Maurice VIGUIER1920 - 1953
- Statut : Prêtre
- Identifiant : 3858
Identité
Naissance
Décès
Autres informations
Missions
- Pays :
- Vietnam
- Région missionnaire :
- 1948 - 1953 (Kontum)
Biographie
VIGUIER Maurice, Antoine, est né le 20 juin 1920 à Cransac, dans le diocèse de Rodez, dans une modeste famille d'ouvriers. Il est fils unique. Après l'école primaire à Cransac, et le Petit Séminaire de Saint Pierre de Rodez, il entre au Grand Séminaire en octobre 1938. De santé un peu fragile, il doit interrompre ses études à plusieurs reprises. Mais il savait rattraper le temps perdu, car il est vif d'esprit et laborieux. Le 23 décembre 1944, il est ordonné prêtre. Et chose curieuse, il ne suit pas la voie habituelle des jeunes prêtres qui sont vicaires pendant un certain temps avant d'être curé. L'abbé Viguier est d'emblée nommé curé de la paroisse Saint Christophe à l'autre bout du diocèse. Il s'adapte bien à son premier ministère. Il se met donc entier au service de ses paroissiens, parmi lesquels il discerne quelques vocations religieuses.
Mais Maurice Viguier pense à autre chose... depuis longtemps. Qui connait son secret ? Son directeur et sans doute son évêque. Ce secret explique peut être sa nomination à Saint Christophe. Le diocèse de Rodez a toujours été riche en vocations missionnaires. L'abbé Viguier veut continuer la tradition, et, à la mort de son père (début 1948), il fait sa demande pour son admission aux Missions Étrangères. En septembre, il entre au 128 rue du Bac...comme aspirant prêtre. Ne faut-il pas évoquer et admirer le grand esprit de foi de la mère qui donne son fils aux Missions et se retrouve seule. Au terme de son année de probation, il reçoit sa destination pour Kontum où il arrive le 7 novembre 1948.
Au Petit Séminaire de Ngô-Trang : Comme pour sa première nomination à Rodez, après son ordination à Kontum, le Père Viguier ne suit pas la "voie ordinaire" : il étudie la langue viêtnamienne pendant plusieurs mois. A peine arrivé, il est d'emblée nommé professeur au Petit Séminaire.
Le coup de force des Japonais le 9 mars 1945, la capitulation de l'armée impériale en août, la prise du pouvoir au Tonkin par un gouvernement dit "nationaliste" mais surtout communiste soutenu par les soviétiques, la proclamation de l'indépendance des trois Ky (Tonkin, Annam et Cochinchine), et donc la suppression de l'autorité coloniale française, ont fortement secoué la vie de l'Indochine. Certaines missions, Thanh-Hoa, Vinh, Qui-Nhan... sont sous le contrôle des nouvelles autorités nationalistes et les missionnaires qui s'y trouvent sont mis en résidence surveillée. Le Père Viguier va exercer ses talents de professeur au Petit Séminaire pendant onze mois. Ses cours lui laissent quelques heures de liberté qu'il emploie pour s'initier à la langue viêtnamienne. C'est à Ngo-Trang, petite chrétienté viêtnamienne, qu'il est nommé pour perfectionner son "parler viêtnamien" en janvier 1951. Il étudie... fréquente ses paroissiens. Sa politesse, sa sensibilité facilitent les contacts. Il possède des "atomes crochus" avec la mentalité viêtnamienne qui n'apprécie pas particulièrement ceux qui "roulent les mécaniques et parlent haut". A Ngo-Trang, il fait une première expérience de la vie "en brousse". Marches à pieds, sous le soleil ou la pluie, habitation rustique... nourriture peu raffinée ... qui ne convenait peut être pas toujours à son estomac délicat et à son foie fragile.
En septembre 1951, il quitte Ngo-Trang pour entreprendre l'étude du dialecte Sedang à Dak-Cho, chez le Père Crétin. Le Père Viguier a de sérieuses qualités de cuisinier et le Père Crétin qui ne connait pas grand chose en art culinaire apprécie. D'autres confrères savent aussi apprécier... car le Père Viguier sait accueillir avec sourire et délicatesse. En saison sèche, en fin de journée, il va se mettre à l'affût dans la forêt pour tirer une poule sauvage, un chevreuil... L'ordinaire s'en trouve amélioré.
Il se plaît à Dak-Cho et compte y demeurer un certain temps. Aussi éprouve-t-il une douleur quand en février 1952 il doit prendre en charge les villages de montagne. Le district de Dak-Cho est partagé... et en juillet 1953, il est nommé responsable du nouveau district du Haut-Tonkin. C'est un nouveau coup pour le Père Viguier. Il a l'impression d'être en exil. Mais homme de devoir, il accomplit son ministère avec fidélité. Il visite les communautés de son nouveau fief. Il faut s'habituer aux nouveaux visages. Il accueille des catéchumènes, car des villages demandent à prier. Le pays est accidenté et la marche à pied est de mise sous le soleil ou sous la pluie. Il y a aussi l'insécurité car les guérilleros communistes font parfois, de nuit, des incursions.
En temps de paix, c'eût été un travail missionnaire qui aurait dû combler le Père Viguier. En réalité, il souffrait : physiquement, sans aucun doute, mais il ne le laissait pas paraître. Peut être a-t-il présumé de ses forces et de sa santé ? Moralement il était aigri, trois changements en trois années de mission à peine. Changements exigés par les difficultés de l'époque., mais qui n'ont pas suffisamment pris en compte la personnalité du Père Viguier, physiquement faible (il avait été réformé) mais spirituellement généreux. Il aurait pu demander à demeurer en France quelques années auprès de sa mère à la mort de son père. Aussi, quand il entendait dire plus ou moins à son adresse qu'en mission il fallait se sacrifier, il souffrait intérieurement. Il avait une expérience du sacrifice et il n'aimait pas qu'on lui donne des leçons sur ce point-là. A cause de sa santé, il était devenu susceptible. A tout point de vue, il lui aurait fallu bien des ménagements qu'il n'a pas ressentis. "Tout cela" l'a miné. Et après quelques jours de maladie, il s'en est allé, seul, avec ses déceptions et sa tristesse. C'était dans la nuit du 25 au 26 mai 1953; à l'hôpital de Kontum.
Le Père Viguier était un homme sensible, délicat. Il aimait la vie missionnaire et savait s'adapter à ses "rudesses". Il les vivait avec foi et générosité. Il avait le souci de former ses chrétiens à vivre selon l'esprit de l'Évangile. Avec douceur, et fermeté, il corrigeait, reprenait ceux qui négligeaient cet esprit évangélique. À cause de sa santé, de sa sensibilité, de son désir de communication, il se serait peut être mieux inséré en milieu viêtnamien.
Nécrologie
[3858] VIGUIER Maurice (1920-1953)
Notice nécrologique
Le Père VIGUIER naquit le 29 Juin 1920 à Cransac au diocèse de Rodez, dans une modeste famille d’ouvriers.
Assez faible de santé, il dut souvent interrompre ses études, et même faire connaissance avec la table d’opération.
Exempt du service militaire puis des chantiers de jeunesse, il parvint au sacerdoce le 23 décembre 1944. Quelques jours plus tard il était nommé curé de la paroisse St Christophe, à l’autre bout du diocèse.
Paroisse paysanne de montagne, le changement fut sensible pour lui. Il sut cependant, malgré son caractère porté à accentuer les difficultés et à les attraper du plus mauvais bout, s’adapter à ce nouveau milieu et susciter en peu de temps de nombreuses vocations religieuses.
La mort de son père survenue durant l’hiver 1947-48 lui permit de réaliser le désir de son enfance. Il fit sa demande d’admis¬sion au M. E. P. où il fut reçu comme aspirant prêtre. Après un an de probation il s’envolait au Bourget, laissant une maman seule en France et nous arrivant à Kontum le 7 Novembre 1949.
Là, il dut, suivant la tradition, prendre le chemin de l’Ecole Apostolique et s’y exercer aux rudiments de la langue vietnamienne. Le stage se prolongera pour lui 14 mois durant, et c’est en Janvier 1951 seulement qu’il put reprendre contact avec le ministère actif, dans la petite chrétienté de Ngo-Trang. — C’est là qu’il fit connaissance avec les mille et une petites particularités de la vie des Hauts Plateaux et qui sont l’agrément du broussard de Kontum : sangsues, tigres, faisans, chevreuils, sangliers, pousses de bambou, chaleur, orages, pluies diluviennes, boue, chemins détrempés, ponts emportés...
Le mardi 10 Septembre 1951, il était envoyé chez les Sédangs à Dak Chô s’exercer au dialecte local et faire la popote du Père Crétin, intérimaire en ces mêmes lieux, très actif encore dans l’apostolat, mais un peu trop porté à se négliger. Le jeune apprenti en langue sut si bien soigner son curé que l’on venait à Dak Chô jouir de son Hospitalité et goûter à sa cuisine. Son repos du soir était de s’en aller, fusil à l’épaule, au coucher du soleil, réciter son chapelet en brousse. Mais il ne fallait pas avoir le malheur de marcher sur une branche morte ou d’éternuer lorsqu’il était à l’affût !
Chargé en Juin 1952 des villages de la montagne, il souffrit de cette nomination un peu comme d’un exil, alors qu’il avait cru comprendre devoir rester définitivement à Dak Chô où il s’était attaché.
Sa nomination à la tête du nouveau district du Haut Tokan en Janvier 1953 accentua en lui cette souffrance. Il fit cependant tout son ministère apostolique, sans rien laisser paraître. Lui qu’on avait tendance à considérer plutôt comme un homme d’intérieur, aimant surtout à bricoler et à tenir sa maison, il parcourut régulièrement son dur district de montagne, malgré les pluies, la fatigue, les incursions viêtminh, s’occupa de l’installation des villages récemment convertis, en accepta deux autres, sans cesse en souci pour ses catéchistes et pour ses chrétiens
Sa santé résistait apparemment assez bien à ce dur travail, mais son caractère s’aigrissait de plus en plus. Il souffrait surtout des heurts inévitables avec ses confrères. Alors qu’il aurait eu besoin qu’on lui passât bien des choses, on avait plutôt tendance, avec lui, à marquer des points et à le remettre en place. — Les derniers mois accentuèrent cet état d’esprit au point de devenir, chez lui, presque une obsession. — Assez découragé, il envisageait de plus en plus de tout laisser tomber.
Si, durant les quelques jours de maladie qu’il passât à l’hôpital de Kontum, le docteur ne sut exactement quoi diagnostiquer, ceux qui l’approchèrent alors l’entendaient à nouveau exprimer sa lassitude et son dégoût ; et sans doute est-ce parce qu’il ne désirait plus davantage de cette vie terrestre, qu’il reçut du Maître le repos éternel.
Références
[3858] VIGUIER Maurice (1920-1953)
Références biographiques
CR 1949 p. 110. 153. 1953 p. 52. 53. 80. 1954 p. 48.
BME 1948 p. 189. 1949 p. 536. 1950 p. 401. 1951 p. 700. 1953 p. 202. 628.
EC1 N° 469. 470. 473. 540.