Henri DELPIERRE1880 - 1906
- Statut : Prêtre
- Identifiant : 2689
Identité
Naissance
Décès
Missions
- Pays :
- Inde
- Région missionnaire :
- 1903 - 1906 (Pondichéry)
Biographie
[2689] DELPIERRE Henri, Fortuné, Joseph, né le 20 mai 1880 à La Chapelle-d'Armentières dans le département du Nord, entre laïque au Séminaire des MEP le 14 septembre 1897. Ordonné prêtre le 7 mars 1903, il part le 29 avril suivant pour Kumbakonam (1).
Trois ans d’apostolat
Il débute à Coneripatty (2). Tombé malade en février 1904, il est transporté à Bangalore où l'on constate une faiblesse de poitrine, présage de la phtisie qui ne devait pas tarder à l'emporter. Il est envoyé comme auxiliaire à Pillavandandey. Le 1er janvier 1905, il a la charge du district de Konalay (Connalé) et également en juin de celui de Molatur qu'il quitte au mois de mars suivant pour aller mourir à Tranquebar (3) le 26 mai 1906.
1 – Ville à l’ouest de Karikal, l’un des cinq comptoirs français en Inde sur le golfe du Bengale
2 - Au nord-ouest de Tiruchirappalli.
3 - Au nord de Karikal.
Nécrologie
M. DELPIERRE
MISSIONNAIRE APOSTOLIQUE DE KUMBAKONAM
Né le 20 mai 1880
Parti le 29 avril 1903
Mort le 26 mai 1906
« Dans le courant de l’année 1903, écrit Mgr Bottero, M. Fortuné¬-Joseph-Henri Delpierre, jeune missionnaire de vingt-quatre ans, arrivait de Paris à Kumbakonam. Ses traits étaient fins et délicats. Ses gestes, ses mouvements, sa parole, son maintien, son sourire, tout en lui était suavité, douceur et tendresse. Nature aimable, simple et gracieuse, on l’admirait ; mais en même temps on regrettait de ne pas trouver en lui cette exubérance de force, qui est la caractéristique ordinaire du Français au printemps de la vie.
« Ses confrères ne tardèrent pas à s’apercevoir que, sous cette apparence quelque peu féminine, M. Delpierre cachait une humeur entreprenante, une volonté robuste et un merveilleux entrain dans ce qu’il faisait. Mais toujours ils se disaient entre eux : « N’est-ce « pas dommage que ce brave et pieux jeune prêtre ait une santé si délicate ? Ses belles « qualités de cœur et d’esprit lui gagneraient l’affection de tous. Hélas ! il est à craindre qu’il « ne puisse résister aux rigueurs de notre climat embrasé, et aux privations qui sont l’apanage « certain de la carrière apostolique dans l’Inde. »
« Il y avait deux mois qu’il était parmi nous. Je l’appelai un jour et je lui dis : « Seriez-« vous content d’être envoyé dans l’intérieur du pays ? » — « Pourquoi non ? » me répliqua-t-« il. « Ah ! c’est, répondis-je, que la vie de nos missionnaires dans les villages est pénible et « austère. On y cueille plus d’épines que de roses. L’existence y est pauvre. Le menu habituel « est une écuelle de riz dans de l’eau de poivre, avec un assaisonnement d’aubergines... cela « manque forcément de variété, et cela rebute. Puis, songez-y bien, il est dur, excessivement « dur à un civilisé, de n’avoir d’autre société que celle de gens très frustes, dont le langage, les « manières, l’accoutrement, les habitudes et le genre de vie nous paraissent souvent grossiers. « Cela manque de musique et de poésie, voyez-vous. » — « Mais, repartit-il, n’est-ce pas cela « même que nous sommes venus chercher en mission ? Tenez, Monseigneur, si Votre « Grandeur veut m’envoyer dans les villages, je vous promets de faire de mon mieux, et, avec « la grâce de Dieu, tout ira bien. »
« Je fus ravi de l’entendre parler ainsi. « Bien, lui dis-je en le congédiant ; j’aviserai à vous « satisfaire. Hâtez-vous de vous familiariser avec la langue tamoule, car vous ne tarderez pas « à partir pour l’intérieur. »
« Il n’eut pas, en effet, à languir longtemps. Le cher M. Chapuis, chargé de l’importante paroisse de Connery-patthy, me supplia de lui envoyer un aide. Son district est très vaste, une grande partie de ses ouailles sont des gens récemment baptisés. Comme un jeune enfant a besoin, le jour et la nuit, des soins de sa mère, ainsi les nouveaux chrétiens réclament sans cesse l’attention du missionnaire ; sans quoi, ils ont tôt fait d’oublier les prières qu’on s’est donné tant de mal à leur enseigner, et alors ils sont exposés à retomber dans la superstition et dans les vices de la gentilité.
« Un autre grave motif d’envoyer un aide au cher M. Chapuis était celui-ci : lui et deux autres confrères des mêmes parages sont un peu éloignés les uns des autres, et ont moins de facilité que les autres prêtres de la mission pour se confesser deux fois le mois. Un nouveau confrère, qui ferait la navette de l’un à l’autre, serait donc le bienvenu. J’envoyai à cet effet M. Delpierre à Connery-patthy, persuadé que sa solide piété, jointe à l’aménité de son caractère, le prédestinait à faire beaucoup de bien dans ce quartier éloigné. En même temps, le jeune prêtre était sûr de trouver en M. Chapuis un des meilleurs guides possible pour l’initier à la carrière apostolique.
« M. Delpierre fut au comble de la joie : Abiit in montana cum festinatione. Il arriva à Connery-patthy, petit village perdu au sein des montagnes, loin du beau monde, des édifices somptueux, des grandes routes, des bureaux de poste et télégraphe, loin aussi de la corruption élégante et raffinée des villes. Il s’appliqua à l’étude des langues et à la connaissance des us et coutumes des Indiens. Au bout de trois mois, on commença à lui faire confesser les enfants, et à l’envoyer porter aux malades les dernières consolations de la religion, dans les bourgades éloignées. Avec quelle joie il se rendait à ces appels de la charité ! Il avait entendu les vieux missionnaires dire et répéter que, dans l’Inde, tout chrétien qui meurt muni des sacrements est considéré comme sauvé, et cela l’encourageait à braver gaiement les rigueurs du climat et la fatigue des longues courses à cheval. « Peu importe, disait-il, que je souffre de la soif, de la « faim, de la chaleur excessive, de l’insomnie, pourvu que j’arrive à temps, et que cette âme « soit réconciliée avec Dieu avant de quitter la terre ! »
Bientôt il parla le tamoul assez aisément pour faire le catéchisme, et se charger même de l’instruction à la messe du dimanche, lorsque le curé était absent. En six mois d’étude assidue et de généreux efforts, il était devenu ce que l’on nomme vulgairement un « brave petit missionnaire ». Sa piété, quoique un peu méticuleuse, son angélique patience, les saintes industries de son zèle et de sa charité, lui avaient conquis tous les suffrages. Ravis de son aménité et de son absolu dévouement, les chrétiens se disaient l’un à l’autre :
« Ah ! parlez-moi de ce jeune prêtre ! Son langage est celui d’un enfant ; mais combien douce est sa parole ! ambroisie, 4 onces, miel 4 onces. » Oui, le cher confrère méritait bien ces éloges ; car il s’appliquait chaque jour à réaliser coûte que coûte la devise de saint Paul : Omnia omnibus... Testi mihi est Deus quomodo cupiam omnes vos in visceribus Jesu-Christi.
« Jusqu’à ce moment, la santé de M. Delpierre, quoique peu brillante, s’était maintenue à un niveau assez satisfaisant. Mais le temps de l’épreuve ne tarda pas à sonner pour lui. Au commencement de février 1904, il eut à entreprendre un assez long voyage. Il revint malade à Connery-patthy. Je suppose qu’il avait, chemin faisant, été frappé d’insolation. M. Chapuis jugea qu’il était urgent de procurer à son jeune vicaire le secours d’un docteur européen, et il l’accompagna à Bangalore. En route, l’état de M. Delpierre s’aggrava subitement. Une fièvre brûlante le dévorait, et le délire s’empara de lui. Confié aux soins des Sœurs hospitalières de Bangalore, notre cher malade revint à la vie, au bout de quelques semaines. Aussitôt qu’il crut avoir suffisamment recouvré ses forces, il rentra dans son district ; mais bientôt M. Chapuis eut le chagrin de voir que son confrère était atteint d’une maladie de poitrine, et il m’en donna avis. Je retirai M. Delpierre de Connery-patthy et l’envoyai à Pilavadandé. C’est un district où il y a moins de chrétiens, et où, par conséquent, il y a moins de travail pour le missionnaire. En outre, cette paroisse, dont le climat est fort doux, est à peu de distance de Karikal, et là il y a un docteur français. M. Delpierre, malgré tous les soins dont il était entouré, ne guérit point. Son état empirait de jour en jour. Je le transférai au district de Connalé, puis à celui de Molathour. Là, il parut se trouver mieux. Après quelques mois de séjour, il me fit savoir que la fièvre avait disparu, et que la toux qui le tourmentait le jour et la nuit avait consi¬dérablement diminué.
« Hélas ! ce n’était que le calme qui précède la tempête. La fièvre et la toux reprirent de plus belle. En quelques mois, la maladie fit d’énormes progrès. Le jeune missionnaire vint me voir à Kumbakonam ; il n’était plus qu’une ruine. Je l’envoyai consulter les docteurs de Pondichéry. Ceux-ci lui déclarèrent que son état était très grave et lui conseillèrent de retourner en France. Mais M. Delpierre voulait travailler jusqu’au dernier souffle, et comme un généreux coursier, ne tomber que sous le harnais, le long du chemin. Quelqu’un lui ayant vanté la douceur du climat de Tranquebar, il s’y rendit. Un confrère lui fut donné pour le soigner et lui tenir compagnie ; M. Delpierre vit bientôt que ses jours étaient comptés. Il se prépara à la mort par une confession générale et la réception de l’extrême-onction.
Le 26 mai, les Sœurs Catéchistes Missionnaires, qui ont une maison à Tranquebar, apprirent que le cher malade était à toute extrémité et se rendirent auprès de lui. Elles le trouvèrent en effet très mal, et voici ce que l’une d’elles écrivait le lendemain à leur supérieure sur les der¬niers instants de notre bien-aimé confrère :
« Nous jugeâmes à première vue que le dernier moment de M. Delpierre n’était pas « éloigné. Le prêtre, qui vivait avec lui, lui suggérait des oraisons jaculatoires que le malade « répétait avec tant de cœur et tant de force, qu’on sentait que toute son âme y passait.
« Il avait sa présence d’esprit et nous témoigna sa reconnaissance pour notre visite. « Comme je lui disais que nous priions et faisions prier nos enfants pour lui : « Oh ! moi « aussi, j’ai prié pour vous toutes, de tout mon cœur, de tout mon cœur, s’écria-t-il. » Une « chose le troublait un peu : c’était de penser qu’il pourrait être mis vivant dans le cercueil. Il « nous dit : « Il faudra attendre que je sois froid, bien froid, avant de descendre le cercueil en « terre. » Je le tranquillisai de mon mieux, lui disant que nous serions là et que nous « aviserions. Oh ! alors, je suis bien tranquille, répondit-il. » Un assez long silence intervint. « Soudain, nous l’entendons s’écrier : « Le ciel, le ciel, la couronne, le ciel, la couronne ! » « Nouveau silence ; après quoi, il nous dit : « Le plus grand pas est encore à faire ; où croyez-« vous que j’irai, ma Sœur ? — Mais au ciel, il n’y a aucun doute. — « Oh ! je l’espère, je « l’espère », répliqua-t-il, avec un si bon sourire... Puis, il ajouta avec un frissonnement de « plaisir : « Ma bonne mère est morte avant moi, je pourrai la revoir bientôt. » Nous allions « nous retirer, quand le curé de Tranquebar arriva pour passer la nuit auprès de son confrère. « Il nous raconta que, dans la matinée, tandis qu’il récitait son chapelet, le cher malade avait « eu des luttes terribles avec les mauvais esprits. Grâce au secours de Marie, il les avait mis en « fuite, et il y avait eu un rayonnement de bonheur sur son front. Les paroles de M. le curé le « firent sourire ; il nous souhaita bonne nuit et ajouta : « Dites à Mme la supérieure combien je « la remercie. Je vous remercie vous-mêmes, mes Sœurs, de toutes les bontés que vous avez « eues à mon égard. J’ai dit à M. le curé qu’il fallait, en mon nom, faire une petite offrande à « l’orphelinat. » Nous ne pouvions nous lasser d’admirer ce jeune missionnaire, si calme en « face de la mort. Il était couché sur un pauvre lit de rotin, avec une toile dessus et un oreiller. « Oh ! que cela était pauvre et que cela était touchant ! Une vraie mort de saint François-« Xavier... Le mourant expira paisiblement à 11 h. ¾ , le samedi 26 mai R. I. P. »
« Le lendemain, notre pieux confrère fut inhumé en grande solennité ; tous les chrétiens de la paroisse étaient là jusqu’au dernier, avec cinq prêtres et les Sœurs, tous émus et le cœur débordant de prières.
« M. Delpierre a été trois ans missionnaire. Il a aimé Dieu et ses frères, les Indiens ; il a su souffrir sans se plaindre, et se contenter de peu dans l’angoisse de sa longue et pénible maladie. Calme, patient, ne manifestant jamais la moindre exigence, content d’être pauvre, d’être abandonné, il a expiré nu sur la croix comme son divin Maître. Sa vie et sa mort ont été la vie et la mort d’un saint missionnaire.
« Tranquebar signifie en tamoul la « vague qui chante ». Les flots de l’océan Indien baignent le tombeau de M. Delpierre, ils chanteront pour égayer son sommeil, jusqu’au grand jour de la résurrection, qui sera, je n’en doute pas, un jour de gloire pour notre regretté et bien-aimé confrère. »
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Références
[2689] DELPIERRE Henri (1880-1906)
Notes bio-bibliographiques. - Sem. rel. Cambrai, 1906, Sa mort, p. 865.
Notice nécrologique. - C.-R., 1906, p. 343.