Louis EYNARD1918 - 1999
- Statut : Prêtre
- Identifiant : 3712
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Biographie
[3712] EYNARD Louis est né le 3 mai 1918 à Empurany (Ardèche).
Ordonné prêtre le 3 juin 1944, il part le 20 janvier 1946 pour la mission de Hué (Vietnam).
Il est d’abord aumônier militaire au Corps expéditionnaire français d'Extrême-Orient (CEFEO) en Indochine (1946-1948), puis il rejoint sa mission et exerce la charge de curé intérimaire de l'église Saint François-Xavier, jointe à celle d'aumônier de garnison et de la prison à Hué (1948-1949). Après un stage à Tach-han (1950-1951), il est nommé professeur au collège de la Providence à Hué (1951-1953).
En 1954, gravement malade, il rentre en France et fait une cure à Vichy, puis il est affecté provisoirement au séminaire de Beaupréau (1954-1956).
Il est ensuite envoyé au Cambodge, où, après l’étude de langue, il est curé de Kratié, tout en desservant Stung-Treng (1957-1965). Il est ensuite envoyé à la paroisse du Sacré-Cœur au centre-ville de Phnom Penh (1965-1968).
En 1968, il est rappelé en France pour représenter ses confrères à l’assemblée générale, puis il fait une année de recyclage en catéchèse à l’Institut catholique de Lyon.
De retour à Phnom Penh, il se met au service des réfugiés (1969-1970), qu’il suivra à Saigon (1970-1975).
Expulsé du Vietnam en 1975, il rentre en France, où il est nommé vicaire à La Gavotte, puis de Fuveau et Chateau-neuf-le-Rouge (1978). Il est ensuite directeur d’Enfants du Mékong à Valence (1981), curé de Sauveterre-du-Gard (1983), d’Aramon et Domazan (1987) et résident au Foyer de Charité de Rochefort-du-Gard (1991).
Il se retire ensuite à Lauris, où il meurt le 14 mars 1999. Il est inhumé au cimetière de Lauris.
Nécrologie
[3712] EYNARD Louis (1918-1999)
Notice nécrologique
Louis, Clément, André EYNARD, fils de Régis Augustin, et Maria, Clémentine, Valérie Guilhot, cultivateurs, vint au monde le 3 mai 1918, à Empurany, département de l'Ardèche. Il fut baptisé le surlendemain en l'église paroissiale d'Empurany, diocèse de Viviers. Cette très chrétienne famille de l'Ardèche comptait sept enfants dont cinq garçons et deux filles. Le père était maire de la commune ; le fils ainé, Régis, prêtre du diocèse de Viviers, appelé à travailler dans l'enseignement, avait continué ses études universitaires aux facultés catholiques de Lyon.
Louis fit ses études primaires, sous la férule des Frères des Ecoles Chrétiennes, à l'école libre des garçons établie dans son village natal , et il obtint le diplôme qui les couronnait. En octobre 1931, il commença le cycle des études secondaires en classe de 6ème, à l'école cléricale Notre-Dame du Cheylard, puis les continua, en octobre 1933, en classe de 3ème au petit séminaire Saint Charles d'Annonay. Il nous raconte : "Nous avions les cours au Collège du Sacré-Cœur ; lorsque tous les élèves étaient là, parfois plus de 50, le jeune prof de maths avait bien du mal à maintenir ordre et travail". Et Louis avait un "creux" en mathématiques.
En juin 1936, -c'était le temps du Front Populaire, puis de la guerre d'Espagne- il passa avec succès la première partie du Baccalauréat. Mais le jeune et fier séminariste bachelier participait aux travaux des champs : "....faire l'herbe dans les vignes surtout, lier les gerbes à la main vous mettait les mains à mal ... Voyons voir si ce bachelier sait arranger un char de foin… Les travaux commençaient dès le point du jour, sauf pour moi qui devais d'abord aller à la messe, il y avait 3 kms c'est à dire que ça en faisait 6 aller-retour. Ils se terminaient à nuit noire."
Au cours de ses études au Petit Séminaire, vers octobre 1934, il ressentit un pressant appel pour la Mission à l'Extérieur, et il s'en ouvrit à son directeur spirituel qui se montra prudent : "C'est à vérifier, donc continuez vos études comme si rien n'était. Ensuite, à supposer que cet appel soit authentique, ce serait une raison de plus pour continuer les études secondaires et à faire les meilleures qui soient."
En octobre 1936, M. Louis Eynard se dirigea vers le grand séminaire de Viviers. Il y remplaça Régis, son frère ainé qui venait d'être ordonné prêtre. Dans cette maison chargée d'histoire, "On m'avait mis au midi ce qui me protégeait du mistral et me donnait une petite échappée sur la cour d'honneur et la rue centrale de la ville." Il se mit donc à l'étude de la philosophie, mais s'y sentit un peu perdu :"La philosophie, dans quelque branche que ce soit n'avait pas grand chose à voir avec la littérature. Les livres étaient en latin, et il fallait argumenter de même (chaque semaine deux élèves du cours étaient chargés de présenter une thèse : l'un comme défenseur, l'autre en adversaire)." Au grand séminaire, des missionnaires venaient faire des causeries. L'un retint particulièrement son attention : Le P. Flachère, des Missions Etrangères, aumônier de la Marine Française en Exrême-Orient.
À la fin de sa première année, M.Louis Eynard fit "sa petite crise mystique" elle fut de courte durée. Son directeur spirituel l'invita à la patience : "terminez votre philosophie, faites votre service militaire et on prendra la décision ensuite."
Appelé sous les drapeaux, en octobre 1938, il reçut sa feuille de route pour rejoindre le 154 d'artillerie de forteresse à Grenoble. Il fit le peloton pour accéder au grade de sous-officier, puis fut versé dans les transmissions. En décembre 1939, tombé sérieusement malade, le lieutenant-médecin l'envoya au Conseil de Révision qui le déclara réformé temporaire pour une durée de 6 mois. Mais alors, "que faire, je ne voulais pas retourner au grand séminaire de Viviers, je décidais donc, après consultation des autorités religieuses de rester à la maison ; à un moment où les 2 fils ainés étaient mobilisés, je pouvais être d'un certain réconfort voire donner la main pour quelques travaux". Rappelé en juin 1940, avec beacoup de difficultés, il rejoignit sa base à Nîmes où l'office militaire le chargea des achats de vin. Dès qu'il y eût une nouvelle commission de révision, il s'y présenta et fut déclaré réformé définitif. Libéré, il se rendit à Lyon : " J'allais à tout hasard au siège des Œuvres Missionnaires, rue Sala. J'eus la chance de trouver là le P. Depierre, MEP, qui m'apprit que les M.E. allaient ouvrir leurs portes dès octobre. Il n'y avait qu'à se préparer pour la rentrée."
Le 26 septembre 1940, M. Eynard adressait au Supérieur Général de la Société, sa lettre de demande d'entrée au séminaire de la rue du Bac. Admis le 7 octobre 1940, il arriva à Paris, en fin de matinée, le 22 octobre 1940, ayant franchi, sans difficulté particulière, la ligne de démarcation. Il n'en fut pas de même lorsque le nouveau tonsuré du 29 Juin 1941 qu'il était, voulut rentrer au pays, aux vacances de juillet 1941. Il prit le train jusqu'à Monceau-les-Mines, puis continua à pied. Alors qu'il marchait près de cette ligne de démarcation, dans l'intention de la franchir, il fut arrêté par une patrouille allemande, conduit à Monceau-les-Mines, puis sous escorte, dirigé vers la prison centrale de Châlons sur Saône où il passa une dizaine de jours. À sa sortie de prison, il eût la chance inouïe de rencontrer un séminariste du pays qui l'hébergea et l'accompagna jusqu'à la route-frontière. Alors, dit-il "À un moment où il n'y avait personne, il suffisait de lâcher sa bicyclette dans le fossé et de continuer tranquillement de l'autre côté. Au retour tout se passa bien aussi grâce à la gentillesse de vendangeurs et du curé du lieu."
Sous-diacre le 19 juin 1943, diacre le 18 décembre 1943, M. Louis Eynard fut ordonné prêtre le 3 juin 1944. "Le lendemain dimanche 4 juin, Régis m'accompagna à l'autel du Bx Borie pour ma première messe Ce bienheureux avait été missionnaire et martyr au Viêtnam pour lequel j'avais eu, dès le 3 au soir ma destination, exactement la missions de Hué." En effet, la date de l'ordination avait été devancée en raison des évènements et des menaces d'un départ forcé au travail en Allemagne imposé par les autorités d'occupation; étaient visés les jeunes de plus de 25 ans. Il en avait 26. Pour éviter cela, "il fallait prouver que nous étions déjà au travail en France. Le curé de Kremlim-Bicêtre me fit une attestation disant que j'étais vicaire dans sa paroisse.On me laissa tranquille."
Ne pouvant partir en mission dans l'immédiat, M. Louis Eynard, agrégé à la Société des Missions Étrangères depuis le 15 septembre 1944, revint alors dans son diocèse d'origine ; en juillet 1944, il fut nommé vicaire à la paroisse Saint Félicien, proche de celle de La Louvesc; il connut les difficultés de ce temps troublé : occupation, maquis, libération, épuration etc. Après avoir accueilli N.D. de Boulogne en cette paroisse, et fait un pèlerinage à Chartres, son curé le chargea d'organiser une kermesse pour l'école libre paroissiale. Enfin, le 6 janvier 1946, il fit ses adieux à Saint Félicien pour rejoindre le Viêtnam.
Par lettre du Supérieur Général datée du 22 octobre 1945, il fut désigné pour se mettre au service de l'aumônerie militaire du Corps Expéditionnaire Français d'Extrême-Orient (CEFEO), en partance pour l'Indochine ; il rejoignit son unité en France, le 7 janvier 1946, et s'embarqua à Marseille, le 20 janvier suivant, à bord de "l'énorme "Monarch of Bermuda", vaisseau de croisière britannique et transformé en transport de troupes pendant la guerre. Plus de 5.000 soldats embarquèrent. Le dernier soldat embarqué, on leva l'ancre vers la fin du jour."
Débarqué à Saïgon, le 14 février 1947, avec son unité, il bivouaqua pendant quelques jours dans la banlieue de Cholon ; puis "l'ordre de départ arriva : rejoindre notre base opérationnelle en "brousse" exactement à 150 et 250 kilomètres de Saïgon sur la côte est, en direction de Nhatrang. Nous devions nous installer avec deux bataillons de Légion, un à Phan-Rang, l'autre à Phan-Thiêt. Mon séjour à Phan-Rang ne dura pas longtemps, car la Portion principale de mon unité, me réclamait à Phan-Thiêt." À sa tâche d'aumônier militaire, on lui demanda d'ajouter la fonction d'assistante sociale, son unité médico-chirurgicale n'étant pas assez importante. C'était pour lui une occasion de descendre assez souvent à Saïgon. Muté, il fut affecté au 1er bataillon du 22ème RIC basé d'abord à Biên-Hoa, à une trentaine de kms de Saïgon, puis à Thu-Duc où il fut soigné par les Sœurs de Saint Vincent de Paul pendant un mois et demi. Car il était tombé sérieusement malade, suite à la visite des postes militaires isolés, faite dans des conditions pénibles.
Dès qu'il fut rétabli, il reprit ses activités d'aumônier militaire :
" J'avais 115 postes à voir dans la Cochinchine-Est dont un bon nombre accessibles seulement au cours d'une opération, du moins avec une solide protection." Après l'échec des entretiens de Fontainebleau, et le coup de force du 19 décembre 1946, la guérilla avait repris de plus belle! L'arrivée d'un nouvel aumônier régimentaire, et les environs de Hué ayant retrouvé une certaine sécurité, permirent à l'aumônier Louis Eynard de faire sa demande de démobilisation. Après avoir visité, durant trois semaines, le site d'Angkor, il fit ses adieux dans les diverses unités du 22ème RIC. Démobilisé à Saigon, le 28 décembre 1947, il rejoignit sa mission de Hué. Son dévouement d'aumônier militaire, lui valut d'être décoré de la de la Croix de guerre, et de la Médaille d'Extrê-Orient.
Rendu à la vie missionnaire, M. Louis Eynard s'embarqua à Saïgon à destination de Tourane à bord d'un bâteau sur lequel il fut malade comme jamais du mal de mer. De là, il prit le train pour Hué, où il arriva "la veille de l'Épiphanie. La situation était encore peu brillante. L'Évêque venait de mourir à l'hôpital de Saïgon, le Provicaire était en congé, plusieurs missionnaires étaient absents : les uns, rentrés en France, la plupart emmenés en captivité à Vinh, le pays de l'Oncle Ho, après le coup de force viêtminh du 19 décembre 1946." Selon l'usage de cette époque, il reçut son nom viêtnamien : "Nhiêm", et commença l'étude de la langue avec l'aide d'un professeur du Collège de la Providence. "Le Vicaire Général, ex-Supérieur du petit séminaire, convint avec le Supérieur du Collège de la Providence de me faire donner vivre et couvert dans cette belle maison, moyennant quelques prestations, au moins sous forme de surveillances, car la tâche prioritaire était l'étude de la langue et j'avais trente ans."
De juillet 1948 à septembre 1949, M. Louis Eynard exerça la charge de curé intérimaire de l'église Saint François-Xavier, jointe à celle d' aumônier de garnison et de la prison à Hué; le titulaire de cette paroisse était parti en congé en France. "L'une des plus grosses occupations du curé-aumônier que j'étais consistait à suivre les blessés et les malades. La visite des hospitalisés occupait mes après-midis. Je partais avec ma bicyclette chargée de livres, journaux ou revues. L'autre tâche était à la prison." Il eût à assister un prisonnier auquel avait été refusé son recours en grâce. Après cet intérim, il rejoignit le Collège de la Providence et reprit son étude de la langue viêtnamienne. Mais ce ne fut pas pour longtemps.
En février 1950, il fut envoyé en stage à Tach-han, une paroisse proche de Quang-Tri, composée au trois quarts de réfugiés fuyant l'insécurité des campagnes et venus se regrouper autour de ce centre urbain, chef-lieu de province. Le curé M. André Eb,missionnaire remarquable, l'un des plus forts en viêtnamien et des plus ouvert à la mentalité de la population, qui se montrait parfois difficile à vivre, demanda à M.Louis Eynard d'assurer le fonctionnement de l'école paroissiale de catéchisme pour les enfants et de prendre en charge l'aumônerie de l'hôpital militaire.
Mais la sécurité dans la région était loin d'être parfaite. Le 10 juin 1950, M. Louis Eynard fut appelé en toute hâte auprès du P. François-XavierTuân, un jeune prêtre viêtnamien, ordonné depuis une semaine ; celui-ci rentrait à bicyclette à Co-Vuu; embusqués dans une pagode, des viêtminhs tirèrent sur lui, le touchèrent à la tête et à la poitrine, puis, s'approchant, le tailladèrent et lui enlevèrent tout ce qu'il avait sur lui.
En juin 1951, son stage à Tach-han terminé, M. Louis Eynard fut nommé professeur au Collège de la Providence." Je me retrouvais professeur de 5ème pour tout ou à peu de chose près ; en plus, j'avais l'histoire en 3ème ce qui ne me déplaisait pas. Mes élèves de 5ème étaient des redoublants pour la plupart" En 1953, vers le 20 novembre, une grave hépatite amibienne s'étant déclarée, l'obligea à suspendre ses cours. Remplacé en classe de 5ème par M. Jean Kermarrec , il quitta Hué sur ordre médical et en accord avec ses supérieurs, s'embarqua à Saïgon vers la mi-février 1954, et arriva en France le 14 mars suivant. En mai 1954, "C'est au collège d'Annonay que j'appris le désastre de Dien-bien-Phu". Il y eût ensuite la Conférence de Genève et les accords du 20 juillet 1954. Une nouvelle page s'ouvrait pour les missionnaires du Viêtnam.
Durant son séjour en France, M. Louis Eynard fit une cure à Vichy, puis, en attendant le feu vert de la Faculté, se retrouva, en octobre 1954, "chapelain chez les Bénédictines de Limon, près du Christ de Saclay". Il s'inscrivit à l'École des Langues Orientales pour perfectionner son viêtnamien ; à l'Institut Catholique, il suivit un cours de catéchèse ; il assura le service dominical et le catéchisme à la paroisse de Vauhallan. En octobre 1955, il fut affecté provisoirement à Beaupréau comme professeur de 6ème. L'année scolaire terminée, un jour appelé à Paris " je me mis à genoux devant le bureau du Supérieur Général et signais mon accord pour la mission du Cambodge". Ainsi, le 30 décembre 1956, M. Louis Eynard quittait Paris par avion pour rejoindre Phnom-Penh.
Accueilli par Mgr. Raballand, vicaire apostolique et ancien supérieur Régional du Sud Indochine, M. Louis Eynard à qui ses supérieurs avaient laissé envisager un poste d'enseignant au petit séminaire de Phnom-Penh, fut envoyé pour six mois, à l'école de langues de Banam pour s'habituer à l'accent viêtnamien du sud. Banam, ville située à la frontière du pays kmer, près du bac de Neak-Luong, sur la route de Saïgon et sur la rive gauche du Mékong, à 60 kms de Phnom-penh, était une paroisse viêtnamienne florissante. Une Communauté des Frères de la Sainte Famille y était installée et elle assurait alors la formation linguistique viêtnamienne des jeunes missionnaires.
En juillet 1957, son stage achevé, M. Louis Eynard fut envoyé "à Kratié, à 335 kilomètres au nord/nord-est de Phnom-Penh, sur la rive gauche du Mékong, dans la région qu'on pouvait déjà appeler des Trois-Frontières. Outre la desserte à proximité de Kratié, je devais desservir Stung-Treng chef lieu de province dont la frontière touchait le Laos. 145 kilomètres séparaient Kratié de Stung-Treng. Nous étions reliés aux autres villes du pays par des services de car et surtout par le service des chaloupes sur le Mékong."
C'était le poste le plus éloigné de la mission. Bien accueilli par cette communauté chrétienne d'environ cinq cents personnes, il se mit à l'écoute de son conseil de notables composé d'une dizaine d'hommes, alla voir les familles. Il fit clôturer le terrain de l'église, arranger son presbytère qu'il rendit coquet ; à la porte de l'église, il disposa des panneaux illustrant quelques paroles de l'Évangile. Il encouragea et aida les religieuses qui faisaient le catéchisme aux enfants. Les viêtnamiens installés à Kratié, étaient originaires du Tonkin, dans leur majorité. Ils pratiquaient surtout l'artisanat ; quelques uns étaient fort habiles : menuisiers, ébénistes ingénieux pour tirer parti des chutes de bois, coiffeurs, cordonniers, tailleurs, photographes, d'autres pratiquaient le commerce ambulant, mais parmi eux, se trouvaient aussi des propagandistes viêtminhs. Vers novembre 1957, en compagnie de son évêque en visite pastorale, il se rendit à Stung-Treng pour saluer la petite communauté chrétienne du lieu.
Pour ses déplacements, il fit d'abord l'acquisition d'une mobylette puis d'une 2 CV qui lui permit de desservir le district le plus étendu de la mission, à peu près l'équivalent de deux départements français. En 1959, à son territoire, il ajouta les paroisses de deux importantes plantations d'hévéas à Snoul et Mimot. Le prêtre chinois qui en avait la charge venait de partir. Sur ces plantations, la main d'œuvre était majoritairement d'origine tonkinoise.
Le 25 juin 1961, M. Louis Eynard, délégué par son évêque qui n'avait pu venir, organisa une cérémonie religieuse imposante à l'occasion de la restauration et de l'agrandissement de son église. Commencés au début de la saison sèche, les travaux de l'église furent conduits sans problème jusqu'à leur fin. Cette fête réunit un public nombreux où se cotoyaient cambodgiens, viêtnamiens, français, chinois, américains et anglais."Pour la fête profane, au menu figurait un taurillon que j'offrais à la paroisse et ses invités."
Le 12 novembre 1962, le Saint Siège confia à Mgr. Yves Ramousse le vicariat apostolique de Phnom-Penh, dont les limites correspondaient à celles du Cambodge. Celui-ci prit aussitôt contact avec les autorités et commença la visite des communautés chrétiennes; son souci majeur restait de rendre l'Eglise Catholique vraiment présente au Cambodge ; il fallait aussi mettre en application les instructions du Concile. En 1964, il donna la confirmation à Mimot et à Kratié, et se rendit dans toutes les paroisses du secteur, encourageant les sœurs qui y tenaient des écoles.
Dans le même temps, le gouvernement avait lancé une campagne de "kmérisation" dans le pays. Les grandes sociétés de plantations avaient été invitées à remplacer leur main d'œuvre viêtnamienne, par des travailleurs kmers. Dans une lettre à sa famille, datée du 8 novembre 1964, M. Louis Eynard écrivait : " Un sérieux coup de barre linguistique vient d'être donné par le prince Sihanouk à son retour de Chine. Tous les étrangers jeunes et adultes jusqu'à 55 ans doivent se mettre aux caractères cambodgiens. Je sais ce qu'il en coûte pour que ça paye, si j'en juge par mon expérience du viêtnamien." Il était conscient qu'une reconversion s'avérait nécessaire pour répondre à la politique linguistique du Cambodge et à la problématique missionnaire de ce pays qui demandait qu'on évangélise les Cambodgiens dans leur langue.
En 1965, le secteur le plus étendu de la mission -300 kms séparaient ses chrétientés les plus éloignées: Mimot au sud, et Stung-Treng au nord, confié à M. Louis Eynard totalisait 1.477 chrétiens, répartis sur 7 paroisses ; chacune de ses paroisses avait son école de catéchisme tenue par des religieuses ; ces écoles comptaient 185 garçons et 172 filles. Au moment de partir en congé, en mars 1965, M. Louis Eynard établissait ainsi le bilan de son travail à Kratié, pendant huit ans. " J'avais, à Kratié refait agrandi l'église, presbytère, maison des sœurs, construit une école en dur. Présence de 3 Religieuses. À Mimot, fait construire une église en dur au Centre, ouverture d'école avec présence de 3 Religieuses + 2 à la desserte. À Snoul, aménagé une école avec la présence de 3 Religieuses . À Stung-Treng refais la chapelle en bois, aménagé une école d'alphabétisation avec concours d'un catéchiste Laïc. "
Rentré de congé le 30 août 1965, M. Louis Eynard fut nommé à la paroisse du Sacré-Cœur au centre-ville de Phnom-Penh, derrière la banque nationale, pour le service de la communauté de langue viêtnamienne. À l'origine, cette paroisse crée vers 1905, regroupait les fidèles français et viêtnamiens. Puis, vers 1955, la cathédrale devint la paroisse des Français ; l'église du Sacré-Cœur fut choisie pour devenir le centre de l'apostolat auprès de la minorité chinoise du Cambodge. Bien que les chrétiens viêtnamiens aient été invités, avec un succès relatif, à fréquenter la cathédrale, le problème restait de trouver un "modus vivendi" satisfaisant entre les missionnaires chargés de chaque communauté et leurs diverses activités paroissiales. En 1959-60, on cessa de dire que le Sacré-Cœur était une paroisse chinoise, pour dire que c'était une paroisse mixte.
Responsable pendant trois ans de la communauté viêtnamienne de la paroisse du Sacré-Cœur dans la capitale, M. Louis Eynard s'occupa de deux praesidia viêtnamiens de la Légion de Marie, de l'Association Réparatrice du Sacré-Cœur, mit sur pied un conseil de notables capable de nouer un dialogue avec la communauté chinoise; chaque quinzaine il animait un groupe d'adultes pour l'étude des documents conciliaires ; il fit reconstruire l'école paroissiale ainsi que le logement des sœurs. Il essaya de renouveler la catéchèse, en tenant compte du milieu et des coutumes. Membre du Comité pastoral pour la ville de Phnom-Penh, il assurait aussi l'aumônerie de l'École Miche, tenue par les Frères des Écoles chrétiennes dans la capitale. Cet établissement fort réputé pour ses qualités d'enseignement et de formation comptait 1.800 élèves dont 300 catholiques environ. La prudence était nécessaire, car il n'était pas exclu que certains élèves ou catéchumènes ne fussent envoyés par le "Front de Libération" en mission de noyautage.
En 1968, choisi comme délégué des confrères pour les représenter à l'Assemblée Générale de la Société des Missions Étrangères, il s'envola pour Paris, vers la fin du mois de mai. L'Assemblée Générale terminée, il profita de son séjour en France, pour faire une année de recyclage en catéchèse à l'Institut Catholique de Lyon, et, d'octobre 68 à juin 1969, mettre cet enseignement en pratique à la paroisse de Champagne-au-mont d'Or, une petite ville d'environ 15.000 habitants, à environ huit kms au nord-ouest de Lyon.
En octobre 1969, le stage terminé, ce fut le retour à Phnom-Penh. Mais entre-temps, et en vue d'une meilleure évangélisation, le vicariat apostolique du Cambodge avait donné naissance à deux Préfectures Apostoliques, l'une à Kompong-Cham l'autre à Battambang. Faisant partie du vicariat apostolique de Phnom-Penh, M. Louis Eynard reçut en charge une nouvelle paroisse avec la responsabilité de la catéchèse au niveau diocésain :"Pour que je puisse commodément travailler à la catéchèse, j'avais été placé à la petite paroisse de St Antoine, derrière le stade olympique. Je mis un certain temps à comprendre ce qui se passait. Il était clair que la situation et l'atmosphère avaient changé ." Le Cambodge qui jusque là avait été épargné par la guerre, ne le serait plus pour longtemps.
Durant l'été 1969, le Gouvernement kmer bien que proclamant officiellement sa neutralité, reconnut le Gouvernement Révolutionnaire Provisoire du Sud Viêtnam ; il laissa ldes bases viêtcongs se développer sur son territoire national, ce qui provoqua les ripostes de l'aviation américano-viêtnamienne sur les villages kmers frontaliers faisant de nombreuses victimes civiles ; il autorisa sur son territoire le transit d'armes et de ravitaillement destinés au Front de Libération Nationale du Sud Viêtnam. Tout cela mécontenta la population kmère. Le Prince Sihanouk chef de l'État demanda au Général Lol Nol, de tendance droitiste, de former un nouveau gouvernement qui reçut l'investiture de l'Assemblée nationale le 13 août 1969. En septembre 1969, le général Lol Nol présenta au prince Sihanouk un rapport faisant état d'implantations viêtcôngs, nord-viêtnamiennes, et kmer rouges totalisant de 35 à 40.000 hommes, installées le long de la frontière kmero-viêtnamienne, à l'intérieur du territoire national. Malgré les difficultés de l'heure, le chef du gouvernement partit refaire sa santé en France ; le 6 janvier 1970, le prince Sihanouk fit de même.
Peu après le retour du général Lol Nol, chef du gouvernement, en mars 1970, les évènements se précipitèrent. Le 16 mars 1970, la population, les étudiants, les fonctionnaires exigèrent que le Gouvernement chassat les "Viêtcongs" hors du territoire national. Le 18 mars 1970, le Parlement, à l'unanimité, vota la déchéance du Prince Sihanouk, Chef de l'Etat. Celui-ci depuis Pékin crée le "Front Uni National du Kampuchéa" appelant le peuple à la révolte contre le gouvernement de Phnom-Penh. En fait, il faisait alliance avec les Viêtcongs. On entrait en guerre civile.
Très vite, les slogans anti-viêtcongs des manifestants dans les rues de la capitale et en province devinrent anti-viêtnamiens et anti-chrétiens. Cela donna lieu à des excès graves contre les communautés chinoises et viêtnamiennes tant dans la capitale qu'en province. Tout cela se traduisit par des actes de pillages, des assassinats, des massacres, des églises profanées, des chrétientés disloquées etc.. Ainsi les PP. Claudel et Rollin trouvèrent là mort. Du dernier village viêtnamien où ils s'étaient rendus en mission charitable, ils avaient voulu aller jusqu'aux abords de Banam, et là, ils avaient été embarqués par les éléments avancés des guerillas communistes relevant du Front de Libération. Un autre confrère qui continua à aller de village en village pour son ministère disparut de la même manière.
Les communautés viêtnamiennes de la capitale et des environs furent rassemblés en divers camps improvisés. Très vite, sous la direction du vicaire apostolique, avec le concours de prêtres disponibles et de laïcs, les secours matériels et spirituels s'organisèrent. Une commission sud viêtnamienne vint à Phnom-Penh pour organiser le rapatriement de ses ressortissants. Quant à M. Louis Eynard, il fut chargé d'organiser un centre de regroupement au grand séminaire c'est à dire, dans le village où on avait massacré les hommes, tout près du Carmel. Les réfugiés arrivaient par vagues, en quelques jours ils furent 5 à 6000.
Les chrétiens viêtnamiens quittèrent en masse le Cambodge, des prêtres viêtnamiens, des religieuses et quelques missionnaires les accompagnèrent et les rejoignirent dans les centres de réimplantation des réfugiés au Sud Viêtnam. C'est ainsi que le 10 juillet 1970, après 13 ans d'absence, M. Louis Eynard revenait au Sud Viêtnam. Accueilli à la maison régionale à Saïgon, qui devint son pied-à-terre, il y retrouva des confrères qui comme lui, avaient travaillé dans les chrétientés viêtnamiennes du Cambodge. En attendant de pouvoir rejoindre leurs ouailles, ils exploraient les sites de réimplantion possibles pour leurs chrétiens, et se réunissaient pour organiser un service d'aide efficace pour ces réfugiés. Le Viêtnam étant toujours en guerre, la sécurité restait bien relative en certaines provinces gouvernées par des colonels de l'armée nationale. La tâche la plus urgente était de mettre sur pied un comité de liaison qui serait basé à Saïgon : il serait la référence par rapport aux diverses autorités et la garantie envers les agences socio-humanitaires qui voudraient bien collaborer avec nous. Ce comité serait organe de liaison entre les centres de réimplantation, de coordination pour les tâches à accomplir, lea aides à obtenir et à répartir. Ce comité fut placé sous les ordres de la Délégation Apostolique à Saïgon.
Il fallait, en effet, de toute urgence mettre sur pied un service de renseignements concernant le regroupement des familles dispersées, les démarches officielles, les propositions de travail. etc… Cette tâche de coordination fut confiée à M. Louis Eynard. "Je ne fus pas trop décontenancé lorsque le vote des confrères fit retomber sur moi la responsabilité de prendre la tête de ce comité. Avant d'accepter, je demandais un collaborateur afin que nous puissions être constamment un au bureau, l'autre sur le terrain. Cela me fut accordé."
Mgr. L'Archevêque de Saïgon accepta la présidence de ce Comité et il mit à sa disposition deux grandes pièces, à la Centrale diocésaine des Œuvres. M. Louis Eynard trouva confiance et dévouement auprès des membres de son équipe. Il prit d'abord contact avec le Directeur du Secours Catholique Américain qui mit une voiture à sa disposition." Les lignes aériennes américaines (avions, hélicoptères de liaison) nous étaient ouvertes." Sa première visite fut pour les provinces de l'ouest. Il y prit contact avec les Évêques, les sections diocésaines des "Caritas", les services sociaux etc. Par la suite, en utilisant tous les moyens de transport et de déplacement à sa disposition, il se rendit fréquemment sur les divers sites de réimplantation des réfugiés . "On ne pouvait se contenter des aides accordées pendant les six premiers mois, ni du village provisoire de toile ; il fallait penser à la construction de la maison sur le terrain qu'on aurait obtenu puis au défrichage de terre de culture qui permettrait la subsistance des lendemains." Les problèmes d'attribution des terres, d'exploitation des forêts étaient sources de contestations et de difficultés.
Dans le même temps, fut crée une antenne socio-médiale dont "la responsable fut la Sœur Ignatia que j'avais connue comme directrice de l'école paroissiale du Sacré-Cœur à Phnom-Penh. Elle avait choisi une infirmière expérimentée parmi ses compagnes, nous avions recruté un vrai chauffeur pour conduire, une ambulance qui tenait du camion de transport." L'état de santé des réfugiés restait préoccupant ; plusieurs docteurs se joignirent à l'antenne socio-médicale. Les médicaments étaient en partie achetés sur place avec les fonds mis à la disposition du comité d'autres venaient du secours catholique américain, de l'Unicef, de la Crois-Rouge etc...
M. Louis Eynard de temps en temps, allait passer sa fin de semaine à la léproserie de Ben-San à 54 kms de Saïgon, une zone peu sûre. "Non seulement les Sœurs, mais les malades me fortifiaient." Il prit du ministère pastoral au "village des veuves" proche du terrain d'aviation de Tân-Son-Nhut. Là, s'étaient regroupées des épouses dont les maris avaient disparu lors des évènements tragiques de 1970 au Cambodge. "Je m'engageais à y aller 2 fois par semaine, les mercredis et samedis soir. Je disais la messe, distribuais les aides dont je disposais, écoutais, remontais le moral des réfugiés." Plus tard, il y construisit un centre socio-religieux.
En 1972, après un congé de deux mois en France, du 16 janvier au 2 mars, M. Louis Eynard, toujours sous la direction de la Délégation Apostolique à Saïgon, où il avait un bureau, élargit son champ d'action aux victimes de la guerre, et il reçut en charge les problèmes touchant aux questions sociales. Il travailla en coopération avec "Corev" Caritas-Viêtnam dont le secrétaire exécutif était Mgr. Thuân, évêque de Nhatrang. Suite à l'offensive viêtcong d'avril 1972, "de fin mars au 15 octobre de cette année, il y eut près de 1 million et demi de réfugiés à passer dans les camps, et fin octobre il en restait près de 1 million. Les troubles survenus fin octobre quand on parlait de cessez-le-feu –basé sur le principe de camper sur ses positions – firent encore des victimes." C'était le temps de la Conférence de Paris.
Cette situation au Sud Viêtnam et sur les Hauts-Plateaux amenait à Saïgon des journalistes, mais aussi les responsables des grandes organisations caritatives de l'Église Universlle, en vue de participer à l'œuvre de reconstruction du pays. "Je devais souvent les accompagner en tournée, le périple le plus fréquent, durant 3-4 jours, était la visitte des provinces à l'est de Saïgon." Ces déplacements le conduisirent dans les diocèses de Kontum et de Banméthuôt où il découvrit le monde des "minorités ethniques", et les conditions de travail des missionnaires. "Le but de mon voyage était de préparer une éventuelle fondation de village pour les réfugiés de cette région et une évaluation des besoins d'assistance en attendant." Il conduisit à Danang,le fondateur de l'Association "Église en Détresse", le célèbre "Père au Lard". Là, suite à l'offensive viêtcong d'avril 1972 étaient regroupés quelques 50.000 réfugiés. Puis, "je fus chargé de piloter l'Abbé Pierre qui venait épauler une fondation dans la banlieue de Saïgon. Je le vis ravi de l'interview avec la Responsable des Petites Sœurs de Jésus." En 1974, il acompagna au Cambodge M. Georges Dedeban, ancien professeur de Dogme au séminaire de la rue du Bac.
En hommage à l'action caritative de l'Église, et en reconnaissance du dévouement de M. Louis Eynard, ce dernier reçut la Médaille de l'Action Sociale du 1er degré. "Ainsi j'eus l'honneur d'entrer au Palais de la Présidence et d'être décoré le premier par le Président lui-même."
Après un congé en France du 14 juillet au 15 Septembre 1974, M. Louis Eynard rentra à Saïgon ; il reprit alors ses actions dans les villages de réfugié