Martial LASSALMONIE1901 - 1976
- Statut : Prêtre
- Identifiant : 3261
Identité
Naissance
Décès
Autres informations
Missions
- Pays :
- Vietnam
- Région missionnaire :
- 1924 - 1930 (Qui Nhon)
Biographie
[3261] Martial, Charles LASSALMONIE naquit le 28 janvier 1901 à la Piègerie, commune de Montrollet, département de la Charente, diocèse d'Angoulême. Né aux confins de la Charente et de la Haute Vienne, on lui donna le nom de Martial, l'apôtre du Limousin. Peu après, ses parents, modestes ouvriers agricoles, quittèrent Montrollet pour aller habiter Les Loges, commune de Brigueil. C'est là que Martial fit ses études primaires. Grâce à un bienfaiteur, en 1912, il entra en 7ème au petit séminaire de Richemont où il eût comme condisciple le futur Mgr. Fougerat, vice-recteur de l'Institut Catholique de Paris, puis évêque de Grenoble. En septembre 1919, il se dirigea vers le grand séminaire d'Angoulême où il ne resta que quelques mois.
Le 25 février 1920, il entra, laïque, au séminaire des Missions Etrangères. Tonsuré le 22 juin 1922, il reçut les premiers ordres mineurs le 23 septembre 1922, et les seconds ordres mineurs, le 23 décembre 1922; sous-diacre le 26 mai 1923, diacre le 22 décembre 1923, il fut ordonné prêtre le 25 mai 1924, et reçut sa destination pour le vicariat apostolique de Cochinchine Orientale (Quinhon) qu'il partit rejoindre le lundi 22 septembre 1924. Il embarqua à Marseille le 25 septembre 1924.
Arrivé à Quinhon le 3 novembre 1924, M. Lassalmonie reçut le nom viêtnamien :Tân" et fut envoyé chez M. Solvignon, curé de Go-Thi pour apprendre la langue viêtnamienne. En octobre 1925, nommé vicaire à Go-Thi, son curé lui confia l'administration d'une desserte voisine. En 1926, envoyé au grand séminaire de Dai-An, il assura les cours de Dogme et l'économat de la maison, ce qui l'obligea à s'initier aux caractères chinois, pour tenir la comptabilité. Tombé gravement malade, il fallut envisager un retour au pays natal; embarqué à Saïgon le 27 mai 1930, en compagnie de Mgr. Tardieu et de deux séminaristes se rendant au séminaire de la Propagande à Rome, il arriva en France le 21 juin 1930.
L'Assemblée Générale de 1930 décida l'ouverture en France de petits séminaires. Une maison, "Le Pinier", occupée par les Pères Lazaristes et mise en vente à Beaupréau, dans le Maine-et-Loire, fut achetée par la Société. M.Davias fut rappelé du Collège général de Penang pour la diriger. En octobre 1931, date de la première rentrée avec 9 élèves, M. Lassalmonie lui fut adjoint pour l'aider dans la direction et la surveillance des élèves.qui allaient suivre les cours au petit séminaire diocésain voisin. En décembre 1936, le nombre des élèves au petit séminaire Théophane Vénard de Beaupréau était de 40. M. Lassalmonie, titularisé dans ses fonctions, se vit confier, en plus de l'économat, les cours de mathématiques et de sciences.
En 1939, le bâtiment principal du "Pinier" fut réquisitionné par les services de santé de l'armée; cependant, la rentrée scolaire se fit le 29 septembre 1939, dans les locaux laissés libres par l'autorité militaire; les élèves prirent leurs cours au petit séminaire diocésain voisin où furent détachés, comme professeurs, plusieurs confrères. Mobilisé en octobre 1939, M. Lassalmonie fut réformé et rentra au bout de huit jours. En juin 1940, plusieurs détachements de l'armée allemande se succédèrent au "Pinier" occupant tantôt partiellement, tantôt totalement les locaux.; cependant, en octobre 1940, la maison fut libre pour accueillir professeurs et élèves. Dans ces circonstances difficiles, M. Lassalmonie manifesta toutes ses qualités de savoir-faire, d'économe prévoyant, et assura à toute la communauté un ravitaillement convenable. En 1943, fatigué, il céda sa charge à M. Gratuze, tout en lui assurant le concours de son expérience et de ses relations.
En 1949, après avoir fêté ses noces d'argent, et "les pères fondateurs s'étant dispersés", il se posa la question d'un retour dans son ancienne mission; ses supérieurs estimèrent que sa présence était plus utile à Beaupréau, où il continua l'enseignement des mathématiques et des sciences en y ajoutant quelques cours secondaires. En 1961, il ressentit durement la décision de fermeture du petit séminaire Théophane Vénard qu'il quitta en septembre 1962. Il fut alors nommé à Paris où, tout en travaillant à l'administration de la Revue des Missions Etrangères dont il assurait le routage, il était heureux. d'accueillir les anciens de Beaupréau, et de leur rendre quelque service.
Confrère enjoué et serviable, avec un brin d'esprit taquin, homme de relations et de devoir, très accueillant, débrouillard, il manifesta ses qualités d'organisateur surtout durant la période des débuts et pendant les difficiles années de guerre, lui qui avait été "désigné pour tenir compagnie à M. Davias".!
En septembre 1974, il se retira à Lauris; de février à septembre 1975, il remplaça M.Valour comme aumônier des Frères de N.D.de la Blache. Au printemps de 1976, il revint à Paris pour une visite médicale qui révéla un cancer du foie et du pancréas. Après l'opération, il fut transporté à Montbeton "attendant que Dieu veuille bien l'appeler." menant la vie commune comme si de rien n'était. C'est là qu'il s'éteignit le 25 décembre 1976, à trois heures de l'après-midi, donnant l'exemple d'une parfaite sérénité. Il repose dans le cimetière du sanatorium St. Raphaël.
Nécrologie
Père Martial LASSALMONIE
de l’Administration générale
1901 - 1976
Né le 28 janvier 1901 à Montrollet (Angoulême — Charente).
Etudes secondaires à Richemont, 1912-1919.
Grand séminaire d’Angoulême : septembre 1919 — février 1920.
Entré aux Missions Etrangères le 25 février 1920.
Prêtre le 25 mai 1924.
Parti pour Quinhon (Viêt-Nam) le 22 septembre 1924.
Postes occupés :
Go-Thi 1924-1926
Dai-An 1926-1930
Retour en France 1930
Beaupréau 1931-1962
Paris 1962-1974
Lauris 1974
Montbeton 1976
Décédé à Montbeton le 25 décembre 1976.
Enfance et jeunesse
Le Père LASSALMONIE est né le 28 janvier 1901 à la Piègerie, commune de Montrollet, sur les confins de la Charente et de la Haute-Vienne. Il aimait rappeler qu’il était né voisin de Giraudoux. A son baptême il reçut le nom de Martial, l’apôtre du Limousin.
Ses parents, modestes ouvriers agricoles, durent bientôt quitter Montrollet pour aller habiter Les Loges, sur la commune de Brigueil. Chaque matin, pour se rendre à l’école, le jeune Martial faisait donc le trajet de 1 km 500 qui sépare Les Loges de Brigueil. Ses petits camarades de classe se souviennent encore de lui et l’un d’eux écrit : « Très bon camarade et très bon élève, il était toujours avant moi et était même en compétition avec son frère plus âgé que lui ».
Ce sont sans doute ses brillantes qualités intellectuelles qui firent songer à lui pour le petit séminaire de Richemont. Un généreux bienfaiteur lui permit, en 1912, d’y entrer en 7e . A Richemont il se montra ce qu’il avait été à Brigueil : bon élève et bon camarade. Il faisait partie d’un cours très brillant qui comptait entre autres le futur Mgr Fougerat, vice-recteur de l’Institut Catholique de Paris, puis évêque de Grenoble. Les témoignages concordent pour affirmer que le jeune Martial ne faisait pas du tout mauvaise figure parmi les élèves de sa classe.
Cela ne l’empêchait pas, pendant les vacances, de redevenir le simple et bon « copain » des jeunes qu’il avait connus à l’école primaire. Il semble même que par sa piété, son assiduité à la messe quotidienne, autant que par son esprit de bonne camaraderie, il ait exercé sur eux une véritable influence. L’un d’entre eux n’hésite pas à parler de tout le bien qu’il lui fit et à rappeler qu’il l’aida pendant les vacances de 1919 à remettre sur pied un groupe de Jeunesse Catholique.
Aux Missions Etrangères
Ses études secondaires terminées, le jeune Martial vit s’ouvrir à lui les portes du grand séminaire d’Angoulême. Il ne devait y rester que six mois : du mois de septembre 1919 au 25 février 1920. On aimerait savoir ce qui à cette date l’attira aux Missions Etrangères de Paris, mais il ne semble pas avoir laissé de confidences sur ce point. Il entra aux Missions Etrangères le 25 février 1920 ; c’est donc à Bièvres et au séminaire de la Rue du Bac qu’il passa la plus grande partie de sa vie de séminariste. Là, comme partout, il se montra bon confrère, toujours plein de vie, avec un brin d’esprit taquin qu’il gardera tout au long de son existence. Il devait être ordonné prêtre le 25 mai 1924 et 4 mois plus tard, le 22 septembre, il s’embarquait pour l’Indochine avec, comme destination, la mission de Quinhon.
En mission
Les voyages par avion n’étant pas encore connus, il ne devait arriver à Quinhon que le 3 novembre. Une nouvelle vie commençait pour lui. Elle devait être marquée par un nouveau nom : il s’appellerait désormais Père Tân. Et le voilà mis tout de suite à l’école pour apprendre la langue vietnamienne. Ce fut le P. Solvignon, curé de Go-Thi qui devint son mentor. Au mois d’octobre de l’année suivante, jugeant que son élève commençait à se débrouiller, le Père Solvignon le chargea d’une desserte voisine de Go-Thi. Il pouvait ainsi exercer un petit ministère tout en continuant de prendre des leçons auprès de son curé.
Au bout de deux ans d’apprentissage, le Père Lassalmonie fut nommé au grand séminaire de Dai-An dont il devint l’économe tout en donnant des cours de dogme aux séminaristes. Sa charge d’économe l’obligea à s’initier aux caractères chinois pour pouvoir tenir la comptabilité. Malheureusement, au bout de quelques années, le jeune Père Lassalmonie tomba malade et il fallut envisager un retour en France. Il se trouva que le nouvel évêque de Quinhon, Mgr Tardieu, devait se rendre à Paris pour assister à l’Assemblée générale des Missions Etrangères : il emmena le Père avec lui. Sans s’en douter, le Père Lassalmonie quittait sa mission pour toujours.
En France
Cette année 1930 vit la décision de l’Assemblée générale d’ouvrir en France des petits séminaires : véritable événement pour la Société qui, jusque là, se recrutait uniquement dans les grands séminaires diocésains ou parmi les séminaristes qui avaient terminé leurs études secondaires. Une maison, précédemment occupée par les Pères Lazaristes, se trouvait en vente à Beaupréau dans le Maine-et-Loire. Elle fut achetée et le P. Davias fut rappelé du grand séminaire de Penang, en Malaisie, pour la diriger. Quant au Père Lassalmonie, il fut, disait-il avec malice, désigné « pour tenir compagnie au P. Davias ». Les choses allèrent très vite, de sorte que la première rentrée eut lieu dès le mois d’octobre 1931. Il est vrai qu’elle ne comprenait que quatre élèves ; encore allaient-ils suivre les cours au petit séminaire diocésain qui était tout proche du « Pinier ». Pour un début la charge n’était donc pas trop lourde. Il n’en fallait pas moins équiper la maison en prévision de l’avenir. Le Père Lassalmonie, qui avait fait ses preuves comme économe au séminaire de Dai-An, dut donc reprendre le harnais.
En 1935, les élèves étant devenus plus nombreux et le Père Louison, puis quelques temps après, les Pères Alazard et Signoret s’étant joints aux deux premiers « fondateurs », on décida de commencer les cours au Pinier. On devait opérer de façon progressive : d’abord la troisième, puis l’année suivante la seconde, puis la première, enfin la philosophie était prévue pour la rentrée de 1939. Pour parvenir à ce but, le Père Lassalmonie s’était vu confier, en plus de l’économat, les cours de mathématiques et de sciences dans toutes les classes. En outre on devait faire rentrer d’Indochine trois professeurs expérimentés.
L’avenir de Beaupréau semblait donc assuré. Malheureusement la déclaration de guerre faillit tout compromettre. Les Pères Davias et Louison, officiers de réserve, furent mobilisés dès les premiers jours ; le Père Signoret suivit et le Père Lassalmonie, quoique du service auxiliaire, fut appelé lui aussi. Le Père Alazard restait donc seul pour assurer la rentrée d’octobre. Pour comble de difficulté, le bâtiment principal du Pinier était réquisitionné par les services sanitaires de l’armée pour être utilisé comme hôpital complémentaire. Heureusement le Père Lassalmonie fut réformé et put rentrer au bout de huit jours. On décida alors de reloger les élèves comme on pourrait et de les envoyer encore une fois suivre les cours du petit séminaire diocésain. Ce provisoire dura tout autant que « la drôle de guerre ». L’été 1940 vit le déferlement des troupes allemandes à travers la France. Le service sanitaire qui occupait le Pinier n’attendit pas leur arrivée pour s’enfuir en zone dite « libre », tandis que l’armée allemande prenait la succession et s’emparait de l’ensemble des bâtiments. Toutefois, si plusieurs détachements se succédèrent au Pinier, ils ne firent que passer de sorte qu’en octobre 1940 la maison était à nouveau libre pour accueillir les élèves et les professeurs.
C’est dans ces circonstances mouvementées que le Père Lassalmonie manifesta toutes ses qualités de savoir-faire. L’ameublement qui n’était pas immédiatement nécessaire était retiré et camouflé dans les fermes des environs, tandis que des provisions, habilement rassemblées en vue d’années difficiles, étaient remisées en lieu sûr.
Grâce à ces précautions et au retour des Pères Davias et Louison auxquels étaient venus s’adjoindre le Père Gratuze et trois jeunes, les Pères Choimet, Lagrange et Béliard, les classes purent reprendre normalement. Pendant deux ans, ce fut le calme. Par l’arrivée de nouveaux maîtres et de nouveaux élèves, la maison augmentait même ses effectifs. Quant au Père Lassalmonie, toujours débrouillard, il avait fait installer un puissant fourneau électrique pour suppléer à la disette de charbon et, grâce à ses relations, il pouvait continuer à assurer à la communauté un ravitaillement convenable.
Durant l’été de 1942, nouvelle alerte : les troupes allemandes revenaient et cette fois semblaient vouloir s’installer pour de bon. A la nouvelle rentrée, il fallut, ce qui était devenu maintenant une habitude, faire appel à l’hospitalité du petit séminaire diocésain. L’ensemble des élèves et une partie des professeurs y prenaient pension, tandis que les autres devaient trouver un logement en ville. Quatre d’entre eux, dont le Père Lassalmonie, se virent offrir par une famille angevine sa petite villa de campagne.
Mais tous les soucis et toutes les préoccupations matérielles retombaient sur l’économe. Aussi, lorsqu’en 1943, les troupes allemandes, pressées de se rendre sur d’autres fronts, quittèrent brusquement le Pinier, le Père Lassalmonie, fatigué, ne voulut pas prendre sur lui la responsabilité d’un nouveau réaménagement avec tous les travaux de nettoyage que cela supposait. Sollicité de divers côtés, le Père Gratuze se résigna à prendre la succession, sur la promesse que le P. Lassalmonie lui assurerait le concours de son expérience et le mettrait en relation avec les fournisseurs. La promesse fut tenue avec un renoncement remarquable. On voyait ainsi souvent, le jeudi, les deux économes partir au ravitaillement avec une fourgonnette qui ne manquait pas à l’occasion de protester à sa façon contre le carburant de fortune qu’on lui imposait de digérer ou les mauvais pneus dont elle était chaussée. Un jour même, on vit la dite fourgonnette couchée sur le flanc en travers de la route avec deux barriques de vin et les deux économes à l’intérieur. Le soir, les récits des aventures de la journée, mises en valeur par le Père Lassalmonie, égayaient la communauté.
Cependant les bombardements alliés devenaient de plus en plus fréquents au nord de la Loire. Dès l’hiver 1943, le collège St-Stanislas de Nantes, puis à Pâques 1944, le collège de Lannion dans les Côtes-du-Nord, nous demandèrent de recevoir une partie de leurs élèves avec leurs professeurs. Il fallut se serrer, improviser des installations de fortune, multiplier les expéditions pour pourvoir au ravitaillement. Mais tout le monde s’y mettait et jamais la bonne entente et la gaieté n’avaient été plus grandes au Pinier que pendant ces quelques mois difficiles. Le soir, le corps professoral des diverses maisons se donnait souvent rendez-vous chez le Père Lassalmonie. Des projets les plus abracadabrants voyaient le jour dans ces réunions, tel que celui d’une pêche au brochet sous les bombardements dans quelque étang du nord de la Loire. Les paris surtout allaient bon train.
La libération vint enfin, la dispersion aussi. Petit à petit, parfois après de longs mois, chacun rentrait chez soi. La rentrée de 1945 n’eut lieu qu’au mois de décembre. Mais cette fois ce fut le nouvel économe qui flancha. Heureusement il avait comme voisin de chambre le Père Lassalmonie et, la nuit, lorsque les crises devenaient trop aiguës il tapait à la cloison et le Père Lassalmonie venait lui apporter le réconfort d’une présence amicale, plus efficace que tous les remèdes.
Dès lors, les années se succédèrent. La maison du Pinier avait désormais toutes les classes depuis la sixième, mais la vieille équipe s’était dispersée. Le Père Alazard avait été appelé à diriger le séminaire de Bièvres, le Père Louison était parti en Lorraine remettre sur pied le petit séminaire de Ménil-Flin et finalement, en 1949, le Père Davias lui-même céda sa place au Père Tourte. Ce fut à cette époque que le Père Lassalmonie se posa la question d’un retour dans son ancienne mission. Il en écrivit à son évêque, mais en haut lieu on jugea que sa présence était plus utile à Beaupréau qu’en mission. Il continua donc ses cours de mathématiques et de sciences, tandis que des professeurs rappelés de mission tels les Pères Massiot, Cressonnier et Pencolé venaient relever les jeunes qui désormais pouvaient réaliser leur rêve d’apporter l’évangile à l’Asie.
Dans les années qui suivirent, il se produisit un chassé-croisé de professeurs qui ne facilitait pas la répartition des cours. Le Père Lassalmonie, qui n’avait plus désormais à s’occuper du matériel, acceptait alors volontiers d’ajouter à ses cours habituels des cours secondaires où il trouvait matière à de nouvelles découvertes. Avec le temps cependant les professeurs vieillissaient et il devenait de plus en plus difficile de les remplacer. Les vocations, elles aussi, se faisaient plus rares. Un jour arriva où le Père Desroches, qui depuis un an avait pris la succession du Père Tourte comme supérieur, eut la pénible mission d’annoncer que le Pinier ne rouvrirait plus ses portes à la rentrée prochaine. C’était en 1961. Cette décision fut durement ressentie par les élèves et ceux des professeurs qui, comme le Père Lassalmonie, avaient consacré le meilleur de leur vie au maintien et à la prospérité de l’établissement.
Le Père Lassalmonie ne devait pas cependant quitter immédiatement Beaupréau. Son esprit pratique, les nombreuses relations qu’il avait dans le milieu bellopratin devaient faciliter le passage des bâtiments et de la propriété à un autre établissement scolaire comme le désirait la population. Il resta donc à Beaupréau jusqu’en septembre 1962.
A la rue du Bac
Appelé alors à la rue du Bac, il fut affecté à l’administration de la revue des Missions Etrangères dont il assurait le routage. Il n’était cependant pas tellement occupé qu’il ne fût toujours prêt à accueillir les anciens de Beaupréau, professeurs ou élèves, leur rendre les petits services dont ils avaient besoin et, à l’occasion, leur faire connaître les dernières nouvelles. Mais sa santé baissait progressivement. Il eut des ennuis avec sa vue, puis sa démarche devint plus lourde ; seul son esprit restait toujours aussi vif.
En 1974, il fut invité à se retirer à Lauris. Il n’était cependant pas l’homme à rester enfermé dans sa chambre. Il cherchait toutes les occasions de faire des remplacements, en attendant d’avoir trouvé quelque petit ministère à la mesure de ses forces. C’est ainsi que de février à septembre 1975 il remplaça le Père Valour comme aumônier des Frères de N.-D. de La Blache. Si nous en croyons le témoignage des Frères, il eut vite fait de conquérir la sympathie générale par sa simplicité, son attention aux personnes et l’intérêt qu’il portait aux travaux des Frères. Selon son habitude, il ne négligeait pas les personnes âgées du voisinage qu’il aimait à visiter.
Au printemps de 1976 il revint à Paris pour une visite médicale, une visite de routine. En fait ce devait être sa dernière visite à la Rue du Bac. Brusquement, un beau matin, ses confrères s’aperçurent qu’il faisait un accès de jaunisse. Le docteur, prévenu, jugea le transfert en clinique nécessaire. Une intervention chirurgicale fut pratiquée. Elle révéla que, non seulement le foie était affecté mais que le pancréas était atteint d’un cancer. On lui donnait de trois à six mois de vie. Comme d’habitude on cacha la vérité au malade. Il fut alors transporté à Montbeton pour y recevoir tous les soins nécessaires. Fallait-il le laisser dans l’incertitude ? C’est la question que se posa tout de suite le supérieur de Montbeton. Après bien des hésitations, un de ses amis, le Père Rouhan, se décida à lui dire toute la vérité. Le Père Lassalmonie répondit à cette franchise par une force d’âme qui étonna tous ceux qui le connaissaient. Du témoignage du Père Rouhan lui-même, le Père reçut la nouvelle de sa mort prochaine comme s’il était question d’un autre. Quelques jours plus tard, un de ses vieux compagnons de Beaupréau lui écrivit un court billet pour l’assurer de sa sympathie. Il répondit par une longue lettre tapée à la machine dans laquelle il exposait son état avec une précision de clinicien et concluait par cette simple phrase : « J’attends que Dieu veuille bien m’appeler ». Puis comme s’il avait déjà trop parlé de lui-même, il passait aux nouvelles des confrères de Montbeton, tout particulièrement de ceux qui étaient les plus atteints. Une seule chose l’avait ému, ce sont les visites que lui avaient faites, « à deux reprises », souligne-t-il, les curés de Brigueil, Lesterps et Montrollet. « Ils ont fait chaque fois, ajoutait-il, 300 kilomètres pour venir me voir ». Ce ne seront d’ailleurs pas les seuls à venir à Montbeton pour lui manifester leur sympathie dans ces heures difficiles. Ses connaissances et anciens fournisseurs de Beaupréau, eux aussi, vinrent de plus loin encore pour lui rendre une dernière visite, démontrant ainsi les solides amitiés qu’il avait su susciter partout où il était passé.
Pendant plus de cinq mois, de juillet à décembre, il continua à mener sa vie comme si de rien n’était, faiblissant de jour en jour. Il put concélébrer tous les matins jusqu’au 15 décembre, d’abord debout, puis assis. A la fin, il devint si faible qu’il ne pouvait plus faire entendre sa voix. La veille de sa mort, le Père Lehmann étant allé lui faire une visite, il ne put lui répondre, mais, prenant sa main, il la baisa en signe de remerciement. Le jour de Noël, un confrère vint célébrer la messe dans sa chambre ; il put communier sous les deux espèces, puis, à trois heures de l’après-midi, il s’éteignit après une brève agonie.
Le Père Lassalmonie laisse à tous ceux qui l’ont connu durant sa vie le souvenir d’un confrère enjoué et serviable, toujours fidèle à son devoir, mais il ne donna toute sa vraie mesure que durant les derniers mois de sa vie. Il apparut alors comme l’étonnant exemple d’une parfaite sérénité
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Références
[3261] LASSALMONIE Martial (1901-1976)
Références bibliographiques
AME 1924 p. 236. 1940 p. 57. CR 1924 p. 137. 1931 p. 271. 1936 p. 239. 1939 p. 216. 1940 p. 115. 1949 p. 150. 1954 p. 85. 1968 p. 71. 1969 p. 168. 1974-76 p. 263. BME 1924 p. 612. 803. 808. 1925 p. 54. 642. 1929 photo p. 454. 1930 p. 499. 817. 1931 p. 929. 1932 p. 949. 1933 p. 395. 1934 p. 367. 1935 p. 600. 1936 p. 537. 671. 845. 1939 p. 881. 1940 p. 67. EPI 1962 p. 945. R.MEP n° 119 p. 46. 124 p. 43. EC1 N° 65. 201. 223. 230. 285. 335. 341. 363. 364. 365. 409. 410. 440. 446. 703. 720. 729. 775. NS 1P2. 38P35. 39P77. 41P139. 79P303. 88P242. 104/C2. 98P212. MEM 1976 p. 62.