Pierre REVIRON1864 - 1891
- Statut : Prêtre
- Identifiant : 1803
Identité
Naissance
Décès
Biographie
[1803]. REVIRON, Pierre (Petrus), né le 23 mai 1864 au hameau de Nurol, commune d'Aurec-sur-Loire (Haute-Loire), étudia au petit séminaire de Monistrol. Il entra laïque au Séminaire des M.-E. le 14 septembre 1884, fut ordonné prêtre le 22 septembre 1888, et partit pour le Cambodge le 14 novembre suivant. Il débuta à Soc-trang, sous la direction de M. Gonet ; vers la fin de 1889, il alla administrer le district de Prek-treng. Malade en mai 1891, il fut transporté à Phnom-penh et y succomba le 25 du même mois. Toute sa vie il avait eu une dévotion particulière à Notre-Dame du Perpétuel-Secours et à Notre-Dame de Lourdes.
Nécrologie
M. REVIRON
MISSIONNAIRE APOSTOLIQUE DU CAMBODGE
Né le 22 mai 1864.
Parti le 14 novembre 1888.
Mort le 25 mai 1891.
« Une perte bien sensible, écrit M. André Coudert, vient d’affliger la mission du Cambodge déjà si éprouvée par la maladie. Le 25 mai dernier, le bon Dieu nous enlevait le Père Pierre Reviron encore au début de sa carrière : ce cher confrère en effet arrivait au Cambodge dans la dernière quinzaine du mois de décembre 1888. Il passa quel¬ques jours au collège de Cu-lao-gieng, juste le temps nécessaire pour se remettre des fatigues de la traversée, et de là il fut envoyé à Soc-¬trang, pour y apprendre la langue annamite et porter secours au Père Gonet qui avait alors deux districts à desservir. Le jeune mis¬sionnaire heureux de pouvoir être de quelque utilité, même avant de connaître la langue, partit le cœur rempli de joie.
« Arrivé à Soc-trang, il trouva dans le Père Gonet un cœur de frère et une âme d’apôtre, tout ce qu’il fallait par conséquent pour l’initier aux labeurs de l’apostolat et en adoucir les rigueurs. Aussi n’a-t-il jamais oublié ce temps d’apprentissage : il en parlait plus tard avec bonheur et même avec un certain regret.
« Mais Dieu qui ne voulait pas le laisser longtemps sur cette terre le préparait de loin au détachement de la vie. La veille de l’Ascen¬sion 1889, six mois après son arrivée, il fut pris d’une pleurésie qui le conduisit aux portes du tombeau ; l’heure de la récompense n’était cependant pas encore venue pour lui. Grâce aux soins du docteur français et des sœurs de la Providence il fut bientôt rétabli, mais il se ressentit toujours de cette secousse.
« Quatre mois après cette première maladie, c’est-à-dire vers le mois de novembre 1889, il dut changer de poste pour aller adminis¬trer le district de Prec-treng. Ce district présente beaucoup de diffi¬cultés, soit à cause de l’entourage des Cambodgiens païens qui cher¬chent toujours des sujets de chicane aux Annamites, soit à cause de l’éloignement d’une des chrétientés qui est distante du centre d’au moins trente heures de barque. Mais qu’importe ? là le veut l’obéissance, là aussi s’exercera désormais son zèle dans des limites bien plus larges encore que celles assignées par l’obéissance. Soleil de plomb, fraîcheur malsaine des nuits, pluies battantes, rien ne pouvait l’arrêter quand la charité l’appelait auprès de ses chrétiens. C’est dans un de ces voyages, où son zèle avait eu le dessus sur les conseils de la prudence, qu’il fut pris d’une fièvre qui donna de l’inquiétude pen¬dant plusieurs jours. Son amour des âmes ne s’étendait pas aux seuls chrétiens : il voulait de nouvelles brebis et il y réussit, car un nou¬veau poste qui compte un assez grand nombre de catéchumènes lui doit après Dieu le bénéfice de la foi. Ces deux dernières années la récolte du riz a fait généralement défaut dans le Cambodge, les gens sont pauvres, quelques-uns n’ont rien à manger et vont tendre la main au Père qui n’écoute que son cœur et donne tout ce qu’il a. Combien de fois lorsqu’il venait à Phnon-penh, je l’ai entendu dire : « Veuillez m’avancer dix ou vingt piastres, je n’ai plus le sou », et ces dix ou vingt piastres ne duraient pas longtemps. La pensée de ses chrétiens et de ses catéchumènes l’a suivi jusqu’à la mort. « Oh ! ces chrétiens, ces catéchumènes, disait-il « dans son délire, ils me donnent beaucoup de peine, mais je les aime bien quand même.» « Oui, ajoutait-il, nous serons heureux si nous travaillons bien, si nous gagnons beaucoup « d’âmes à Notre-Seigneur. » Grande aussi était son affection pour les confrères et il ne savait comment l’exprimer, quand quelqu’un d’entre eux lui faisait le plaisir d’aller le surprendre chez lui ; d’autre part manifestait-on devant lui le désir d’avoir un aide pour l’administration de quelque chrétienté éloignée, le jeune Père était toujours prêt. Cet empressement à rendre service me donne occasion de ra¬conter un trait que je ne veux pas passer sous silence, tout vulgaire qu’il puisse paraître, parce que c’est l’histoire d’une de ses épreuves et que la souffrance n’est jamais vulgaire dans les hommes qui font tout monter vers Dieu. L’année dernière au mois de novembre, après avoir passé de longues heures au confessionnal pour aider un confrère trop surchargé, il voulut sortir, vers le soir, pour réci¬ter son bréviaire. Il était déjà un peu loin, quand tout à coup il entend du bruit : il se tourne et voit à deux pas derrière lui un buffle. Avant même qu’il ait fait un mouvement pour fuir, l’animal l’a enfourché, le porte à dix mètres et le lance à terre. Le Père qui a eu plus de peur que de mal se relève bien vite et cherche à fuir. Mais l’animal furieux de voir que sa victime va lui échapper, se lance de nouveau et cette fois atteint le Père à la cuisse et lui fait une blessure de six centimètres de profondeur. M. Martin averti de l’accident accourt aussitôt et fait porter le pauvre blessé à Chaudoc, où il passa de longs et pénibles jours en traitement. Nouvelles souffrances, nouveaux mérites, mais ce ne devait pas être encore pour lui l’épreuve finale.
« Dans ses heures de loisir, il avait embelli la maison du bon Dieu, fait agrandir la paillotte qui lui servait de presbytère, il avait même planté des aréquiers, des caféiers et des bananiers, donnant l’exemple du travail à ses chrétiens et préparant à son successeur une demeure plus agréable. Quoiqu’il fût en bonne santé, tout porte à croire qu’il avait un pressentiment de sa mort prochaine. Le dimanche dans l’octave de l’Ascension il régla ses comptes ainsi que ceux de l’église, et le samedi suivant, veille de la Pentecôte il était frappé de la mala¬die qui devait nous l’enlever. Vers le soir il sentit des frissons, puis la fièvre se déclara. Le lendemain, il rassembla toutes ses forces et voulut célébrer le saint sacrifice de la messe. Dieu le permit sans doute pour que l’Esprit Saint lui apportât toutes les grâces dont il aurait besoin pour soutenir son dernier combat. Ce jour-là et les deux jours qui suivirent, les chrétiens lui donnèrent des médicaments de toute espèce mais en vain, le mal progressait toujours. Alors ils le portèrent sur une barque et le conduisirent à Phnon-penh. Il en¬trait à l’hôpital français, le mercredi 19 à six heures du matin. A la première nouvelle de son arrivée, je courus pour le voir ; quelques minutes après, le Père Prodhomrne vint me rejoindre. Nous trouvâ¬mes le malade dans le bureau du docteur étendu sur une chaise longue attendant l’heure de la visite. Il eut de la peine à se soulever pour nous embrasser, tant il était faible, et lorsqu’il fallut monter les escaliers pour aller à la chambre qu’on lui destinait, les infirmiers furent obligés de le soutenir et même de le porter. En le voyant, le docteur le trouva très fatigué, mais n’osa point se prononcer. Le len¬demain, après la visite, il me dit : « Je n’ai pas grand espoir : le « pauvre Père a une hépatite très prononcée, je ne sais pas comment cela tournera. » Ce jour-là et les jours suivants, le docteur vint le voir jusqu’à six fois par jour. Le vendredi matin, trouvant le Père plus fatigué, je l’avertis de la gravité de son état et lui parlai de confession. « Je ne demande pas mieux, me dit-il, donnez-moi seulement quelques minutes pour me « préparer. »
« Il se confessa, puis me pria de lui administrer l’extrême-onction. Comme il n’était pas encore à l’extrémité, je crus devoir attendre. Le soir il me dit : « Veuillez passer cette nuit avec moi, ce sera la dernière. » Vers deux heures du matin, il eut une crise, et croyant que c’était la fin, je me hâtai de lui donner l’extrême-onction. Au moment où j’al¬lais commencer les onctions, il m’arrêta, demanda pardon aux sœurs et aux infirmiers qui le soignaient de tout le mal qu’il leur avait donné, me chargea de prier Monseigneur et les confrères de vouloir bien lui pardonner toutes les peines qu’il avait pu leur causer, s’adressant ensuite à Notre-Seigneur et à la sainte Vierge, il leur de¬manda pardon du peu de zèle qu’il avait apporté à leur service, puis il reçut l’Extrême-Onction avec un grand esprit d’humilité. « Lorsque je serai au « ciel, disait-il aux sœurs, je n’oublierai personne, je ne veux pas être un ingrat. » « Oui, je « suis bien malade, ajoutait-il, et si j’étais resté en France, il est probable que je ne serais pas à « deux doigts de la mort, mais je préfère être ici et dans l’état où je me vois réduit, sachant « que je fais le bon plaisir de Dieu. Oui, « mon Dieu, que votre sainte volonté soit faite et non « la mienne. »
« Toute sa vie il avait eu une dévotion particulière à Notre-Dame du Perpétuel Secours et à Notre-Dame de Lourdes. Aussi pendant sa dernière maladie était-ce vers cette bonne Mère que se dirigeaient le plus souvent les aspirations de son cœur . « Cherchez dans mon « bréviaire, me dit-il, je dois y avoir une image de Notre-Dame du Perpétuel Secours, donnez-« la moi, donnez-moi aussi un peu d’eau de Lourdes, il faut que la sainte Vierge me guérisse. « Je lui promets d’être désormais un bon missionnaire. » Sentiment bien naturel chez un pauvre mourant, que de voir s’échapper avec regret ces heures si précieuses que Dieu nous a données pour travailler et mériter. Pen¬dant sa courte maladie, il reçut plusieurs fois la visite de Monseigneur et celle de ses confrères. Le dimanche matin, le P. Prodhomme étant venu le voir, lui demanda comment il allait ; sans rien lui répondre le cher malade prit le crucifix qu’il portait à son cou et le lui montra en disant : « Dans quelques instants j’y serai. » Il ne se trompait pas en effet, car quelques instants après un dernier accès de fièvre se déclarait. Pendant toute la journée, il récita continuellement des prières, il dit la sainte messe, chanta des cantiques, surtout des versets de psaumes, lesquels étaient presque toujours appropriés à la circonstance. Ceux qui revenaient le plus souvent étaient ceux-ci : O Domina mea ! Ego servus tuus et filius ancillœ tuœ. — Dele iniqui¬tatem mea ! — Amplius lava me. — In manustuas, Domine, commendo spiritum meum, etc. Le lundi 25, vers deux heures et quart du soir, la fièvre ayant cessé, l’agonie commença. Autant il avait été agité dans la fièvre, autant il fut calme dans son agonie. Je commençai aussitôt les prières des agonisants, il reçut l’indulgence apostolique et rendit son âme à Dieu ; il était 2 heures trois quarts. Immédiatement tous les confrères de la mission furent avertis par dépêche télégraphique. Son âme put ainsi recueillir aussi promptement que possible le fruit des nombreuses messes célébrées à son intention. Son corps, revêtu des ornements sacerdotaux, fut transporté dans une salle de l’évêché, transformée en chapelle ardente, où les chré¬tiens cambodgiens et annamites passèrent une partie de la nuit en prière. Ses traits étaient parfaitement conservés. Tout le monde voulait le voir et en le voyant chacun faisait sa réflexion. « Qu’il est beau, « disait l’un, il ressemble à un saint. » « C’est vrai, disait un autre, on dirait saint Pierre. »
« Le mardi matin, à six heures, eurent lieu les funérailles. Monsei¬gneur pontifiait. Tous les confrères des environs étaient présents, la plupart des Européens de Phnom-penh y assistaient; la cathédrale était trop petite pour contenir les chrétiens venus de trois ou quatre chrétientés voisines. Son corps repose, à côté de l’église, attendant le jour de la résurrection. »
Références
[1803] REVIRON Pierre (1864-1891)
Notes bio-bibliographiques. - C.-R., 1889, p. 181. - A. M.-E., 1913, p. 258.
Notice nécrologique. - C.-R., 1891, p. 275.