Alfred RENOUARD1864 - 1893
- Statut : Prêtre
- Identifiant : 1882
Identité
Naissance
Décès
Missions
- Pays :
- Vietnam
- Région missionnaire :
- 1890 - 1893 (Vinh)
Biographie
[1882]. RENOUARD, Alfred-Joseph, originaire de La Canourgue (Lozère), où il naquit le 22 novembre 1864, sortait du grand séminaire de Mende et était acolyte, quand il entra au Séminaire des M.-E. le 29 septembre 1887. Il fut ordonné prêtre le 21 septembre 1889, et envoyé au Tonkin méridional le 23 décembre suivant. Mgr Pineau le plaça dans le district de Ha-tinh, où il apprit la langue et se forma à la vie apostolique ; la situation y était pénible, les rebelles restant en partie les maîtres dans la province. En 1893, le missionnaire tomba gravement malade et dut se rendre au sanatorium de Béthanie à Hong-kong. Il y mourut le 23 juillet de cette même année.
Nécrologie
M. RENOUARD
MISSIONNAIRE APOSTOLIQUE DU TONKIN MÉRIDIONAL
Né le 22 novembre 1864.
Parti le 23 décembre 1889.
Mort le 23 juillet 1893.
M. Alfred-Joseph Renouard naquit à la Canourgue, diocèse de Mende, le 22 novembre 1864, au sein d’une famille éminemment chrétienne. Son père, ancien soldat de l’Empire, remplissait à la Ca¬nourgue les modestes fonctions de gendarme ; c’était un chrétien de vieille souche à la foi vive et robuste. Un jour que M. Renouard, devenu missionnaire, faisait l’administration de son district, pendant le carême, un de ses confrères lui exprimait la crainte que sa santé, déjà très ébranlée, ne subît une nouvelle atteinte de ce maigre pro¬longé « Oh ! « répondit- il, le maigre ne m’effraie guère, il y a longtemps que j’y suis habitué. Jusqu’à mon « entrée au petit séminaire, j’avais bien lu dans mon catéchisme que l’on pouvait, avec « dispense, manger de la viande certains jours de carême, mais je ne l’avais pas encore vu « faire. »
M. Renouard était au grand séminaire de Mende, où son frère aîné l’avait précédé de plusieurs années, lorsque l’appel divin se fit entendre à lui. Nature généreuse, mais avant tout homme pratique et réfléchi, le jeune séminariste voulut d’abord s’assurer que c’était bien le Sei¬gneur qui parlait. Quatre ans de réflexion et de prière dissipèrent toute incertitude à cet égard, et M. Renouard arriva en septembre 1887 au Séminaire des Missions-Étrangères. Il partit en décembre 1889 pour le Tonkin méridional.
Pendant la traversée, le jeune missionnaire témoigna à ses confrères une très grande charité. Plusieurs souffrirent beaucoup du mal de mer et lui-même en ressentit les atteintes ; mais oubliant ses propres souffrances, il ne songeait qu’à procurer quelques adoucissements aux autres malades.
Arrivé à Xa-Doai, en février 1890, M. Renouard fut envoyé, quel¬ques jours plus tard, dans le district de Hatinh où il se livra à l’étude de la langue ; c’est le seul poste qu’il ait occupé pendant les trois années qu’il passa parmi nous. La province de Hatinh est certaine-ment celle de tout l’Annam où la pacification est le moins avancée. Quand le P. Renouard y arriva, les rebelles y étaient tout puissants ; la situation, hélas ! est encore à peu près la même aujourd’hui. Malgré son zèle, le Père n’eut pas la consolation de voir beaucoup de brebis nouvelles venir augmenter son troupeau ; mais avec quel soin, quel amour il veillait sur les anciennes ! Il aurait pu répéter, en se les ap¬propriant, ces paroles d’un autre pasteur dont il est parlé au commen¬cement de la Genèse : diu noctuque œstu urebar, fugiebatque somnus ab oculis meis. C’est à ce travail du jour et de la nuit qu’il faut attri¬buer la mort prématurée de notre regretté confrère.
En mars 1893, pour donner plus de solennité à la fête de Pâques, les trois missionnaires de Hatinh s’étaient donné rendez-vous au port de Sot, où cette fête devait être célébrée. Pendant quinze jours, les PP. Magat, Barlier et Renouard, après avoir prêché et catéchisé toute la journée, entraient au confessionnal au coucher du soleil, pour en sortir à minuit. Le matin dès l’aurore, il fallait être debout pour dire la messe, prêcher, communier les pénitents de la veille qui avaient hâte de s’en aller à la pêche. Les derniers jours de la semaine sainte furent particulièrement pénibles ; car c’est l’époque des examens sur le catéchisme. Chaque village de la paroisse doit fournir un certain nombre de candidats : jeunes gens pour l’oral, chefs de village pour l’écrit. Les examens finis, on fait en grande pompe la distribu¬tion des prix qui dure ordinairement trois jours. En résumé, l’âme du missionnaire trouve là de douces consolations ; mais le corps en sort absolument rompu. Après les fêtes, les Pères plièrent bagage au plus vite pour prendre du repos. La fièvre les suivit dans leur rési¬dence. Elle développa chez le P. Renouard une maladie de foie dont il se plaignait depuis longtemps déjà. Quelques jours plus tard, la dysenterie aggravait encore l’état du malade ; il dut, sur le conseil du P. Magat, demander la permission de se rendre au sanatorium de Hong-kong.
« Faire en tout et toujours la sainte et adorable volonté du bon Dieu, c’est notre part « spéciale à nous, prêtres du Seigneur, et quelque dure qu’elle soit à notre pauvre cœur, il la « faut savoir accep¬ter avec amour et résignation, non mea voluntas, sed tua fiat ! » C’est la parole que répétait souvent notre bien-aimé confrère, le P. Renouard, et qu’il dut redire avec tout son cœur, quand il fut obligé de quitter sa mission.
« Notre cher confrère, écrit le P. Holhann, arriva au sanatorium de Hong-kong, le 29 mai. « La dysenterie disparut bientôt, pour faire place à une diarrhée qui résista à tous les « traitements employés en pareil cas. Un mieux sensible se manifesta pourtant ; il ne fut pas « de longue durée, et bientôt la fièvre vint encore compliquer l’état du malade, et augmenter « notre inquiétude. Le Père garda la chambre et ne put plus célébrer la sainte messe ; le 9 juin, « fête du Sacré-Cœur , il fit la sainte communion à la chapelle. Il aurait bien désiré offrir le « saint sacrifice ; cela lui était devenu impossible et il dut se contenter de recevoir la sainte « Eucharistie, les dimanches et jours de fête. Il fut un moment question de l’envoyer en « France ; mais le docteur déclara le voyage dangereux. Le foie était tellement dilaté que les « médecins appelés en consultation se résolurent à faire une ponction. L’opération réussit « admirablement. La fièvre tomba et les douleurs diminuèrent. Nous étions tous heureux de « cette amélioration. Hélas ! elle ne devait être que transitoire. Dès le 8 juillet, la douleur « reparut dans la région du foie et la diarrhée reprit avec une nouvelle intensité. Le malade « devenait de plus en plus faible, ne pouvant prendre une quantité de nourriture suffi¬sante « pour se soutenir. Le 10 et le 11, les douleurs s’accrurent, et le 12 au soir, au moment où le « docteur voulait ausculter le Père, une crise violente se déclara, et je lui fis de suite une « injection de morphine pour calmer les souffrances atroces qu’il endurait. Le lendemain, il « était mieux ; mais il ne pouvait encore facilement se remuer dans son lit. La nuit se passa « sans sommeil. La fièvre était forte le 14, et la soif très ardente ; cependant le malade ne « voulut point boire afin de recevoir la sainte communion. Il fut tranquille ce jour-là, et put « même se lever quelque temps sans trop souffnir.
« Le 15, le pouls s’affaiblit et on peut remarquer chez le P. Renouard, un affaissement « général de mauvais augure. Le 16, il reçoit encore la sainte communion. Il comprend alors « la gravité de son état. Le 17 et le 18 se passent sans incident. Le 19, le cher Père est plus « fatigué. Vers deux heures du soir, ayant essayé de s’étendre sur une chaise longue pour « changer un peu de position, il éprouve un commencement de syncope qui m’effraye. « Redoutant une compli¬cation, je lui propose de l’administrer. Il accepte avec joie, et à 4 « heures je lui donne les derniers sacrements. Il est heureux de suivre les prières de l’Église et « de répondre lui-même aux versets et oraisons. Le reste de la journée est assez tranquille : « seule la difficulté d’avaler les liquides le fait souffrir. Le lendemain 20, le docteur constate « que le foie est de nouveau considérablement dilaté. Le cas est grave. Une consultation a lieu « le 21, et les médecins décident de tenter une nouvelle opération. Le 22, à 8 heures et demie « du matin, ils se mettent à l’œuvre. La troisième ponction révèle l’existence d’un abcès et on « introduit dans l’ouverture un tube de drainage. Les médecins se retirent satisfaits du résultat « obtenu, mais inquiets de différents symptômes qui semblent indiquer que l’abcès découvert « n’est pas le seul qui existe dans le foie. En effet, vers midi des douleurs très vives se « produisent et la fièvre se déclare très forte. Le cher malade dit alors : « Mon Dieu, je vous « offre mes souffrances, » et pensant au divin crucifié, il ajoute : Il a souffert plus que moi et « cependant il n’était pas coupable. Non mea voluntas, sed tua fiat ». Vers 10 heures du soir, « le calme revient, mais la faiblesse augmente toujours. Il me demande quelques gouttes d’eau « de Lourdes et me prie de lui suggérer des invocations. Je l’interroge ensuite : « Vous sentez-« vous fatigué ? » « Non, me répond-il. » Vers 4 heures du matin je m’aperçois d’un « changement dans les traits du malade. Redoutant une syncope, je lui donne l’indulgence « plénière in articulo mortis. Je récite ensuite les prières des agonisants en les interrompant « parfois pour lui suggérer quelque pieuse invocation, qu’il répète après moi, non sans « difficulté. Le pouls se ranime un instant ; je vois encore les lèvres du cher Père se remuer « pour dire avec moi : Jésus, Marie, Joseph ; mais la voix n’est plus entendue que du bon « Dieu. Je lui donne une dernière absolution et à cinq heures deux minutes, il rend doucement « son âme à son Créateur, sans secousse ni convulsion.
« Tous les missionnaires présents au Sanatorium purent immédia¬tement célébrer le saint « sacrifice pour le repos de l’âme du défunt. Le corps revêtu des ornements sacerdotaux fut « exposé dans la chapelle où les confrères se partagèrent les heures de garde jusqu’au « lendemain. Après le chant d’un nocturne de l’office des Morts, la messe solennelle fut « célébrée par un de ses amis du séminaire. La cérémonie des funérailles eut lieu à 2 heures « du soir. Le bien-aimé Père repose dans notre cimetière, à quelques pas de la maison. Il est « mort comme il avait vécu, dans la simplicité et le détachement apostoliques. Rien de bien « éclatant ne relèvera aux yeux des hommes sa vie cachée ; mais le Père qui voit dans le « secret » lui rendra le prix de son dévouement et de son abnégation. »
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