Pierre MAGAT1859 - 1898
- Statut : Prêtre
- Identifiant : 1606
Identité
Naissance
Décès
Missions
- Pays :
- Vietnam
- Région missionnaire :
- 1884 - 1897 (Vinh)
Biographie
[1606]. MAGAT, Pierre, né dans la paroisse Sainte-Madeleine, à Tarare (Rhône), le 27 mai 1859, fit ses études au petit séminaire de l'Argentière, entra laïque au Séminaire des M.-E. le 7 septembre 1880, en sortit quelques jours après pour revoir sa famille qu'il regrettait vivement, mais y revint le 16 du même mois. Prêtre le 20 septembre 1884, il partit le 5 novembre suivant pour le Tonkin méridional, et se forma à la vie apostolique dans le district de Nghe-yen. Plusieurs fois, en juillet 1885, il défendit courageusement ce poste contre les rebelles ; puis il resta seul chargé du district. En 1886, il servit d'interprète et de guide aux troupes françaises. Dans une expédition, la colonne qu'il accompagnait eut à combattre : Baissez-vous, Père ", lui cria un officier. " Et vous, vous baissez-vous ? " répartit en souriant le prêtre, qui resta debout.
En 1889, un chef de poste ayant besoin de barques et de coolies réquisitionna le missionnaire ; celui-ci, comme c'était son droit et son devoir, refusa de se faire entrepreneur de corvées. L'officier le fit arrêter et emprisonner ; blâmé par ses chefs pour cet acte illégal et grossier, il subit 30 jours d'arrêt de rigueur. En 1890, le district de Ha-tinh fut confié à Magat qui résida à Van-hanh, et dota ce poste d'une église. Quelques années après, miné par la phtisie, il chercha vainement à recouvrer quelques forces à Hong-kong, et revint en France dans le courant de l'année 1897. Il mourut à l'hôpital de Tarare le 8 septembre 1898.
Nécrologie
M. MAGAT
MISSIONNAIRE APOSTOLIQUE DU TONKIN MÉRIDIONAL
Né le 27 mai 1859
Parti le 5 novembre 1884
Mort le 8 septembre 1898
Pierre Magat naquit à Tarare, au diocèse de Lyon, d’une famille ¬honnête et chrétienne entre toutes. Les enfants étaient nombreux ; mais Dieu appela les uns à chanter ses louanges dans le ciel, et les autres à les publier sur la terre.
Aujourd’hui, le vieux père est assis seul à son foyer ; mais quelle belle couronne Dieu réserve à la foi de cet Abraham qui, sans hésiter, lui sacrifia tous ses enfants ! Un de ses fils, homme d’avenir, mourut, jeune encore, vicaire de Saint-Polycarpe à Lyon. Deux de ses filles religieuses en Nouvelle-Zélande, prêchent l’Évangile par l’exemple, et montrent, comme toutes nos religieuses catholiques, ce que peut produire le dévouement inspiré par l’amour de Jésus-Christ.
Pierre Magat, lui aussi, voulut se dévouer pour les âmes les plus abandonnées, et il entra au séminaire des Missions-Étrangères. Il avait de l’énergie, mais il avait aussi du cœur, et un instant, le cœur attendri par le souvenir de la famille l’emporta sur l’énergie. En effet, quelques jours après son entrée au séminaire de Paris, le chemin de fer le reconduisait à Tarare. Il ne tarda pas à l’en ramener, mais cette fois l’aspirant-missionnaire se montra solide et inébranlable comme le roc, comme saint Pierre converti. Grâce à son esprit de foi, cette petite escapade lui devint une grande leçon ; que de fois depuis il répéta : « J’ai compromis ma vocation une fois, je ne m’y aventurerai jamais plus ! »
Destiné au Tong-king méridional, M. Magat arriva dans sa Mission le 5 février 1885. Il fut envoyé d’abord avec MM. Gallou et Arsac qui étaient alors chargés de la Sainte-Enfance et du district de Nghé-yen. Les deux Pères lui apprirent à se faire comme eux respecter et aimer. « Aimez et vous serez aimé : » c’est vrai partout, spécialement chez les Annamites.
L’occasion n’allait pas manquer à M. Magat de montrer ce dévouement qui gagne l’affection des peuples. Au mois de juillet de cette même année 1885, les lettrés de Ngan-sau et du Phu-dûc se remuent ; le régent Thûyet a fui avec le roi Ham-nghi dans les montagnes ; les chrétiens sont de plus en plus menacés et bientôt 5.000 rebelles assiègent Nghé-yen. La défense fut acharnée comme l’attaque. M. Magat eut, comme les autres Pères, sa large part de fatigues. C’était l’époque des veillées d’armes, des alertes de jour et de nuit, des repas pris à la hâte, la cartouchière aux reins, et souvent interrom¬pus pour faire face à l’ennemi ; époque pénible pour tous, surtout pour un prêtre. Seul, le dévouement pour ses chrétiens pouvait sou¬tenir et animer M. Magat dans cette terrible lutte. Nos Annamites le comprirent, et quand bientôt la mort de MM. Gallon et Arsac le laissa seul, chargé du district de la Sainte-Enfance, leurs cœurs allèrent tout droit à celui qui les avait si bien défendus au péril de sa vie.
Non content d’avoir donné aux Annamites des preuves de son dévouement, M. Magat en donna aussi à la France. Nos troupes prenaient peu à peu possession du pays, et les missionnaires étaient demandés souvent pour servir de guides et d’interprètes. En janvier 1886, une colonne, commandée par deux officiers, fut lancée dans la montagne à la poursuite du roi fugitif et du régent ; M. Magat fut désigné pour l’accompagner. La colonne s’avança jusqu’au-dessus de Ve, à travers des abatis d’arbres, dans un pays escarpé et fortifié. Le dimanche, 17 janvier, elle rencontra l’ennemi qui était fortement retranché. Nos soldats n’étaient qu’une cinquantaine, l’ennemi avait l’avantage de la position et du nombre et était armé de fusils à tir rapide. La fusillade éclatait bien nourrie en feux croisés, et les balles sifflaient dans toutes les directions. « Baissez-vous, Père ! » cria un officier à M. Magat. « Et vous, vous baissez-vous ? » répond le Père. Un lieutenant s’étant avancé dans l’intérieur de la palissade, tomba criblé de coups ; un caporal qui allait à son secours fut blessé mor¬tellement; plusieurs soldats furent tués, d’autres blessés par les balles et les flèches empoisonnées ; on dut faire sonner la retraite. Dans cette circonstance, M. Magat conserva tout son sang-froid. Il accompagna encore d’autres colonnes, rendant à la France tous les services qui étaient en son pouvoir.
Le bon renom que, dans ces délicates fonctions, lui avaient valu auprès de nos officiers son esprit de conciliation, son courage, sa franchise, ne préserva pas cependant M. Magat de la grossière injure qui lui fut faite peu après. Une nuit, sous un prétexte absurde, un officier français, à la tête de ses hommes, enfonce la clôture de la Sainte-Enfance, arrête le Père, le met en prison avec des Annamites et l’envoie sous bonne escorte à Vinh. Disons, à leur honneur, que les autorités supérieures reconnurent aussitôt l’innocence du Père et l’in¬justice de son arrestation. L’officier coupable fut enlevé du poste et sévèrement puni ; le commandant du cercle et les officiers tinrent à rendre visite à M. Magat réinstallé triomphalement dans sa résidence.
Dès que la paix fut rétablie, M. Magat travailla à ramener les chrétiens dans les villages qu’ils avaient dû abandonner, et plus d’une fois encore il exposa sa vie pour eux. Il l’exposa également pendant le choléra qui fut terrible dans son district, et il se montra aussi courageux au chevet des contaminés qu’il l’avait été devant les balles. Il se prodigua pour administrer les sacrements aux malades, leur procura des pilules de hoang-nân qui firent merveille et en sau¬vèrent un grand nombre. Il affirmait pouvoir guérir tout cholérique qui était soigné à temps, et le succès confirmait son dire. Dieu bénit son abnégation en lui accordant de nombreuses conversions de païens ; il s’occupait de leur instruction, tout en continuant à surveiller l’éta¬blissement de la Sainte-Enfance, où sa fermeté savait maintenir la règle et le bon ordre. Les missionnaires aimaient à aller profiter en passant de la franche et cordiale hospitalité de ce charmant confrère.
En 1890, Mgr Pineau le mit à la tête du district de Hatinh. Les chrétiens de cette contrée éprouvèrent autant de joie à le recevoir que ceux de Nghé-yen avaient de regret à le perdre, il entretint avec les Français de la ville de Hatinh les bonnes relations qu’il avait su garder ailleurs avec nos compatriotes. Sa franchise et sa bonne humeur lui attiraient l’affection ; sa tenue toujours digne lui conciliait l’estime, car M. Magat avait un grand sentiment de sa dignité de prêtre, et il savait imposer le respect pour lui-même et pour les autres missionnaires. Un Français disait à ce sujet : « Il ne ferait pas bon dire devant le P. Magat du mal d’un de ses confrères. » Il dut à la sympathie qu’il inspirait de pouvoir rendre à ses chrétiens bien des services. Les hautes autorités annamites de la province se plaisaient elles-mêmes à reconnaître l’influence que lui avaient acquise son grand bon sens et son esprit d’équité, en lui rendant visite et en accueillant favorablement ses demandes.
Lorsqu’il arriva à Van-hanh, centre de son nouveau district, M. Ma¬gat éprouva une bien grande peine. A la Sainte-Enfance de Nghé-¬yen, il laissait une église qui, sans être un monument, était cependant convenable et où il conservait le Saint-Sacrement. A Van-hanh, il n’y avait qu’une misérable paillotte, construite à la hâte après les désor¬dres de la guerre.
Le prédécesseur de M. Magat avait déjà réuni quelque argent pour la construction d’une nouvelle église ; M. Magat agrandit les plans, ce qui était facile ; ce qui l’était moins, c’était de grossir la somme. Le Père prend le bon moyen ; il décide d’élever son église en l’honneur du Sacré-Cœur, et plein de confiance, il se met à l’œuvre. C’était un acte de foi, celui de saint Pierre marchant sur l’eau. L’argent vient petit à petit, et la construction s’élève de même. Van-hanh possède aujour¬d’hui une belle église aux proportions harmonieuses, la seule qui ait un clocher dans la mission. Aussi comme le cher Père était fier de son clocher et de son église du Sacré-Cœur ! La construction lui avait coûté tant de soucis et d’ennuis, tant de fatigues ! Mais l’édifice maté¬riel ne lui suffisait pas ; il cherchait à en élever un autre tout spirituel en propageant la dévotion au Sacré-Cœur. Il avait trouvé pour la répandre un apôtre zélé. C’était un vieux maître de chinois converti par lui avec tout son village, pendant que le Père était encore à Nghé-¬yen, et qui avait tenu à le suivre dans son nouveau poste. Ouvrier de la dernière heure, le bon vieux cherchait à rattraper le temps perdu dans le paganisme, en faisant chaque jour quelque progrès dans l’amour de Notre-Seigneur et de la sainte Vierge. Il se mit avec ardeur à propager la dévotion au Sacré-Cœur ; il parcourait les mai¬sons du village, et quand il trouvait quelque âme de bonne volonté, il lui faisait prendre par écrit l’engagement de la communion du mois.
Le zélé néophyte commença à se trouver fatigué en même temps que M. Magat. Deux ou trois jours avant sa mort, il parla de sa fin pro¬chaine ; le jour de la Fête-Dieu, il se confessa et communia, apporta à M. Magat deux ligatures qu’il avait réservées pour la sainte Vierge et mit ordre à ses affaires. Le soir, il revêtit de nouveau ses plus beaux habits de fête, se coucha dehors au frais, et le lendemain matin, on le trouva mort, la face tournée vers le ciel, la figure souriante, radieuse, comme devant une belle vision qui lui serait apparue. Que de fois M. Magat avait dit : « Je ne serais venu en mission que pour sauver cette seule âme, que cela me suffirait ! »
Depuis un an déjà, le cher M. Magat se sentait fatigué. Un séjour à Hong-kong ne l’avait pas remis, et la faculté de Hanoï l’avait déclaré poitrinaire. Rien jusqu’alors dans sa constitution robuste ne faisait pressentir cette maladie. Comment vint-elle ? Ne serait-ce pas à la suite de quelque imprudence de son zèle ? Ne serait-ce pas plutôt à la suite des privations qu’il s’imposait depuis quelque temps, afin de rem¬bourser les emprunts faits pour la construction de son église ? Les crachements de sang devenant plus fréquents, on crut sa fin très pro¬che, et il reçut les derniers sacrements. Il partagea ensuite l’illusion de tous les poitrinaires, crut encore sa guérison possible, et, sur l’avis du médecin, il partit pour la France. La Vierge Immaculée, à laquelle il demandait sa guérison avec la confiance d’un enfant, lui réservait une grâce bien plus précieuse : celle d’une bonne et sainte mort.
Voici sur ses derniers jours quelques détails transmis par M. le vicaire de la Madeleine de Tarare.
« Le P. Magat songeait vers le milieu d’août à regagner sa chère maison de Montbeton. Il disait avoir donné assez de temps aux siens. Sentant la mort approcher à grands pas, il tenait à mourir au milieu de ses confrères. Je m’offris à l’accompagner. Ma proposition lui fut agréable : que de fois il tint à m’en remercier ! Mais le bon Dieu dont les desseins sont cachés ne voulait pas que notre projet fût mis à exécution. Nous devions partir le 23 août. Le 21, survint une douloureuse dysenterie qui rendit le voyage absolument impossible, à notre cher malade. C’est alors qu’il demanda à entrer à l’hôpital de Tarare ; les sœurs et l’administration se prêtèrent bien volontiers à son désir, et on mit à sa disposition l’unique chambre payante de la maison, dont le prix fut baissé pour lui. C’est là qu’il est resté quinze jours et qu’il a rendu le dernier soupir, le 8 septembre, jour de la Nativité de la sainte Vierge.
« Il m’était facile d’aller le voir à l’hôpital ; aussi y allais-je souvent, deux, ou même trois fois le jour. J’avais compris que c’était pour lui une très grande privation de ne pouvoir célébrer la sainte Messe, aussi je lui avais proposé de lui porter, tous les jours, le bon Dieu à minuit. Par crainte de me gêner, il n’avait accepté de communier que tous les deux jours. La veille de sa mort, il demanda lui-même l’extrême-onction. M. le Curé, pour honorer son caractère sacerdotal, s’était réservé de lui donner lui-même les derniers sacrements.
« Notre cher malade fut on ne peut plus édifiant pendant toute la cérémonie, et plusieurs fois il tint à renouveler son dernier sacrifice. Le lendemain, jour de sa mort, il réunit le peu de forces qui lui restait pour bénir tous les siens qui étaient venus le voir une dernière fois. Quelques instants après, il entra en agonie et ne tarda pas à rendre sa belle âme à Dieu.
« Les funérailles furent fixées au samedi 10 septembre à neuf heures. Elles furent bien simples, mais très touchantes. Toute l’élite de la paroisse répondit à l’appel de M. le Curé et voulut accompagner le missionnaire à sa dernière demeure. La dépouille de M. Magat repose maintenant dans le caveau du clergé de Tarare, à côté de religieux et d’hommes de Dieu qui ont certes bien mérité de la sainte Église. M. Magat avait droit à cet honneur ; ne s’est-il pas pré¬senté, lui aussi, devant le divin Maître, les mains pleines d’œuvres et de mérites, après quatorze années de Mission ? »
Si ce fut pour M. Magat une privation sensible de ne pas mourir au milieu de ses confrères de Montbeton, on voit du moins qu’il n’y a rien perdu en fait de témoignages de charité, de soins assidus et d’affec¬tueuses prévenances. Il est mort pieusement comme il avait vécu, comme le faisaient prévoir sa grande délicatesse de conscience et son amour pour Marie. Il est mort en prêtre, en répandant sur les siens une de ces bénédictions que son cœur d’apôtre avait si souvent répandues sur la terre de l’Annam.
Tous les confrères du Tonkin méridional l’ont vivement regretté, car tous l’aimaient. Il en a été de même des chrétiens des deux districts de Nghé-yen et de Hatinh. Bien qu’avertis de sa fin prochaine, ils aimaient encore à se persuader qu’ils pourraient le voir revenir avec sa bonne figure d’autrefois. Est-ce à dire qu’auprès de ses chrétiens le cher Père n’ait jamais rencontré d’épines ? non, les plus belles roses en ont, même en Annam. S’il rencontra, par-ci par-là, quelque chrétien endurci, il ne l’en aima pas moins, pria davantage pour lui, et nous ne doutons pas que sa charité, qui ne fut jamais rancunière, ne s’emploie là-haut à lui obtenir urne sincère conversion.
Et maintenant que le cher Père repose en paix dans le Cœur de Jésus, après l’avoir servi et honoré sur cette terre !
A. LOUCATEL,
Missionnaire apostolique.
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Références
[1606] MAGAT Pierre (1859-1898)
Notes bio-bibliographiques. - C.-R., 1885, p. 78 ; 1886, p. 93 ; 1887, p. 137 ; 1888, p. 121 ; 1889, p. 132 ; 1890, p. 111 ; 1893, p. 184 ; 1895, p. 196 ; 1896, p. 173 ; 1904, p. 162. - M. C., xxii, 1890, p. 303 ; xxix, 1897, p. 520. - B. O. P., 1894, p. 184. - Sem. rel. Lyon, 1890, 2e sem., p. 895 ; 1898, 2e sem., Sa mort, p. 441. - Sem. rel. Quimper, 1889, p. 730.
Vie de Mgr Puginier, Tab. alph.
Notice nécrologique. - C.-R., 1898, p. 346.