Jacques DROUHIN1872 - 1918
- Statut : Prêtre
- Identifiant : 2325
Identité
Naissance
Décès
Missions
- Pays :
- Inde
- Région missionnaire :
- 1897 - 1918 (Pondichéry)
Biographie
[2325] Jacques DROUHIN naît le 24 juillet 1872 à Saint Vallier en Saône-et-Loire. Pour ses études, on l'envoie au pensionnat des Frères des Écoles chrétiennes de Digoin, où il tient toujours la tête de sa classe. En octobre 1885, il quitte Digoin et pour entrer au Petit séminaire de Rimont Il y est encore brillant élève. Doué pour la musique, il apporte une attention toute particulière à l'harmonium et au chant grégorien et fait bientôt preuve d'un réel talent. Chaque année, il remporte tous les premiers prix de sa classe. Son directeur est le seul à connaître son désir de se consacrer aux Missions. Comme il doit faire son service militaire, on lui conseille d'attendre au Grand séminaire d'Autun le moment se son incorporation sous les drapeaux et de ne se rendre à la rue du Bac à Paris qu’après sa libération. Ainsi fait-il. Au Séminaire des Missions Étrangères, il se montre travailleur et brillant séminariste. Il est chargé du chant, ce qui lui cause un plaisir véritable et ce dont il s'acquitte fort bien. Ordonné prêtre le 27 juin 1897, il est destiné à la Mission de Pondichéry.
Professeur
Parti le 25 août 1897, il y arrive le 18 septembre. Mgr Gandy, son évêque, le nomme immédiatement professeur de philosophie au Collège colonial. Après la laïcisation de ce collège en 1899, il continue ses cours au Collège du petit séminaire, prés de l'évêché.
Pour lui permettre de se former au ministère pastoral, on l’envoie en 19O3 à Attipakam (1) où il se met sérieusement à l'étude du tamoul.
Missionnaire, éducateur éclairé
Un an plus tard, il est nommé à Cuddalore (2) avec le P. Bruyére. Lorsque celui-ci démissionne, il se retrouve seul à la tête d'une chrétienté importante, dans un chef-lieu avec de hauts magistrats, des fonctionnaires et employés du Gouvernement, un Collège catholique et un Couvent, des oeuvres à soutenir ou à entreprendre. Couché très tard et levé tôt, il s'emploie à mieux organiser et développer les oeuvres existantes et à en créer de nouvelles. Il réalise que les religieuses indigènes ont besoin d'instruction et d'éducation et il fait tout pour les orienter dans cette direction. Il veut aussi former une élite catholique et à cet effet crée un club à l’intention des hommes instruits de sa paroisse.
Par-dessus tout, il comprend qu'il faut faire quelque chose pour les garçons parias ou hors caste, ceux que Gandhi appelle Harijans et qu'on appelle maintenant ‘‘dalits’’. Ces garçons n’ont pas d’écoles alors que ceux de caste fréquentent le Collège St. Joseph. Aussi s’évanouissent-ils dés l'âge de neuf dix ans et sont-ils mis un peu partout au travail pour gagner leur vie. Aux yeux du missionnaire, ce sont d'enfants perdus. Une école leur est donc ouverte. Pour les attirer, le P. Drouhin commence une fanfare avec ses premiers élèves. Il ne peut leur donner que des flageolets en fer blanc, mais bientôt la musique accompagne les exercices de gymnastique à l'école Ste Marie. En peu de temps, le nombre des élèves devient considérable et, chose inouï pour l'époque, les enfants de caste demandent à être admis dans cette école. Le P. Drouhin peut alors s'adonner à la formation religieuse de tous ces enfants. Excellent catéchiste, il a bientôt la satisfaction de constater que les enfants de Cuddalore, garçons et filles, savent parfaitement leur catéchisme et s'approchent des sacrements chaque semaine.
Éducateur imité
Cette école Ste Marie fut reconnue par les inspecteurs du Gouvernement comme l'une des premières du même genre dans la Présidence de Madras. A l'école d'instruction générale, le Père avait ajouté une annexe industrielle où les garçons apprennent la menuiserie, la typographie, etc., et sortent capables de gagner leur vie C'est ainsi que cette école devient un modèle pour les autres écoles élémentaires du diocèse. Un Comité des écoles, composé de missionnaires sous la direction du P. Gavan Duffy, est formé pour continuer à développer cette idée. Le P. Drouhin pratique également un autre apostolat, celui des malades. Il est d'un dévouement sans borne pour eux. Un autre trait saillant de sa charité est aussi son amabilité envers ses confrères. Il est toujours très heureux de les recevoir, toujours disposé à jeter une note de joie dans la conversation.
Vers la fin de 1916 malheureusement, des abcès se déclarent qui prouvent l'épuisement du sang. On le mène à l'hôpital Ste Marthe de Bangalore. Puis, on le conduit sur les montagnes de Yerkaud, près de Salem (3), où il reprend quelques forces. Il n'y a bientôt plus aucun espoir de guérison, et on l'avertit de se préparer à la mort. Il se confesse en toute connaissance, reçoit le sacrement des malades et le Saint Viatique, et rend son âme à Dieu. Nous avons l'assurance que le Dieu des apôtres l'a magnifiquement récompensé de son zèle ardent et éclairé.
1 – environ 40 km à l’ouest de Pondichéry dans les indes anglaises.
2 – Juste au sud de Pondichéry sur la côte de Coromandel.
3 – Aujourd’hui Salerne.
Nécrologie
M. DROUHIN
MISSIONNAIRE APOSTOLIQUE DE PONDICHÉRY
M. DROUHIN (Jacques), né à Saint-Vallier (Autun, Saône-et-Loire), le 24 juillet 1872. Entré laïque au séminaire des Missions-Etrangères le 15 octobre 1894. Prêtre le 27 juin 1897. Parti pour Pondichéry le 25 août 1897. Mort à Bangalore le 26 mai 1918.
M. Jacques Drouhin naquit à Saint-Vallier en 1872. Bientôt orphelin de père, il passa son enfance avec ses frères auprès de sa mère, qui n’épargna rien pour former ses enfants à des habitudes foncièrement chrétiennes, et « not’ Jacques » comme l’appelait plus tard l’abbé Noblet, son professeur de philosophie à Rimont, répondit aux attentions de sa mère par une affection bien vive et bien touchante.
Il entra de bonne heure au pensionnat des Frères des Ecoles chrétiennes de Digoin. Ses maîtres eurent vite remarqué l’intelligence de leur nouvel élève, qui tint toujours la tête de sa classe. On fit de lui un moniteur et on lui disait parfois : « Quand vous serez Frère, etc... » Ces paroles, plusieurs fois renouvelées sous une forme ou sous une autre, finirent par l’intriguer ; il en avisa sa mère lui disant qu’il ne voulait pas être Frère, mais qu’il désirait être prêtre. Il quitta Digoin, et en octobre 1885, il était à l’école cléricale de Rimont dont il fut un brillant élève.
Dans cette maison, on forme avec soin les élèves du sanctuaire à une bonne exécution du chant grégorien et de la musique religieuse. L’harmonium et le plain-chant eurent des attraits particuliers pour le jeune Drouhin, et dès sa sixième il les étudia avec assiduité. Il fit bientôt preuve d’un réel talent. Pendant son année de seconde, il accompagnait les élèves à l’harmonium, que ce fut musique ou plain-chant.
Chaque année scolaire, il avait remporté tous les premiers prix de sa classe, il avait passé brillamment la première partie du baccalauréat et se préparait en philosophie à la seconde partie qui devait lui apporter son diplôme complet. Il avait révélé un talent de musicien assez élevé, pour que ceux qui estiment tout musicien un peu fou, missent en doute sa vocation ecclésiastique. Son directeur seul connaissait son désir de se consacrer aux Missions. A la fin de son année de philosophie, le supérieur de l’école, le regretté M. Rigaud qui, sans en avoir, l’air, était heureux et fier de voir s’allonger la liste des Rimontains qui partaient pour les Missions, fut lui-même un peu inquiet à son sujet ; il l’appela un jour et lui dit à brûle pourpoint : « Voyons, Drouhin, à quoi penses-tu? est-ce que vraiment tu veux aller au grand séminaire? – Non, Monsieur le Supérieur, je n’ai pas l’intention d’aller au grand séminaire. – Mais, qu’est-ce que tu veux donc faire? et pourquoi es-tu resté ici si tu ne veux pas aller au grand séminaire ? » Le Supérieur ne put obtenir d’autre réponse, et il congédia Jacques Drouhin en lui disant: « Va-t-en, tu es un orgueilleux. » M. Drouhin ne voulait pas en réalité entrer au grand séminaire d’Autun, il désirait solliciter son admission aux Missions-Etrangères. Mais il avait à faire son service militaire ; on lui conseilla d’attendre au grand séminaire d’Autun le moment de son incorporation sous les drapeaux, et de se rendre à la rue du Bac après sa libération seulement ; c’est ce qu’il fit.
A la caserne, à Dijon, M. Drouhin se plut pendant quelque temps à cacher ses talents. Un jour, cependant, il crut devoir se faire connaître un peu mieux. On demanda aux nouveaux venus : « Qui sait écrire ? – Je sais un peu, dit le soldat Drouhin. » L’adjudant le toise étonné : « Vous savez écrire, vous ! ...bon, montrez-moi ce que vous savez faire. – Quel genre d’écriture voulez-vous ? de la bâtarde, de la ronde, de la gothique ? – Vous savez tout ça vous ? Où avez-vous donc appris à écrire ? – Pendant mes études. – Vous avez fait des études, vous ?... Mais qu’est-ce que vous faites donc dans le civil ? – Je suis séminariste. – Oh ! moi qui vous prenais pour un cordonnier ! » Et continuant de répondre aux questions qui lui étaient posées, M. Drouhin déclara qu’il allait partir pour les Missions. L’adjudant de plus en plus étonné, se tourne vers les autres soldats : « Ce gros-là, leur dit-il, va s’en aller chez les sauvages, et tel que vous le voyez dans quatre ans il sera mangé... eh bien, ce n’est pas moi qui le suivrai ! »
Dès qu’il fut libéré M. Drouhin entra au séminaire des Missions-Etrangères. Il s’y montra travailleur, et très fidèle à ses exercices de piété. Il fut chargé de l’enseignement du chant, ce qui lui causa un plaisir véritable et ce dont il s’acquitta fort bien.
Ordonné prêtre en 1897, il fut destiné à la mission de Pondichéry où il arriva le 18 septembre. Ce jour là même Mgr Gandy le pria de se charger du cours de philosophie, au collège colonial, et tout de suite le nouveau professeur se mit au travail. Après la laïcisation du collège en 1899, il continua son cours au petit séminaire où ses élèves l’avaient suivi. En 1903, il fut envoyé à Attipakam auprès de M. Grosborne pour se former au ministère et étudier la langue du pays. Un an plus tard, il était à Cuddalore (Newtown) avec M. Bruyère.
Quand ce dernier jugea que son vicaire pouvait voler de ses propres ailes, il pria Monseigneur de le nommer à sa place, et de lui donner à lui-même un autre poste. Ainsi fut fait.
M. Drouhin craignit de ne pouvoir faire face à ses nouvelles obligations. L’archevêque le rassura et bientôt l’on constata les bons résultats de cette nomination. Se voyant seul à la tête d’une chrétienté importante, dans un chef-lieu d’administration anglaise, avec de hauts magistrats et un certain nombre d’employés du gouvernement, un collège et un couvent considérables, des œuvres à soutenir ou à entreprendre, M. Drouhin se mit avec une ardeur extrême à l’étude des langues, et pour trouver le temps nécessaire il s’imposa des veillées quotidiennes jusqu’à 11 heures et minuit. A 3 heures ½ du matin il était debout, faisait son oraison et récitait ses Petites Heures ; il avait ainsi toute sa journée pour vaquer aux devoirs de son ministère après la célébration de la sainte messe. Il diminuera dans la suite la longueur de ses veilles, mais il resta fidèle à se lever de très bonne heure pour gagner du temps.
Il s’employa immédiatement à mieux organiser, à développer les œuvres existantes et à en créer de nouvelles. A Cuddalore il y avait un couvent de religieuses indigènes, il y perfectionna l’instruction et l’éducation. Il ouvrit un « club » pour les hommes instruits, auxquels il faisait d’intéressantes conférences, essayant de les rendre la classe dirigeante de la paroisse.
Les filles de caste et les pariates avaient une école au couvent ; les garçons de caste avaient pour eux le collège Saint-Joseph ; seuls les petits parias étaient sans école. Aussi dès l’âge de 9 à 10 ans disparaissaient-ils pour aller un peu partout gagner leur vie ; c’étaient autant d’enfants perdus. Une école leur fut ouverte, et pour les attirer, prenant les parias par leur faible. M. Drouhin commença avec ses premiers élèves une fanfare. Assurément les débuts furent modestes, car les musiciens n’avaient pour instruments que des flageolets en fer blanc. Après quelques semaines, la musique accompagnait les exercices de gymnastique à l’école Sainte-Marie. Les débuts furent difficiles, le paria n’a guère de goût pour l’étude, mais en dépit des difficultés et des déboires, du manque de ressources, des sacrifices à s’imposer, le missionnaire poursuivit son œuvre, et ses efforts furent couronnés d’un magnifique succès. En peu de temps, le nombre des élèves était devenu considérable, et les enfants de caste demandèrent à être admis à l’école. M. Drouhin formait lui-même ses professeurs, traçait ses programmes, faisait imprimer en tamoul de bons petits manuels, qui avec ses notes excitaient l’admiration des hommes au courant des questions scolaires. Il avait l’œil à tout, mais son grand souci fut toujours l’instruction religieuse des enfants ; catéchiste émérite, il eut bien vite la consolante satisfaction de constater que les enfants de Cuddalore, garçons et filles, savaient parfaitement leur catéchisme, et n’étaient pas embarrasés pour donner les explications qu’on pouvait leur demander ; faut-il ajouter que tous ces enfants s’approchaient des sacrements chaque semaine.
L’école Sainte-Marie n’était pas ouverte depuis trois ans, qu’elle était placée par les Inspecteurs du gouvernement au nombre des premières écoles de même genre dans la Présidence de Madras ; tout y marchait selon les programmes officiels ; à l’école élémentaire avait été ajoutée une annexe industrielle, où les petits parias apprenaient la menuiserie, la typographie, etc., et devenaient capables de gagner leur vie autrement qu’en s’expatriant ; la modeste fanfare de flageolets était devenue une vraie fanfare à l’européenne, avec costume et bannière, et on la demandait, parfois même de bien loin, pour rehausser les grandes fêtes religieuses.
Exempla trahunt, l’école Sainte-Marie fut prise comme modèle par les autres écoles élémentaires de la mission, et les missionnaires de Pondichéry cherchent aujourd’hui à imiter ce qu’a fait M. Drouhin, qui fut parmi nous, a écrit l’un d’eux, le pionnier de l’enseignement élémentaire, choisi de parti pris comme base du zèle paroissial et apostolique. Nous avons maintenant un Comité des écoles composé de missionnaires, sous la direction de M. Gavan-Duffy, qui veut continuer et développer cette idée.
Une autre catégorie de ses chrétiens avait attiré aussi d’une façon particulière et bien édifiante toute sa sollicitude : c’étaient les malades. Pour eux son dévouement était sans borne, ses attentions toutes maternelles ; il fut pour les pauvres membres souffrants de son troupeau le bon Samaritain, qui savait délicatement verser l’huile sur leurs plaies, les aider, les encourager avec tout son cœur et toute sa foi. Un trait saillant aussi de la charité de M. Drouhin, c’était son amabilité avec ses confrères ; malgré ses occupations absorbantes, il était toujours très heureux de les recevoir, toujours disposé à jeter une note gaie dans la conversation.
Paroisse, œuvres, école, tout marchait bien, quand le cher Père succomba ; ses forces le trahirent, il tomba victime de son zèle. Vers la fin de 1916, des abcès se déclarèrent qui prouvèrent l’épuisement du sang. Il se raidit contre la maladie, mais en vain. Ses chrétiens de Cuddalore le firent conduire à leurs frais à l’hôpital Sainte-Marthe à Bangalore. Le docteur déclara qu’il n’y avait rien à faire, que le malade touchait à sa fin. « Soignez-moi, docteur, lui dit M. Drouhin, je vous dis que vous me guériez. » De fait, au bout de quinze jours, grâce aux soins des bonnes religieuses, et surtout sans doute aux ferventes prières que l’on faisait à Cuddalore, le malade sembla reprendre quelques forces. Deux mois après, il put se rendre à Yercaud où ses forces se renouvelèrent. Ce fut pour lui une grande joie de pouvoir s’occuper des écoles de la paroisse, et de préparer un groupe d’enfants à la première communion. Le médecin de Yercaud aurait voulu le garder sur les montagnes au moins pendant un an ; il affirmait qu’il serait dangereux pour lui de redescendre dans la plaine trop vite, et surtout d’y reprendre son travail trop tôt. Notre cher confrère, en effet, avait conservé de sa maladie des indices auxquels on ne pouvait se méprendre ; il était à moitié sourd, et sa vue était si faible qu’il dut demander l’autorisation de célébrer la messe de Beata. Cependant au mois de juillet 1917, il voulut absolument reprendre son poste ; hélas ! quelques, mois plus tard il dut retourner à Yercaud. Cette fois il n’y avait vraiment plus d’espoir de guérison. Le pauvre malade, n’ayant presque plus aucune de ses facultés, vécut ainsi jusqu’en mai 1918. A cette époque son affaiblissement fut tel qu’on l’avertit de se préparer à la mort. Il sembla alors sortir d’un rêve, et grâce touchante, il put se confesser en pleine connaissance, recevoir le saint viatique, l’extrême-onction, répondre aux prières liturgiques, puis quand tout fut terminé, il retomba dans son état. Quelques jours plus tard, le 26 mai, il rendait son âme à Dieu.
Cher Père Drouhin, nous vous pleurons, car vous avez laissé un grand vide au milieu de nous, en des temps particulièrement difficiles, et nous vous remercions des bons et féconds exemples que vous nous avez donnés. Nous avons la douce assurance que le Dieu des apôtres vous a magnifiquement récompensé de votre zèle ardent.
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Références
[2325] DROUHIN Jacques (1872-1918)
Références biographiques
AME 1897 p. 772. 1911 p. 219 (art.). 1913 p. 142 (art.). 215. 1914 p. 211. 1917-18 p. 362. 1939 p. 109. CR 1897 p. 278. 1906 p. 231. 240. 1908 p. 239. 1909 p. 226. 1911 p. 238. 1912 p. 282. 1916 p. 164. 1918 p. 113. 174. 1922 p. 142.