous peine de voir leurs habitants fusillés ou leurs maisons devenir la proie des flammes. Au mois de janvier, le presbytère et l’église de Tayen sont pillés et saccagés, statues brisées, autels, balustrades, armoires, livres brûlés. On ne sait trop comment le curé put s’enfuir de justesse à la faveur des ténèbres pour errer tout le reste de la nuit dans les hautes herbes, avant d’arriver à Tchèchou chez le P. Jean Pélardy. Quelques jours plus tard, la résidence de ce dernier subissait le même sort, et les deux missionnaires, avertis à temps, vinrent se réfugier à Anlung. À la faveur d’une accalmie, le P. Mourgue crut pouvoir retourner chez lui à Tayen. Les brigands qui avaient pillé sa résidence une première fois en furent informés et vinrent pendant la nuit pour le prendre, espérant exiger une forte rançon. Mis en garde par un chrétien, il put, grâce à Dieu, s’échapper avec tout son personnel. Pour la seconde fois, il se trouvait dans un dénuement complet. Fin mai, il est nommé à Shinyshien, dans un secteur où règne peut-être encore plus d’insécurité, en dépit de la présence de forces de l’ordre. Car Anlung est passé, comme les autres centres, sous régime maoïste, où perquisitions, enquêtes, menaces, expéditions punitives, comparutions devant les tribunaux, emprisonnements, voire exécutions capitales empoisonnent l’existence. En rejoignant ce nouveau poste, le P. Mourgue n’a pu s’empêcher de penser, en se référant à ses expériences passées : « Jamais deux sans trois ! », puisqu’on le transfère en un coin où l’on pille et l’on tue par-ci par-là, un peu au petit bonheur la chance ! Pourtant, en octobre de cette année-là, son école a une rentrée satisfaisante de quelque 250 élèves, malgré les gros nuages annonciateurs de la bourrasque.
Par la suite, en 1950, les circonstances ne feront que s’aggraver, réduisant les activités à leur plus simple expression, tandis que la persécution religieuse devient monnaie courante : les missionnaires n’ont que la possibilité de prier et de souffrir pour leurs chrétiens. Dès le début de l’année, c’est la mise à sac d’une résidence et le meurtre du Père chinois qui l’occupait ; bientôt suivis de la tentative contre la léproserie Saint-Damien et des mauvais traitements dont furent victimes le P. René Courant et plusieurs lépreux, tout cela pour leur extorquer les prétendues richesses du P. Signoret, lâchement assassiné le 27 janvier. Puis, de mars à mai, de nouveau des pillages accompagnés d’incendies et de meurtres. Et c’est, en 1951, l’arrivée des troupes communistes ; le P. Mourgue est alors, comme l’ensemble des missionnaires, en butte à toutes sortes de vexations : il est aux arrêts, assigné à résidence, et surveillé de si près qu’il ne tarde pas à introduire une demande de rapatriement. On va jusqu’à défendre aux chrétiens de parler aux étrangers et de se rendre à l’église, à y interdire la prédication, voire à fermer les lieux de culte, à incarcérer les missionnaires, et à susciter la délation pour favoriser les jugements populaires à leur encontre. Cette politique n’a guère de prise sur les chrétiens, ou plutôt elle les conforte dans leur foi, qui s’enracine d’autant plus en leur cœur : ils se rendent compte que le prêtre n’est pas poussé par des motifs d’intérêt personnel, mais qu’il agit pour faire connaître la lumière de Celui en qui il a mis toute sa confiance. C’est dans la fragilité de l’apôtre que se manifeste la puissance de l’Esprit. On en arrive bientôt au point, l’année suivante, que presque tous les confrères sont ou bien prisonniers, ou bien en résidence forcée, ou bien rapatriés en bloc. Quant au P. Mourgue, il voit sa demande de départ agréée et, le 26 octobre 1951, il quitte la Chine pour Hongkong. En 1952, la mission n’aura plus un seul représentant de la Société, quand la quittera, la mort dans l’âme, Mgr Carlo et les quelques Pères qui l’accompagnent : c’est la première de nos missions de Chine à être dans ce cas.
Le 15 décembre 1951, après quelques semaines passées à Hongkong où il jouit d’un repos qu’il qualifie, après ce qu’il vient de vivre, de merveilleux, le P. Mourgue reçoit une destination de remplacement : la mission de Malacca, nouvelle étape de son existence missionnaire ; il s’y rendra dès le 4 ou le 5 février 1952. C’est l’année de la célébration de divers centenaires : de l’installation des sœurs de Saint-Maur, de l’arrivée des Frères des Écoles chrétiennes, et le quatrième de la mort de saint François Xavier. C’est celle aussi où le diocèse passe au rang d’archidiocèse relevant directement du Saint-Siège, Mgr Michel Olçomendy étant promu archevêque. Son nouveau collaborateur a alors quarante ans, quinze ans d’apostolat en Chine, et parle avec aisance le mandarin. À peine arrivé, le voilà tout à fait acclimaté et à pied d’œuvre : il est pasteur de la communauté chinoise à Kluang, ville de moyenne importance au centre de l’État de Johore, à 120 km de Singapour. Il se trouve là avec un prêtre eurasien, lequel, curé en titre de la paroisse, se charge plus spécialement des communautés de langue tamoule éparpillées dans les plantations d’hévéas et de palmiers à huile. Son premier travail sera d’ acquérir une bonne connaissance de l’anglais, et de se familiariser avec le dialecte hakka, parlé dans la région, et d’ailleurs assez proche du mandarin.
Régis, comme il aime être appelé – pour les Chinois il est le P. Mao –, se met à tout cela avec enthousiasme, et au bout de quelques mois réussit à ouvrir une chapelle dans une plantation à Ulu Remis. C’est l’époque de la rébellion contre le pouvoir colonial des Anglais. Plusieurs planteurs sont assassinés, mais cela ne l’inquiète guère : il en a connu d’autres ! Malgré les restrictions et les couvre-feux, il circule et garde son optimisme. Ses paroissiens l’apprécient. En juin 1953, il est nommé tout au nord du diocèse, à Alor Star, à environ 60 km de là frontière de Thailande. Il est remplacé à Kluang par le P. Paul Munier récemment arrivé de Chine. Régis devient pratiquement le premier curé résident de cette capitale du sultanat de Kedah, à forte densité malaise musulmane. Une baraque en bois sert d’église et de presbytère. On y trouve un saint Michel, patron de la paroisse, de taille plus que respectable, surtout en ce qui concerne la queue du diable !
Le P. Mourgue découvre de suite l’avantageuse présence des sœurs de Saint-Maur, dont l’école est très appréciée dans les milieux malais. La supérieure d’alors, une Eurasienne, a ses entrées au palais du sultan, et a compté les princesses parmi ses élèves. Régis collabore aussi avec le frère irlandais, directeur des écoles lasalliennes dans le Kedah, et le reçoit chez lui lors de ses séjours à Alor Star. Notre confrère a le sens du contact, de l’accueil, ne ménage pas sa peine et fait pas mal de route ; en effet, il doit s’occuper des communautés chinoises de Sungei Patani, à quelque 30 km au sud, ainsi que, dans l’extrême nord, de celles de Changlun et Kangar. Il dotera en 1957 cette ville, capitale de l’État de Perlis, d’une école – la première en cet État à être ouverte par les catholiques –,qui lui servira aussi de lieu de culte.
Dans son centre, beaucoup de choses sont à faire, et tout d’abord une église. Il en ouvre le chantier en 1954. Son entregent et ses relations lui obtiennent de l’armée anglaise des matériaux à bas prix, et des ingénieurs militaires le conseillent volontiers. La première pierre en fut posée le 19 mars, et après un peu plus d’un an seulement dans la paroisse, il réjouit son archevêque en lui faisant bénir, le 29 septembre, jour de sa fête, la nouvelle église Saint-Michel. À deux lieues de l’ancienne chapelle du même nom, bâtie par les pionniers de la Société quelque quatre-vingts ans auparavant, et de celle qui lui a succédé en 1918, c’est un édifice de proportions modestes, mais élégant, et surtout, c’est du solide, du pratique. À juste titre, les paroissiens sont fiers de leur lieu de culte, fiers de leur curé aussi. Très liant, en quelques semaines il connaissait tout le monde et était connu de tous. Conquis par l’éloquence persuasive de sa parole, ses paroissiens ont rivalisé d’ardeur pour recueillir les fonds nécessaires à la nouvelle bâtisse. Il ne manque pas non plus de prestance ni de brio, et s’il aime agir, s’il aime parler, s’il aime remuer, il sait aussi présider les cérémonies, soutenant les chants de sa belle voix, et les accompagnant d’effets de chape étudiés, du plus bel effet. La statue de saint Michel est toujours là, mais Régis a réduit sans hésiter la taille de l’appendice caudal luciférien. Pour loger ce qu’il en reste, il a dû ouvrir une fente dans le mur du sanctuaire. Aussi peut-il faire des commentaires judicieux aux prêtres visiteurs qui contemplent dans la sacristie ce qui reste de la queue du diable ! À défaut de monuments historiques, pourquoi pas...
Ce n’est pas là que s’arrêtent les activités de ce prêtre entreprenant : on lui confie, en sus de ses tâches matérielles, la formation d’un jeune abbé chinois. Et le spirituel n’est pas en reste, puisqu’il a le bonheur, en 1956, de conférer le baptême à quatorze adultes. S’il soigne aux petits oignons sa station principale qu’il affectionne autant qu’il la révolutionne, il ne néglige pas pour autant les faubourgs qu’il visite régulièrement, et les « nouveaux villages » où les paysans chi¬nois ont été regroupés pour les protéger de la guérilla. Aidé de son vicaire, le P. Chang, ce sont quatre chapelles extérieures qu’il dessert, s’y occupant notamment d’œuvres sociales, ce qui ne contribue pas peu à étendre sa renommée. Il distribue généreusement les surplus américains : de la nourriture, des vêtements ; mais non content de ces aides, qui sont insuffisantes pour régler le problème de la pauvreté accablant les familles réellement nécessiteuses, tant païennes que chrétiennes, il entend apprendre la solidarité à ceux qui en ont les moyens. Pour cela, il va lui-même régulièrement quêter auprès des commerçants de la ville, presque tous non chrétiens, et à tour de rôle les emmène dans les six villages qui sont l’objet de cette action sociocaritative, pour qu’ils voient de près la misère du peuple, et se rendent compte par eux-mêmes de l’usage qui est fait des dons recueillis. La comptabilité en est tenue minutieusement, avec des cartes pour les bénéficiaires et des reçus pour les donateurs, si bien que la presse célèbre son programme d’assistance comme l’un des mieux organisés de toute la Malaisie. Il se rend présent et rend l’Église présente à tous, et les non-chrétiens l’apprécient fort, car cet étranger parle fort bien chinois et sait communiquer.
Entre-temps, il trouve moyen de construire deux chapelles de brousse, et se bâtit un presbytère simple, dans lequel il accueille volontiers. On n’est pas encore à l’époque de la télévision, et il faut compter avec le couvre-feu. Aussi les soirées sont-elles remplies de conversations intéressantes et agréables, car originales. Sous les ventilateurs, confortablement en sarong, fumant doucement un cigare birman, on ne sent pas passer le temps. On fait l’expérience de l’amitié...
Durant ce séjour dans le Kedah, Régis a donné toute sa mesure. Son vicaire chinois, originaire du Yunnan, se trouve très à l’aise avec lui, et aujourd’hui encore en parle avec admiration. De son côté, l’évêque de Penang – il fait partie de ce diocèse depuis la division de la province ecclésiastique en 1955 –, Mgr Francis Chan, l’a nommé membre de son conseil. Mais le temps de son congé arrive, et en avril 1958, avec un certain regret, il part pour la France où il débarque le 4 mai. Son temps de repos s’y passe bien, avec notamment, en compagnie des PP. Arsène Rigottier et Pierre Gauthier, un long périple en Espagne, après avoir rendu visite au P. Huc en terre albigeoise. Et il reprend le bateau pour la Malaisie le 24 février 1959, à bord du paquebot Vietnam.
À son arrivée en mars, il est nommé dans la vieille paroisse de Bukit Mertajam. Établie depuis bientôt quatre-vingts ans, elle est surtout connue pour son pèlerinage annuel à sainte Anne, lancé par un confrère breton. Des milliers de chrétiens et de non-chrétiens s’y retrouvent à la fin de juillet, pour un week-end rempli de prière dans une atmosphère de kermesse bon enfant. Il semble en bonne santé au début de son séjour, mais bientôt donne des signes de fatigue et de découragement. Il doit combler les dettes laissées par son prédécesseur, et il le fait, mais cela lui pèse. Il n’a plus l’enthousiasme d’Alor Star. Son état se détériore davantage et le cœur n’y est plus. Il doit partir en congé de maladie en avril 1960. Prêtres et paroissiens le voient quitter avec regret. Ils le sentent atteint et devinent qu’ils ne le reverront plus parmi eux. Il rentre en France le 2 mai 1960. Là, hésitant sur la conduite à tenir, il consulte le corps médical, il consulte aussi ses supérieurs ; sur rapport du médecin de la Société, le P. Quéguiner décide : « Mieux vaut être utile en France que traîner les hôpitaux et les cliniques en mission. »
Aussi tout doucement, il va se mettre en quête, tout en se rapprochant de sa famille et de ses amis, d’un endroit où il pourra, tout en se soignant, rendre les services que sa santé lui permettra. Accepté aussitôt au diocèse de Saint-Étienne, c’est une charge d’aumônier dans une maison de soins qui semble lui convenir, et il l’est en fait d’abord en 1962 à Izieux dans un sanatorium ; 1966 le trouve pour un court intermède à l’hôpital-hospice de Muret, et 1967 à Saint-Étienne enfin chez les Petites Sœurs des pauvres. Il s’y occupe bien sûr de leurs personnes âgées, mais aussi de leur juvénat de langue anglaise, en même temps qu’il exerce son ministère dans une clinique proche. Cependant, il ne se rétablit que difficilement, souffre des nerfs, et même baisse à certains égards : aphasie partielle, insomnies, douleurs intestinales. Au bout de dix-huit mois, sur les instances des religieuses, il consent à entrer pour un temps en observation à l’hôpital psychiatrique Saint-Jean-de-Dieu à Lyon. Là, il est impressionné par les cas de certains patients qui y sont en traitement depuis des dizaines d’années, et il fait part de ses craintes qu’on ne le retienne ; mais les médicaments qu’on lui prescrit lui permettent de retrouver un certain équilibre et suffisamment de force pour reprendre son travail comme auparavant, après un mois de séjour seulement. Vers la fin de 1970 il écrit : « Dans l’ensemble, ça va assez bien et j’en suis très heureux. Sans doute, quand je suis parti à l’hôpital, je ne déraillais pas du tout, mais physiquement et nerveusement j’étais complètement à plat... Le moral est bon et la santé meilleure, donc pas de souci ! » Ainsi passe-t-il successivement par des hauts et des bas, selon les fantaisies de son appareil digestif ou de son système nerveux : sa sensibilité est à fleur de peau, et la peur d’avoir pu causer à quelqu’un le moindre déplaisir le plonge dans une irrépressible dépression. Vaillamment cependant il n’arrête pas ses activités, et leur rythme n’est qu’à peine modifié par la fermeture du juvénat : il a trop le sens du devoir pour succomber à la sensation de fatigue, qui équivaudrait pour lui à une tentation de paresse.
Le 8 décembre 1972, il entre à la clinique Littré pour une intervention mineure nécessitée par la présence inopportune d’un polype à l’intestin ; en l’annonçant très simplement, il rassure ses familiers en soulignant que « tout va pour le mieux, le moral est excellent », et il reprend tout aussitôt sa place à « Ma Maison », ainsi que s’intitule l’institution des Petites Sœurs, et sa charge que maintenant il ne lâcherait pas pour un royaume. Il a besoin de s’occuper, et refuse de se laisser enliser. En 1978, le P. Jean Chapuis – également en poste à Saint-Étienne – et lui réfléchissent sur le sens de leur présence dans un centre hospitalier, et sur leurs contacts avec les indifférents. Et ils se retrouvent comme en mission : il s’agit d’abord de se faire accepter. Une relation de cette introspection nous fait voir de quelle manière le P. Mourgue conçoit sa profession d’aumônier. « Régis pense qu’il a gagné quand on ne le prend pas pour un moraliste, mais pour un chic type, quand finalement il a pu amener la personne sur un terrain où il peut glisser une parole du Message. » Il n’envisage ses rencontres avec les malades que sous l’angle « bonté, gentillesse, tolérance, fidélité aussi ». De lui cette pensée optimiste qui donne courage : « Je veux être un homme heureux, et je voudrais qu’on le soit... »
Régulièrement entre les mains des docteurs, lui-même doit se faire opérer de la vésicule biliaire, le 11 juin 1982, et il s’en remet encore très vite pour occuper tout aussi vite sa place chez les Petites Sœurs des pauvres. Mais en juillet 1986, une attaque d’hémiplégie l’oblige à garder le lit une quinzaine de jours, et à songer à la retraite : le côté droit est affecté ; il se retire au milieu de ses chers vieux, pour lesquels il a œuvré si longtemps. Un an plus tard, à l’occasion de son jubilé d’or, il jette un bref regard en amère et dresse un petit bilan : « J’ai vécu en Chine, mission de Lanlong, de 1937 à 1952. Ensuite, j’ai été désigné pour la Malaisie où je me suis très vite et très bien adapté ; à côté de la mission de Lanlong, la Malaisie n’était qu’une partie de plaisir ! J’espère un peu que le travail que j’y ai fait n’a pas été inutile. Pendant ces cinquante années, j’ai été heureux, et je le suis encore... J’ai bien récupéré, je prêche, je chante, je visite les malades ici chez les Sœurs des pauvres et rends beaucoup de services. Au côté droit, pied et bras sont fragiles et faibles... mais je me suffis à moi-même et n’ai besoin de personne. J’écris lentement, mais pas trop mal... Vous voyez ! La santé est bonne, le moral aussi ! De tout cela j’ai remercié le Seigneur. » On le voit, son caractère actif ne demeure pas en reste. Malgré son handicap, il ne se désole pas sur son compte, mais au contraire a repris le dessus, et trouve encore le moyen de se rendre utile. En 1988 encore, il répond à un confrère qui s’enquiert de ce qu’il devient : « Je bataille pour écrire, alors, excusez les imperfections... Je ne juge pas ma vie, ce n’est pas mon travail, c’est celui de mes supérieurs en mission, de mes camarades en mission, et pour mes années en France, c’est surtout celui des Sœurs des pauvres, ici où j’ai fait beaucoup de ministère, et pas seulement pour les vieillards... Le vrai et seul juge de ma vie, ce sera le Père Bon Dieu ! ... Pour moi, tout va bien, je suis un homme heureux ! Puissiez-vous l’être comme moi. »
Ainsi sera-t-il jusqu’au terme de sa vie : volontaire, légèrement moqueur pour lui-même et les autres, s’efforçant toujours de voir le beau côté des choses, même et surtout lorsqu’il n’en aperçoit que le moins mauvais. « Tout va pour le mieux, je profite bien de la famille et de nombreux amis. J’ai toujours été heureux dans ma vocation : au séminaire, en Chine, en Malaisie, en France, et fier
Références
[3588] MOURGUE Régis (1912-1992)
Références biographiques
AME 1931 p. 175. 1937 p. 239. CR 1937 p. 233. 1939 p. 82. 83. 1940 p. 54. 1947 p. 38. 259. 1949 p. 61. 1957 p. 66. 1958 p. 65. 1961 p. 71. BME 1931 p. 614. 1937 p. 674. 724. 817. 868. 894. 1938 p. 45. 46. 47. 116. 335. 539. 614. 689. 758. 1939 p. 46. 47. 50. 128. 273. 565. 653. 724. 791. 863. 1941 p. 331. 474. 687. 1948 p. 26. 180. 233. 1949 p. 239. 519. 520. 587. 705. 706. 778. 1951 p. 254. 440. 644. 779. 1952 p. 60. 129. 198. 483. 1953 p. 50. 1954 p. 683. 688. 1955 p. 56. 818. 1957 p. 470. 471. 1958 p. 510. 511. 658. 1959 p. 369. 1960 p. 641. Hir n°193 p. 1 - 221. ECM n° 5 p42. EC1 N° 362. 462. 508. 510. 641. 656. 678. 743. NS. 121P253 - 124P346.