Cyprien SAUVEBOIS1854 - 1891
- Statut : Prêtre
- Identifiant : 1395
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Identité
Naissance
Décès
Biographie
[1395]. SAUVEBOIS, Cyprien, naquit le 25 mai 1854 à La Beaume (Hautes-Alpes). Ses études classiques achevées au petit séminaire d’Embrun, il entra laïque au Séminaire des M.-E. le 15 septembre 1875, fut ordonné prêtre le 21 septembre 1878, et partit pour le Cambodge le 30 octobre suivant. Il apprit rapidement les langues annamite et cambodgienne.
De 1879 à 1881, il fut professeur au séminaire à Cu-lao Gieng¬ ; de 1881 à 1884, chef du district de Nang-gu¬ ; et de 1884 à 1891, de celui de Battambang. Il travailla partout avec une prudente activité. En 1891, le 23 septembre, il mourut au sanatorium de Béthanie à Hong-kong.
Nécrologie
[1395] SAUVEBOIS Cyprien (1854-1891)
Notice nécrologique
M. Holhann, supérieur de Béthanie, écrit :
« Une mort bien inattendue est venue attrister de nouveau Béthanie, la semaine dernière. Notre cher confrère, M. Cyrien Sauvebois, du diocèse de Gap, a quitté ce monde, le mercredi 23 septembre. J’étais loin de supposer, à l’arrivée du cher Père au Sanatorium, que le bon Dieu allait le rappeler si promptement à lui, Voici les détails que j’ai pu recueillir sur le regretté défunt et sur ses derniers moments.
« M. Sauvebois arriva ici, le mercredi 9 septembre, vers trois heures du soir. Il semblait bien portant et disait que le voyage lui avait été profitable. L’appétit était bon, la digestion satisfaisante ; il avait l’es¬poir qu’un repos de quelques mois le remettrait complètement des suites de sa dysenterie et de la maladie d’estomac, déjà fort ancienne, dont il souffrait. Je partageais ses espérances et je prévoyais une rapide convalescence, surtout à l’approche de la saison froide.
« Il mangea de bon appétit pendant les deux premiers jours, et fit quelques courtes promenades dans les environs. L’enflure des jambes diminuait ; elle disparut même complètement après quelques jours. Le jeudi, le Père se plaignit de quelques douleurs de tête mais peu graves. Des mouvements nerveux passagers avaient été combattus par l’antipyrine. Le vendredi, quelques palpitations, malaise général. Le Père quitta la table pendant le déjeuner et se retira dans sa chambre : mauvaise digestion, excitation nerveuse, et enfin petit accès de fièvre dans la soirée. Il ne put célébrer la messe, le lendemain samedi. Malgré la quinine, la fièvre reparut le soir : Elle n’était pas très forte : le Père allait en effet à la chapelle et disait la messe, le dimanche matin ; c’était pour la dernière fois. Il rentra chez lui après le saint sacrifice. Il était très fatigué et éprouvait de temps à autre des douleurs d’entrailles qui pouvaient faire craindre une rechute de dysenterie. La fièvre reparut encore dans la soirée ; la nuit fut très mauvaise et très agitée. L’estomac était tellement fatigué que le malade ne pouvait presque rien prendre sans vomir, même le lait ou le bouillon, Il comprit dès lors la gravité de son mal, alors qu’elle ne nous paraissait pas si réelle ni si imminente. Il voulut se confesser et fit une confession générale, me disant que son intention avait été d’aller faire une retraite de quelques jours, à Nazareth, avant de retourner dans sa mission, mais qu’il préférait se confesser de suite, pour se mettre complètement à la disposition du bon Dieu. Il dut suspendre sa confession à cause de la fatigue. La fièvre le reprit, à trois heures du soir, le mardi. La quinine était vomie, du moins en partie, et ne produisait que peu d’effet. Il voulut essayer l’ipeca, mais sans résultat appréciable. Le mercredi le docteur cons¬tata une énorme dilatation du foie. Cette dilatation avait été très rapide, car, le dimanche précédent, le foie avait encore les dimen¬sions normales. On essaya des injections hypodermiques de quinine, glace, jus de viande, lait, etc. L’effet de la quinine fut satisfaisant : l’estomac fut aussi calmé au moyen de petites doses de morphine, et le lendemain jeudi il n’y eut pas de fièvre. Nouvelles injections de quinine ; l’estomac est toujours en très mauvais état ; le malade a vomi plusieurs fois, et n’a pris qu’un peu de jus de viande.
Vendredi. — « La nuit a été passable ; pas de fièvre. Un peu de sommeil, journée paisible, mais les vomissements sont très fréquents, quoique peu douloureux : le malade ne peut rien garder ; l’eau glacée est rejetée aussi bien que le lait. Le Père n’a pu prendre aucune nourriture. A cinq heures du soir, la fièvre remonte tout d’un coup. Le Père parle de la gravité de son état, mais il ne s’en afflige nullement. Il demande seulement au hon Dieu de lui conserver la patience. Les douleurs sont vives ; soif ardente, qu’on ne peut satisfaire à cause des vomissements ; excitation considérable.
Samedi. — « La fièvre a duré toute la nuit. Le matin, au lever du soleil, je constate que la jaunisse s’est déclarée d’une façon subite et inquiétante. Je n’avais pu la remarquer, pendant la nuit, à la clarté de la lampe. Des boutons de purpura sont répandus sur le front, la poitrine, les jambes, et laissent échapper des gouttelettes de sang. J’écris au docteur d’appeler de suite un de ses collègues et de venir à Béthanie pour une consultation. Les médecins arrivèrent, vers quatre heures et demie du soir, et après un examen sérieux, constatèrent que le Père était atteint d’une fièvre bilieuse, mais leur pronostic était favorable. Ils essayèrent bains tièdes, cataplasmes, purgatifs, glace, quinine. Malheureusement le malade était déjà trop affaibli par la dysenterie précédente ; l’estomac était tellement délabré qu’il rejetait tout aliment, sous quelque forme qu’on le donnât.
Dimanche. — « La nuit a été assez bonne, et la journée assez tran¬quille, mais le malade s’affaiblit sensiblement. Le corps est entière¬ment jaune et fait peine à voir. Rien ne peut être digéré pas même l’eau, excepté à de rares intervalles. Pendant la nuit, le Père me dit : « Je meurs content ; c’est peut-être mieux pour moi de mourir. » Il a renouvelé bien des fois ces sentiments de joyeuse résignation, pen¬dant les derniers jours de sa maladie.
Lundi. — La nuit a été mauvaise: agitation, fièvre. Le ventre enfle considérablement ; le malade peut difficilement reposer sur le côté. Le foie a beaucoup diminué de volume, mais cette amélioration ne pro¬cure pas de soulagement bien sensible au pauvre confrère. Vers sept heures du matin, il me demande lui-même l’Extrême-Onction. Je ne le croyais pas encore dans un danger prochain, mais je me confor¬mai cependant à son pieux désir, et à huit heures, en présence de tous les confrères, je lui administrai le sacrement des mourants, qu’il reçut avec beaucoup de foi et de piété. Les vomissements presque continuels empêchèrent de lui administrer le saint Viatique. Ce fut pour lui une pénible privation. « Je ne voudrais pas « mourir, disait-il, sans recevoir le bon Dieu. » Ce souhait ne fut pas exaucé ; il dut donc se résigner à ce dernier sacrifice. Vers une heure et demie du soir, malgré son grand abattement, il me demanda à se confesser encore une fois. Il désirait achever sa confession générale, mais il était si fa¬tigué qu’il pouvait à peine recueillir ses idées : il me pria de l’inter¬roger moi-même. Je le satisfis pour ne pas le contrister, et lui don¬nai encore une absolution. Il me dit ensuite : « Vous écrirez à Mgr Cordier que je demande bien pardon à Sa Grandeur, à tous mes « confrères et à mes pauvres chrétiens. » A six heures du soir, il eut des vomissements de bile, et un nouveau symptôme assez inquiétant, le hoquet, se manifesta. La fièvre était revenue, et les injections de quinine n’eurent plus d’autre effet que de le faire souffrir. On dut les suspendre.
Mardi.— « Nuit assez tranquille ; fièvre moins forte ; divagations passagères ; grande faiblesse. Le docteur, venu dans la soirée, tente encore un purgatif pour essayer de faire évacuer la bile qui remplit l’estomac. Le purgatif est vomi au bout de quelques instants, avec de violents efforts et une grande quantité de bile. Pendant la soirée, il put encore se lever de son lit, appuyé sur deux confrères. Il rêvas¬sait presque continuellement, mais aussitôt qu’on l’appelait ou qu’on lui parlait, il répondait parfaitement. Il m’avait bien recommandé de lui donner une dernière absolution, au moment de la mort. Vers huit heures du soir, la respiration devint plus embarrassée. Il pous¬sait des soupirs plaintifs, et cependant, quand on l’interrogeait, il disait ne pas souffrir plus que de coutume. Vers dix heures le pouls était plus faible et plus accéléré. Voyant que le danger était prochain je lui proposai de recevoir l’indulgence plénière. Il accepta de suite, et après s’être de nouveau excité à la contrition, il reçut l’indulgence, à onze heures. Je lui suggérais, de temps à autre, quelques invoca¬tions qu’il répétait, et alors qu’il était trop abattu, il inclinait la tête pour me faire voir qu’il avait compris. Après minuit, il me demanda de l’aider à s’asseoir dans son lit. Je le fis ; mais il ne put y demeu¬rer que quelques instants, à cause des vertiges qui le saisirent. Vers une heure quarante, je prononçai les noms de Jésus, Marie, Joseph ; il les répéta d’abord avec moi, puis les répéta encore une fois seul. Ce sont, je crois, ses dernières paroles. L’agonie commença bientôt, très douce et très tranquille. Je lui mis entre les mains le cierge bé¬nit et récitai pour la seconde fois les prières des agonisants. Ces prières n’étaient pas achevées qu’il rendait son âme à Dieu. Je lui avais donné, presque à son dernier soupir, l’absolution qu’il avait désiré recevoir à ce moment. Il était une heure quarante-sept du matin, mercredi 23 septembre.
« Le corps fut exposé de suite à la chapelle ; les confrères, à tour de rôle le gardèrent jour et nuit, jusqu’au jeudi. L’enterrement eut lieu le jeudi matin. M. Gerber chanta la messe et donna l’absoute. Le corps fut conduit au cimetière par le Révérend Père Bueghignoli, provicaire de la mission de Hong-kong. Tous les confrères de Bétha¬nie, de Nazareth et de la Procure étaient présents. Deux Pères italiens et deux Pères dominicains espagnols, assistaient aussi au service funèbre.
« Lœtatus sum in his quœ dicta sunt , mihi : in domum Domini ibimus. » Ce texte exprime bien les sentiments de notre cher confrère à l’approche de l’heure où quittant cette terre de misères, d’exil, il allait partir pour la patrie, nous laissant ses vertus à imiter et son sort à envier.
« Mgr Cordier écrit de son côté :
« La mort du Père Sauvebois, enlevé à la fleur de l’âge (il avait 38 ans), est une perte pour « ma mission. Plein de zèle et de dévouement, doué de précieuses qualités, cœur généreux, « possédant bien la connaissance des deux langues principales parlées par les chré¬tiens du « Cambodge, il pouvait rendre encore de grands services. Durant les douze années qu’il a « passées dans mon vicariat, ce bien regretté confrère a toujours été d’une parfaite régularité, « il était tout entier à son devoir : en un mot c’était un bon missionnaire sur lequel je pouvais « compter. Quelquefois je l’ai entendu se plaindre non point de ses peines et de ses privations, « mais de ce que les idolâtres se convertissaient difficilement et en petit nombre. Qu’il eût été « heureux, s’il les avait vus par centaines venir prendre rang sous l’étendard de Jésus-Christ. « Que par son intercession il obtienne ce qu’il a désiré durant sa vie. Il a fait une belle mort et « j’aime à croire que le Seigneur lui a déjà donné la récompense promise aux serviteurs « fidèles. »
Références
[1395] SAUVEBOIS Cyprien (1854-1891)
Notes bio-bibliographiques
C.R., 1884, p. 115¬ ; 1885, p. 103¬ ; 1888, p. 148.
M. C., xvii, 1885, Visite aux ruines d’Angkor, p. 410.
A. M.E., 1913, p. 252.
Ann. de N.-D. Laus, 1891, p. 623¬ ; 1892, p. 411.