Clovis MAINIER1909 - 1983
- Statut : Prêtre
- Identifiant : 3537
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Identité
Naissance
Décès
Missions
- Pays :
- Birmanie
- Région missionnaire :
- 1935 - 1983 (Mandalay)
Biographie
[3537] MAINIER Clovis, Jules, Marie naquit le 9 mai 1909, au petit village du Bizot, diocèse de Besançon, département du Doubs. Ses parents étaient agriculteurs; mais il devint orphelin de bonne heure; son père, soldat de l'armée d'Orient, mourut en Serbie en 1916, et sa mère Thérèse Cressier décéda en avril 1918. L'Abbé Louis Mainier le prit en charge ; au Russey, sa tante Léa Mainier veilla sur lui avec une sollicitude toute maternelle. Après ses études primaires au Bizot et au Russey, il parcourut le cycle des études secondaires au petit séminaire de Maîche.
Le 25 juin 1928, M. Clovis Mainier fit sa demande d'entrée au séminaire des Missions Etrangères; arrivé à Bièvres le 7 septembre 1928, pendant trois ans, il fit sa philosophie et commença la théologie. Il partit alors au service militaire. En octobre 1932, il entra au séminaire de la rue du Bac. Sous-diacre le 2 juillet 1934, diacre en décembre 1934, ordonné prêtre le 7 juillet 1935, et ce même soir, il reçut sa destination pour le vicariat apostolique de Mandalay (Birmanie) qu'il partit rejoindre le 15 septembre 1935. Il s'embarqua à Marseille, le 20 septembre 1935. Son cousin Louis,Marie, François Mainier avait reçu sa destination pour le Laos, le 9 février 1933.
Dès son arrivée en Birmanie, M. Clovis Mainier se mit à l'étude de l'anglais et du birman. Après quelques mois passés à l'évêché, il fut envoyé à une soixantaine de milles au nord de Mandalay, au village chrétien de Chaung-Yo, dans le district de Shwebo; il y acquit une bonne connaissance du birman qu'il parlait avec aisance et qu'il lisait et écrivait correctement.
A la mi-novembre 1938, avec son socius, le P. Moïse U-Ba-Khin, qui deviendra archevêque de Mandalay, en novembre 1965, M.Clovis Mainier prit en charge le nouveau poste missionnaire de Taung-Dwingyi, à 300 kms de Mandalay, chez les chins birmanisés de la plaine, dans la partie sud-ouest du vicariat. Installé dans une hutte de bambou, il rayonna dans tous les villages des alentours. En 1939, un ancien bonze blâmé par ses confrères" vint chez lui pour étudier la religion chrétienne. Puis, en février 1939, dans un long voyage d'exploration vers le nord, il accompagna Mgr. Falière qui installa deux catéchistes à Tonzang.
En juillet 1940, M. Ghier dont la santé n'était plus très bonne, résigna les charges de procureur de la Mission et de provicaire. M. Clovis Mainier prit la succession en ces deux fonctions. En 1941, à son travail ordinaire, il ajouta celui de Superintendant de la léproserie St. Jean de Mandalay, située à 5 kms de l'évêché. Il le resta jusqu'à la nationalisation de celle-ci en 1965. Il sût faire preuve de doigté, de compétence, de patience et de fermeté pour diriger cet établissement de cinq cents malades; C'est là que pendant l'occupation japonaise de mai 1942 à la mi-mars 1945, furent concentrés tous les missionnaires catholiques de la Haute Birmanie. M. Clovis Mainier accomplit des prodiges d'audace pour les ravitailler. Autorisé par les japonais à résider à Mandalay, il visitait souvent les pauvres, et même comme Tobie, enterrait discrètement les morts.
Le jour du Vendredi Saint 1942, Mandalay bombardée par l'aviation japonaise reçut une véritable pluie de feu. Tout un quartier de la ville, l'évêché et la cathédrale furent incendiés. M. Mainier ne réussit à sauver que la Sainte Réserve. Au soir de ce jour, Mgr. Falière et son procureur trouvèrent refuge chez les Soeurs de St. Joseph de l'Apparition, puis, les autorités japonaises le permettant, ils restèrent à Mandalay où, d'une vieille maison birmane appartenant à la mission, ils firent leur résidence: l'evêque à l'étage, le procureur dans un grand couloir obscur qui devint à la fois son bureau, son magasin et sa chambre.
La guerre finie, il releva les ruines de la mission. En 1946, pendant une dizaine de jours, malgré l'insécurité, il visita les postes missionnaires établis sur les montagnes chins du sud, et un peu plus tard, ceux des chins hills du nord ravagés par la guerre. Du 1er avril au 22 mai 1951, délégué par Mgr. Falière, il fit la visite pastorale des chrétientés chins du sud; à Mindat, à 400 kms au sud ouest de Mandalay, il confirma 56 nouveaux chrétiens.
Nommé supérieur local, le 3 mars 1953, pour tous les confrères de Haute Birmanie, il fut reconduit plusieurs fois dans cette charge. Peu après, il fit une tournée de près de deux mois sur les montagnes chins du nord. Fatigué, il rentra en France où il arriva le 29 mai 1953; reparti par avion le 31 août 1953 vers Mandalay, il reprit ses occupations habituelles.
En 1955, la hiérarchie catholique fut établie en Birmanie. Mgr. Falière devint archevêque de Mandalay, et M. Clovis Mainier son vicaire général. En 1959, chez les Chins du nord, le dimanche de Quasimodo, il bénit la nouvelle église de Saïzang, village où il était passé avec son évêque, vingt ans auparavant. Outre son travail ordinaire, il assura un remplacement à la paroisse St.François-Xavier, et fut, pendant un temps curé de la cathédrale.
En 1961, Mgr. Falière, cinquième et dernier évêque français de Mandalay se retira; il remit l'archidiocèse entre les mains de Mgr.U Win, premier archevêque birman de Mandalay. Ce dernier et ses successeurs confirmèrent jusqu'à sa mort, M. Clovis Mainier dans la charge de vicaire général. Cheville ouvrière de la mission, il aurait été, en d'autres temps, l'évêque auxiliaire et successeur de Mgr.Falière. Il accepta de seconder les trois archevêques birmans successifs de Mandalay; procureur du diocèse, aumônier du couvent et de l'école Saint Joseph, confesseur à la cathédrale, et administrateur de la léproserie, il s'acquitta de toutes ces tâches, à la satisfaction de tous .
Le 1er janvier 1967, M. Clovis Mainier devint conseiller régional, le départ obligé de 28 jeunes missionnaires en 1966, ayant conduit à réunir en une seule région les communautés missionnaires de Rangoon et de Mandalay. Il assura le lien avec Paris et Hong-Kong. Cette même année, la léproserie étant nationalisée depuis 1965, et pour pallier au manque de prêtres, il fut nommé curé de la paroisse birmane Saint Michel à Tan-Win, un bas quartier très pauvre de la ville de Mandalay et chargé de la desserte d'Amarapura; il garda sa résidence à l'évêché où il s'occupait de la procure et de l'accueil. En 1979, il choisit de prendre la nationalité birmane.
En mai 1981, un immense incendie ravagea en totalité le quartier de Tan-Win, n'épargnant que l'église et le presbytère de la paroisse St.Michel. Du jour au lendemain, il eut le souci de reloger et d'aider des milliers de sinistrés. Ce fut pour lui une immense douleur. Mais il eut aussi une très grande joie, celle de recevoir, à la fin mars 1982, les membres de sa famille venus à Mandalay pour le voir et lui porter de l'aide.
En octobre 1982, M. Clovis Mainier dut se résoudre à entrer en clinique, à Mandalay. C'est là qu'il décéda paisiblement le 15 janvier 1983. A la grande fatigue du coeur, était venu s'ajouter un cancer du poumon. Son corps fut transporté à l'évêché et exposé dans la grande salle du rez-de-chaussée. Les prêtres du diocèse se trouvant tous réunis à Mandalay pour la retraite annuelle, la messe des funérailles fut une concélébration grandiose, dans une cathédrale comble. Puis, une longue procession à travers les rues de la ville accompagna M. Clovis Mainier jusqu'au cimetière où lui-même, quinze ans plus tôt, avait conduit Mgr.Falière, son évêque.
Nécrologie
Le Père Clovis MAINIER
Missionnaire de MANDALAY
1909 - 1983
MAINIER Clovis
Né le 9 mai 1909 au Bizot, diocèse de Besançon, Doubs
Entré aux Missions Etrangères le 7 septembre 1928
Prêtre le 7 juillet 1935
Parti pour Mandalay le 15 septembre 1935
En Mission : 1935-1983
Étude de la langue : 1936-1937
En paroisse : 1937-1939
Procureur : 1940-1983
Provicaire : 1945-1955
Vicaire général : 1955-1983
Décédé à Mandalay le 15 janvier 1983
Voir carte nº 5
Enfance et jeunesse
Clovis Mainier naquit le 9 mai 1909, au petit village du Bizot, diocèse de Besançon. Il fut orphelin de bonne heure. Son père mourut en Serbie en 1916 et il perdit sa mère en avril 1918. Il fut recueilli par sa famille ; c’est surtout l’abbé Louis Mainier qui le prit en charge. Sa tante Léa veilla toujours sur lui avec une sollicitude toute maternelle.
Après ses études primaires au Bizot et au Russey et ses études secondaires au petit séminaire de Maîche, il entendit l’appel du Seigneur à l’apostolat en mission lointaine. Pourvu des autorisations nécessaires, il fit, le 25 juin 1928, sa demande d’entrée au séminaire des Missions Etrangères de Paris. Sa démarche était accompagnée d’une lettre élogieuse du supérieur du petit séminaire de Maîche ; aussi fut-il admis sans délai.
Le 7 septembre 1928, il entrait donc au séminaire de Bièvres, où pendant trois ans il étudia la philosophie et la théologie, pour se préparer à la vie missionnaire. Il fit ensuite son service militaire. En octobre 1932, il entrait au séminaire de la rue du Bac. Il y fut ordonné prêtre le 7 juillet 1935. Le soir même, il recevait du P. Robert sa destination pour la Mission de Mandalay, en Haute-Birmanie. Il quitta la France le 15 septembre 1935 et après quatre semaines de bateau, il arrivait en Birmanie, où allait se dérouler toute sa vie missionnaire, soit 43 années de service entièrement consacré au Christ et à son Église.
Initiation et première mission
Comme tout nouveau missionnaire arrivant à Mandalay, Clovis Mainier se mit immédiatement à l’étude de l’anglais et du birman, langues indispensables au travail missionnaire en ce pays plus grand que la France. Après quelques mois à l’évêché, il fut envoyé à 150 km plus au Nord, au village chrétien de Chaungyo, où on ne parlait que birman. Ce fut son école de langue. Il y séjourna un an ; il y acquit une bonne connaissance du birman qu’il parla toujours avec aisance et qu’il lisait et écrivait correctement.
Fort de cette préparation, il fut ensuite choisi par Mgr Falière pour aller implanter l’Église dans la partie Sud-Ouest de ce vaste diocèse de Mandalay. Dans le district de Taungdwingyi, l’évêque avait appris qu’une bonne partie de la population était d’origine Chin. Les Chins — sans doute plus de 700.000 — vivent surtout sur les montagnes qui portent leur nom, entre la Birmanie et l’Inde. Mais depuis des siècles, nombre de Chins étaient descendus s’installer dans la vallée de l’Irrawaddy, au milieu de Birmans bouddhistes. Ils y étaient restés plus ou moins fidèles à leur langue et à leurs croyances animistes, ce qui les rendait plus accessibles au christianisme. Mgr Falière voulut donc en profiter.
Accompagné d’un catéchiste expérimenté, le P. Mainier alla donc s’installer là-bas, au petit village de Nyaungbintha, dans une pauvre hutte de bambou. Il rayonnait de là dans tous les villages des alentours, apprenant à connaître ses ouailles et commençant à les évangéliser. Il était heureux d’être missionnaire en brousse.
Au terme de deux années d’un dévouement inlassable, il commençait à percevoir les premiers fruits de son labeur, quand son évêque l’appela soudain à une toute autre mission. Le vieux P. Ghiers, procureur, était mort et il fallait le remplacer. Pour le jeune P. Mainier, ce fut un gros sacrifice. Mais un missionnaire doit être un instrument souple dans la main du Seigneur. Notre Clovis accepta donc, et avec le sourire comme toujours.
Procureur
Sa vie de procureur du diocèse de Mandalay, de 1940 à 1983, peut se résumer en quelques mots : soumission inconditionnelle à ses supérieurs, travail méthodique acharné, discrétion absolue, impartialité à toute épreuve et, au demeurant, beaucoup de simplicité, de bonhomie, de jovialité et de sens pratique.
Ainsi a-t-il utilisé de nombreuses années une vieille machine à écrire Underwood, qu’il avait rachetée pour 1 kyat (un franc environ) à un gamin de Mandalay qui l’avait sans doute pillée dans une maison en ruines pendant la guerre. Cette guerre, avec de terribles bombardements, l’avait contraint à se réfugier — avec son évêque — dans une vieille maison birmane qui appartenait à la mission. L’évêque s’était installé à l’étage ; le P. Mainier se contenta joyeusement d’un grand couloir obscur dont il fit tout à la fois son bureau, son magasin et sa chambre. Cela dura plus de 10 ans. Il s’est traité là, dans la plus grande simplicité, des affaires de haute importance, peut-être plus qu’en maintes chancelleries d’évêché en France. Dans ce réduit, combien n’a-t-il pas entendu de confidences !
Quand, en 1954, Mgr Falière consulta ses prêtres en vue de l’élection d’un évêque auxiliaire, tous auraient voulu choisir le P. Mainier, les prêtres autochtones surtout. Mais il leur fut révélé que Rome désirait un prêtre du pays. C’est ainsi que le P. Joseph U Win, alors curé de la cathédrale, fut élu et consacré. Il était le premier évêque birman dans l’histoire de l’Église. Il deviendra plus tard archevêque de Mandalay quand Mgr Falière dut se retirer en 1961.
Intendant de la Léproserie
La Léproserie Saint-Jean, située à 5 km du centre-ville et de l’évêché, hébergeait alors et soignait environ 500 lépreux, hommes, femmes et enfants. C’était un ensemble imposant, « la plus belle léproserie du monde » au dire de Raoul Follereau. Quand le P. Marcellin Collard — qui en avait assumé la direction plus de 20 ans — dut prendre un ministère moins lourd à Mogok, en 1941, c’est le P. Clovis Mainier, déjà procureur du diocèse, qui en fut nommé « Superintendant » (comme on dit en anglais). Et il le resta jusqu’à la nationalisation de cet établissement en 1965, mis à part le court intérim du P. Blondeau.
Plusieurs fois par semaine, pendant 25 ans, il arrivait de l’évêché pour tout contrôler, depuis l’admission de nouveaux malades, jusqu’à l’inscription des décès et surtout la situation financière de la léproserie ; car, si le fondateur avait laissé un capital en banque, et si les municipalités dont relevaient les malades fournissaient leur quote-part, encore fallait-il gérer habilement tout cet avoir et le faire fructifier. Nourrir, vêtir, soigner 500 lépreux, n’est pas une mince affaire. Au demeurant, ce petit monde était pris en charge d’abord par une trentaine de religieuses FMM, aidées de plusieurs domestiques. Mais le P. Mainier devait veiller à tout. Quand il en avait terminé avec les questions administratives, il rallumait son éternel cigare et, à grandes enjambées, il partait visiter les malades dans leurs « wards » (maisonnées de 50 lits). Il visitait de même la prison — il y en avait une à l’intérieur de la léproserie — l’école, les magasins, les cuisines. Il terminait toujours sa ronde par une visite à la chapelle, où bien souvent des pauvres lépreux l’attendaient pour se confesser. Puis il rentrait vite à l’évêché pour le repas de midi. Le P. Mainier a beaucoup conduit, toutes sortes de véhicules, sans jamais un seul accident. Jamais il ne démarrait sans avoir fait le signe de la croix. Il roulait vite, mais il était très prudent.
La guerre
Les Japonais occupèrent la Birmanie pendant trois ans et demi, jusqu’en août 1945. Au cours d’un terrible bombardement de Mandalay, qui détruisit l’évêché, le presbytère et tout un quartier de la ville, le P. Mainier, voyant le feu prendre à la cathédrale, s’y précipita pour sauver ce qu’il pouvait. Dans sa piété, il voulut d’abord consommer la Sainte Réserve ; or, deux gros ciboires avaient été consacrés le matin même. Il crut bien faire de courir les porter jusqu’en l’église de la paroisse voisine de Tan Win. Quand il revint, une demi-heure plus tard, de la sacristie et de ses trésors, il ne restait plus rien. De la cathédrale elle-même, il ne restait plus que la tour privée de son clocher, où se perchèrent pendant des années les vautours « chargés » de la voirie de Mandalay.
A cause de ce sinistre, il fallut donc se reloger ailleurs tant bien que mal. Ce fut d’autant moins difficile que, du monde ancien, il ne restait rien ; même pas les archives les plus précieuses. La cathédrale sera reconstruite une dizaine d’années plus tard, ainsi que le nouveau presbytère, par le P. Joseph U Win ; l’une et l’autre moins beaux qu’avant, hélas ! Le P. Mainier eut, plus tard encore, à superviser la construction du nouvel évêché-procure : Mgr Falière et lui-même ne se trouvaient finalement pas si mal dans leur vieille maison birmane ; mais le Nonce apostolique exigea la reconstruction d’un évêché. Ainsi le P. Mainier finit par avoir un bureau convenable, un magasin spa¬cieux, et sa chambre à l’étage ; ce qui n’était pas du luxe dans le climat de Mandalay.
Revenons en arrière. A l’arrivée des Japonais, en mai 1942, tous les Anglais et leurs amis avaient fui vers le Nord et vers l’Inde. Tous les missionnaires catholiques étaient demeurés à leur poste. Les nouvelles autorités consentirent à laisser chez eux l’évêque, son procureur, le curé de la cathédrale et le P. Cassan descendu de Maymyo. Tous les autres missionnaires furent concentrés à la Léproserie Saint-Jean ; y compris les Pères irlandais de la mission voisine de Bhamo. Le P. Mainier, trois ans durant, dut accomplir des prodiges d’audace et de débrouillardise pour les ravitailler.
Sa haute silhouette, drapée d’une fine soutane noire, semble en avoir imposé aux Japonais, même aux policiers du Kempetai. Il réussit maintes fois à obtenir d’eux vêtements et nourriture, apparemment prélevés sur leurs stocks militaires. C’est ainsi que, longtemps après la guerre, ses confrères des Chin Huis pouvaient encore se couvrir en hiver avec des vestes de l’armée japonaise.
Autorisé à circuler en ville, il en profitait pour visiter les pauvres gens et les réconforter, ou encore pour emporter leurs morts et aller les enterrer. Plusieurs fois, il prit le bus, tomme tout le monde, avec un gros paquet sous le bras ; c’était, à l’insu de tous, un cadavre, qu’il emportait discrètement au cimetière, à 3 km plus loin, à la manière de Tobie.
L’Après-guerre
La victoire finale des armées anglo-américaines ramena peu à peu la paix, sinon la sécurité. Alors commença une réorganisation générale, mais au milieu des ruines, et avec des moyens dérisoires. Les pasteurs voulaient reprendre contact avec leurs ouailles, dont ils étaient généralement sans nouvelles depuis quatre ans. Grâce à une jeep prêtée par un musulman, Mgr Falière put entreprendre une première tournée de son diocèse. Le P. Mainier fut le premier, en 1946, à se lancer dans un voyage périlleux de dix jours, pour aller visiter et réconforter les Pères Couard et Fournel sur les montagnes Chin du Sud. Il ira de même, un peu plus tard, visiter les Pères Blivet et Moses dans leurs missions ravagées des Chin Hills du Nord. Ce même P. Moses sera le deuxième archevêque birman de Mandalay, Mgr Moses U Ba Khin, en 1965.
On ne peut qu’admirer le courage indomptable, le dévouement constant, le mépris du danger et l’inépuisable charité du P. Clovis Mainier en ces temps dramatiques. Dieu était son soutien. Sa santé demeura solide et sa bonne humeur constante. Très humain, il eut souvent peur, comme tout le monde, mais jamais il n’a cédé à la panique. Son sens du devoir et sa foi religieuse, joints à une volonté de fer et à une prudence jugée parfois excessive, lui permirent de sortir toujours au mieux des pires difficultés.
Vicaire général
Quand, en 1955, la hiérarchie fut établie dans la jeune Église de Birmanie, Mgr Falière devint archevêque, et le P. Mainier devint son Vicaire général. Et Vicaire général il restera — en plus de toutes ses autres fonctions — jusqu’à sa mort, tour à tour sous quatre archevêques. Il aura marqué l’Église dans tout le diocèse de Mandalay plus qu’aucun autre, évêques y compris.
A ses multiples charges, le P. Mainier dut encore en ajouter d’autres, à l’occasion, pour des remplacements. Ainsi s’occupa-t-il quelque temps de la paroisse de Saint-François-Xavier. Puis il fut, un temps, curé de la cathédrale. Et ces dernières années, il était curé de Tan Win, paroisse dédiée à saint Michel.
Le P. Mainier a toujours aimé l’apostolat direct. Sa grande joie était de faire le catéchisme aux enfants ; il faisait mine de les gronder, mais combien il les aimait ! Et combien il déplora les tracasseries que lui imposait le pouvoir civil après l’indépendance, quand les agents du Gouvernement s’ingéniaient à mobiliser la jeunesse, le dimanche, pour l’éloigner de l’Église.
Incendie de Tan Win
Depuis le départ, en 1966, des plus jeunes missionnaires — tous ceux qui étaient arrivés en Birmanie après l’indépendance et dont le Gouvernement n’avait pas voulu renouveler les visas — pour pallier au manque de prêtres, le P. Mainier était donc devenu curé de Tan Win, tout en gardant sa résidence à l’évêché. Tan Win est un bas-quartier de la ville de Mandalay, souvent exposé aux inondations quand montent les eaux de l’Irrawaddy. Là s’entassent des milliers de pauvres gens, le plus souvent dans de très pauvres huttes de bambou. En mai 1981, par plus de 40o à l’ombre, un immense incendie éclata, qui ravagea en quelques heures toute cette partie de la ville. Du jour au lendemain, il fallut reloger, vaille que vaille, des milliers de sinistrés. Beaucoup furent entassés dans la cathédrale et ses dépendances. Pour leur Père, Clovis Mainier, ce fut une immense douleur. Deux ans après, la reconstruction de Tan Win est à peine commencée.
Supérieur local
Avec la création de la hiérarchie catholique dans les Missions d’Asie et la nouvelle organisation de la Société des Missions Étrangères, le P. Mainier fut élu Supérieur local pour tous les confrères de Haute-Birmanie. Ses confrères, il les aimait et il les aidait de son mieux. Il fallait le voir, présidant au chargement de leurs bagages sur les camions ou les bateaux, pour le retour aux Chin Hills après la retraite annuelle.
Plusieurs fois, il eut la joie de les visiter sur les montagnes. Il pouvait marcher, par monts et par vaux, des jours durant, avec une endurance étonnante. D’ailleurs, même à Mandalay, il marchait beaucoup pour aller faire ses emplettes au bazar, mais aussi, tous les soirs, à grandes enjambées devant la cathédrale, en récitant son chapelet. Juste et impartial avec tout le monde, il accordait en privé la préférence à ses frères missionnaires. Les prêtres autochtones l’aimaient tous.
A l’égard des religieuses, de différentes congrégations, il sut rester impartial et également charitable tout en maintenant d’ailleurs une certaine distance.
Maladie et mort
Vivre près de cinquante ans dans le climat de la plaine de Birmanie, c’est un exploit. D’autant plus qu’il n’y jouit jamais du confort moderne. Il fut longtemps sans eau courante et sans électricité. Pour les missionnaires de brousse, les conditions de vie étaient encore plus dures.
Depuis 1979, on remarquait que le bon P. Clovis s’essoufflait et a qu’il paraissait souvent fatigué, épuisé même. Mais il refusait d’aller prendre du repos, à Maymyo, par exemple, où il aurait pu jouir d’une certaine fraîcheur. Sa volonté le tenait debout ; sa charité l’aiguillonnait ; ses siestes ne duraient pas longtemps. En octobre 1982, il lui fallut se résoudre à entrer en clinique. Il fut très bien soigné. Mais le mal s’avérait incurable ; outre la grande fatigue du cœur, il eut un cancer du poumon.
Il eut encore la joie de revoir son confrère, le P. Joseph Muffat, descendu des montagnes Chin pour la retraite annuelle du clergé. Pendant huit jours, il eut sa visite quotidienne. Son confrère lui lisait les lettres qui lui parvenaient et qu’il ne pouvait plus déchiffrer. Il revit aussi le P. Caminondo, venu de Hongkong tout exprès. Il expira paisiblement, le 15 janvier 1983.
Son corps fut transporté à l’évêché et exposé dans la grande salle du rez-de-chaussée. Alors commença une sorte de procession, qui dura deux jours, celle de tous ses amis — chrétiens et non chrétiens — qui venaient lui rendre un dernier hommage. Parmi la foule des peti¬tes gens, vint aussi le premier Secrétaire de l’Ambassade de France, accompagné de son épouse. Il apporta une superbe couronne de fleurs au nom de l’Ambassade. Nuit et jour, les chrétiens récitèrent des prières.
Comme en ce mois de janvier 1983 les prêtres du diocèse se trouvaient tous réunis pour la retraite annuelle, la messe d’inhumation du P. Mainier fut une concélébration grandiose. La cathédrale était comble. Tout le monde priait avec ferveur. Puis ce fut la longue procession, à travers les rues de la ville, jusqu’au cimetière où lui-même avait conduit Mgr Falière, 15 ans plus tôt.
« Le P. Clovis a tout laissé à l’archevêque », nous écrit le P. Muffat ; « pauvre il a vécu, pauvre il est parti ». Et le P. Muffat, qui reste désormais l’unique missionnaire français en Haute-Birmanie, d’ajouter : « Ma grande joie à chaque retraite était de revoir Clovis ; j’ai de la peine encore à contrôler mes larmes. »
Voici un extrait de son testament spirituel. « Je laisse ce monde avec l’espoir d’obtenir la récompense éternelle, confiant dans la miséricorde infinie et la bonté de Dieu, sans aucun mérite de ma part, puisque Dieu a fait toutes les bonnes œuvres. Sa grâce m’a été donnée jour après jour. Puisse l’Église, établie par Jésus, s’étendre de plus en plus dans le diocèse de Mandalay et dans toute la Birmanie, où j’ai vécu tant d’années, toujours heureux. Nous nous rencontrerons de nouveau au Ciel. Gardons cette espérance, puisque Jésus est mort sur la Croix pour sauver tous les hommes. Merci à tous et que Dieu vous bénisse ! »
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Références
[3537] MAINIER Clovis (1909-1983)
(3537) MAINIER Clovis, Jules
Notices biographiques. - AME 1935 p. 237. -CR 1935 p. 241. 1938 p. 199. 1939 p. 184-5. 1947 p. 150. 1951 p. 101. 1953 p. 67. 1958 p. 72. 1960 p. 76-7. 1961 p. 80. 1962 p. 92. 1963 p. 97. 1964 p. 65. 1965 p. 122. 1966 p. 169-70. 1967 p. 111-15. 1974-76 p. 177. 1980-1 p. 193. 1982 p. 188-90. - BME 1928 p. 511. 1935 p. 683, 827. 1936 p. 678. 1937 p. 741-2. 1938 p. 63, 349. 1940 p. 144, 217-8, 434, 633, 752. 1941 p. 118, 205, 498. 1948 p. 124-5, 251. 1950 p. 463. 1951 p. 367, 435-6-7, 507. 1953 p. 56, 306, 592-4, 627, 803, 904. 1954 p. 548-54, 702. 1955 p. 1093 ph 623. 1956 p. 178, 287, 792. 1959 p. 362, 647-48. 1961 p. 870. - RMEP 1961 n° 116 p. 10. 1962 n° 121 p. 50. 1965 n° 140 p. 47. 1967 n° 150 p. 26. - EPI 1969 p. 425-44-5, 596, 601. - EC1 n° 318-21, 481, 540-44, 678, 752-55. - EC2 n° 1 p. 4. 2 p. 58. 6 p. 188. 20 p. 182. 28 p. 90-1. 35 p. 279-80. 37 p. 24. 45 p. 293. 54 p. 210-11. 107 p. 150. 110 p. 252-3. 171/C2/435. 173 p. 484. 181 p. 49. 224 p. 17, 21. - HIR n° 116-24-27/8.
Mémorial MAINIER Clovis, Jules, Marie page 3
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