Amand PELLOIS1882 - 1968
- Statut : Prêtre
- Identifiant : 3038
Identité
Naissance
Décès
Missions
- Pays :
- Vietnam
- Région missionnaire :
- 1909 - 1932 (Phat Diêm)
- 1932 - 1952 (Thanh Hoa)
Biographie
[3038] Amand, Julien, Marie, Joseph PELLOIS naquit le 3 décembre 1882, à Médréac, département d'Ille-et-Vilaine, diocèse de Rennes. Après ses études primaires à Médréac, il fit son cycle secondaire à St.Méen, puis en 1899, il passa au grand séminaire diocésain où il fit une solide formation théologique. Ses supérieurs avaient envisagé de l'envoyer à l'Institut Catholique d'Angers, pour y parfaire ses études cléricales. Mais M.Pellois voulait se consacrer aux missions, et ce projet fut abandonné. Sous-diacre le 30 novembre 1904, diacre le 29 juin 1905, il fut ordonné prêtre le 23 décembre 1905 et nommé vicaire dans une paroisse rurale de son diocèse où il resta trois ans.
Le 8 septembre 1908, il entra au séminaire des Missions Etrangères, reçut sa destination pour le vicariat apostolique du Tonkin Maritime (Phat-Diêm), qu'il partit rejoindre le 12 décembre 1909.
Arrivé dans sa mission vers la fin décembre 1909, M. Pelllois se mit aussitôt à l'étude de la langue viêtnamienne. Il fit de rapides progrès, et en juillet 1910, il devint vicaire de M.Bourlet, à Thanh-Hoa où il passa deux ans. En juillet 1912, il fut nommé professeur au petit séminaire de Phuc-Nhac.. En juillet 1914, il devint professeur de dogme et de chant au grand séminaire de Phat-Diêm, où il travailla pendant six ans. En 1920, comme il souffrait de troubles cardiaques, ses supérieurs l'envoyèrent prendre du repos à Béthanie, à Hong-Kong.
De retour dans sa mission, en 1921, M.Pellois passa quelques mois à l'évêché de Phat-Diêm où il apporta son aide au clergé de la paroisse. En 1922, il alla continuer son demi-repos au probatorium nouvellement transféré à l'extrémité sud de la mission, à Ba-Lang, importante chrétienté au bord de la mer, où, le 19 mars 1627, avait débarqué le P.Alexandre de Rhodes. Là, les enfants préparaient leur entrée en sixième au petit séminaire de Phuc-Nhac; M.Pellois fut le bras droit de M.Gros, supérieur de la maison, et il y retrouva la mer !
En 1924, Mgr. Marcou décida de donner un directeur spirituel au petit séminaire de Phuc-Nhac; il confia cette charge à M. Pellois. Le 21 juin 1932, fut signé le décret d'érection de la nouvelle Mission de Thanh-Hoa. Après les vacances scolaires de 1932, le probatorium de Ba-Lang devint petit séminaire comprenant toutes les classes jusqu'à la réthorique incluse. Les élèves originaires de la nouvelles mission rentrèrent à Ba-Lang; les missionnaires dont M.Pellois, attachés au corps professoral de Phuc-Nhac, à l'exception de M. Réminiac, supérieur, gagnèrent Ba-Lang. Ce nouveau petit séminaire, à la période des vacances, servait aussi de maison de repos pour les missionnaires. Le dimanche 23 juin 1929, Mgr.de Cooman sauva de la noyade M.Pellois qui renonça définitivement au plaisir des bains de mer, pour goûter à celui du désert"; il se retirait sur une colline dénudée, s'avançant en promontoire sur la mer..
Le samedi, veille de la Pentecôte 1945, M. Pellois partit commencer ses vacances à l'évêché de Thanh-Hoa, car en raison des évènements, les élèves étaient rentrés dans leur famille. Il fit à pied les 45 kms qui séparent Ba-Lang de Thanh-Hoa. Il trouva grande agitation en cette dernière ville, mais arriva à l'évêché, où pendant dix-huit mois, il partagea la vie communautaire avec les confrères "internés". Il échappa ainsi à la prison. En effet, le soir du dimanche de la Pentecôte, au petit séminaire de Ba-Lang, la gendarmerie japonaise arrêta et jeta en prison à Thanh-Hoa, MM.Lury, Pencolé et Francheteau; ce dernier mourut le 23 juin 1945, dans la nuit, à côté de M. Pencolé, dans le même cabanon étroit.
Le 26 décembre 1946, 13 missionnaires de Thanh-Hoa, "internés" à l'évêché, dont M. Pellois, furent emmenés, captifs du "Viêtminh", au presbytère de Vinh où ils arrivèrent le lendemain accueilis par leurs confrères de Vinh et quelques uns de Hué. Pendant cinq ans et huit mois, M.Pellois mena la vie contemplative. Le 12 Août 1952, dix "messieurs de Thanh-Hoa", dont M.Pellois, furent rendus à la liberté. Après un voyage de dix nuits, ils arrivèrent au poste militaire français de Quang-Khê, à trente kms au nord de Dong-Hoi, le 22 août vers 7 heures du matin, puis en plusieurs étapes, (Hué,Saïgon), ce fut le rapatriement en France.
Le lendemain de leur arrivée à Paris, les dix "rescapés" firent ensemble un pélerinage à N.D. des Victoires et à Montmartre. Dans la basilique du Sacré-Coeur, ils étaient tous en prière à la première ligne des prie-Dieu. Un groupe de quelques personnes s'approcha d'eux, demandant: "Est ce que, parmi vous, il y a le P. Pellois? Nous sommes ses neveux, mais nous ne le connaissons pas; nous ne l'avons jamais vu." Un signe, un mot ils tombèrent dans les bras de leur oncle, fortement ému.
Après un temps de repos, M.Pellois arriva à La Motte, le 17 novembre 1952, comme aumônier des Soeurs des Missions Etrangères; il y resta trois ans et quitta ce poste à la suite d'une double intervention chirurgicale. Rétabli, il accepta avec plaisir, en octobre 1957, l'aumônerie de la Visitation à Mâcon. Ne pouvant plus continuer son ministère, à cause de sa cécité, à 84 ans, il se retira à Lauris, où il reprit sa vie contemplative, marquée par la souffrance, durant les derniers mois de sa vie.
C'est là que dans la nuit du 7 au 8 février 1968, il rendit son âme à Dieu. Il fut inhumé dans le caveau des Missions Etrangères, à Lauris, le 9 février 1968.
Nécrologie
Le Père Amand PELLOIS
1882-1968
Missionnaire à Phatdiêm et à Thanh-Hoa
Le P. PELLOIS ne parlait de lui-même que pour dire qu’il priait très mal… et n’était qu’un « propre à rien »…
Au diocèse de Rennes
Celui qui rédige cette notice ne sait donc rien de la première partie de sa vie sinon ce que lui en a dit le P. Adeux, son compagnon de brousse à Phong-Y, en 1909. Comme le P. Pellois, il était du diocèse de Rennes et l’avait connu à la Rue du Bac pendant six mois. Aussi, quand il apprit que son ami avait sa destination pour notre mission de Phatdiem, il en éprouva une joie enthousiaste et fit du « partant » les plus grands éloges. C’est ainsi qu’on apprit que le Père avait fait de si bonnes études dans les séminaires de son diocèse, que les supérieurs avaient envisagé de les lui faire poursuivre aux Facultés Catholiques d’Angers. Le Père voulant se consacrer aux Missions lointaines, le projet avait été abandonné. Ordonné prêtre à Rennes en 1905, il fut vicaire d’un curé âgé et malade dans une paroisse rurale de son diocèse pendant trois ans. Au mois de septembre 1908, il entra aux Missions Etrangères.
Professeur à la poursuite d’un idéal
Arrivé à Phatdiêm au mois de décembre 1909, le Père se mit aussitôt à l’étude de la langue vietnamienne. Les progrès furent rapides. Au mois de juillet 1910, il la parlait déjà si bien que le P. Bourlet, chargé du poste de Thanh-Hoa, le demanda et l’obtint comme son vicaire. Le Père resta là deux ans. Ce sont les deux seules années de ministère paroissial qu’il fit pendant ses quarante-trois ans de mission.
En juillet 1912, le Père est nommé professeur au petit séminaire de Phucnhac.
Saluons au passage ce séminaire, qui a donné à l’Eglise du Vietnam plus de deux cents prêtres et plusieurs évêques. Il a été fondé, en 1867, par Mgr Puginier, m.e.p.. vicaire apostolique du Tonkin Occidental (Hanoï), en prévision de la division de la partie sud de son vicariat. Il comprenait sept ou huit paillotes en bois, qui entouraient une grande chapelle en dur. En 1929, grâce à un don important de l’Œuvre de St-Pierre, ces paillotes ont été remplacées par un grand bâtiment à deux étages mesurant cent mètres de long.
En juillet 1914, le P. Pellois est nommé professeur de dogme et de chant au grand séminaire de Phatdiêm. Il s’y est dévoué pendant six ans, à la bonne formation des futurs prêtres et y fut pour tous un modèle de piété, de régularité et de toutes les vertus.
En 1920, comme il souffrait de troubles cardiaques, les supérieurs l’envoyèrent prendre du repos à Béthanie. Ce mal fut-il provoqué par sa trop grande concentration d’esprit, pour préparer ses cours et faire toute chose le mieux possible sans jamais y parvenir ? C’est possible. Le bon Père, en effet, a toujours paru souffrir de ne pouvoir, atteindre l’idéal de perfection que, en tait de piété par exemple, il aurait aimé atteindre. C’est probablement à cause de cette souffrance, qu’il disait volontiers à ses confrères, qu’il ne priait que très mal et n’était bon à rien. Ce fut là, peut-être, une des principales croix de sa vie. Cela, d’ailleurs, ne l’empêchait pas d’être un charmant confrère, de prendre joyeusement part aux moments de détente avec les confrères, et d’y mettre son petit grain de sel. Mais jamais, je crois, on ne l’entendit critiquer quelqu’un.
Il revint de Hongkong en 1921. Ayant encore besoin de repos, il passa quelques mois à l’évêché de Phatdiêm, pendant lesquels il se fit un plaisir d’apporter son concours au clergé de la paroisse, pour les sermons et surtout les confessions. Phatdiêm comptait alors plus de dix mille catholiques, tous groupés autour de la cathédrale, fervents chrétiens pour la plupart. Le culte eucharistique y était florissant ; on y comptait plusieurs milliers de communions par semaine.
En 1922, le P. Pellois alla continuer son demi-repos au probatorium de Ba-Lang : école-internat où les enfants voulant se consacrer à Dieu se préparaient, pendant deux ou trois ans, à entrer an sixième au séminaire de Phuc-Nhac.
Ba-Lang est une importante chrétienté au bord de la mer à l’extrémité sud de la mission : cent kilomètres à vol d’oiseau la séparent de Phatdiêm. C’est là que le premier apôtre de la région Nord du Vietnam, l’illustre jésuite Alexandre de Rhodes débarqua, le 19 mars 1627.
Le P. Pellois fut heureux d’aller rejoindre là un bon ami, le P. Gros, supérieur, et d’y trouver aussi la mer, la mer si chère à tout Breton. Il y resta deux ans. Deux années de vie calme, rendant, de son mieux, service au supérieur du probatorium et aussi au curé vietnamien de la paroisse.
Amour du désert et direction spirituelle
En 1924, Mgr Marcou, vicaire apostolique de Phatdiêm depuis la fondation de la mission en 1901, décida de donner un directeur spirituel au séminaire de Phuc-Nhac, il choisit le P. Pellois. Choix excellent. La piété, la discrétion, la fidélité à accomplir tous ses devoirs désignaient bien le P. Pellois pour occuper ce poste délicat.
En 1932, le Saint-Siège divisa la mission de Phatdiêm et confia la nouvelle mission de Thanh-Hoa à Mgr de Cooman. La chose avait été prévue plusieurs années à l’avance ; c’est pourquoi Mgr Marcou et son coadjuteur s’occupèrent à l’avance de doter la future mission d’un séminaire. Le probatorium de Ba-Lang fut donc agrandi pour comprendre toutes les classes jusqu’à la première incluse.
Après les vacances de cette année 1932, tous les élèves originaires de la nouvelle mission, qui, jusqu’alors, avaient étudié à Phuc-Nhac, rentrèrent au séminaire de Ba-Lang. D’autre part, la mission de Phatdiêm ayant été confiée au clergé vietnamien, les missionnaires attachés au séminaire de Phuc-Nhac gagnèrent, eux aussi Ba-Lang ; seul, le P. Réminiac, supérieur, resta encore sur place pendant trois ans.
Le P. Pellois fut heureux de retrouver son cher Ba-Lang et la mer.
Le nouveau séminaire servait aussi, pendant les vacances, de lieu de repos pour les Pères de la mission. Ils venaient volontiers y passer quelques jours, car ils étaient accueillis avec joie et grande charité. A la fin de chaque après-midi, lorsque le soleil allait disparaître au-delà des montagnes du Laos, c’était en chœur le traditionnel bain de mer. Les baigneurs n’avaient pas à aller loin ; la porte du séminaire ouvrait sur la plage ; quelques rapides enjambées et on entrait dans l’eau.
Un jour, parmi eux, il y avait aussi Mgr de Cooman. La baignade terminée, les Pères avaient regagné le séminaire. Seul, l’évêque, fin nageur, avait un peu prolongé le plaisir.
Il était sur le point d’atteindre le rivage pour rentrer à son tour, lorsqu’il entend derrière lui des cris. Il se retourne et voit à deux cents mètres quelqu’un qui se débat en criant au secours.
N’écoutant que son courage, Monseigneur fonce comme une flèche vers le malheureux sur le point de se noyer, et peut le ramener jusqu’à l’endroit où il reprit pied. Il était temps, car l’évêque – il l’a avoué ensuite – était complètement à bout de forces.
Or, qui était ce malheureux sauvé de la noyade par un évêque ? C’était le bon Père Pellois.
Que s’était-il donc passé ? Tout simplement ceci : le Père ne savait pas nager, mais il aimait beaucoup faire la planche face au ciel bleu. Toujours il prenait soin de ne pas s’aventurer dans des endroits où il n’avait plus pied. Ce jour-là, le ciel était si pur et l’eau si bonne que le Père se laissa bercer par les flots plus longtemps sans s’assurer, comme d’ordinaire, s’il avait encore pied. Et de plus, il n’avait pas remarqué que c’était la marée descendante. Aussi, quand il s’aperçut qu’il n’avait plus pied, il s’affola...
Ce fut le dernier bain de mer que prit le P. Pellois. Jamais, depuis, il ne voulut s’accorder un tel plaisir. Mais il lui en restait un autre : celui d’aller passer de longues heures au « désert ».
Le Père, tout en étant très gentil avec tout le monde, aimait le silence et la solitude, la mer et le grand air : ambiance qui lui facilitait sa prière. A moins d’un kilomètre du séminaire, il y a une colline dénudée qui s’avance en promontoire dans la mer. Rien n’y pousse, ni arbre, ni buisson, ni herbe. Elle est percée de grottes d’où on a une belle vue vers le large ; c’est un vrai « désert ». C’est pourquoi, muni de son parapluie-parasol, son chapelet, son bréviaire et un ou deux livres, le Père, dès le matin, partait au désert. Il n’en revenait que pour les repas ; parfois même il oubliait de revenir pour celui de midi... Il restait toute la journée à son cher désert.
Le Père avait été sauvé de la noyade ; il échappa encore à un autre péril, mais ce fut alors à la suite d’un réflexe personnel.
Le coup de force japonais
Ce fut en 1945, à la fête de la Pentecôte.
La deuxième guerre mondiale, terminée en Europe depuis quelques jours, redoublait d’intensité en Extrême-Orient.
Dans la nuit du 9 mars, l’armée japonaise, installée en Indochine depuis plusieurs années, y avait éliminé l’administration française, et proclamé l’indépendance, sous sa garde, des trois pays : Vietnam, Cambodge et Laos. Tous les prisonniers politiques furent relâchés. Le Vietnam fut bien vite, et toujours de plus en plus en ébullition.
Au séminaire de Ba-Lang, les esprits étaient si distraits par les événements qu’on jugea bon d’avancer les grandes vacances de quinze jours et les élèves allèrent fêter la Pentecôte chez eux.
Le samedi, veille de la Pentecôte, le P. Pellois voulut aller prendre les premiers jours de vacances à l’évêché de Thanh-Hoa, où il pourrait mieux se rendre compte de la situation. Il partit le matin après le petit déjeuner, et sous un soleil de plomb, fit à pied les quarante-cinq kilomètres qui séparent Ba-Lang de Thanh-Hoa. Il ne devait plus revoir Ba-Lang.
A Thanh-Hoa, il trouva la ville en pleine effervescence. Le jour de la Pentecôte, entre deux et trois heures du matin, des haut-parleurs parcoururent les rues et réveillèrent tout le monde en proclamant : « Nous faisons savoir à la population que l’eau des fontaines a été empoisonnée ; donc attention ! » Vers la fin de la matinée, une quarantaine de femmes, d’hommes et d’enfants, criant leur innocence, étaient amenés au commissariat de la police, et livrés aux gendarmes japonais sous prétexte qu’ils avaient jeté du poison dans l’eau des puits et des fontaines. Ils furent aussitôt jetés en prison.
Pendant ce temps, dans le plus grand secret, un « coup » se préparait contre les missionnaires du séminaire de Ba-Lang. Ils étaient cinq, attachés à l’établissement : le P. Lury, supérieur, les PP. Delmas, Pencolé et Francheteau, professeurs, et bien entendu, le P. Pellois. Vers cinq heures du soir, en ce beau jour de Pentecôte, trois gendarmes japonais entrent au séminaire et demandent où sont les cinq « Français ». A ce moment, le P. Francheteau, en tenue très sommaire, rentre de prendre son bain. Il est arrêté au passage. Le P. Lury sort de sa chambre pour voir ce qui se passe, il est arrêté aussitôt. Il en est de même pour le P. Pencolé. Le P. Delmas, rentré d’une sortie à bicyclette, avait pu gagner sa chambre sans être vu mais non sans voir les Japonais et, près d’eux, ses confrères, debout face au mur de la véranda. Comprenant le drame, il s’était aussitôt enfermé à clef dans sa chambre, et fit le mort… A plusieurs reprises les gendarmes vinrent frapper à sa porte et essayèrent d’ouvrir. Ils finirent par croire, comme le leur disait un séminariste de bonne foi, que le Père était absent. Les confrères furent amenés à Thanh-Hoa et mis en prison. Le P. Francheteau devait y mourir, le 23 juin, dans la nuit, à côté du P. Pencolé dans le même cabanon étroit.
Dès la fin du mois de juin, tous les missionnaires du vicariat furent les uns après les autres, internés à l’évêché, à l’exception des trois plus éloignés dans les montagnes du pays thaï : les PP. Canil¬hac, Mironneau et Donjon.
A l’évêché, pendant dix-huit mois, le P. Pellois partagea, tout en assurant son petit service auprès des sœurs du couvent voisin, la vie communautaire des internés ; vie toute de prière et d’étude. Ces dix-huit mois durant, aucun incident grave n’y survint.
Vie contemplative d’internement.
Mais à Noël 1946, grand branle-bas. Dans la nuit du 19 au 20 décembre, les hostilités avaient été déclenchées entre les troupes françaises et le Vietminh de Ho-Chi-Minh, et ce fut la guerre. Les Pères à l’évêché de Thanh-Hoa fêtèrent encore Noël dans la tranquillité... Mais le 26 décembre, le commissaire de police et un agent arrivent à l’évêché. Il était 11 heures. Ils demandent à voir Mgr de Cooman. « Selon les ordres donnés par les Hautes Autorités du Gouvernement, lui disent-ils, des camions viendront prendre tous les missionnaires à 13 heures pour les emmener. » Où ?... Destination incon¬nue...
Monseigneur implore pour que le départ soit moins précipité, afin que les Pères puissent prendre leur repas et préparer leurs paquets. On accepta de renvoyer le départ à 14 heures.
A l’heure dite, le P. Pellois, comme tous ses confrères, est dans la cour, valise à la main, prêt à monter dans le camion. Il assista alors à une scène qu’il n’oubliera jamais. Scène qui fit couler des larmes et se serrer tous les cœurs.
Mgr de Cooman avait passé tous ses pouvoirs à son provicaire vietnamien. Il était, lui aussi, prêt à partir, sa valise à la main.
L’officier de police, chef du convoi, s’approche de lui et lui dit : « Vous, vous êtes Belge ; vous n’avez pas à partir, vous pouvez rester. »
« Non ! » répond Monseigneur. « Vous emmenez mes missionnaires, je pars avec eux ; mon sort est lié au leur ». Et il monta dans le camion.
Le convoi se rendit immédiatement au commissariat de police pour les formalités. Tout à coup, le provicaire vietnamien y arrive, essoufflé. Il s’approche de son évêque et le supplie de rester avec ses ouailles, puisque les autorités le permettent.
Monseigneur hésite..., puis demande aux Pères qui l’entourent ce qu’ils en pensent ? « Monseigneur, lui dit le P. Bourlet, votre devoir semble être de rester ». Et tous les autres d’approuver...
Alors, Monseigneur salue les « partants », reprend sa valise et revient à l’évêché. Sa douleur était d’autant plus grande qu’il avait des raisons de croire qu’on allait emmener les missionnaires dans l’immense forêt toute proche, pour les faire disparaître à tout jamais... Dès l’arrivée à l’évêché donc, il envoie un catéchiste voir quelle direction prendraient les camions. Quand il apprit qu’ils avaient pris la route de Vinh, il fut moins inquiet
Les treize missionnaires emmenés de Thanh-Hoa arrivèrent au presbytère de Vinh le lendemain à midi. Ils y furent accueillis bien fraternellement par ceux de la mission de Vinh. Là, pendant de longues années, avec quelques autres Pères de la mission de Hué, ils n’eurent qu’à mener ensemble la vie contemplative.
L’un de ceux qui la prit la plus à cœur, ce fut le P. Pellois. L’église était à la porte du presbytère. Par une grâce toute spéciale de la divine Providence, la police permit aux internés de célébrer la messe chaque jour et d’être à l’église de 5 heures du matin à 6 heures du soir. Le P. Pellois, on le devine, s’efforça de bien user de ces deux faveurs. Pendant cinq ans et huit mois que dura l’internement des Pères de Thanh-Hoa, il a passé à peu près toutes ses journées à l’église. Là, c’était le grand silence ; là, c’était le face-à-face avec Jésus-Christ, Sauveur et Ami. En cette belle église, due, vers 1930, au zèle du savoyard P. Delalex, et où autels et vitraux rappelaient le souvenir de N.D. de Lourdes, de Sainte Thérèse, patronne des Missions, de Saint Jean-Marie Vianney, patron de tous les curés du monde, de Saint François de Sales et de Sainte Jeanne-Françoise de Chantal, que d’heures le P. Pellois a passées à faire oraison ; que de rosaires il a médités, que de chemins de croix il a lentement parcourus ! et cela, sans jamais oser céder à l’assoupissement. Tous les jours il allait à l’église à 8 heures et n’en revenait que vers midi ; il y retournait à 14 heures jusqu’à l’Angelus, sonné à 18 heures. Il en fut ainsi jusqu’au départ vers la liberté, le 12 août 1952.
Ce jour-là, vers 14 heures, le président et le vice-président du comité provincial, accompagnés du haut-commissaire de police, arrivent au presbytère et réunissent aussitôt tous les missionnaires. Ils leur disent que, par une bonté toute spéciale du Président Ho-Chi-Minh, dix « messieurs de Thanh-Hoa » vont partir de suite pour être rendus aux « ennemis », (lisez l’armée française) et ils font l’appel des dix privilégiés. Le P. Pellois était parmi eux.
Tous firent leur valise en vitesse, et ce fut le départ, en barque. Plusieurs, en effet, étaient si faibles qu’ils étaient incapables d’aller à pied. La joie de partir vers la liberté fut cependant mêlée de beaucoup de peine : celle de voir rester les quinze confrères de Vinh et de Hué, ainsi que le P. Delmas de Thanh-Hoa.
Le voyage, jusqu’au premier poste militaire français vers le sud, dura dix jours, ou plutôt dix nuits, car il n’était permis de voyager que dans les ténèbres.
Le 22 août, vers 7 heures, les dix missionnaires furent rendus à leurs compatriotes, au poste de Quang-Khê, à trente kilomètres au nord de Donghoi. Ils y reçurent le plus chaud des accueils. Deux jours après, ils arrivèrent à Donghoi, où ils furent très bien accueillis aussi.
Puis, ce fut en avion le voyage vers la France en plusieurs étapes : Hué d’abord, pendant quatre jours ; Saïgon ensuite, pendant trois semaines. Enfin, ce fut Paris, la France que le P. Pellois n’avait pas revue depuis quarante-trois ans. Les autres la revoyaient après 25, 30 ou 50 ans.
Dès le lendemain, les dix rescapés firent ensemble un pèlerinage à N.D. des Victoires et à Montmartre. Dans la basilique du Sacré-Cœur, ils étaient tous en prière à la première ligne des prie-Dieu, lorsqu’un groupe de quelques personnes s’approchent d’eux et demandent : « Est-ce que, parmi vous, il y a le P. Pellois ? Nous sommes ses neveux, mais nous ne le connaissons pas ; nous ne l’avons jamais vu. » Un signe, un mot… et ils vont tomber dans les bras du cher oncle fortement ému.
Servir jusqu’au bout
Après quelques jours passés à la Rue du Bac, le Père alla revoir sa chère Bretagne et s’y reposer. Cependant, en fait de vacances, il ne prit que le strict nécessaire pour se remettre des fatigues et des privations des longues années de Vinh.
Le 17 novembre, il arrivait à la Motte pour y remplir les fonctions d’aumônier des Sœurs des Missions Etrangères. Il y resta trois ans et quitta ce poste à la suite d’une double intervention chirurgicale qu’il subit à Toulouse. « Pendant tout son séjour parmi nous, écrit la Sœur Assistante générale, il a toujours fait preuve d’une extrême réserve et discrétion, accomplissant son devoir fidèlement et sans bruit. Homme d’une grande droiture, ce qui frappait aussi chez lui, c’était sa grande austérité, son énergie. Il avait également une grande dévotion au sacrement de Pénitence, ainsi qu’aux Indulgences, dévotion qu’il essayait de nous inculquer dans ses conférences à la communauté ».
Dès qu’il fut à peu près rétabli, le Père demanda de nouveau à servir. On lui proposa l’aumônerie de la Visitation à Mâcon. Il accepta avec plaisir et s’y dévoua de longues années « jusqu’au bout ».
« Le R.P. Pellois a été notre aumônier depuis octobre 1957 à juin 1966, écrit la Supérieure du couvent... Nous l’avons beaucoup apprécié et estimé. C’était un saint prêtre, de grande piété et de grande vertu. Nous avons vivement regretté que sa mauvaise vue l’ait empêché de continuer son ministère auprès de notre communauté ».
Ne pouvant continuer son ministère à cause de sa cécité, le P. Pellois sa résigna à prendre sa retraite : à 84 ans, c’est permis. Il la prit à la Maison d’Accueil de Lauris.
Le « Père au chapelet »...
A Lauris, le Père fut heureux de reprendre la vie contemplative : « il passa toutes ses journées à l’église paroissiale ». Son silence et aussi le plaisir de donner, à l’occasion, quelques absolutions, devaient lui plaire. Cela, d’autre part, lui permettait de faire une petite promenade, car le Père aima toujours la marche à pied. Son aménité et sa charité lui attirèrent vite l’estime et l’affection des confrères de la communauté. Tout en supportant sa cécité avec une patience parfaite et joyeuse, il se plut beaucoup à Lauris.
Les derniers mois de sa vie furent un temps de souffrances physiques et morales.
C’est au mois de juillet 1967 que le Père ressentit les premiers symptômes du mal qui devait l’emporter. Malgré un régime approprié, il rendait souvent son repas. Le docteur, après l’avoir examiné, prescrivit un traitement, mais il ne cacha pas au P. Dumont, économe de la maison, qu’il n’y avait aucun espoir de guérison. Le mal dont souffrait le P. Pellois était, ou le terrible cancer, ou, au moins, une grave tumeur à l’estomac. Les remèdes n’eurent plus grand effet et les vomissements continuèrent.
Jusqu’à la fin du mois d’août, le Père continua à venir prendre ses repas avec la communauté. Ce lui était une distraction.
A partir du début de septembre, le mal s’accentuant, le Père resta dans sa chambre. Cinq fois par jour on lui apportait quelque chose à prendre ; c’était ou un petit flan ou un yaourt avec un peu de lait teinté de café et de jus d’orange. Alors, lentement, difficilement, le Père essayait d’absorber un peu de nourriture, n’en prenant souvent qu’une partie.
Il aimait recevoir les visites des confrères, surtout celles de l’ancien évêque de Thanh-Hoa, Mgr de Cooman, qui venait le voir chaque jour. Ensemble, ils évoquaient les souvenirs du temps passé à Phatdiêm et à Thanh-Hoa, de ceux des confrères disparus ou encore vivants.
Une autre distraction pour le Père, c’était d’écouter la radio, en prenant les émissions religieuses ou de bonne musique classique, car le Père était assez musicien. Quand on lui faisait une visite, on le trouvait ou disant son chapelet ou écoutant la musique.
Bien que ne descendant plus à la salle à manger, il continua à célébrer la messe aussi longtemps qu’il put le faire, d’abord debout, ensuite assis. Il assista aussi aux exercices de la retraite commune du 5 au 9 décembre. C’est à partir du 20 janvier que le malade cessa de célébrer la messe ; chaque jour, alors, on lui porta la sainte communion dans sa chambre.
Le Père souffrait-il ? Quand on le lui demandait, il répondait : « Non, pas trop... » Mais, parfois, sur son visage, on remarquait facilement de la souffrance.
Quant à la souffrance morale, elle a été, croit-on, assez dure. Elle a été sûrement pénible, car le Père pensait souvent à ce qu’il croyait être « sa pauvre vie ».
En ce qui concerne le prochain, il avait plutôt des idées larges ; mais pour lui-même, il était certainement porté à la sévérité, et ceci explique cela.
Le 6 janvier 1968, il s’unit de tout cœur à ceux qui, à Lauris et ailleurs, prièrent pour le 50e anniversaire du sacre épiscopal de Mgr de Cooman. Malgré sa fatigue, qui était très grande, il assista à la messe du Jubilaire, le matin, et au salut le soir.
Quelques jours plus tard, le cher malade dut garder le lit. Il n’en pouvait plus, et ses mains elles-mêmes lui refusèrent tout service. Parmi les confrères de la communauté, ce fut surtout le P. Lambert, son compagnon de captivité à Vinh, qui s’occupa de lui. Il le fit avec grande charité fraternelle. Tous les jours, lui, ou un autre quand il était empêché, venait aider le malade à prendre les aliments avec une petite cuillère. A la tête du lit était un bouton d’appel que le malade pouvait presser en cas de besoin.
Vers le 25 janvier, le malade demanda lui-même à recevoir les derniers sacrements. Il les reçut très pieusement, entouré de Mgr de Cooman et de confrères. Jusqu’à la fin il garda sa pleine connaissance.
Le 7 février, à 18 heures, le P. Lambert, comme d’habitude, vint lui porter le dernier bol de lait et le dernier yaourt de la journée. Le P. Pellois ne prit que deux cuillerées de yaourt avec un peu de lait. Il dit au P. Lambert : « Je crois que c’est la fin », et il lui fit ses dernières recommandations, qu’il avait déjà confiées à Mgr de Cooman. Le P. Lambert recommanda au malade de ne pas hésiter à presser le bouton d’appel en cas de besoin. Il le quitta en lui souhaitant le bonsoir...
Le lendemain matin, comme chaque jour, le P. Guettier vint préparer la table de communion à 6 h 30. Dans le lit il ne trouva qu’un cadavre complètement froid. Sans bruit, dans la solitude de la nuit, le cher P. Pellois était parti voir, connaître, aimer et remercier éternellement Celui qu’il s’était efforcé de suivre pendant toute sa vie.
Le corps fut aussitôt revêtu de la soutane, d’une aube et d’une chasuble. Ce même jour, il fut mis dans le cercueil et dans l’après-midi, on le porta à l’église paroissiale, devant l’autel de la Sainte Vierge qu’il avait tant priée depuis son enfance.
Le lendemain, 9 février, en cette même église, le P. Lambert célébra la messe des funérailles, à laquelle, outre les confrères, assistèrent des paroissiens. Puis, on conduisit le corps au cimetière où il a été inhumé dans le caveau des Missions Etrangères.
Toujours et partout, le P. Pellois a été un modèle de piété et de régularité. Que d’heures et même de journées entières, lorsque ses loisirs le permettaient, il a passé au pied du Saint-Sacrement sans jamais se laisser assoupir ! Que de longs chemins de croix il a faits ! Que de chapelets il a récités au cours de ses voyages à pied ou de ses promenades solitaires ! Les séminaristes l’appelaient « le Père au chapelet ». Fidèle à tous ses devoirs, il faisait tout avec soin. Son écriture était une fort belle calligraphie ; son langage était soigné, toujours correct ; même par les plus grandes chaleurs sa tenue était, elle aussi, toujours correcte.
Animé d’un grand esprit de foi, il avait, comme a dit un de ses confrères, « la foi des sacrements ». C’est pourquoi il aimait confesser et baptiser. Les confrères le savaient ; ils l’invitaient à venir les aider pour les fêtes, ou quand ils avaient un groupe important de catéchumènes à baptiser. Le Père acceptait toujours, n’hésitant pas pour cela à faire de longues marches à pied ; vingt, trente, même quarante kilomètres à pied, tant à l’aller qu’au retour, ne lui faisaient pas peur. Mais c’était à une condition : celle de faire tous les rites, y compris celui du baptême. Si le rite du baptême était réservé à un autre, par exemple à l’évêque ordinairement présent, le Père ne se dérangeait pas. « A quoi bon, disait-il, si on ne donne pas le sacrement lui-même ». C’est pourquoi l’évêque baptisait les parents et autres adultes ; on réservait les enfants pour le Père. Il était alors si heureux de leur donner le sacrement proprement dit.
Le P. Pellois était strict en ce qui le concernait. On a même parlé de son austérité. En fait, il était mortifié. Il supportait sans se plaindre tous les ennuis d’où qu’ils vinssent. Ainsi, bien qu’ayant un estomac délicat, il acceptait ce qu’on lui servait à table sans jamais élever de réclamation. Mais pour les autres il faisait acte de bonté et de largeur d’esprit. Il ne voyageait qu’à pied : il prenait le train, quand c’était possible, seulement pour les longs parcours. Jamais il n’eut de bicyclette ou autre moyen de locomotion. Il allait à grands pas, la canne d’une main, le chapelet de l’autre ; sous le bras le parapluie, qui lui servait aussi de parasol contre les trop brûlants rayons du soleil. Son esprit de pauvreté était à l’unisson de tout le reste. Pour lui-même il ne faisait que les dépenses indispensables ; tout son argent allait aux bonnes œuvres ou partait en aumônes.
Constant PONCET.
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Références
[3038] PELLOIS Amand (1882-1968)
Références bibliographiques
AME 1910 p. 53. CR 1909 p. 255. BME 1924 p. 738. 1929 p. 507. 1934 p. 577. 1936 p. 279. 1939 p. 59. 1940 p. 816. 1948 p. 102. 1952 p. 547. 706. photo p. 690. Enc. Pdm. 10P4. EC1 N° 462. 524. 525. NS. n° 6P162. MEM 1961-69 p. 87.
Août 1995
Mémorial PELLOIS Amand,Julien,Marie,Joseph page 2