Jean RIEU1875 - 1937
- Statut : Prêtre
- Identifiant : 2422
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Identité
Naissance
Décès
Missions
- Pays :
- Birmanie
- Région missionnaire :
- 1899 - 1937 (Yangon [Rangoun])
Biographie
[2422] RIEU Jean-Pierre, né le 15 août 1875, à Banhars, commune de Campouriez (Aveyron), diocèse de Rodez, y fit ses études primaires, en apprenant le latin que lui enseignait le curé du village. Espiègle, néanmoins bon élève, il entra en 4ème au collège d'Espalion pour ses études secondaires ; admis au Grand séminaire de Rodez où il passa trois ans, il fit son service militaire et entra aux Missions Etrangères le 10 septembre 1896. Ordonné prêtre le 25 janvier 1899, il partit le 28 juillet pour la Birmanie méridionale où il eut une existence mouvementée.
Devant apprendre l'anglais, il fut vicaire auprès du Père Mignot à Naug-Lebin ; ce dernier le laissa indépendant dans Pegu, ville importante, afin de se perfectionner en anglais et en birman. Au bout d'un mois, les résultats étant probants, il repartit pour Naug-Lebin où le Père Mignot lui confia la construction de l'église, le Père Rieu se révéla un habile architecte tout en continuant à parfaire sa connaissance des langues anglaise et birmane. Envoyé à Thaton chez les Karians qui furent difficiles à convertir, il quitta ce poste et fut envoyé successivement avec la fonction de vicaire de M. Kern à Myaungmia, puis à Paukseinbé. Vers 1909, le Père Rieu fut appelé à Rangoon comme assistant directeur de la Léproserie puis en assura la direction en apprenant quelques rudiments de médecine afin d'être de quelque utilité.
En 1928,il fut envoyé à Gyobingauk où il passa les neuf dernières années de sa vie, s'occupant d'une paroisse de deux mille âmes, aidé par deux vicaires indigènes. Assurant également la direction de deux écoles anglaises, il eut quelques ennuis pour la gestion financière de ces établissements.
Vivant depuis trente huit ans, dans un climat malsain, humide, chaud, sa santé se détériora rapidement et il expira à Rangoon le 19 septembre 1937, n'ayant pris qu'un congé en France de six mois.
Nécrologie
M. RIEU
MISSIONNAIRE DE LA BIRMANIE MÉRIDIONALE
M. RIEU (Jean-Pierre) né le 15 août 1875 à Banhars, commune de Campouriez, diocèse de Rodez (Aveyron). Entré minoré au Séminaire des Missions-Entrangères le 10 septembre 1896. Prêtre le 25 février 1899. Parti pour la Birmanie méridionale le 26 juillet 1899. Mort à Rangoon le 19 septembre 1937.
Sur la pente méridionale des monts d’Auvergne, en contrefort d’une des rives escarpées de la fougueuse Truyère, affluent du Lot, le petit hameau de la Nauq, aux cinq maisons bâties à flanc de coteau, vit naître en 1875, Jean-Pierre Rieu, futur apôtre de Birmanie. Ce hameau, dépendant de la paroisse de Banhars, était entièrement composé de petits propriétaires, surtout vignerons et tous rudes travailleurs. Un paresseux n’aurait pu vivre dans un pareil pays.
La famille Rieu était riche en solides traditions chrétiennes. Pendant la Révolution, elle avait, durant de longs mois, donné asile à un prêtre poursuivi comme insermenté. Le père de notre missionnaire avait lui-même songé au sacerdoce, mais avait dû y renoncer par dévouement pour ses parents qui n’auraient pu se passer de son travail. Il resta d’ailleurs remarquablement pieux. Peu après la fin de la guerre de 1870, il avait, à 35 ans, épousé une orpheline dont la dot consistait surtout en une foi vive, un cœur d’or, un caractère très énergique et un rare bon sens. Absorbé lui-même par les durs labeurs de son exploitation, il laissa à sa femme autorité absolue sur le ménage et les enfants. Madame Rieu avait eu une enfance éprouvée. Orpheline de mère à quelques jours et de père à 3 mois, elle avait été élevée par un oncle et une tante, tous deux estropiés à la suite d’un même accident. Toute sa vie, elle conserva une piété vive et pratique, qui la soutenait dans ses devoirs d’épouse et de mère, et lui inspirait vis-à-vis des pauvres et des malades une charité qui, dépassant de beaucoup le précepte, touchait souvent à l’héroïsme. Quatre enfants vinrent égayer le foyer, trois filles, dont une devint religieuse, et un fils. A la naissance de ce dernier, son père l’offrit à Dieu en disant : « Merci de m’avoir donné un fils. Faites qu’il soit prêtre un jour. » Dans des conditions de vie où l’aisance dépendait surtout du travail masculin, cette prière était simplement héroïque.
Banhars, où se trouvaient l’église et l’école, était distant de deux kilomètres par le raccourci, c’est-à-dire par un chemin pierreux et accidenté que Jean-Pierre, en compagnie de sa sœur aînée, commença à parcourir quatre fois par jour, dès l’âge de 4 ans et demi. C’est dire que Madame Rieu n’élevait pas ses enfants dans du coton. Elle les voulait courageux et durs à la peine. Elle tenait aussi à ce qu’ils apprennent vite et bien, et prétendait les habituer de bonne heure au travail.
Bientôt les enfants commencèrent à suivre le catéchisme paroissial qui était enseigné à 7 heures. Comme il suivait immédiatement la messe, ils assistaient à celle-ci, et Jean-Pierre apprit promptement à la servir. Il fallait donc quitter la maison vers 6 heures, c’est-à-dire avant le jour pendant trois mois de l’année. Lestés d’une abondante assiettée de soupe aux légumes, grignotant leur morceau de pain, souvent sec, quelquefois agrémenté d’un morceau de fromage, les deux enfants partaient d’un pas allègre. S’il faisait nuit, ils récitaient le chapelet pour éclairer la voie, suivant la pittoresque expression de l’excellente sœur qui nous a livré ces détails. Pierre était un peu poltron et craignait les ombres mouvantes. Sa mère faisait semblant de l’ignorer, ne voulant pas l’encourager dans ce défaut, et sa sœur s’efforçait de lui remonter le moral, mais il lui fallut plusieurs années pour se libérer de ce petit travers.
Le caractère remuant du futur missionnaire lui faisait trouver longues les séances de classe. Rêvant à la vie au grand air, regardant par la fenêtre, il se faisait souvent punir. Par contre, il servait la messe avec une exceptionnelle piété. Les jours de congé, Pierre savait se rendre utile dans la famille, et, de bonne heure, sans doute, il acquit cette adresse qu’il conserva toute sa vie.
Sa première communion faite avec grande ferveur, il semblait mûr pour quitter l’école et s’initier aux travaux des champs pour lesquels le jeune enfant avait goût et aptitudes ; mais il sentit en lui des attraits pour la vocation sacerdotale et en fit part à un de ses parents éloignés, le P. Alary, qui devait mourir pendant la grande guerre après avoir organisé une ambulance à Troyes. « Je suis, lui dit-il, presque sûr que Dieu m’appelle au sacerdoce. Mais, si je le dis, personne ne me croira.» On le crut cependant ; le père voyant là sa demande exaucée. De part et d’autre, la réponse à l’appel divin dut être très méritoire. Jean-Pierre, passionné pour la vie au grand air et détestant les livres, pour l’amour du bon Dieu, un joug qu’il aurait pu allégrement rejeter. Son père se privait, pour ses travaux d’un aide dont il pouvait déjà apprécier l’activité et les aptitudes, et n’était pas sans prévoir les dépenses futures. Mais son amour pour Dieu, son zèle pour les âmes, firent taire les autres considérations, et Jean-Pierre, après trois mois d’études chez son cousin, fut mis sous l’égide du curé de Banhars pour s’initier à la langue latine.
« Qui veut la fin veut les moyens » dit un proverbe. C’est peut-être vrai en théorie, mais, en pratique, la question se complique. Jean-Pierre n’oscilla jamais dans son ferme désir de servir Dieu dans le sacerdoce, mais de là à trouver ses délices dans la conjugaison des verbes latins, il y avait loin. A la sortie de la classe du matin, à l’école communale, notre jeune écolier se présentait à la cure pour y étudier le latin et, comme le digne pasteur punissait toujours les méfaits d’ignorance par une retenue d’une heure, il ne restait plus grand temps pour courir à la Nauq, et y prendre son déjeuner avant l’ouverture de l’école de l’après-midi. Aussi, dans ces circonstances, c’était son compagnon d’étude qui allait chercher le repas du délinquant ; et la digne maman, qui n’excusait jamais la paresse, avait un menu spécial pour ces graves et fréquentes occasions. C’était toujours une gamelle de soupe avec un morceau de pain. Si la grande sœur faisait l’expédition, elle y glissait discrètement un morceau de fromage ou une tranche de saucisson, mais Jean-Pierre, souvent espiègle, était toujours loyal, et le morceau défendu par la mère était secrètement rapporté le soir à la maison.
Cette loyauté était l’un des traits de son caractère. Une bonne farce était dans ses goûts, mais, s’il était pris, il ne se serait pas sauvé par un mensonge, et, puni, il accomplissait la punition jusqu’au bout. Le fait suivant en est un exemple : Une diversion favorite des jeunes latinistes à la monotonie de l’étude consistait à doucher les passants. Le pot à eau du curé était mis à contribution, et la servante n’en revenait pas de le trouver vide. Peu à peu il y eut des plaintes : les arrosés soupçonnèrent l’identité des arroseurs ; le curé guetta, et, par un bel après-midi de jeudi, Jean-Pierre est trouvé en possession d’une seringue. « A genoux jusqu’à nouvel ordre, » dit le curé. Mais le nouvel ordre n’arriva pas. Le pasteur a été appelé auprès d’un malade dans un hameau éloigné ; puis d’autres circonstances l’ont retardé jusqu’au dîner ; il se met à table sans penser au pauvre espiègle. Mais, à la Nauq, on s’inquiète, et c’est le père lui-même qui vient enquêter. M. le curé, qui est à table, se frappe le front. « Je l’ai oublié, le pauvre petit, » dit-il. Les deux hommes montent dans la chambre et trouvent Jean-Pierre toujours à genoux : il accomplissait loyalement sa punition. Son père ne voit pas ce détail : son attention est trop absorbée par l’espièglerie de son fils. « Monsieur le curé, je crois qu’il me faudra mettre ce garçon à piocher la vigne. Nous n’en ferons jamais un écolier studieux. En attendant, sa mère va régler le cas présent. » Jean-Pierre, délivré de sa prison, part sans attendre son père, et arrivé à la Nauq, se réfugie dans sa chambre. Personne ne l’a vu entrer ; mais, au retour du père, la mère comprend tout. Sans dire un mot, elle passe un morceau de pain à sa fille. Celle-ci comprend, fait la commission, et tout en grignotant son pain sec, le délinquant médite sur les conséquences de sa boutade. Dès le lendemain, après un entretien sérieux avec sa mère, il promet de travailler dur, et tient si bien parole jusqu’à la fin de l’année, qu’on le juge bon pour entrer en quatrième au collège d’Espalion.
Admis au grand séminaire de Rodez, il y passa trois ans, et y obtint toujours de bonnes notes. Pour occuper utilement congés et récréations, il se fit nommer jardinier, charge qu’il dut fort bien remplir, car le Supérieur du séminaire, qu’il revit vingt-cinq ans après, se rappelait très clairement ce détail de sa vie. Après son service militaire et deux années passées à la rue du Bac, il fut ordonné prêtre et reçut sa destination pour la Birmanie Méridionale. Ses parents n’avaient pu venir à l’ordination : c’était une des années creuses pour les viticulteurs, l’époque où les vignes replantées commençaient à peine à rendre. Ils se contentèrent, ce jour-là, d’assister en famille à Banhars, à une messe dite à son intention. Durant cette messe, le père crut voir une manifestation miraculeuse : un bel enfant sur la Sainte Hostie. Cependant, sa femme n’ayant rien vu et lui ayant conseillé le silence, il ne confia son secret qu’à sa fille, quinze années après, ajoutant qu’en souvenir de cette vision, il avait récité le rosaire, tout en travaillant, tous les jours de sa vie. Quelques jours après, grande fête à la Nauq. Après une messe solennelle à la paroisse, parents et amis se réunissaient autour de la table familiale ; mais quinze jours s’étaient écoulés et la séparation définitive était arrivée. « Reviens dans 20 ans », dit la mère à son fils. Il tint parole.
M. Rieu eut en Birmanie une existence mouvementée, les premières années surtout. Il fallait d’abord apprendre l’anglais. Pour cela, on le confia à M. Mignot qui, partant du principe qu’il faut se jeter à l’eau pour apprendre à nager, ne tarda pas à laisser seul son jeune vicaire dans la ville assez importante de Pegu, succursale de son poste de Nyaung-lebin. Là , les catholiques, surtout Anglo-Indiens, parlaient anglais. Le nouveau missionnaire trouva toute la collection de Jules Verne traduite en anglais. Il la dévora en quelques semaines : entre temps, un brave catholique lui apprenait le ton de la conversation. Au bout d’un mois, il partit pour Nyaung-lebin, faire visite à son curé. Celui-ci avait décidé de construire en ce poste une belle église, et son jeune visiteur se révéla si bon architecte, qu’il ne le laissa plus retourner à Pegu. M. Rieu resta donc plusieurs mois à Nyaung-lebin, devenu tour à tour architecte, maçon, menuisier, etc. En même temps, il continuait l’étude de l’anglais, du birman et arriva à une parfaite connaissance de ces deux langues. L’année suivante, il se trouve à Thaton, où il essaie de fonder un poste. Il circula beaucoup dans les villages Karians, mais sans succès, les Karians de Thaton étant alors et à l’heure actuelle les plus difficiles à convertir.
Nous le retrouvons ensuite à Myaungmya, comme vicaire de M. Kern. Il rendit là de grands services, soit comme prêtre, soit comme ouvrier expert, et fut ensuite envoyé à Paukseinbe, village assez important, et en grande partie catholique. Il y acquit une grande influence : tous les procès lui étaient portés, même de la part des païens : ses décisions étaient acceptées, et les villageois ne dépensaient plus leur argent en procès ruineux.
Vers 1909, M. Rieu fut appelé à Rangoon, comme assistant directeur de la léproserie. Puis, le titulaire partant en congé, il lui succéda. Aumônier, quêteur, architecte, le missionnaire s’acquitta de ses fonctions à la satisfaction générale. S’intéressant à tout ce qui concernait le bien-être de ses lépreux, il étudia la médecine en amateur, et, plus d’une fois, étonna les docteurs par ses remarques judicieuses. De la léproserie de Rangoon, il fut envoyé à Gyobingauk, où il passa les neuf dernières années de sa vie. Ce ne fut pas une sinécure. En plus d’une population catholique de 2.000 âmes, très dispersée, pour l’administration de laquelle il était aidé de deux vicaires indigènes, il avait à diriger deux écoles anglaises : la situation financière était déjà embrouillée quand il en prit la charge. A peine les avait-il remises sur pied, que le gouvernement commença, comme pour toutes les écoles libres, à diminuer les subsides. Un déficit semblait invévitable. A force de patience et de savoir-faire, il arriva encore à équilibrer le budget, mais que de soucis pour un homme déjà usé par le climat.
C’est à Gyobingauk qu’il fut terrassé par la maladie. Il eut juste la force de prendre le train pour Rangoon, et c’est là qu’il expira, quelques jours après, au milieu de plusieurs de ses confrères. Durant ses 38 ans de séjour en mission, il n’avait pris qu’un congé de six mois en France, pour revoir sa vieille mère qui ne le précéda que de trois mois dans la tombe. Ils se seront retrouvés au ciel.
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Références
[2422] RIEU Jean (1875-1937)
An.ME.99P231/12P148.207.274.320/37P285+
C.R.99P294/05P386/07P239/13P266/14P111/15P129/17P124/18P100/10P99/20P66/21P133/31P221/32P247/33P211/34P194/36P186/37P189.234.304/38P186.270
B.ME.22P513.591/25P175.244/30P587/35P868/37P809+ photo 33P85
Ec.RBac.365+