Jean DELPECH1844 - 1912
- Statut : Prêtre
- Identifiant : 1005
Identité
Naissance
Décès
Missions
- Pays :
- Vietnam
- Région missionnaire :
- 1869 - 1912 (Saigon)
Biographie
[1005]. DELPECH, Jean-Joseph-Remi, naquit le 2 (m) ou le 3 (é) octobre 1844 à Parizot (Tarn-et-Garonne), fit ses études au petit et au grand séminaire de Montauban. Il était sous-diacre quand il entra au Séminaire des M.-E. le 14 septembre 1867. Prêtre le 19 décembre 1868, il partit le 16 février 1869 avec sa destination pour la Cochinchine occidentale. Il s'initia à la langue annamite dans la chrétienté de Bien-hoa. Tantrieu, chrétienté d'environ 700 âmes fut le premier poste qu'il eut à diriger ; le second fut Cholon, la grande ville chinoise près de Saïgon, mais ne comptant guère que des chrétiens annamites. De concert avec les religieuses de Saint-Paul de Chartres, le missionnaire développa l'œuvre de la Sainte-Enfance, et bâtit une crèche pour recevoir les enfants abandonnés.
En 1873, Mgr Colombert lui confia la paroisse de Thi-nghe, une vieille chrétienté, où les anciens vicaires apostoliques de la Cochinchine avaient trouvé asile au temps des persécutions, mais qui avait perdu quelque peu de sa ferveur. Il ramena l'ordre et la piété parmi ses 1250 catholiques. Il aida les religieuses de Saint-Paul de Chartres à établir un hôpital destiné aux indigènes, et construisit une chapelle à Cau-bong.
En 1876, il passa à Tha-la, et deux ans plus tard à Mac-bac, une des paroisses les plus populeuses et les plus difficiles à administrer ; en 1885, il revint à Thi-nghe où il demeura le reste de sa carrière, et qu'il dota d'une belle église et d'un presbytère fort convenable. Il mourut à Saïgon le 29 février 1912. Son corps repose dans l'église paroissiale de Thi-nghe, devant l'autel de la Sainte Vierge. Il conduisait bien une paroisse, et savait se faire obéir par la persuasion autant que par l'autorité.
Nécrologie
M. DELPECH
MISSIONNAIRE APOSTOLIQUE DE LA COCHINCHINE OCCIDENTALE
Né le 3 octobre 1844
Parti le 16 février 1869
Mort le 29 février 1912
Le 29 février 1912 fut vraiment un jour de deuil pour la Mission de la Cochinchine Occidentale. En ce même jour, Dieu rappelait à Lui deux bons ouvriers, M. Benoît et M. Delpech.
Jean-Joseph-Remi Delpech naquit le 3 octobre 1844, à Parizot, dans le diocèse de Montauban. Il appartenait à une famille chez laquelle une bonne aisance de fortune s’associait à la pratique des fortes et solides vertus. Deux de ses sœurs, qui lui ont survécu, se consacrè-rent à Dieu dans l’état religieux, et ceux des siens qui restèrent dans le monde font honneur à la religion.
M. Delpech avait l’habitude, assez rare, d’écrire en double la plupart de ses lettres à ses parents et à ses proches comme aussi de conserver religieusement toutes celles qu’il recevait. Quand, après sa mort, il fallut détruire cette volumineuse correspondance, après y avoir jeté un simple regard, un de ses amis et confidents ne put retenir ce cri d’admiration : « Vraiment, comme on s’aimait dans cette bonne famille ! » En effet, l’affection la plus tendre déborde dans tou¬tes ces lettres du cher M. Delpech. Dans ce milieu, tout imprégné de piété, le jeune Remi se sentit de bonne heure appelé au sacerdoce. Il entra au Petit Séminaire de Montauban. Si on juge de ses progrès par la manière dont il maniait la plume plus tard, ils durent être soutenus, et son application sérieuse.
Ses études classiques terminées, il fut admis au Grand Séminaire de Montauban, alors dirigé par les PP. Jésuites. Par un dessein providentiel, la Vie de Théophane Vénard lui tomba un jour sous la main. Il dévora le volume avec passion, racontait-il plus tard : après Dieu, c’est à cette lecture qu’il attribuait sa vocation apostolique. Il arriva, sous-diacre, au Séminaire des Missions-Étrangères, le 10 juin 1867. La séparation ne s’était pas faite sans douleur. Il avait compté, d’abord, partir en cachette ; mais une indiscrétion avait mis sa mère au courant de ses projets, et il dut subir les luttes intimes des der¬niers adieux.
Au Séminaire de Paris, où il passa une année, sa piété, sa gaieté et son entrain lui conquirent l’affection de ses directeurs et de ses condisciples. Destiné à la Cochinchine Occidentale, il partit le 16 février 1869, avec sept autres missionnaires dont l’un, M. Simon, était envoyé dans la même Mission. Devenue colonie française depuis quelques années seulement, la Cochinchine avait, à ce moment, un be¬soin urgent d’ouvriers apostoliques.
*
* *
M. Delpech arriva à Saïgon le 27 mars suivant. Mgr Miche, ancien confesseur de la Foi dans les prisons de Hué, qui gouvernait alors le Vicariat, lui fit le plus cordial accueil. De cette entrevue, le jeune Missionnaire conserva une impression profonde et durable, dont il a laissé de nombreuses traces dans sa correspondance. Il fut désigné pour prendre la direction du poste de Tân Triêu. Mais comme il n’avait encore aucune connaissance de l’annamite, il fut envoyé, en attendant, chez le confrère le plus rapproché de Tân Triêu, M. Legrand, chargé de la chrétienté de Biên Hoa, qui était alors un centre important, à cause du fort où se trouvaient une garnison de 200 soldats français et de nombreux chrétiens des environs réfugiés à l’ombre de notre drapeau.
A Biên Hoa, il s’initia aux usages de la vie annamite et aux éléments de la langue. L’acclimatement, qui est toujours pénible pour les jeunes missionnaires, le fut surtout pour M. Delpech, qui n’avait pas une forte santé. Au bout de quelques semaines, il fut atteint de la dysenterie, et il fallut entrer à l’hôpital, où les soins dévoués des Sœurs de Saint-Paul de Chartres et du docteur du poste, le rétablirent complètement, quoique assez lentement. Le docteur, dont il garda toujours un excellent souvenir, s’appelait « de Lanessan ». Quand, plus tard, les hasards de la politique en firent un gouverneur général de l’Indo-Chine, M. Delpech lui écrivit une belle lettre pour lui rappeler un fait déjà bien vieux et lui demander en même temps une audience afin de lui témoigner sa gratitude et lui offrir ses félicitations. La demande fut accordée fort aimablement et l’entrevue eut lieu au Palais du Gouvernement général, à Saïgon.
En quittant l’hôpital, M. Delpech se rendit à son poste de Tân Triêu. Il y trouvait une église convenable et environ 700 chrétiens, assez bien groupés au milieu de nombreux villages païens. Le cœur débordant de zèle apostolique, il s’attacha de toute son âme à ce petit troupeau, travaillant à réparer les brèches causées par les persécutions et le manque de pasteurs, voulant, disait-il, « rendre à Tân Triêu son antique splendeur ». Il avait compté sans les fièvres, la diarrhée, la dysenterie, qui ne tardèrent pas à faire de nouveau leur apparition. Mgr Miche voyant que le climat de Tân Triêu, réputé mauvais pour les santés excellentes, ne valait absolument rien pour M. Delpech, le fit venir à Saïgon. On était inquiet sur sa santé, et les docteurs demandaient un changement de climat, « car, disaient-ils, jamais le malade ne pourrait s’acclimater en Cochinchine ».
*
* *
A ce moment, M. Fougerouse, titulaire de Cholon, venait d’être nommé à Tha La. Mgr Miche confia Cholon à M. Delpech. A proximité de Saïgon, il pourrait soigner sa santé fortement ébranlée. Ce changement lui fut favorable et quelques mois après son installation, il écrivait à sa famille : « Tân Triêu est, sans contredit, un des plus beaux pays de la Cochinchine, où croissent en abondance toutes sortes de fruits. Néanmoins, j’y étais comme une fleur fanée. Aujourd’hui, j’ai repris des couleurs et je suis frais comme une rose. » Cette phrase, destinée à calmer les alarmes de ses bons parents, était encore une exagération : elle devint bien vite une vérité.
Notre Confrère passa à Cholon quelques années bien tranquilles. Il était heureux d’avoir dans son voisinage de nombreux confrères. Ses relations avec tous étaient pleines de fraternelle charité. Il aimait à recevoir leurs visites. Sa franche gaieté, sa conversation pétillante d’esprit et d’à-propos, faisaient rechercher sa compagnie.
L’évangélisation des païens dans cette grande ville, tout adonnée aux intérêts matériels, donnait peu de résultats. Le Missionnaire encouragea et aida surtout les Religieuses à développer l’Œuvre de la Sainte-Enfance. Il fit bâtir une crèche pour recevoir et soigner les enfants abandonnés. Cette œuvre, qui a grandi depuis, ouvre aujourd’hui le Ciel à de nombreux petits païens.
*
* *
Vers le milieu de l’année 1873, se sentant plein de force, M. Delpech exprima le désir de travailler dans un champ plus vaste. Ses vœux furent exaucés par sa nomination à Thi Nghe, où il devait passer la plus grande partie de sa vie de missionnaire et, après une dizaine d’années d’absence, finir sa carrière apostolique.
Thi Nghe était une vieille chrétienté, séparée de l’ancienne citadelle de Saïgon par un arroyo. Elle avait donné asile à Mgr d’Adran, et plus tard à Mgr Lefebvre, pendant les persécutions qui avaient précédé l’arrivée des Français en Cochinchine. Un peu déchue de son ancienne splendeur, elle avait besoin d’une direction prudente et ferme. Son nouveau pasteur était l’homme de la situation.
Quelques bonnes retraites, de sages avis donnés au confessionnal, où il excellait à faire le bien, supprimèrent les causes de désordres et de tiédeur. Avec beaucoup de douceur et d’adresse, il obtint de ses chrétiens les sacrifices les plus pénibles.
A une politesse de très bon ton il joignait un savoir-faire peu ordinaire ; il avait une facilité d’élocution peu commune. Il rendait volontiers service. Ces qualités lui furent d’un précieux secours pour arranger les affaires et apaiser les querelles qui divisaient les chrétiens et les païens. En peu de temps, il fut le maître de la situation ; les chefs du village durent compter avec lui et s’inspirer des lois de la justice dans la gestion des affaires publiques.
Le district qu’il administrait comprenait alors deux chrétientés : Thi Nghe, avec 750 chrétiens, et Câu Bông, qui en avait 500. Câu Bông était le centre de la province de Gia Dinh et n’avait pas de chapelle. M. Delpech conçut le projet d’une église, qu’il voulait grande et belle. Il comptait sur un secours donné par l’administration : mais ce secours lui fut refusé et il dut se contenter d’élever la modeste chapelle qui a servi au culte jusqu’à ce jour.
C’est à cette époque aussi, que remonte la fondation de l’hôpital de Thi Nghe, par les Sœurs de Saint-Paul de Chartres, congédiées de l’hôpital de Cho Quan, qu’avait fondé Mgr Lefebvre. Cet établissement, destiné aux indigènes, n’a cessé de prospérer et de contribuer au bien des âmes. Le Missionnaire fit tout son possible pour aider les Religieuses à établir cette œuvre, qu’il appelait « le fleuron de sa couronne ».
*
* *
Il commençait à placer à Thi Nghe toutes ses espérances et ses rêves d’avenir, et il comptait presque y finir ses jours, quand, au moment où il s’y attendait le moins, un grand sacrifice lui fut demandé. Mgr Colombert lui proposa de céder son poste à M. Greset, qui revenait de Hong-Kong avec une santé encore bien chancelante. Il fut nommé à Tha La. Ce fut un vrai coup de foudre pour le cher M. Delpech, qui terminait ainsi sa réponse à la lettre de son vicaire apostolique : « ... Vous me demandez, Monseigneur, un petit sacrifice : j’en fais un grand ; j’espère qu’il sera d’autant plus méritoire qu’il est plus douloureux. » Il fit taire toutes ses répugnances, et il obéit avec une grande foi et une admirable simplicité. Les adieux furent pénibles : il y eut des larmes de part et d’autre. Les chrétiens s’attachaient à ses habits : « ils faillirent, disait-il lui-même, déchirer ma plus belle soutane !. » Les notables lui firent une conduite solennelle jusqu’au tombeau d’Adran, montés sur leurs plus superbes coursiers.
Tha La était, à cette époque (1876), une chrétienté importante. M. Delpech y passa deux ans, occupé, comme dans ses anciens postes, à faire l’œuvre de Dieu, à fortifier les bons et à ramener au devoir les tièdes et les négligents. Ses relations avec le chef de la Province furent vite excellentes ; et toute la paroisse en bénéficia.
En 1878, il fut envoyé à Mac Bac, qui était alors la plus nombreuse chrétienté de la Mission. Elle avait besoin d’un missionnaire habile et expérimenté, car des germes de discorde commençaient à s’y répandre et menaçaient d’en altérer l’esprit.
Le travail y était abondant. Il fallait gouverner des chrétiens qui avaient la réputation d’être turbulents, faire les catéchismes, surveiller les écoles, diriger plusieurs vicaires et les former à la pratique du ministère. L’administration de cette chrétienté de 3.000 âmes, avec cinq ou six annexes qu’il fallait visiter, n’était pas une sinécure. Notre Confrère réalisa toutes les espérances que son Evêque avait fondées sur lui pour la conservation de ce district.
Malgré sa prudence et sa modération, il ne put éviter certaines difficultés qui lui furent très sensibles. La chrétienté avait comme premier notable, le trum Nhien, fils du Bienheureux Luu ; il était l’homme le plus intelligent et le plus influent du pays. Il avait le défaut d’être brouillon. A l’occasion d’une affaire peu importante, M. Delpech crut bon, en conscience, de lui faire quelques observations. Cette démarche mit le feu aux poudres et provoqua un état d’hostilité et d’antagonisme déplorable.
Aux soucis que lui créait l’attitude de ce chrétien, s’ajoutèrent encore des inquiétudes sérieuses, causées par une infirmité dont il fut alors atteint : elle pouvait, d’un moment à l’autre, nécessiter l’intervention d’un médecin. Devant cette éventualité, il résolut de deman-der à permuter avec M. Fougerouse, qui avait déjà dirigé la chrétienté de Mac Bac et occupait alors le poste de Thi Nghe. Mgr Colombert reconnaissant le bien-fondé des raisons apportées par M. Delpech, le nomma donc à Thi Nghe et confia Mac Bac à M. Fougerouse. Grande fut sa joie de se retrouver au milieu de ses anciens chrétiens et de reprendre l’administration de cette chère paroisse. Une seule chose l’affligeait : l’église était en mauvais état et il était nécessaire de la remplacer.
*
* *
L’infirmité qui avait motivé, pour une part, son départ de Mac Bac, s’aggrava subitement en 1887, et il se vit obligé de retourner en France. Il se rendit au pays natal et revit son cher Parizot, où il eut le plaisir de retrouver tous les siens. A en juger par sa correspondance, ce dut être une grande fête dans sa famille et dans sa paroisse. L’année suivante, se sentant suffisamment rétabli, il reprenait la route de l’Extrême-Orient.
Pendant son séjour en France, il avait recueilli quelques aumônes auprès de ses parents et amis. Il s’empressa de les employer et commença sans tarder la construction de la belle église que possède aujourd’hui Thi Nghe, et il dota ce poste d’un presbytère fort convenable et bien approprié aux besoins du missionnaire.
Ses dernières années s’écoulèrent dans le calme et la tranquillité ; il vivait heureux au milieu de ses chrétiens, comme un patriarche aimé de tous. « Je fus l’heureux témoin de l’attachement qui unissait pasteur et fidèles, écrit un de ses amis. C’était à l’occasion de la fête de saint Remi. Toute la paroisse s’était donnée rendez-vous au presbytère. Grands et petits entouraient le vénérable curé, assis sur un trône de circonstance, au milieu de nombreux Missionnaires. Quelle belle fête de famille ! »
Cependant l’âge et les infirmités pesaient chaque jour davantage sur ses épaules affaiblies par les travaux. Un voyage à Hong-Kong lui procura quelque soulagement : mais il n’était plus permis d’espérer la guérison. Après un séjour à Phan Thiêt, sur le bord de la mer, il revint à Saïgon et s’établit au Séminaire, où des soins plus assidus pouvaient lui être donnés. Son état devenait grave et, devant l’imminence du danger, il reçut les derniers sacrements.
Une amélioration momentanée, due au traitement de l’excellent Dr Angier, lui permit de rentrer à Thi Nghe dans son presbytère : mais c’était pour y mourir. Le 28 février 1912, M. Dumas, qui était allé entendre sa confession, le trouva bien faible. Il ne cacha pas ses appréhensions au cher malade, et celui-ci lui tendit affectueusement la main, le remercia et lui dit un dernier adieu. Le dénouement était encore plus proche qu’on ne le croyait. En effet, le lendemain, à cinq heures du matin, M. Delpech rendait son âme à Dieu très doucement, sans souffrance.
Les funérailles, présidées par Mgr Mossard, réunirent de nombreux Annamites de Saïgon et des environs. Elles furent touchantes et pieuses. Après l’absoute, en présence de tout le clergé de Saïgon et des paroisses voisines, la dépouille mortelle du cher défunt fut descendue dans un caveau, creusé devant l’autel de la sainte Vierge, dans cette église de Thi Nghe, qu’il avait construite, où il avait prié, et dont il avait voulu faire, en attendant la résurrection, le lieu de son repos.
~~~~~~~
Références
[1005] DELPECH Jean (1844-1912)
Notes bio-bibliographiques. - C.-R., 1897, p. 184 ; 1901, p. 164 ; 1905, p. 168. - A. M.-E., 1904, p. 110. - Sem. rel. Montauban, 1896, Conversion d'une protestante par la médaille miraculeuse, pp. 285, 303, 319, 335 ; 1912, Sa mort, p. 154.
Notice nécrologique. - C.-R., 1912, p. 419.