Jean MÉREAU1925 - 2001
- Statut : Prêtre
- Identifiant : 3863
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Identité
Naissance
Décès
Autres informations
Missions
- Pays :
- Japon
- Région missionnaire :
- 1949 - 2001 (Osaka)
Biographie
[3863] MÉREAU Jean est né le 23 octobre 1925 à Paris dans une famille de musiciens.
Il entre aux MEP en 1944. Ordonné prêtre le 29 mai 1949, il part le 10 octobre suivant pour le diocèse d’Osaka (Japon).
En 1951, il fonde la paroisse de Nada dans la ville de Kobe. De 1956 à 1959, il est lecteur à l’Université Nanzan de Nagoya, de 1959 à 1962 lecteur à l’Université Kaisei de Kobe et professeur à l’Université diocésaine d’Eichi. De 1962 à 1980 il est professeur au collège Shinai. En 1987, il est nommé curé d’Amagasaki et de 1992 à 1996 curé de Takarazuga.
Il revient en France et se retire au sanatorium de Montbeton.
Il meurt le 17 mai 2001. Il est inhumé dans le cimetière des MEP.
Nécrologie
NOTICE NECROLOGIQUE
Octobre 1925 - PÈRE Jean MEREAU - Mai 2001
Le Père Méreau arriva au Japon en 1949, par bateau, en compagnie des PP. Berhault, Monnin, Mugica et Pencrech, destinés comme lui au groupe missionnaire de Kobé. Avec ces derniers il commença par une période d'étude intensive du japonais en résidant au presbytère de la paroisse du Sacré Coeur à Nakayamate, dans le centre de la ville de Kobé. Puis très rapidement, à l'automne de 1951 il fut désigné pour fonder seul et prendre en charge une nouvelle paroisse, à Nada, non loin de Nakayamaté. A l'époque les nouveaux missionnaires étaient attendus avec impatience les anciens étant trop peu nombreux pour faire face aux besoins. Il n'était pas toujours possible de mettre chaque nouvel arrivant en compagnie d'un missionnaire expérimenté. Il est d'ailleurs probable que le Père Méreau ne fut pas mécontent d'être seul maître à bord dans le poste où on l'envoyait. Il n'était pas homme à douter de sa capacité à faire face à la situation. A peine installé à Nada dans une vieille maison japonaise devenue presbytère, un de ses premiers soucis fut d'ouvrir un jardin d'enfants dont il devint directeur. Il souhaitait d'abord répondre ainsi aux besoins des familles des environs, mais fonder un jardin d'enfants c'était aussi un moyen pour la paroisse d'acquérir en quelque sorte pignon sur rue. Comme la plupart des missionnaires à l'époque, le curé pensait qu'un jardin d'enfants était un instrument d'évangélisation tout trouvé, un lieu devant permettre aux mères de famille non chrétiennes d'avoir un contact avec l'Eglise.
Le P. Méreau n'était pas spécialiste de l'éducation des enfants en bas âge et sans doute pas non plus particulièrement attiré par ce genre de travail. Il s'en remettait pour la marche de l'établissement aux monitrices recrutées pour s'en occuper, mais le titre de directeur qu'il faisait figurer sur sa carte de visite n'était pas pour lui déplaire. Sur ce point au moins, il s'adaptait sans peine aux coutumes japonaises et se trouvait à l'aise dans un pays où les titres plus ou moins honorifiques sont très convoités, aidant ceux qui les portent à se convaincre qu'ils sont dignes d'être considérés. Plus tard, amené à consacrer beaucoup de temps à l'enseignement, le P. Méreau serait de même très fier de pouvoir se présenter, non comme simple professeur, mais comme professeur d'université, professeur titulaire spécifiait-il, et on sentait bien que pour lui cette précision comptait.
En attendant, à Nada, il s'acquittait consciencieusement des devoirs de sa charge, prenant part aux activités où la présence du directeur est requise: rentrée des classes, rencontres avec les parents, fête de jeux etc... Jean Méreau était le contraire d'un amateur faisant le travail à moitié, ou agissant sans conviction. Tout ce qu'il faisait était fait consciencieusement et avec le plus grand sérieux.
Consciencieux, il entendait l'être aussi dans sa fonction de curé de la paroisse en fondation qui lui était confiée. L'ouverture du poste de Nada avait été décidée dans le but de regrouper les quelques catholiques habitant dans le voisinage mais surtout de permettre à la communauté de se développer en amenant des catéchumènes au baptême. Dans l'immédiat après-guerre, le Japon se relevait de ses ruines et le mouvement de conversions au christianisme commencé après la défaite, même un peu ralenti, semblait devoir se poursuivre. Le P. Méreau espérait bien que les effectifs de la nouvelle paroisse augmenteraient rapidement. En fait, malgré ses efforts, ils ne s'accrurent que faiblement, pas autant en tout cas qu'il l'aurait souhaité.
Soucieux de travail bien fait, le curé préparait soigneusement ses sermons et les cours de catéchisme qu'il devait donner aux rares demandeurs. Il attendait en retour beaucoup des chrétiens qui étaient là. Peut-être se montrait-il trop exigeant. Toujours est-il qu'une partie des paroissiens eurent apparemment peine à le suivre et il semble que de part et d'autre certaines incompréhensions rendirent la collaboration difficile. Le P. Méreau éprouva aussi sans doute assez vite l'impression de ne pouvoir donner toute sa mesure dans le cadre où il se trouvait. Aussi fut-il satisfait d'être déchargé de la fonction de curé en 1957 lors du retour au Japon, après ses années de professorat en France, du Père Mora, désigné par l'autorité pour lui succéder.
Jean Méreau se voulait d'abord prêtre et missionnaire, mais il était aussi musicien, musicien dans l'âme, et son amour de la musique était pour lui une vocation. Faire partager cet amour à d'autres, c'était pour lui un moyen d'évangéliser. Il avait commencé tout naturellement à mettre à profit les loisirs que lui laissait le soin des paroissiens et des catéchumènes, bien peu nombreux, pour travailler davantage la musique et entreprendre de donner des leçons de solfège et de piano. Il fit l'acquisition d'un piano à queue qu'il installa à l'étage de la maison lui servant de presbytère, et consacra une partie de son temps aux élèves qui venaient là, attirés par sa personnalité. Il aimait aussi diriger la chorale qu'il avait formée et acceptait volontiers d'aller aider les chorales des environs quand on faisait appel à lui. Ses compétences et ses dons de musicien étaient reconnus par tous. Plus tard il fut souvent demandé pour tenir l'orgue de la cathédrale dont il jouait avec maestria. Dans les années qui suivirent le Concile de Vatican II, quand au Japon aussi on commença à mettre en oeuvre la réforme liturgique, il prit part au travail dans son domaine en composant les mélodies d'une messe en langue japonaise qui fut retenue par la commission compétente pour figurer dans le recueil officiel des chants liturgiques, et qui à ce titre est chantée dans tout le pays.
Continuant à résider à Nada même après l'arrivée du P. Mora, il devait y rester jusqu'en 1986, il fut bientôt invité à enseigner le français à l'université catholique du diocèse d'Osaka, université Eichi, que venait de fonder le cardinal Taguchi. Le cardinal était heureux de pouvoir compter pour enseigner les langues étrangères sur les missionnaires des différents instituts travaillant dans son diocèse.
En devenant professeur à Eichi, le P. Méreau inaugurait une carrière d'enseignant qui se poursuivit pendant plus de quarante ans, jusqu'à ce que l'âge et la maladie le contraignent à la retraite. A ses cours à l'université vinrent bientôt s'ajouter ceux qu'il fut invité à donner dans différentes écoles. Au fil des ans les invitations se multiplièrent. C'est ainsi qu'il enseigna tantôt le français, tantôt la musique à l'école et à l'université du Kaisei à Kobé, à l'école Notre Dame à Kyôto, à l'école Shinai d'Osaka, à l'université catholique Nanzan à Nagoya sans compter les nombreux couvents de religieuses où il fut appelé à animer des sessions. En parlant de ses activités d'enseignant il faut aussi mentionner les cours de chant grégorien donnés par lui, non seulement dans plusieurs couvents mais aussi à des groupes d'amateurs non chrétiens, allant parfois jusqu'à Tôkyô pour ce faire. Il n'avait pas peur des distances à parcourir pour se rendre à l'école où il donnait des cours, parfois à plusieurs dizaines de kilomètres du lieu où il résidait, faisant le parcours au volant d'une grosse voiture, du genre de celles qu'utilisent les présidents et cadres de société, voiture dont il disait le plus sérieusement du monde à ses confrères un peu étonnés qu'elle était nécessaire à son standing.
C'est dans la position de professeur dispensant son savoir à des étudiants plus ou moins avides de le recueillir que le P. Méreau se trouvait vraiment dans son élément. Il avait la conviction d'avoir quelque chose à transmettre à son auditoire. Parmi ces étudiants et étudiantes certains lui restaient fidèles et recouraient à ses conseils bien longtemps après avoir quitté l'école ou l'université. Il s'imposait à lui même un ryhme de travail acharné pour préparer ses cours, souvent jusqu'à une heure avancée de la nuit. S'il est une qualité que tous lui reconnaissaient c'est bien celle d'être un grand travailleur. Le moins qu'on puisse dire est qu'il ne pleurait pas sa peine, poursuivant sans cesse ses recherches sur l'histoire de la musique au Japon, sur la philosophie de la musique - comme il disait -, et rédigeant soigneusement le texte des articles qu'il publia dans différentes revues, comme les homélies qu'il devait donner dans les couvents qui l'invitaient, et aussi dans les paroisses quand il devint de nouveau curé à partir de 1986.
Habitué à parler avec autorité dans les salles de classe, il lui arrivait parfois de prendre, même dans les conversations détendues avec ses confrères, un ton doctoral dont ces derniers s'amusaient. Mais nul ne songeait à le contredire: la moindre critique, ou apparence de critique, blessait vivement sa délicate sensibilité d'artiste et il n'aimait guère qu'on mette en doute ses affirmations. Le sérieux qu'il mettait en toutes choses ne l'empêchait pas cependant de lancer des boutades qui venaient détendre l'atmosphère quand il en sentait la besoin. On était surpris d'entendre le même homme qui quelques instants auparavant dissertait de théologie ou de spiritualité sur un ton sentencieux éclater d'un gros rire et se mettre à débiter des gaudrioles. Les confrères n'oublient pas les repas pris avec lui, où il se faisait remarquer autant par la vivacité de ses réparties que par son appétit apparemment insatiable et un coup de fourchette avec lequel aucun autre convive ne pouvait rivaliser.
Jean Méreau était amateur de bonne chère. Il devint bientôt célèbre dans plusieurs hôtels et restaurants de la région où il avait ses habitudes. C'est là, plutôt que chez lui, qu'il recevait ses hôtes, avec des manières de grand seigneur, exigeant sur la qualité des mets et surtout des vins dont il les régalait. Les revenus que lui assurait son travail dans les écoles lui permettaient de ne pas regarder à la dépense, et il était heureux de pouvoir à l'occasion faire profiter les autres de ses largesses. Toujours vêtu d'un strict clergyman au col romain impeccable, il ne voyait rien d'incongru à aller, même à des heures tardives, s'attabler pour dîner dans tel établissement de renom fréquenté par les célébrités de la ville de Kobé. Photographié dans la tenue qu'on vient de dire en train de festoyer, l'air hilare un verre à la main, et cela en joyeuse compagnie, il accepta sans scrupule de voir son image utilisée comme publicité par l'établissement en question. On ne sait pas trop ce que pensèrent les étudiants qui suivaient les cours du professeur Méreau dans la journée en voyant cette publicité placardée un peu partout dans la ville, mais lui ne voyait aucune raison pour en éprouver de la gêne.
Il finit par être connu et avoir des relations dans un certain monde qui ne fréquente pas d'ordinaire les églises et qu'on ne s'attend guère à y voir. En 1982 il devint membre du comité culturel de la ville de Kobé, nouvelle opportunité pour approcher des personnalités qu'il n'aurait pu rencontrer ailleurs. L'année suivante, en 1983, il devint également membre de la Société Musicale franco-japonaise. Elargissant toujours le cercle de ses relations, il fréquentait aussi certains des Français venus au Japon pour leurs affaires, ou encore en mission culturelle, qui résidaient dans la région. C'était pour lui une manière d'être missionnaire. Car le Père Méreau entendait bien être missionnaire toujours et partout.
Alors qu'en certains domaines il était très classique, voire conformiste, en d'autres il était très libre, hors normes pour ainsi dire. En matière de théologie il n'avait rien d'un révolutionnaire. S'agissant de spiritualité, s'il ne faisait guère de confidences sur ses préférences, on le savait cependant attaché à des pratiques de piété tout à fait traditionnelles. Et par ailleurs, toute une partie de sa vie, certains de ses comportements quand il était sorti du périmètre de l'église étaient complètement affranchis des convenances ecclésiastiques. Il lui suffisait d'avoir toujours son inséparable col romain pour affirmer son identité: il était toujours prêtre, en contact avec des gens que rien n'avait préparés à savoir ce que c'est qu'un prêtre. Très sensible à la critique et même susceptible à certains moments, à d'autres, étrangement, il semblait ignorer le qu'en dira-t-on, sans complexe aucun.
Bien que son travail d'enseignant ait constitué l'essentiel de ses activités et pris la plus grande partie de son temps pendant toute sa vie au Japon, le P. Méreau a aussi accepté de rendre d'autres services. C'est ainsi qu'en mars 1981 il devint supérieur local de la communauté M.E.P. de Kobé pour trois ans, et du même coup Vicaire Forain du district de Kobé. En juin de la même année il était nommé pour deux ans délégué du district de Kobé au Conseil presbytéral du diocèse d'Osaka. Toujours en 1981, alors qu'il est fort occupé par ailleurs, il devient directeur substitut de l'école enfantine de la paroisse de Takatori, pendant l'absence du P. Pons en congé en France. En 1983, à la suite d'un changement de statut des missionnaires M.E.P. dans le diocèse, de supérieur local de communauté, il devient responsable du groupe M.E.P. de Kobé, nouvellement créé. Là encore il prend sa responsabilité très à coeur échangeant lettres sur lettres avec l'archevêque pour demander des instructions. Il a l'idée de lancer une sorte de bulletin de liaison à l'usage des missionnaires du groupe. Le titre choisi "Visage" est ambitieux: les confrères sont invités, chacun à son tour, à écrire quelques lignes pour dire comment ils vivent leur ministère et l'idéal qu'ils poursuivent. Les différentes contributions une fois rassemblées doivent permettre au lecteur de contempler le visage de Jésus, le vrai missionnaire. Malheureusement le directeur de la publication connut vite des déboires: les articles commandés aux confrères n'arrivant pas, c'est lui qui prenait la plume à leur place. Il devint bientôt le principal et même l'unique rédacteur de Visage. Les lecteurs trouvaient le style un peu solennel, mais peu lui importait. Il était arrivé au P. Méreau, parisien de naissance, de dire sans sourciller devant ses confrères originaires de Bretagne ou de Franche-Comté que c'est à Paris seulement qu'on parle et qu'on écrit un français convenable. Il fallait donc le croire. et s'accommoder de son style. Visage n'eut qu'une vie éphémère et cessa de paraitre quand le P. Méreau termina son mandat en 1984.
Il ne faudrait pas oublier de mentionner le ministère du P. Méreau au service des Français catholiques résidant à Kobé et dans les environs. Leur nombre variait beaucoup d'une année à l'autre et ils n'étaient pas tous demandeurs, mais à certains moments il fut possible d'en regrouper quelques uns pour une messe en français une fois par mois. A ces moments là le P. Méreau célébrait la messe le dimanche soir à Nakayamaté. Il s'efforçait de répondre à l'attente de ces chrétiens à qui les célébrations organisées par ailleurs en langue anglaise pour les étrangers ne suffisaient pas. Il mettait beaucoup de soin à préparer ses homélies. Et on sait que les auditeurs les appréciaient.
Il résidait toujours à Nada, sans obligation particulière vis à vis de la paroisse. Un nouveau presbytère avait été construit, et lui continuait à occuper la vieille maison du début, où il jouissait de son indépendance. Son travail était ailleurs et suffisait largement à occuper son temps. Mais il lui arrivait aussi de rendre service épisodiquement aux curés qui se sont succédé à Nada, les PP. Mora, Bayzelon, Mercier, et plusieurs prêtres japonais, notamment en assurant une messe le dimanche quand il était là. Il aimait aussi tenir l'harmonium quand il le pouvait. C'est seulement au printemps de 1986 qu'il reçut à nouveau la charge de curé, nommé à la paroisse d'Amagasaki, la ville où se trouve l'université Eichi, dans la banlieue d'Osaka. Il se rapprochait donc de l'université où il allait donner des cours plusieurs fois par semaine. Il s'engagea à faire en sorte que le temps consacré à ses activités d'enseignant ne le soit pas au détriment du soin de la paroisse. C'était un pari difficile à tenir mais le P. Méreau fit de son mieux pour y parvenir.
A Amagasaki, il trouvait un milieu bien différent de celui qu'il avait fréquenté jusqu'ici. Alors que l'église de Nada est située dans un quartier résidentiel, agréable à habiter, Amagasaki est une ville ouvrière, tristement réputée à l'époque pour les fumées polluantes de ses usines. Les paroissiens d'Amagasaki appartiennent à un milieu plus simple et moins fortuné que les gens des beaux quartiers. Les confrères remarquérent que, nommé à Amagasaki, le P. Méreau changea de voiture, abandonnant celle un peu trop voyante qu'il utilisait jusque là pour un modèle plus simple. Il se rendait bien compte qu'il eut été déplacé d'afficher dans son nouveau poste des manières de bourgeois. L'église et le presbytère n'avaient rien de luxueux, d'aspect plutôt triste, mais il ne se plaignit jamais du relatif inconfort des lieux. Saint Paul se vantait de savoir vivre dans la gêne comme dans l'abondance; il faut rendre cette justice au P. Méreau qu'il savait s'accommoder, sinon de la gêne, du moins d'un cadre de vie contraire à ses goûts.
En 1987, un an donc après son entrée en fonction, la paroisse organisa une fête pour célébrer ses 60 ans d'existence, faisant mémoire de sa fondation autrefois par un missionnaire M.E.P. A cette occasion eut lieu la bénédiction d'une nouvelle chapelle pour les messes de semaine à assistance réduite. Dans les années qui suivirent le curé effectua quelques aménagements pour une meilleure utilisation des locaux mais il était trop occupé ailleurs pour entreprendre de grands changements. Il ne resta que cinq ans à Amagasaki. Il est probable qu'il n'eut pas le loisir de connaitre vraiment tous et chacun des paroissiens. On sait cependant que certains d'entre eux restèrent en relation avec lui après son départ. Près de dix ans plus tard, alors que vaincu par la maladie il avait dû se résigner à rentrer en France, le P. Méreau reçut la visite à Montbeton du P. Matsumoto Takezô qui lui avait succédé comme curé à Amagasaki. Il fut particulièrement touché de recevoir les témoignages de sympathie et les cadeaux des paroissiens que le P. Matsumoto était chargé de lui transmettre.
En 1991 il fut nommé curé de la paroisse de Takarazuka, toujours dans la banlieue d'Osaka. C'était encore une fois changer de milieu. Takarazuka est une ville connue dans tout le Japon grâce à son théâtre où tous les rôles, même masculins, sont tenus par des femmes, et au corps de ballet qui lui est rattaché, dont la notoriété est comparable à celle qu'ont en France les Folies Bergères Le P. Méreau qui ne manquait pas d'humour à ses heures se disait très fier d'avoir les ballerines parmi ses paroissiennes. Nul n'a pourtant jamais entendu dire par ailleurs qu'aucune de ces demoiselles ait été très catholique et très pratiquante. Les chrétiens qui fréquentaient l'église ressemblaient davantage à ceux que le P. Méreau avait connus à Nada qu'à ceux d'Amagasaki. Peut-être fut-il plus à l'aise avec eux. Mais, lui qui n'aimait pas beaucoup être surveillé, dut supporter les inconvénients causés par la présence du précédent curé, un vieux prêtre japonais atteint par la limite d'âge, resté sur les lieux en dépit des consignes de l'évêché qui l'avait invité à prendre sa retraite ailleurs. Le vieux prêtre en question avait des obligés et des sympathisants dans la place. Il semble qu'il ne fut pas toujours aussi discret qu'il eut été souhaitable, et cela causa des désagréments au P. Méreau. Ce dernier partit pour un bref congé en France en août 1991, surtout pour rendre visite à sa mère gravement malade. Il eut le chagrin d'apprendre à sa descente d'avion en arrivant à Paris qu'elle venait de décéder quelques heures auparavant.
De retour au Japon, il reprit son travail. L'âge de la retraite obligatoire pour les professeurs d'université approchait, mais pas question de décrocher avant l'heure; il fallait aussi tenir les engagements pris en acceptant le poste de curé. Cela devint vite éreintant. A partir de 1994 le P. Méreau fut victime de malaises à répétition. Il tomba à plusieurs reprises à l'église : diabète? insuffisance cardiaque? petit accident cérébral? On ne sut pas trop, mais les paroissiens s'inquiétèrent, et aussi les confrères qui avaient remarqué qu'il avait parfois l'élocution difficile. Lui n'aimait pas qu'on lui pose de questions sur sa santé et chaque fois qu'on s'en enquérait il répondait invariablement qu'il allait très bien, ce qui n'était manifestement pas vrai. En janvier 1995, après une nouvelle chute et une perte de conscience un peu prolongée, il dut être transporté d'urgence au Gratia Byôin, hôpital appartenant au diocèse. Il resta là un mois, alité mais n'en continuant pas moins à corriger les copies d'examen de ses étudiants.
En quittant l'hôpital il marchait difficilement, d'un pas hésitant, et la difficulté ne devait cesser de croître par la suite. Il s'aida d'abord d'une canne et resta capable de conduire sa voiture, mais il lui fallut bientôt se résoudre à quitter la paroisse de Takarazuka. Pendant un an, d'avril 1995 à mars 1996, il fut accueilli chez les religieuses du Bon Pasteur à Toyonoka, à qui il servit d'aumônier tout en rendant quelques services à l'extérieur. Puis, se résignant à suivre les conseils qu'on lui donnait, il partit pour la France et prit pension pour se reposer et être soigné à Montbeton. Il y resta d'avril 1996 à mars 1997. Ensuite, et cette fois malgré les réticences de son entourage et de l'autorité, bien que sa santé ne se soit pas notablement améliorée, il tint à revenir au Japon, où il devait passer encore un an de mars 1997 à avril 1998, résidant successivement chez les frères de Saint Jean de Dieu à Kobé, dans un grand hôtel de la ville, à l'hôpital Sainte Marie d'Himeji, puis de nouveau au Gratia Byôin. Incapable de se déplacer autrement qu'en voiture d'infirme et en recourant à des taxis, il tenta de reprendre quelque activité, ce qui s'avéra vite impossible. Une de ses dernières satisfactions fut de pouvoir, assis sur une chaise roulante, tenir la baguette de chef d 'orchestre à un concert donné par ses étudiantes de l'université Notre Dame à Kyôto.
Pendant toute cette période, ceux qui étaient témoins des grands efforts qu'il s'imposait pour sortir de sa chambre et se faire conduire quelque part en visite étaient partagés entre l'inquiétude en le voyant apparemment si peu conscient de ses limites et l'admiration pour l'énergie farouche dont il faisait preuve en luttant contre l'adversité. Il ne se plaignait jamais alors que manifestement il avait grand peine à se mouvoir, mettant un temps infini pour monter et descendre de voiture comme pour faire trois pas avec des béquilles. Il put encore une dernière fois assister à la messe chrismale à la cathédrale d'Osaka, la veille du jeudi saint 1998, apparemment heureux de rencontrer les prêtres japonais avec qui il avait établi des relations. Et puis il fallut se résigner à un retour en France devenu inévitable puisque il ne voulait pas des autres solutions qu'on lui avait proposées au Japon. La mort dans l'âme il accepta de repartir pour la France pour y être soigné, sachant bien, mais sans vouloir l'avouer, qu'en réalité son état était incurable. Le 1 avril 1988 il prit l'avion pour Paris d'où il fut de suite conduit à Lauris. Après quelques mois, à sa demande, il fut transféré à Montbeton où il mourut le 17 mai 2001.
Le Père Méreau avait des limites, comme tout un chacun, mais sa vie a été un exemple de fidélité au pays où il avait été envoyé en mission. Sa forte personnalité, son ardeur au travail et son courage dans l'épreuve comme ses convictions d'homme de foi lui ont attiré la sympathie et l'admiration de beaucoup. Son souvenir reste bien vivant dans le coeur de tous ceux qui l'ont connu.