Étienne PERRIN1939 - 1998
- Statut : Prêtre
- Identifiant : 4204
Identité
Naissance
Décès
Missions
- Pays :
- Corée
- Région missionnaire :
- 1970 - 1983 (Daegu [Taikou])
Biographie
[4204] Étienne PERRIN naît le 19 décembre 1939 à Bioncourt en Moselle dans une famille de six enfants. Le plus jeune des six, il n’a que onze mois lorsqu’en raison de la guerre sa famille doit se joindre au flot des réfugiés fuyant vers la partie de la France non encore occupée par les Allemands. Les Perrin trouvent refuge à Parisot, un petit village rural du Tarn-et-Garonne. Des liens se nouent avec quelques familles du lieu. Étienne est trop jeune pour garder un souvenir précis de cet exil. Il n’a pas encore cinq ans lorsque sa famille peut revenir à Bioncourt.
Après avoir passé deux ans au petit séminaire de Montigny-les-Metz, il rejoint en 1957 le Séminaire des vocations tardives à Faverney. Il passe ensuite deux ans à l’Institut Don Bosco de Maretz. Il a un peu plus de 20 ans lorsqu’il demande son admission à la Société des Missions Étrangères de Paris. Il entre au séminaire de Bièvres en 1960. Ses études de séminaire sont interrompues par le service militaire qu’il accomplit dans des conditions assez particulières puisqu’il est affecté au bureau du ministre des Armées, Pierre Messmer. Il est ordonné prêtre le 29 juin 1969.
L’Inde en perspective
Quelques mois plus tôt, en février 1969, ses supérieurs envisageant de l’envoyer en Inde, il leur écrit alors pour leur dire combien il en est heureux : « Ce fut une grande joie pour moi d’apprendre cette destination. Depuis longtemps j’avais le profond désir de me mettre au service de l’Église en Inde. Mais, au mois de juin, l’obtention du visa tardant, il reçoit une nouvelle destination : le diocèse d'Andong. En Corée du Sud. Pour améliorer sa connaissance de la langue anglaise, il va passer une année en Angleterre. Il loge chez Mrs Mac Arthur, une dame qui héberge également plusieurs autres jeunes missionnaires MEP venus eux aussi étudier l’anglais à Londres. Étienne reste en relation avec elle jusqu’à sa mort en 1996 ! Quelques années plus tôt il a la délicatesse de l’inviter à venir passer quelques jours à Paris où il se fait une joie de l’accueillir. Encore un exemple de fidélité dans l’amitié, l’un des traits dominants qui le caractérise si bien.
Treize ans en Corée
Il part pour la Corée le 28 août 1970. Après deux années d’étude du coréen à Séoul même, il est en novembre 1972 nommé curé de la paroisse de Hwaryong dans le diocèse d’Andong. L’année suivante il est transféré à la paroisse de Chupyong, dont il sera le pasteur d’octobre 1973 jusqu’à mai 1983. En accord avec son évêque, il va alors se mettre au service du curé de la paroisse de Yokchondong dans le diocèse de Séoul. Son intention est de perfectionner sa connaissance de la langue coréenne. Mais quelques mois plus tard ses supérieurs décident de le rappeler en France pour y assumer la responsabilité du Service des vocations.
Réflexions : les exigences de l’apostolat
Il passe donc que treize ans en Corée, mais ce sont pour lui des années extrêmement riches qui laissent une profonde empreinte dans son esprit et dans son cœur. Il se réfère certainement à son expérience personnelle lorsqu’en 1989, dans un article rédigé pour les ‘‘Échos de la rue du Bac’’, il expose les principes qui le guident dans son travail au service des vocations. Après avoir insisté sur l’importance d’être « bien enraciné dans son diocèse» et «d’aimer son Église d’origine », il parle de la nécessité d’accepter le déracinement, de consentir à un enfouissement et de rester humble parmi les humbles : « le missionnaire, écrit-il, doit être capable de suivre le Christ jusqu’à une rupture, une coupure par rapport à ses propres racines culturelles, humaines, en ce sens que le missionnaire devra apprendre à relativiser sa propre culture. Il s’agit bien là de la réalisation de l’appel lancé aux premiers croyants : ‘‘quitte ton pays’’. Le missionnaire devra ensuite consentir à un enfouissement. Cette dimension introduit tout à fait au cœur de la vocation missionnaire : ne serait-ce que par l’apprentissage indispensable d'une langue étrangère, le jeune devra entrer dans cette démarche d’enfouissement, d’inculturation profonde pour coller à la réalité d'une terre. C’est-à-dire non seulement s’éveiller à l’amour d’un peuple, le découvrir, mais aussi être capable de lui annoncer Jésus-Christ, d’en parler dans une langue qui n’est pas sa langue maternelle. À travers cet enfouissement, le missionnaire est appelé à une véritable expérience pascale, spirituelle. Se laisser déraciner pour faire naître ailleurs l’Église du Christ (...) Il ne s’agit pas de tendre à l’abaissement pour lui-même, mais de rester humble et petit, attentif aux minorités, aux étrangers :’‘Chercher Dieu parmi les plus petits, les plus déshérités, les plus pauvre’’. On ne touche pas là à un point de détail, mais à une véritable ‘connaturalité' entre le missionnaire et les plus pauvres de ce monde ».
Lorsqu’il parle explicitement de son expérience missionnaire, Étienne n’a pas l’habitude de passer sous silence les difficultés rencontrées au début de son ministère en Corée. Il explique volontiers que le processus d’acculturation peut s’avérer décapant et que l’étude d'une langue asiatique peut être une vraie épreuve. Mais il aime parler surtout de ce que lui a apporté son séjour en Corée. Il a été profondément enrichi par ses multiples contacts avec le peuple coréen.
La mise en pratique
Grâce à une interview accordé au Directeur des ‘‘Échos de la rue du Bac’’ en novembre 1982, nous savons comment il s’y prend concrètement pour établir des relations. Il commence par décrire la paroisse de Chupyong, paroisse de quatre mille âmes, dont quatre cents Catholiques, où il passe presque dix ans. La majorité d’entre eux vivent de leur travail dans une mine de charbon ou dans une cimenterie. D’autres vivaient de l’agriculture. « Au début, expose-t-il, j’ai voulu avant tout observer, être attentif, comprendre ». C’est ainsi que, dans un premier temps, il s’occupe surtout des Chrétiens. Principalement aidé dans son travail pastoral de deux religieuses et de jeunes filles catéchistes, il a alors peu de contacts avec les non-chrétiens. Lui-même explique que ces derniers non seulement n’ont pas de raison particulière de venir le voir, mais encore n’en ont guère le temps en raison de l’organisation de leur travail. Il essaie donc d’aller à leur rencontre : « J’ai essayé de rencontrer les gens là où je pouvais les voir. Par exemple, quand j’allais chez le pharmacien, je restais quelque temps dans l’officine. Je discutais avec les gens. Ils me confiaient leurs soucis, leurs épreuves. Je pouvais ensuite être accepté et invité à rendre visite aux malades. J’ai ainsi été amené à connaître un certain nombre de familles. Dans d’autres magasins, comme chez le photographe où il y avait un banc pour permettre aux clients d’attendre leur tour, j’ai fait connaissance avec d’autres familles. Peu à peu j’étais connu des non-chrétiens... »
« Un jour, continue-t-il, le directeur de l’usine vint me rendre visite à l’église. Il savait que j’étais invité par des familles d’employés et d’ouvriers de l’usine. Il me proposa de venir le rencontrer à l’usine. Il n’était pas chrétien. Mais il me laissa toute latitude pour rendre visite au personnel de son usine. Au début, un groupe d’ingénieurs, de cadres et d’ouvriers m’invita à leur donner des cours d’anglais. Il faut savoir que les Coréens s’intéressent beaucoup aux langues étrangères. Je convins de leur donner des cours d’anglais les jeudi et vendredi de 11 h 30 à 12 h 30. Après ils m’invitaient à manger avec eux à la cantine de l’usine Plus tard, j’organisais trois groupes : l’un pour les cadres, les deux autres pour les employés et les ouvriers. Je restais à l'usine de 17 h à 21 h, le vendredi. Je restais dîner avec eux. J’étais maintenant connu de tous. J’ai pu ainsi connaître la plupart des familles des travailleurs de cette usine (...) Il y avait aussi une maison de jeunes, à l’usine. Javais l’habitude d’y passer le soir, une heure ou deux. Là aussi j’ai pu rencontrer des jeunes et discuter avec eux de leurs problèmes ».
« Il y avait aussi, ajoute-t-il, des mineurs, travaillant à la mine de charbon. Ils me disaient : « nous aussi, on habite sur le territoire de votre paroisse. Venez nous voir de temps en temps. Nous serons heureux si vous rendez visite à nos familles ». C’est ainsi que j’ai été amené, insensiblement, à consacrer la moitié de mon temps à l’apostolat auprès des non-chrétiens. Certains exprimaient le désir de venir me rencontrer au presbytère afin de connaître l’église et parfois de voir comment je vivais. Je leurs disais : ‘‘Venez et voyez’’. Ainsi, tous les soirs des gens venaient me voir au presbytère. Parmi eux certains devinrent des catéchumènes (...) J’ai aussi essayé d’être présent dans le milieu scolaire. Le jardin d’enfants où travaillait une religieuse coréenne a facilité des contacts avec de nombreuses familles. J’ai souvent participé à des célébrations familiales, naissances, anniversaires, auxquelles la tradition coréenne est très attachée ». Ces divers contacts, ces multiples rencontres s’avèrent féconds puisqu’il peut compter ‘‘une trentaine de catéchumènes par an’’. D’ailleurs, dans cette interview, lui-même explique qu’il s’appuie beaucoup sur la communauté chrétienne pour ‘‘l’évangélisation des non-chrétiens’’. Il termine en disant combien il apprécie d’avoir pu travailler en Corée : « En conclusion, je peux dire que, pendant près de dix ans, j’ai voulu vivre avec les Coréens de ma ville. Je me suis trouvé très heureux au milieu deux (...) J’aime le peuple coréen. J’ai essayé de vivre avec les Coréens, Chrétiens et non-chrétiens, et j’ai beaucoup appris à leur contact ».
Paris
En 1980, Étienne participa à l’Assemblée générale de la Société. Peu après, et avant même qu’il ne retourne en Corée, les nouveaux supérieurs lui laissent entendre qu’ils envisagent de le faire revenir en France pour s’occuper du Service des vocations. Sa réaction est rapide et négative. Il n’imagine absolument pas quitter la Corée. Néanmoins, trois ans plus tard, lorsqu’il est informé que ses supérieurs ont effectivement décidé de faire appel à lui, il accepte. Il rentre donc en France en juillet 1983 et commence à travailler au Service des vocations à partir du mois de septembre. Il participe de nouveau à l’Assemblée générale de 1986, mais cette fois en tant que délégué des confrères de l’Administration. Il est alors élu troisième assistant du supérieur général et nommé responsable non seulement du Service des vocations, mais aussi de la formation des séminaristes MEP, deux fonctions qu’il continue à assumer après l’Assemblée de 1992, au cours de laquelle il est élu deuxième assistant. Progressivement, le nombre des séminaristes augmente, jusqu’à dépasser la dizaine au moment du décès d’Étienne. Entre temps cependant il a endossé une nouvelle responsabilité : celle des coopérants envoyés en Asie ou à Madagascar dans le cadre de la Délégation catholique pour la Coopération (DCC). Pendant longtemps la DCC envoie ses coopérants presque exclusivement vers l’Afrique ou l’Amérique latine. Mais, peu à peu, avec l’aide des confrères travaillant en Asie, Étienne réussit à ‘‘ouvrir des postes’’ pour des coopérants dans divers pays d’Asie. Il participe à leur sélection et à leur formation. Il les ‘‘accompagne’’ dans leur cheminement. Il va les voir. Très vite, il devient l’un des piliers de la DCC. Le nombre des coopérants envoyés en Asie passe de quelques unités à plusieurs dizaines. Chacune de ces fonctions est très prenante. Il a toujours eu le souci de travailler en collaboration avec les services de vocations qu’ils soient nationaux, régionaux et diocésains, ce qui l’amène à participer à toutes sortes de rencontres ou de sessions. De plus, dans la mesure du possible, il se fait un devoir d’être présent partout où se rassemblent des jeunes susceptibles de s’engager au service de l’Église, que ce soient des rassemblements locaux, nationaux ou même internationaux comme les Journées mondiales de la Jeunesse. À cela s’ajoutent des relations suivies avec tel ou tel jeune rencontré ou qui lui écrit pour en savoir davantage sur les possibilités de se mettre au service des autres.
A l’écoute des jeunes et d’une bienveillante disponibilité
Dès qu’il décèle les signes possibles d’un ‘‘appel’’, il dirige le jeune vers le service diocésain des vocations, tout en restant lui-même disponible pour le rencontrer et l’accompagner. À fortiori, il est toujours disponible pour rencontrer individuellement les séminaristes MEP, à n’importe quelle heure du jour ou de la nuit. Il les écoute longuement. Il n’hésite pas à rendre visite à leur famille lorsqu’on le lui propose. Il reste aussi en contact étroit avec leurs formateurs dans les séminaires, participe aux réunions d’évaluation chaque fois qu’on l’y invite. Il se rend également aux ‘‘reprises d’insertion’’ dans les paroisses auxquelles sont affectés les séminaristes pour leur formation pastorale. Avec le souci de leur assurer une formation plus spécifiquement missionnaire, il organise régulièrement des rencontres de tous les séminaristes. Il demande fréquemment à des missionnaires de passage à la rue du Bac de leur parler de la mission dans les pays où ils travaillaient. Plusieurs fois par an, il organise des week-ends de formation et, une fois par an, une session d’une semaine. Il porte constamment le souci des séminaristes, comme peuvent le constater tous les membres du Conseil permanent qui vivent et travaillent avec lui. Il en parle très souvent et rares sont les séances de Conseil qui se terminent sans qu’Étienne rapporte quelque évolution ou soulève tel ou tel problème les concernant.
Non seulement Étienne connaît bien les séminaristes et se met à leur service, mais c’est aussi un excellent formateur. Remarquablement doué pour évaluer leurs aptitudes, leurs motivations et leurs besoins, il sait leur montrer ce qui, dans leur regard sur la mission ou dans leur comportement, doit être rectifié. Les séminaristes, quant à eux, ne s’y trompent pas. Ils voient en lui un guide sûr, auquel on peut faire confiance.
Le jour des obsèques d’Étienne, Olivier Schmitthaeuesler, l’un de ceux qui a été ordonnés quelques mois plus tôt, donne un témoignage émouvant des sentiments qu’ensemble ils éprouvent en songeant à ce qu’il a été pour eux : « Ici en France, vous avez ouvert le cœur de combien de jeunes au bonheur de servir, vous nous avez porté dans notre recherche d’un sens à donner à notre vie. Pour combien d’entre nous, vous avez été cette parole qui rassure, cette oreille qui écoute, ce regard qui aime, ce sourire qui encourage et qui permet de prendre de la distance pour avancer toujours plus loin. À chaque fois que nous vous rencontrions, c’était un clin d’œil du Seigneur, un coup de pouce de l’Esprit qui nous aidait à avancer, à nous donner tout entier. Votre humilité, votre patience, votre capacité d’écoute et de dialogue, votre confiance dans le Seigneur et dans les hommes, nous ont appris à faire nos premiers pas dans la vie missionnaire. Merci pour votre joie de vivre, votre fraternité avec nous tous, votre humour et surtout votre attention véritablement paternelle à l’égard de chacun. Des séminaires de France à tous ces pays d’Asie où vous visitiez vos protégés, vous avez été ce voyageur infatigable, cet amoureux de Dieu, ce témoin d’un amour donné qui va jusqu’au bout. Vous êtes désormais inscrit aux côtés de tous ces hommes qui ont, avec la Société des Missions étrangères de Paris, semé des graines d’Évangile, ouvert des sillons nouveaux pour la mission. Nous sommes fiers d’avoir fait nos premiers pas avec vous. (...) Je vous promets que nous essaierons d’être sur terre pour ceux que nous croiserons, comme vous l’étiez, le cœur de Dieu ».
Ils ont raison ces responsables de divers services des vocations ou de la DCC qui nous disaient : « Vous avez de la chance d’avoir Étienne Perrin ! » Effectivement, Étienne sait écouter, susciter la confiance. Il sait réconforter, discerner tout ce qu’il y a de positif dans les démarches et les motivations d’un jeune, l’encourager, lui faire découvrir les richesses de l’Évangile et l’importance de la Mission. Bref ! Il ‘‘réussit’’ merveilleusement dans son ministère auprès des jeunes. Il est néanmoins assez lucide pour ne pas s’attribuer de telles "réussites". En dépit de l’estime et de l’affection dont il est entouré, il reste humble. Il a conscience de n’être qu’un instrument dont Dieu veut bien se servir, et c’est sa joie.
Travailleur acharné et organisé
Étienne consacre sans doute le meilleur de son temps et de son énergie au service des vocations, à la formation des séminaristes et à l’accompagnement des coopérants. Cela ne l’empêche cependant pas d’assumer très consciencieusement son rôle d’assistant du supérieur général. Il prend une part très active aux délibérations du Conseil permanent et assume bien volontiers les diverses tâches qui lui sont confiées : correspondance, rencontre de tel ou tel confrère, visite des Régions, etc. Ses supérieurs successifs et les autres membres du Conseil permanent se réjouissent de l’avoir comme collaborateur et ils ont maintes occasions d’apprécier voire d’admirer ses talents et son zèle. Étienne a effectivement de nombreux talents. Il a un don manifeste, un vrai charisme, pour aller à la rencontre des autres et lier très rapidement des liens amicaux, Il était à l’aise dans tous les milieux : au sein d'une modeste famille comme dans les grands rassemblements, chez les chrétiens comme les incroyants ou les non-chrétiens, chez un confrère comme chez un cardinal ou un ambassadeur. Il est en outre doué d'une remarquable mémoire. Il n’oublie jamais un nom ou un visage. Nul besoin pour ses visiteurs de lui rappeler les circonstances d'une rencontre précédente. Étienne se souvient. Il n’a rien oublié de l’identité et du parcours de son interlocuteur. Si nécessaire, Étienne peut d’ailleurs ressortir une note écrite, une adresse, un dossier. Il sait garder les documents, les classer et les retrouver en très peu de temps. On ne pouvait qu’admirer également la façon dont il organisait ses activités et son emploi du temps. Même lorsqu’il est pris par de multiples réunions, il arrive encore à caser dans sa journée toutes sortes de rencontres et de contacts téléphoniques, ce qui ne l’empêche absolument pas d’être très attentif dans les réunions et d’y participer pleinement. Auparavant il a d’ailleurs souvent mis par écrit quelques notes qui l’aident à intervenir le moment venu sur tel ou tel point qui lui tenait à cœur.
Étienne n’est sans doute pas un grand intellectuel, mais il a l’esprit clair. Il sait simplifier les problèmes, aller à l’essentiel. On peut s’appuyer sur son jugement. Ses évaluations sont d’ailleurs toujours empreintes d’un grand respect de l’autre. Il lui arrive certes de se montrer catégorique et ferme, même lorsqu’il sait que la décision ne peut qu’affliger. Mais on remarque alors qu’il est le premier à en souffrir. Étienne est, en effet, un homme de cœur. Il aime rendre service, faire plaisir et voir les autres en détresse, l’indispose. Cependant, plus encore que ces talents, c’est sa générosité et son zèle qui forcent l’admiration de ceux qui ont la chance de travailler avec lui. Étienne est un prêtre qui se donne entièrement. Il n’hésite pas à interrompre ses rares moments de loisir pour répondre à un appel. Lorsqu’il en a la possibilité, il regarde le journal télévisé du soir avec les autres membres du Conseil ; mais il est rare qu’il puisse passer une demi-heure devant le poste de télévision sans être appelé plusieurs fois au téléphone. Il peut écouter un jeune jusqu’à minuit, ce qui ne l’empêche pas de partir à Roissy le lendemain à 5h30 pour y accueillir un coopérant arrivant d’Asie ou de Madagascar ! Pour encourager des jeunes en France, en Asie ou à Madagascar, après une journée harassante, il peut passer des heures à rédiger des lettres. Pour aller à la rencontre d’un jeune qui peut avoir besoin de lui ou pour faire une visite à la famille d’un séminariste ou d’un coopérant, il est toujours prêt à prendre le métro, le train, la voiture, voire l’avion. Il continue à faire cela, même lorsque vers la fin de sa vie, sa santé défaillante lui rend ces déplacements particulièrement pénibles.
Courageux dans la maladie
Tous ceux qui regardent vivre Étienne sont souvent émerveillés par son dynamisme et ses capacités de travail. Ils peuvent en conclure qu’il jouit d'une santé particulièrement robuste. En fait, vers les dernières années de sa vie, il lui arrive assez souvent de ressentir des douleurs, parfois dans les jambes, parfois dans la poitrine ou dans le dos. Le docteur de la maison le dirige vers un rhumatologue. Peu à peu ces douleurs deviennent plus fréquentes et plus difficiles à soulager. Étienne continue néanmoins à tenir tous ses engagements. Il lui arrive certes de confier à un ami qu’il redoute d’être gravement malade ; mais son rythme de vie et de travail reste inchangé. C’est seulement à partir du printemps 1998 qu’il doit se résoudre à faire quelques séjours dans les hôpitaux pour des examens plus poussés et, dans certains cas, fort pénibles. Il entreprend néanmoins encore une fois une longue et pénible tournée dans plusieurs pays d’Asie pour y rencontrer des coopérants. Un peu plus tard, il accepte encore d’aller représenter la Société MEP à Séoul avec le P. Jean-Baptiste Etcharren, à l’occasion du centenaire de la cathédrale. Son intervention en langue coréenne est particulièrement émouvante et longuement applaudie. Mais tout au long de ce déplacement Étienne souffre beaucoup. Ce sera sa dernière visite à ce peuple qu’il aime tant.
Ses problèmes de santé n’échappent pas à l’attention des membres de l’Assemblée générale qui se tient en juillet 1998. Mais on espère encore qu’il les surmontera et qu’il pourra continuer à servir la Société. Personne ne doute en effet que, mis à part son problème de santé, il ne soit particulièrement bien qualifié pour assumer de hautes responsabilités. C’est ainsi qu’il est élu Vicaire général. Sans aucun doute, lui aussi espère qu’il réussira à vaincre la maladie lorsqu’il accepte cette élection. Hélas ! Peu après, il doit se résoudre à une nouvelle hospitalisation. En fait, il souffre d’un double cancer. Lorsque les médecins décident de lui administrer un traitement chimiothérapique, ils pensent pouvoir le remettre sur pied, au moins pour quelque temps. Étienne, de son côté, lutte contre la maladie avec beaucoup de courage. Il porte constamment dans son esprit et dans son cœur le souci de la Société qu’il a accepté de servir pendant quelques années encore. Il espère pouvoir rapidement reprendre son travail.
En dépit de son anxiété et de ses souffrances, il manifeste toujours cette attention à l’autre, ce qui a caractérisé toute sa vie de prêtre et de missionnaire. Comme l’écrit le P. Jean-Baptiste Etcharren : « peu de temps encore avant son décès, il se préoccupe des difficultés que certaines infirmières rencontrent dans leur vie familiale ». Jusqu’au bout il est « l’homme de la rencontre », toujours attentif à autrui, toujours prêt à écouter, à accompagner, à prendre sa part du fardeau qui pèse sur les épaules de l’autre. Dans la lettre qu’il adresse à tous les confrères le 31 octobre 1998, le supérieur général évoque brièvement ce que furent les derniers jours de la vie d’Étienne et l’émotion que suscite son décès : « Durant la première période du traitement chimiothérapique, Étienne a été très vaillant. Nous pouvions encore parler longuement et le tenir au courant des affaires de la Société. Mais les quinze derniers jours ont été terribles : la fatigue du traitement, les effets de la morphine, les hémorragies successives, les douleurs supplémentaires causées par une perforation intestinale et enfin cette dernière intervention chirurgicale ont eu raison de son énergie. Plongé dans un sommeil artificiel profond après l’intervention du 20 octobre, il a survécu dans cet état jusqu’au 23 vers 11h. Samedi le corps a été ramené au 128 et installé dans le parloir 5 (...) Le lundi 26 au soir, une veillée a été animée par les jeunes prêtres et les séminaristes MEP. La crypte était comble avec environ trois cents personnes. Les intentions de prière ont pris la forme de témoignages soulignant la place qu’Étienne a tenue dans la vie de tant d’amis qu’il avait su écouter et guider avec respect ».